Pourquoi Genève s`endette quand Vaud baisse ses impôts
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Pourquoi Genève s`endette quand Vaud baisse ses impôts
24 Heures, 14.12.11 Pourquoi Genève s’endette quand Vaud baisse ses impôts Les deux cantons ont des situations financières opposées. Analyse comparative Pour 2012, le canton de Genève prévoit un déficit de 429 millions et annonce deux trains d’assainissement. Alors que, pour la même période, celui de Vaud escompte un excédent de 13,1 à 18 millions et une légère baisse d’impôts pour les personnes physiques et les entreprises. Comment expliquer une telle différence dans l’état des finances alors que les deux cantons disposent d’un «produit intérieur brut» quasi équivalent? Si l’analyse comparative est difficile – la faute notamment à des systèmes comptables différents –, Genève et Vaud vivent effectivement des situations contrastées et ne visent pas forcément les mêmes objectifs. A Vaud, pages 22-23 Statistiques Nos infographies comparatives Interviews Pascal Broulis et David Hiler s’expliquent Genève, on paie la faiblesse de l’euro et, encore, la débâcle de la banque cantonale. Tout en refusant de renoncer à une politique d’investissements ambitieuse. Du côté de Lausanne, Pascal Broulis s’est fait le chantre de la réduction de la dette, qu’il a quasi diminuée par cinq depuis son entrée en fonctions, en 2002: «La maîtrise des dépenses a été une composante essentielle de l’assainissement des finances vaudoises et le restera.» Pour David Hiler, ministre en charge des Finances: «Le canton de Vaud, après s’être transformé en profondeur pendant la décennie écoulée, a un bel avenir économique devant lui.» 21 24 Heures, 14.12.11, suite Deux budgets pour un même avenir Genève se flagelle pour mieux investir, Les Genevois vont subir un plan de rigueur. Les Vaudois profiteront d’une baisse d’impôts. Comparaison pour éclaircir un contraste Daniel Audétat N’allez jamais vous amuser à comparer deux budgets cantonaux. Et surtout pas ceux de Genève et de Vaud. L’exercice finira par sembler impossible. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque. Après tout, ces voisins ne sont pas si différents. Si ce n’est par la taille du territoire. Pour le reste, ils se valent plus ou moins. Deux populations en forte croissance: déjà 470 000 habitants à Genève, et 710 000 côté vaudois; un hôpital universitaire et des Hautes Ecoles pour chacun; un «produit intérieur brut» de 43,5 milliards pour Genève, et de 42,6 milliards pour Vaud; et chez les deux, de grands projets, avant tout pour développer les transports publics et construire des logements. Déficit ici, excédent là Citons encore un chiffre à l’appui de cette ressemblance. A l’Etat de Genève comme à l’Etat de Vaud, charges et revenus tournent autour de 8 milliards. Toutefois elles ne «tournent» pas de la même manière, ce qui fait une première grande différence. Pour 2012, le gouvernement genevois prévoit un déficit de 429 millions, tandis que le Conseil d’Etat vaudois escompte un excédent de 18 millions. Mais déjà, à Genève comme à Lausanne, les gouvernements tentent de voir plus loin, avec des perspectives financières jusqu’en 2015 ou 2016. A ce sujet, les postures ministérielles divergent. Vert genevois, David Hiler sonne le tocsin; radical vaudois, Pascal Broulis souffle dans son clairon. Genève pris à la gorge A Genève, le Département des finances a fait ses calculs selon trois scénarios. Entre le plus optimiste et le plus pessimiste, le scénario «modéré» prévoit des déficits cumulés de 2,4 milliards entre 2012 et 2015 si rien n’est entrepris. Alors il faut réagir. Mais pour le Conseil d’Etat, pas question de renoncer à la montée en puissance des investissements. En ne comptant que la part cantonale, ils frise- ront le milliard en 2015. Voilà qui est ambitieux pour un gouvernement pris à la gorge. Sont donc annoncés deux trains d’assainissement. Chacune des mesures devra être soumise au Grand Conseil, voire au peuple. Le second train ne sera lancé que si le premier ne suffit pas à encaisser les chocs de la conjoncture. Au programme, augmentation des recettes fiscales et réductions de prestations. Objectif: revenir à l’équilibre au budget 2014. Même ainsi, la dette genevoise va repartir à la hausse, et cela déjà dans les comptes 2011. De 2006 à 2010, elle avait été réduite de 2,7 milliards. Le plan financier du gouvernement la voit à 12,4 milliards en 2014. La planification vaudoise assure que la dette reprendra ensuite l’ascenseur, pour s’élever à 3 milliards en 2016. Même si cette planification a toujours noirci l’horizon depuis son instauration en 2004, quel retournement de tendance! Il faut dire que la période offre aussi l’occasion de profiter de taux d’intérêt très bas, comme le savent les Genevois. En 2010, pour une dette cinq fois plus lourde, ces derniers payaient en charge d’intérêts (sans les amortissements) seulement quatre fois plus que leurs voisins. A trois mois des élections cantonales, le ministre Broulis, qui est aussi président de législature, disposera des moyens nécessaires pour répondre à ceux qui l’ont accusé de ne pas consacrer assez d’argent au renouvellement des infrastructures. Ces prochaines années, les investissements garderont le niveau qu’ils ont brusquement atteint en 2010: un peu plus de 300 millions, après avoir longtemps végété entre 150 et 200 millions. Cela reste peu par rapport aux Genevois. Bonne fortune vaudoise Pendant ce temps, Pascal Broulis ne sait plus comment relativiser les excédents de recettes qui tombent dans les caisses de l’Etat de Vaud depuis 2005. C’est le fruit d’une diversification économique réussie, mais aussi d’une rigueur budgétaire stricte. Philosophies comptables Misère, que venons-nous d’affirmer? La réplique de Pascal Broulis est cinglante: «Vous ne pouvez pas comparer! Les comptabilités de Genève et de Vaud ne sont pas comparables.» C’est le moins qu’on puisse dire. Bien sûr, les communes vaudoises ont plus de compétences que les communes genevoises. Quand l’Etat de Vaud dépense 6 francs, ses communes en dépensent 4. Dans le canton de Genève, le rapport est de 8 à 2. Mais il y a autre chose. A Genève, le Grand Conseil a contraint le gouvernement à présenter des budgets «aussi crédibles et réalistes que possible». D’où l’introduction en 2008 du modèle comptable IPSAS, décalqué des exigences qui ont cours dans l’économie privée. Ce modèle proscrit les jeux d’écritures qui servent à «lisser» les résultats budgétaires. Jusqu’ici, seuls la Confédération et le canton de Zurich se sont ralliés avec Genève à ce modèle uniformisé. Pour sa part, Pascal Broulis juge qu’IPSAS est contraire aux nécessités d’une bonne gestion publique. Combien de pressions à la dépense n’a-t-il pas désamorcées avec ses budgets aux résultats si peu réalistes mais tellement politiques? Entre «principe de sincérité» et «principe de prudence», ses adaptations comptables au nom de l’intérêt général pourraient tout de même finir par faire débat. Entre «principe de sincérité» et «principe de prudence», il faudra finir par choisir Dans ce contexte, le ministre des Finances a pu dévoiler en septembre un budget 2012 caractérisé par une légère baisse d’impôts pour les personnes physiques et les entreprises. En prime, un demi-milliard de francs a été libéré pour préfinancer des investissements publics et stimuler l’innovation des entreprises. «Le canton profite de la marge de manœuvre que lui offre la réduction de sa dette», se réjouit Pascal Broulis. Cela a été la grande priorité du magistrat depuis son accession au Conseil d’Etat, en 2002: depuis, la dette a été divisée par cinq, ou presque. Ainsi, entre 2012 et 2015, ce qui reste d’endettement pourrait être réduit à zéro. De vieux emprunts à échéances fixes arriveront alors à terme. Mais Pascal Broulis préférera les renouveler. C’est que l’absence de dette n’aide pas à contrer ceux qui appellent à dépenser. Retournement impromptu Dès lors, 300 millions seront contractés dès 2012 pour compenser par anticipation une partie des emprunts arrivant à échéance en 2013. «Les intérêts de nos 10 milliards de dette ne nous coûtent pas si cher» La crise des dettes souveraines rattrape-t-elle l’Etat de Genève? Au regard des critères de Maastricht, notre situation n’a rien de commun avec cette crise. Certes, la note que nous a fixée Standard & Poor’s (AA–) est un peu moins bonne que la vaudoise (AA+), mais elle a été améliorée en 2010. Notre dette est un héritage de la crise des années 1990. Bien sûr, c’est mieux d’en avoir peu. Mais nos 10 milliards de dette ne nous coûtent pas très cher. Nous ne consacrons qu’un peu plus de 3% de nos recettes au paiement des intérêts. Néanmoins, n’avez-vous pas manqué l’occasion des années de haute conjoncture pour réduire cette dette? Elle a tout de même été réduite de 2 milliards entre 2006 et 2008. En plus, nous avons constitué une réserve conjoncturelle de 1 milliard. En 2006, le gouvernement genevois avait mis la priorité sur la réduction de la dette. A partir de 2008, l’accent a été porté sur le rattrapage de l’important retard pris au cours des vingt précédentes années en matière d’investissements. Dès lors, nous nous endetterons encore, mais uniquement pour investir, et plus pour faire tourner le ménage cantonal. Jusqu’à quel point l’endettement sera-t-il supportable? Au début de la législature 2005-2009, nous avons pris conscience qu’il nous fallait impérativement gérer le développement de l’agglomération transfrontalière. Si nous n’y parvenons pas, notre région sera asphyxiée. Un programme d’investissements ambitieux a été établi. Maintenant, il faut réaliser les projets qui ont déjà été votés et mis en route, et faire davantage «L’économie genevoise, c’est une Ferrari» David Hiler, Vert, ministre des Finances genevoises attention avec les nouveaux projets. La dette va encore augmenter. Mais à terme, l’objectif reste de la ramener à l’équivalent d’une année de revenus, soit à peu près 8 milliards. Faut-il regretter la baisse d’impôts intervenue en 2010? Il est vrai que la perte de recettes fiscales qui en a résulté n’est pas éloignée du montant du déficit projeté pour 2012. Pour autant, nous ne remettons pas en cause les allégements dont ont bénéficié les familles. Le fond du problème, c’est que notre canton se caractérise par son économie extrêmement globalisée. Si le cours du franc face à l’euro était encore de 1,40, je serais un ministre des Finances sans soucis. Or, actuellement, si notre industrie horlogère résiste bien, le secteur bancaire dont nous sommes fortement dépendants souffre, et pas seulement pour des raisons conjoncturelles. La stratégie de l’argent propre est excellente, mais elle a un coût. L’économie genevoise est comme une Ferrari. Elle accélère et freine très vite, selon le pouls de la planète. Les recettes fiscales varient ainsi dans une amplitude extrême. C’est pour cela que nous avons une approche de l’équilibre financier à moyen terme. Nous visons donc à nous adapter aux changements de cycles, notamment au moyen de notre réserve conjoncturelle. C’est un exercice ardu, car notre parlement et notre population sont très exigeants quant à la performance de l’Etat. En outre, la vie politique genevoise se caractérise par un sens aigu du psychodrame, ce qui ne facilite rien. Sous cet angle, quel sens donner à la Métropole lémanique voulue par les deux gouvernements cantonaux? Nous devons admettre que Genève est parvenu à un niveau de richesse qui ne pourra guère être dépassé. En revanche, le canton de Vaud, après s’être transformé en profondeur pendant la décennie écoulée, a un bel avenir économi- que devant lui. Par son tissu, il est structurellement plus stable. Mais les intérêts de nos deux cantons convergent de plus en plus. Nous nous employons depuis plusieurs années à mieux les défendre ensemble. Nos fiscalités se sont rapprochées et il n’y a pas de concurrence sur ce plan entre nous. L’impôt sur la fortune reste très élevé à Genève. Mais l’impôt sur le revenu a sensiblement diminué, avec deux baisses en treize ans pour un pourcentage cumulé de l’ordre de 22%. Reste que nous payons un très lourd tribut à la péréquation intercantonale, alors que le canton de Vaud est actuellement gagnant. Mais en se développant, ce canton va encore davantage s’enrichir et s’urbaniser. Il contribuera donc plus largement à la péréquation, et devra aussi assumer de nouvelles charges sociales, de santé et d’infrastructures. 22 24 Heures, 14.12.11, suite Vaud fanfaronne en se désendettant Genève Vaud Le poids relatif de la dette Evolution de la dette cantonale et de sa charge d’intérêts Evolution de la dette cantonale et de sa charge d’intérêts En millions de francs En millions de francs 12 000 11 536 12 432 12 791 13 189 Sur budget Estimations 12 258 11 434 9957 9000 9204 6000 Sur comptes 376 280 3000 357 356 338 319 10 748 10 463 10 800 11 400 335 301 280 271 254 247 0 400 12 000 350 9000 300 6000 6345 250 3000 200 Dette liée à la BCGE 264 6968 316 300 264 227 246 216 400 5879 300 4055 189 2960 155 0 200 2450 107 91 Intérêt de la dette Intérêt de la dette Dette nette totale 496 400 0 10 53 -459 -600 -323 -191 -293 –200 -175 -358 IPSAS -434 Budget 2011 –156 –199 –226 –300 2012 –500 1998 2000 2002 Comptes En millions de francs 8 6 18 6 2 –59 2004 2006 2008 2010 2012 Budget 2 18 Pour éviter un retour à la spirale des déficits (1990-2005), le canton de Genève s’interdit des budgets déficitaires au-delà du montant d’une «réserve conjoncturelle». Celle-ci permet d’éponger les déficits prévus pour 2011 et 2012, mais pas plus. D’où deux trains de mesures. L’un est impératif. L’autre n’interviendra que si la conjoncture (vue selon un scénario «modéré» dans le graphique ci-contre) l’exige. Sur –50 –175 –206 –100 –375 –150 –400 –200 –600 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Investissements bruts –239 2014 2015 2016 924 986 1083 1063 394 379 454 515 585 597 1000 800 600 400 375 375 200 200 0 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Selon la planification n Ie vstissements inscrits dans les comptes 367 379 373 273 347 232 182 196 556 97 113 700 306 62 346 332 536 130 672 675 229 197 122 83 322 321 150 328 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Dans les comptes Planification Nouveaux prêts Nouvelles garanties La montée en puissance des investissements genevois est frappante, surtout si on la rapporte à un territoire autrement plus exigu que celui des Vaudois. Mais David Hiler lui-même tient à nuancer: à l’échelle transfrontalière de son agglomération, presque tout reste à faire. Pascal Broulis se défend en invoquant la part d’investissements de ses communes. De ce point de vue global, l’effort fourni «En 2012, nous allégerons d’un point le coefficient d’impôts» Le budget 2012 n’est-il pas cousu pour ne fâcher personne avant les élections du printemps? Je ne crois pas que fâcher ou réjouir soit un axe de construction d’un budget. Celui de 2012 s’inscrit dans le droit fil des précédents. Il s’agit de répondre aux besoins, en particulier dans le domaine de la santé et du social, tout en soutenant les entreprises et surtout celles qui débutent ou innovent, en réduisant l’impôt sur le capital. Dans une conjoncture incertaine, l’Etat fait aussi jouer sa marge de manœuvre pour alléger d’un point son coefficient d’impôts. Sur la lancée des années précédentes, les dépenses augmenteront de 2,9% en 2012. Cette progression va-t-elle se poursuivre, alors que les recettes fiscales Vaud, le déficit projeté conserve une dimension politique. Il intègre une estimation des conséquences d’une initiative fiscale (–150 millions) qui reste à voter. Standard & Poor’s mentionne un risque plus grand: des «engagements de retraite non couverts importants» par rapport aux autres cantons. Face au même problème, Genève a déjà un plan d’assainissement de ses caisses de pension. 1170 800 586 le dynamisme économique vaudois, et la sensibilité genevoise aux variations de la conjoncture. Indice du développement vaudois: entre 2001 et 2010, les charges de l’Etat ont passé de 5,4 à 8,1 milliards (+47%), ses recettes de 5 à 8,4 milliards (+68%). A Genève, durant la même période, les charges ont passé de 6,1 à 7,9 milliards (+30%), les recettes de 6,1 à 8,1 milliards (+33%). Investissements à bien plaire Investissements bruts 800 400 2013 En millions de francs 1000 510 478 2012 Déficit planifié En millions de francs 600 –232 2011 sans mesures de rigueur avec un premier train de mesures avec un deuxième train de mesures, si la conjoncture l’exige –212 –205 –250 Depuis 2008, Genève applique des normes comptables qui visent à la crédibilité des prévisions financière. Depuis, le résultat annoncé par le budget se rapproche de la réalité des comptes. De son côté, le gouvernement vaudois continue à «lisser» ses prévisions budgétaires, qui lui servent à refréner la revendication de baisses d’impôts ou de dépenses supplémentaires. Le résultat des comptes souligne Des risques mesurés Scénario de la planification financière de 2012 à 2016 En millions de francs 0 10 0 0 11 –385 –418 –400 Budget –144 –224 -429 Planification financière de 2012 à 2015 selon trois cas de figure –200 46 –100 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Comptes 2 302 274 0 15 -95 -330 -293 -400 Estimation 267 100 273 205 87 25 1 La crédibilité des prévisions 200 322 -200 66 0 ments compris) que son voisin romand (23,2% pour Genève, 10,5% pour Vaud). Mais en réduisant sa dette de 8,6 milliards en 2004 à 1,9 milliard en 2010, Vaud s’est donné une marge de manœuvre pour affronter les risques conjoncturels. A l’inverse, Genève assumera encore longtemps la déconfiture de sa banque cantonale, qui pèse pour un quart dans sa dette. Genève estime que sa dette atteindra 12,4 milliards en 2015. Vaud voit la sienne à 3 milliards en 2016. 370 347 300 600 64 68 En millions de francs 786 En millions de francs 27 71 Budget et comptes vaudois Budget et comptes genevois 200 1910 1790 1781 100 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 20111 20122 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Dette globale 500 8307 8649 6440 6555 6859 Quand on lui parle de l’énormité de sa dette, le ministre des Finances genevoises, David Hiler, ne s’affole pas trop: «La vraie évaluation de notre situation est celle des marchés: notre canton obtient un taux d’intérêt fixe de 1,67% pour un emprunt à dix ans. La France doit payer plus de 3%.» Constat de Standard & Poors: en 2010, avec une dette cinq fois plus lourde, Genève supportait en proportion des recettes de fonctionnement deux fois plus de charges d’intérêts (amortisse- pourraient se réduire sous l’effet de la conjoncture? La maîtrise des dépenses a été une composante essentielle de l’assainissement des finances vaudoises et le restera. L’endettement a été réduit de près de 9 milliards en 2004 à moins de 1,8 milliard aujourd’hui. Le coût des intérêts de cette dette est passé de 316 millions (2000) à 66 millions (budget 2012). Soit une économie de 250 millions de francs par an représentant presque la subvention du canton à son Université. Pour le dire autrement, cela nous évite de dépenser 1 million par jour ouvrable. La marge de manœuvre dont je parlais vient d’abord de là. Pour la période allant de 2013 à 2016, notre planification financière prévoit ainsi des dépenses en adéquation avec les recettes et l’évolution du PIB vaudois. «Cela nous évite de dépenser 1 million par jour ouvrable» Pascal Broulis, radical, ministre des Finances vaudoises Faut-il comprendre l’état d’alerte des finances genevoises comme le signe avant-coureur d’une dégradation de la situation vaudoise? Il n’y a pas de corrélation directe, notamment parce que les recettes fiscales vaudoises sont moins dépendantes des impôts des entreprises en général, et de celles du secteur financier en particulier. Autre différence, l’endettement vaudois était de 1,9 milliard fin 2010, celui de Genève de 10,5 milliards. Mais il est clair qu’une conjoncture européenne défavorable nous affectera aussi. Vaud et Genève ont une communauté de destins qui se traduit d’ailleurs dans leurs étroites collaborations. Plus généralement, le vieillissement de la population est un souci pour l’avenir. Vaud et Genève ont l’avantage de compter moins de retraités par personne active que le reste de la Suisse. Ils maintiendront cet avantage en restant des cantons ouverts. Par rapport à ceux de Genève, les investissements vaudois ne restent-ils pas bien modestes? Non, si l’on prend en compte tous les facteurs. L’effort d’investissement vaudois se monte à 332 millions d’investissements bruts. Il faut y ajouter 62 millions de nouveaux prêts, plus 306 millions de nouvelles garanties, soit 700 millions au total. Plus nombreuses sur un plus vaste territoire, les communes vaudoises investissent aussi deux fois plus que les communes genevoises: 602 millions en 2009 contre 287 millions. Rappelons que les investissements prévus pour la période 2012-2015 atteignent 2,58 milliards pour 260 objets, dont 109 sont en cours de réalisation et 159 encore à décréter. Et le Conseil d’Etat a présenté en automne dernier des projections d’investissement de 12,7 milliards jusqu’en 2020. dans les deux cantons se rapproche de la parité. Cela dit, les investissements communaux sont, en général, moins stratégiques que ceux du canton. Aussi le ministre vaudois dope-t-il depuis peu sa statistique en ajoutant à ses investissements les «prêts» et «garanties» accordés par le canton. Selon les normes retenues à Genève, cette nouvelle présentation mélange pommes et poires, et relève du barbarisme. Débats Au bout du compte En ce mois de décembre, les parlements des deux cantons s’échinent à corriger un tant soit peu les budgets que leur ont livrés leurs gouvernements. Avant le débat en séance plénière qui commence jeudi, la Commission des finances du Grand Conseil genevois a ramené le déficit à 352 millions. Le vote final devrait intervenir vendredi. Après un premier débat au Grand Conseil, la semaine dernière, l’excédent vaudois a diminué de 1,5 million, qui serviront à faire un cadeau à la police. Hier soir, au vote final, trois amendement ont fait passer ce «bénéfice» de 18 à 13 millions. Lire en page 21 23