Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
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Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Le Soir Vendredi 16 novembre 2007 36 laculture COUP DE CŒUR John Mayall & the Bluesbreakers opèrent un retour amplement justifié au vu de l’intemporalité de leur blues. c’est le 12 octobre 2008 et à l’AB qu’ils viendront offrir un petit blues break. PHOTO EPA Danse / « Menske » de Wim Vandekeybus au KVS Sylvie Vartan reste dans la lumière a précédente autobiographie de Sylvie Vartan, intitulée Entre l’ombre et la lumière, a été un tel succès en 2004 (240.000 exemplaires vendus), qu’elle sort aujourd’hui, chez le même éditeur, PHOTO DIDIER TRIQUET/FR3. et avec la complicité de Christian et Eric Cazalot, le livre Dans la lumière. Il s’agit ici d’un tout autre ouvrage, basé sur des entretiens et un portrait, mais surtout sur plus de 300 illustrations (beaucoup inédites) qui font tout le sel de cette édition. En plus de 300 pages à feuilleter avant, éventuellement, de les lire, le livre retrace la très belle carrière de la petite Bulgare. Tout commence donc en 1961. Jusqu’à 2007, puisqu’est sorti en juin dernier, le disque Nouvelle vague, de reprises de chansons des années 60 et que Sylvie annonce son grand retour sur scène pour février 2008, avec un Palais des Congrès parisien et une tournée qui passera le 24 février au Cirque royal. Ce livre-ci vaut donc essentiellement pour ses documents iconographies mais aussi pour ses annexes, avec des repères biographiques, les tournées, chronologiquement détaillées, les shows télévisés et une discographie très complète. Voilà un ouvrage qui plaira à tous les fans de la belle blonde qui, à 63 ans (quand on parle d’une femme toujours aussi séduisante, ce n’est pas être goujat que de mentionner son âge !), résiste bien au temps. Toujours aussi discrète, en dehors des périodes de promotion professionnelle (à l’inverse de son ex-mari, un certain Jean-Philippe Smet), Sylvie est l’exemple parfait d’une femme talentueuse qui n’a jamais galvaudé ni son image ni son œuvre, passant à travers les modes, sans s’abîmer dans les plans foireux. THIERRY COLJON L Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Sylvie Vartan, Dans la lumière, XO, 319 pages, 29,90 euros. Bande dessinée / Double exposition XIII en versions originales ON EST FASCINÉ par les courses en arrière, les portés hallucinants, la fluidité du mouvement... PHOTO MARTIN FIRKET. des dix-sept premiers albums et du Dernier round, où Van Hamme a eu la bonne idée de demander à tous les personnages encore en vie de venir faire coucou. Les yeux pétillent de bonheur graphique. Les mots viennent à la bouche : Et Vance créa la femme ! MAIREAD, l’Irlandaise sacrifiée et digigraphiée par Jean Giraud. © DARGAUD. III est un héros mais c’est aussi un travail d’artistes. X Pour achever la saga de sa recherche d’identité, deux albums ont été dessinés en parallèle par William Vance, créateur du personnage mis en scène par Jean van Hamme, et Jean Giraud, l’auteur de Blueberry. Sortis mardi, La version irlandaise (tome 18) de Jean Giraud et Le dernier round (tome 19) de William Vance se classent déjà en tête des meilleures ventes de bande dessinée. Les libraires bruxelloises Brüsel et Multi BD ont voulu montrer aux fans de la série que ce succès ne doit rien au hasard en présentant une sélection remarquable d’originaux de Vance et de Giraud. Multi BD accroche les plus belles planches de Vance, tirées 1875290 $57(9(17 DUWLVWHVSURIHVVLRQHOV LQWHUQDWLRQDX[H[SRVHQWHW YHQGHQWOHXUVRHXYUHVG·DUW KUV KUV KUV !" #$% ZZZDUWHYHQWEH Un héros pour la postérité Chez Brüsel, les originaux sont mis en regard de tirages spéciaux en digigraphie couleur des planches. Jean Giraud nous a fait la visite, le nez dans les cases, à la traque du plus petit détail. Un voyage édifiant sur l’art méticuleux de la bande dessinée classique… « Je dessine toujours les planches sur papier mais après le scan, je modifie plein de choses à la palette graphique, ce qui fait qu’il n’existe plus de véritable original. C’est ce qui rend cette expo particulièrement intéressante. Ici, par exemple, entre le passage du noir et blanc à la couleur, j’ai remplacé le personnage par un autre. Là, j’ai tout à fait modifié les regards. A côté, j’ai glissé des reflets dans l’eau autour du bateau. Et voyez cette case blanche : je l’ai remplie d’une photo aérienne de pénitencier, que j’ai d’abord retravaillée sur calque et qui n’existe finalement qu’en dehors de la planche originale ! J’adore la souplesse de la palette graphique pour apporter des corrections dans le dessin. Pour l’exposition, on a utilisé un nouveau procédé de digigraphie, qui permet de reproduire les planches en couleur en les agrandissant légèrement. L’encrage est somptueux et résiste au vieillissement pendant au moins cent ans ». De quoi assurer XIII de passer à la postérité de la bande dessinée. ■ DANIEL COUVREUR Expositions XIII, jusqu’au 5 décembre, entrées gratuites, librairies Brüsel, 100 boulevard Anspach, 1000 Bruxelles (02.511.08.09), et Multi BD, 122-128 boulevard Anspach, 1000 Bruxelles (02.513.72.35). AVEC « MENSKE », Wim Vandekeybus retrouve l'énergie et l'inventivité de ses meilleurs chorégraphies. CRITIQUE ans un espace indéfini, un poteau se dresse, solitaire, dans une semi-pénombre. Des dizaines de câbles y sont reliés comme autant de connexions possibles entre des êtres qui ont de plus en plus de mal à communiquer. C’est dans ce décor à la fois très réaliste et très symbolique que Wim Vandekeybus situe Menske, sa nouvelle création. En dialecte flamand, Menske signifie simplement « être humain, personne, individu ». Sous ce titre, Wim Vandekeybus s’interroge sur ce monde où toutes les valeurs perdent leur sens et où l’homme doit choisir entre s’adapter, quoi qu’il en coûte, ou oser affronter l’inconnu en cherchant à se réinventer une vie, des relations, des valeurs. Le chorégraphe lui-même a choisi d’oser le changement. Pas d’intervention filmée, nouveau collaborateur musical avec Daan (très inspiré par le cinéma, de Jim Jarmusch, David Lynch, Wim Wenders) et quatre nou- D veaux danseurs en plus de six visages connus. Et c’est une nouvelle fois avec ses interprètes que Vandekeybus va le plus loin dans l’inventivité. Ce sont eux qui ont écrit tous les textes de cette pièce où la rencontre entre le mot et le geste est souvent percutante. Ils parlent de départ, de solitude, de quête de l’autre. Mais ce sont les parties dansées qui font de Menske une véritable réussite. Les corps y parlent avec un mélange de puissance et de fragilité, illustrant parfaitement la nature humaine. Les images se succèdent au fil de séquences souvent oniriques ne constituant jamais un récit linéaire mais plutôt une série d’interrogations sur la manière dont les hommes vivent. Comme une photo d’Arbus Un homme seul s’enferme dans son discours répétitif. Un autre parle sans cesse à un certain Pablo qui s’en est allé. Un autre encore grimpe au sommet du pylône électrique pour rétablir le courant ou s’isoler du monde. Une femme tient un discours d’executive woman imaginant une ville nouvelle en construction. Toute une galaxie de personnages se dessine, régulièrement rassemblée dans de grands mouvements d’ensemble magistralement réglés. On est ainsi soufflé par cette séquence où une partie des danseurs s’arc-boute à des filins d’acier tandis que les autres évoluent au milieu de cette toile d’araignée. On baisse la tête lorsque toute la bande se met à balancer des sacs poubelles (heureusement retenus par des filins) vers la salle. On est fasciné par les portés hallucinants, une fluidité du mouvement assez nouvelle dans l’univers du chorégraphe. On reste sans voix, face à cette scène magnifique où tous les personnages surgissent masqués à l’aide de cartons, comme dans une photo de Diane Arbus qui, soudain, se mettrait en mouvement. Et on est estomaqué par la scène de guerre où les jambes et les bras des femmes, portées par les hommes, se transforment en armes meurtrières. Avant une impossible fuite en hélicoptère rappelant ces scènes terribles vues dans les journaux télévisés où chacun ne cherche plus qu’à sauver sa peau. Une métaphore du monde actuel pour un chorégraphe plus que jamais préoccupé par le monde à venir. ■ JEAN-MARIE WYNANTS PROGRAMME « Menske », KVS, 146 rue de Laeken, 1000 Bruxelles, jusqu’au 23 novembre, www.kvs.be, 02.210.11.12. Carte blanche : Wim Vandekeybus présente. An- cienne Belgique. Le chorégraphe invite des musiciens avec lesquels il a travaillé ou qui l’ont inspiré. Le 24 novembre : Woven Hand, Marc Ribot, Flat Earth Society, Eavesdropper + special guests. Le 25 : Pawlowski (special guest Arno), Daan, Blackbox Revelation. Infos : abconcerts.be, 02.548.24.24. Musique / Au Botanique mercredi soir Beirut : court mais beau ! CRITIQUE e premier concert belge du groupe Beirut, mercredi soir à l’Orangerie du Botanique, on peut dire qu’il était attendu. Pour une raison que même Zach Condon ne s’expliquait pas, la première tournée européenne du groupe américain ne s’était pas arrêtée par notre petit pays. Pour ouvrir cette soirée, depuis longtemps sold-out, le duo C 1NL liégeois Dan San a fait forte impression. Leur folk-rock acoustique, basé sur l’harmonie des voix et des deux guitares acoustiques, nous fait un peu penser à Jack Johnson ou Elliott Smith. Après un premier album en 2005, on attend le second… Il n’était pas 21 heures que les sept musiciens entourant Zach étaient déjà sur scène. Faut dire que le natif d’Albuquerque n’était pas en toute grande forme et n’avait pas envie de s’éterniser. Fiévreux, il parvint à donner le change un peu plus d’une heure, rappels compris, avant de jeter l’éponge. « Vous voulez me tuer?» dit-il dans son meilleur français, et malgré tout amusé. On en aurait bien redemandé de cette musique des plus romantiques. Cuivres, violon, accordéon et ukulélés que les musiciens multi-instrumentistes se passent… Tout est en place pour servir ces chansons qu’on a envie de chanter avec lui. Zach a l’air tellement gentil et simple qu’on ne lui en veut même pas de nous quitter si tôt. Surtout qu’il n’oublie pas de nous livrer sa belle version du «Moribond » de Brel. Allez, Zach, tu te soignes et tu nous reviens très vite. ■ THIERRY COLJON