Aperçu historique de la situation socio

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Aperçu historique de la situation socio
Aperçu historique de la situation
socio-politique au Congo
après la guerre du 5 juin 1997
et avant les accords de cessez-le-feu
et la cessation des hostilités du
15 novembre et du 25 décembre 1999
PAUL TCHIGNOUMBA
Conseiller du président de la République du Congo
On ne saurait comprendre les événements tragiques qui se sont déroulés au Congo du 5 juin au 15 octobre 1997,
si l’on ne se reporte pas aux assassinats, puis aux massacres qui ont marqué les premiers mois du mandat présidentiel de Pascal Lissouba. Les uns comme les autres portaient déjà la marque de ce qui allait provoquer les tueries de
Brazzaville cinq longues années plus tard : disparition de l’État de droit, instauration du règne de la violence, décomposition de la Force publique, provocations, meurtres. Tous ces faits laissaient présager la dérive du nouveau régime.
I.– SITUATION POLITICO-MILITAIRE AVANT LA GUERRE DU 5 JUIN 1997
La crise politico-économique qui secoue le Congo a, incontestablement, pour point de départ, la rupture de
l’alliance entre l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) de Pascal Lissouba et le Parti Congolais
du Travail (PCT) de Denis Sassou Nguesso.
« L’accord électoral pour gouverner ensemble » demandé par l’UPADS, a été signé le 11 août 1992, entre le
1er et le 2ème tours de l’élection présidentielle, et après les élections législatives. Il fournissait une majorité parlementaire stable, nécessaire au soutien de l’action gouvernementale issue de cette alliance.
Malheureusement, élu à la Présidence de la République grâce au soutien financier et matériel du président
Denis Sassou Nguesso et aux suffrages du Parti Congolais du Travail (famille politique du président Denis Sassou
Nguesso), le président Pascal Lissouba a décidé avec sa famille politique de gérer le pays sans se référer à l’accord conclu avec le Parti Congolais du Travail.
La rupture de cette alliance a contraint le PCT à conclure un nouvel accord avec Bernard Kolélas, dans le cadre
de l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD), après que l’UPADS et la Mouvance présidentielle eurent
échoué dans la tentative d’une alliance Sud-Sud.
Ce dernier accord URD-PCT et apparentés, donne une nouvelle majorité au Parlement (Assemblée nationale).
Le président de la République, désemparé, décide de la dissolution de l’Assemblée nationale, deux mois seulement après son installation.
L’opposition désavoue cette décision et organise une marche pacifique le 30 novembre 1992, après avoir obtenu
l’autorisation de toutes les autorités compétentes en la matière. Cette manifestation est violemment réprimée par
la garde présidentielle. Bilan : 3 morts et de nombreux blessés.
Entre-temps, le pouvoir en place désorganise la Force publique à dessein et la substitue aux milices privées
formées dans le Niari, la Bouenza et la Lékoumou. Ces trois régions étaient considérées comme fief du président
Pascal Lissouba.
Le 3 novembre 1993, ces milices déferlent sur les quartiers Sud de Brazzaville, notamment Makélékélé et
Bacongo, fief de Bernard Kolélas. La guerre s’installe dans Brazzaville. Bilan : 3 000 morts, de nombreux blessés, destruction massive des biens meubles et immeubles, déplacement de plusieurs dizaines de milliers de personnes chassées pour des raisons ethniques des quartiers où elles vivaient jusqu’alors en bonne intelligence.
Cette première guerre civile prend fin le 30 janvier 1994, lorsque Pascal Lissouba, comprenant que ses milices
se sont enlisées dans un combat sans issue, effectue un retournement spectaculaire et s’allie avec Bernard Kolélas.
L’accord URD-PCT et apparentés prend un coup. Mais aucune des deux parties ne prend la responsabilité de
le dénoncer publiquement.
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Symposium international de Bamako
Après un séjour prolongé en France, le président Denis Sassou Nguesso, rentre triomphalement à Brazzaville,
Bernard Kolélas refuse de l’accueillir.
Denis Sassou Nguesso entreprend, en avril-mai 1997, des tournées au Sud, puis au Nord du pays où un accueil
délirant lui est réservé.
Il convient de signaler que, quelques mois plus tôt, le président Pascal Lissouba avait entrepris lui aussi des
tournées dans le Congo profond, d’où il est rentré sur la pointe des pieds à cause de promesses non tenues.
De plus, les résultats des sondages aux élections présidentielles, sollicités par Pascal Lissouba lui-même à
l’INAFRES (Institut Français de Sondages), donnaient Sassou Nguesso vainqueur dans tous les cas au 2ème tour.
À tous ces faits, s’est ajoutée une crise économique aiguë. Lissouba était disqualifié. Il organise l’assassinat
de Sassou Nguesso à Owando. Sassou Nguesso échappe à l’attentat.
II.– DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE DU 5 JUIN 1997
Le 5 juin 1997, à cinq heures du matin, cinq jours à peine après qu’un accord solennel eut été signé par les responsables politiques congolais sous l’égide du Directeur général de l’Unesco, Frédérico Mayor, et tandis que Brazzaville,
rassurée par cet acte de paix, dort d’un sommeil paisible, une unité composée pour l’essentiel de miliciens armés par
le président en exercice, Pascal Lissouba, encercle la résidence du général Denis Sassou Nguesso, dans le quartier de
Mpila, avec une dizaine de blindés.
Sans la moindre sommation, les blindés ouvrent le feu sur la résidence de l’ancien chef d’État.
Alerté par sa garde personnelle, ce dernier ne se laisse pas intimider. Tandis que les obus s’abattent sur sa maison, il organise sa défense et, fort du soutien de la population accourue en masse sur les lieux dès le début de l’agression, repousse les agresseurs.
Ainsi commence la seconde guerre du Congo ; dite guerre du 5 juin 1997, après celle de Bacongo et Makélékélé.
Elle durera quatre mois et demi.
Devant cette situation, Bernard Kolélas, alors président de l’Opposition – du moins officiellement – s’autoproclame médiateur, pour tenter selon lui de ramener la paix dans le pays.
Sur le terrain, la situation militaire empire. Les forces gouvernementales bombardent les quartiers Nord de
Brazzaville, notamment Poto-Poto Moungali, Ouenzé et Tala-Ngai, en utilisant les BM2 et les hélicoptères de combat.
La médiation nationale dirigée par M. Bernard Kolélas montre ses limites.
Inquiète, la Communauté internationale, met en place une médiation internationale présidée par son Excellence,
El Hadj Omar Bongo, assisté de Son Excellence, Monsieur Mohamed Sahnoun, Représentant Spécial conjoint de
l’ONU et de l’OUA.
Après de nombreux échecs, la médiation internationale, toujours à la recherche d’une solution à la crise congolaise, demande aux présidents Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguessode se rendre au Gabon, pour conclure un
accord définitif de cessez-le feu.
Le président Denis Sassou Nguesso se présente à Libreville (Gabon), pendant que le président Pascal Lissouba
privilégie une promenade au Congo Démocratique et en Afrique de l’Est, en se faisant représenter par Monsieur
Bernard Kolelas, qu’il a récemment nommé Premier ministre.
Les négociations de la dernière chance échouent.
La guerre s’intensifie. Elle s’achève le 15 octobre 1997 par la déroute de ceux qui l’ont provoquée, mais qui
vont bientôt profiter de l’arrêt des combats décidé par le président Sassou Nguesso pour quitter le pays et s’exiler
à l’étranger.
III.– STRATÉGIES EN VUE DE LA RÉCONCILIATION NATIONALE
A.– Le Forum national pour la Réconciliation, l’Unité, la Démocratie
et la Reconstruction du Congo
Instruits par l’expérience douloureuse des cinq années de tyrannie du régime de Pascal Lissouba, et inspirés
par la nécessité impérieuse de réconcilier le Congo avec lui-même et avec le monde, le président Denis Sassou
Nguesso et les nouveaux dirigeants du Congo se sont engagés sur la voie difficile du retour à la démocratie en
choisissant de progresser pas à pas.
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L’organisation, à Brazzaville, du 5 au 14 janvier 1998, du Forum National pour la Réconciliation, l’Unité, la
Démocratie et la Reconstruction du Congo, procède bien de cet engagement. Il s’est agi, en effet, d’une concertation
nationale, ouverte à toutes les Régions du Congo, représentant aussi bien la société civile, les formations politiques,
que les institutions morales et religieuses. Toutes ces entités ont participé à l’événement qui s’est assigné les objectifs suivants :
– permettre à l’ensemble du peuple de participer au débat sur les questions essentielles de la renaissance du
Congo ;
– déterminer la durée, le contenu et les modalités de gestion de la période de transition ;
– débattre des questions relatives au développement d’une démocratie pluraliste qui ne saurait être parasitée
par les facteurs ethniques ;
– fixer la date des prochaines élections générales ;
– favoriser la réconciliation nationale.
Le point culminant de la concertation a été sans doute l’adoption d’un programme d’urgence devant permettre
la réconciliation nationale, la reconstruction de l’État, la restauration de la sécurité, la relance de l’économie, le
rééquilibrage des finances publiques et la réalisation, enfin, des grands équipements sans lesquels le Congo ne saurait se développer.
B.– La concertation avec les sages et les délégués des régions
Fidèle à sa vocation d’unificateur et de pacificateur, ainsi qu’à sa volonté d’aller à la rencontre des aspirations
du Congo profond, en vue de répondre aux impératifs d’une nation congolaise dont il faut retrouver le sens perdu
de l’unité du pays, le président Denis Sassou Nguesso a reçu, tour à tour, dans sa résidence de Mpila, les sages et
les délégués des régions venus participer au Forum National.
Au cours de ces rencontres, le président Denis Sassou Nguesso, après avoir tiré les leçons des guerres de 1993
– 1994 et du 5 juin 1997, a interpellé la Communauté nationale et internationale à travers ses interlocuteurs, sur la
nécessité de restaurer la paix et l’unité nationale et a mis en exergue les risques d’un nouvel embrasement du pays,
si on n’y prend garde.
C.– Situation politico-militaire du Congo après le Forum national
Pendant que le Gouvernement de la République s’activait à reconstruire le tissu économique et social déchiré
au cours du règne de Pascal Lissouba et de la guerre du 5 juin 1997, à refaire l’unité nationale gravement compromise, à restaurer la démocratie et l’État de droit, les forces résiduelles de Pascal Lissouba et de Bernard Kolélas
ont aussitôt repris l’activité et ont imposé une nouvelle guerre au peuple congolais en vue de reconquérir le pouvoir par la force.
L’opinion internationale n’ignore pas aujourd’hui les actions de nature subversive menées par les tenants du
pouvoir déchu qui, de l’étranger, achètent du matériel de guerre et arment les milices ninjas, cocoyes et autres mercenaires en vue d’exécuter leur plan de liquidation du peuple congolais à partir du sud du pays.
De la même façon qu’ils avaient déclenché la guerre civile de 1997, Pascal Lissouba et ses proches ont relancé
les hostilités meurtrières le 29 août 1998 par l’attaque de Mindouli et de Missafou, localités de la Région du Pool.
À partir de cette date, les localités administratives situées dans la Région du Pool ont été régulièrement attaquées et saccagées.
Cette situation de guerre s’est étendue aux régions de la Vallée du Niari, à la région des Plateaux et à celle du
Kouilou.
Ces attaques ont entraîné un désastre économique, social et humain important qui se traduit par :
– la destruction systématique des symboles de l’État, des installations ferroviaires et des circuits électriques
de haute tension ;
– l’assassinat de :
• plusieurs membres du Parti Congolais du Travail et de personnalités ayant souscrit à la réconciliation nationale initiée au Forum de janvier 1998 ;
• des pèlerins catholiques réunis à l’occasion du cinquantenaire de la paroisse de Gotmasé-tsé dans le Pool ;
• d’un gendarme français en faction devant la Case de Gaulle, résidence de l’Ambassadeur de France ;
• des cadres civils et militaires ;
– des viols et tortures monstrueux ;
– des pillages sauvages ;
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– le massacre de plusieurs milliers de personnes parmi les populations civiles ;
– l’exode des populations civiles en direction des quartiers Nord de Brazzaville ; des profondeurs de la Région
du Pool et de la Vallée du Niari, du Congo Démocratique et du Gabon.
Tous ces faits, qui ne sont pas exhaustifs, s’inscrivent dans le cadre d’un programme en quatre points de Pascal
Lissouba et Bernard Kolélas, à savoir :
1. Empêcher la reconstruction de l’État Congolais en assassinant ses représentants civils et militaires, en détruisant les administrations qu’ils incarnent et en désorganisant la vie du pays.
2. Créer un climat de terreur en pratiquant la politique de la terre brûlée afin que la population, désespérée, se
retourne contre ceux qui tentent de la protéger contre la folie sanguinaire de ses anciens dirigeants.
3. Rendre impossible l’action de la Force publique en multipliant les agressions contre l’Armée, la Police et
la Gendarmerie de telle façon que le pouvoir politique perde toute autorité.
4. Ruiner l’économie du Congo en asphyxiant sa capitale, Brazzaville, et en paralysant toutes les activités dans
les Régions méridionales.
Le but poursuivi est de rendre impossible la préparation des différents scrutins qui permettront au Congo de
devenir une démocratie pluraliste.
Il va sans dire, aujourd’hui, que ce macabre programme a échoué grâce à la vigilance et à la dextérité du peuple
congolais.
L’Armée s’emploie résolument à pacifier le pays tout en libérant les populations prises en otage comme bouclier humain par les milices de Lissouba et Kolélas.
De nos jours, la majorité de la population a regagné son lieu d’habitation.
L’espoir renaît. La tranquillité et la paix sont restaurées.
La deuxième édition du Festival Panafricain de Musique (FESPAM), organisée à Brazzaville en Août 1999,
est venue comme pour lessiver tous les germes de tristesse et de désespoir latents en chacun des Congolaises et
des Congolais.
De même, la participation massive et enthousiaste du peuple congolais aux festivités marquant la célébration
du 39e anniversaire de l’Indépendance du Congo, est une autre preuve de la paix retrouvée, comme elle est l’expression de sa volonté à soutenir résolument la dynamique de pacification de notre pays enclenchée par le président Denis Sassou Nguesso.
De plus, le retour au pays de certains exilés est un autre signe qui vient lui aussi s’inscrire dans ce sillage pour
approfondir le processus de réconciliation en vue de consolider la paix et l’unité au Congo.