Elles ont acheté un hélicoptère

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Elles ont acheté un hélicoptère
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NR
SAMEDI É CONOMIE
SAMEDI 16 AOÛT 2008
TEMPLOUX
Elles ont acheté un hélicoptère
Elles s'appellent Isabelle
et…Isabelle et ont acheté
un hélicoptère. Il y a un
an, elles fondaient une
société : Elisabelgium.
Rencontre à Temploux.
쎲 Pierre WIAME
sabelle Diebolt (36) et Isabelle Bobillot (37), deux Bruxelloises d’origine française, à l’âge où les filles rêvent de devenir princesse, levaient plutôt la tête vers les nuages. Elles voulaient les percer, passer de l’autre côté.
Aujourd’hui, non seulement elles volent mais, plus extraordinaire encore,
dans leur propre hélicoptère : un Robinson RH 22 d’occasion acheté 125 000 €.
Cet achat, a priori fou, est issu d’une
rencontre, quand Isabelle D., après une
blessure sportive en jouant au squash,
vient consulter Isabelle B., ostéopathe
et kiné à Etterbeek. Pendant les soins, elles se découvrent une passion commune et se lient d’amitié.
Isabelle Diebolt, en 1993, a passé le
concours d’entrée d’élève officier à
Saint-Cyr, la plus prestigieuse école militaire française, pour pouvoir voler sur
des hélicos de type Gazelle. Seulement
voilà, l’armée ne retient aucune sélection féminine.
Isabelle Bobillot, elle, voulait devenir
pilote de chasse mais dit-elle, « mes mensurations sont inadéquates» (elle est plutôt menue).
Alors, en juillet 2007, ces deux filles
sympathiques prennent leur revanche.
Elles osent acheter leur propre machine
volante, à deux places. « Ça ressemble à
une folie mais nous avions tout bien préparé. Il a fallu défendre notre projet devant
des banquiers. Nous avons essuyé beaucoup de refus. Deux banques finalement,
sur 6, y ont crû et une seule nous a prêté
l’argent».
«Nous ne leur demandions pas de financer une lubie mais bien un projet commercial solide ». Pour rentabiliser leur inves-
ÉdA 083769 - 083770
I
tissement, les Isabelle fondent leur société, une SPRL, Helisabelgium, le
3 juillet 2007 et abritent leur nouveau
joujou au sein de l’entreprise Best in sky
de Jean-Yves Dantinne, à l’aérodrome
de Temploux. Un chef d’entreprise qui
gère une flotte de 7 appareils, mais
aussi un pilote confirmé. C’est naturellement avec Jean-Yves Dantinne que les
deux jeunes associées d’Helisabelgium
apprennent à piloter leur Robinson.
Après seulement une vingtaine
d’heures de formation, elles ont
fait un solo. Impression ? « Je me
suis dit : ça y est, je suis toute
seule dans la machine, c’est à moi
de jouer confie I. Diebolt. Nous
avions d’autant moins peur que
notre instructeur nous a laissé
énormément de liberté au cours
de la formation, il ne nous a
jamais donné l’impression qu’on
pouvait se reposer sur lui. Dès le
début, il a fallu nous battre contre
la machine. »
Stationnaire
Le premier exercice du futur pilote
d’hélicoptère consiste à stabiliser
son appareil à quelques mètres
du sol. « Obtenir le stationnaire,
c’est arriver à l’équilibre parfait de
la machine à environ 1,50 m du
sol. C’est l’exercice le plus difficile. »
904 heures de vol
Les hélicoptères Robinson sont de
fabrication américaine. Ce sont les
plus vendus dans le monde, les
plus fiables et ceux offrant aussi
L’important, c'est
la navigation
Les services que propose Helisabelgium se déclinent en produits de plaisirs et de sensations fortes. Du baptême
de l’air classique à des circuits touristiques d’une demi-heure ou d’une heure.
Il y a aussi les baptêmes cadeaux des
grandes occasions : Saint-Valentin, anniversaire, demande en mariage, simple
le meilleur rapport qualité prix. La
société Helisabelgium a acheté
l’appareil de type RH 22 à une
société aéronautique belge de
Gerpinnes. Cet hélico d’occasion
comptait 904 heures de vol. Quand
il en affichera 2200, ou quand il
arrivera dans sa 12e année de vie,
l’appareil devra partir aux
États-Unis pour un gros entretien.
Il en reviendra comme neuf mais
cela en coûtera 80 000 €.
Liberté totale
C’est l’impression que ressentent
tous ceux qui ont assez de cran
pour voler. Elle a aussi étreint ces
deux jeunes pilotes d’hélicoptère :
« En même temps, il y a une
impression de grande solitude et
d’ivresse de la liberté. On se sent
en accord avec soi-même. On est
concentré, une concentration de
chaque seconde et, à la fois, on
se dit que, ce qui se déroule sous
l’appareil, c’est magnifique. On se
sent vivre pleinement car il n’y a
personne d’autre que nous. Un
sentiment de liberté totale nous
envahit ». Un peu comme
Léonardo di Caprio sur la proue
du Titanic, quand il crie : « Je suis
le roi du monde ».
ÉdA
200 € la demi-heure de vol
VITE DIT
Lutte avec la machine
Isabelle Bobillot et Isabelle
Diebolt sont aux anges. Elles
ont fait passer leur envie de
voler du rêve à la réalité.
surprise ou encore envie d’aller photographier sa maison vue du ciel.
Par exemple, un survol de la vallée de
la Meuse pendant une demi-heure
coûte 200 €. En une heure, samedi dernier, elles ont survolé Maredsous, les
jardins d’Annevoie, la vallée de la Molignée, les châteaux de Walzin et Fre¨yr et
Lavaux st-Anne, elles ont contourné le
château royal de Ciergnon avant de revenir survoler la citadelle de Namur et
retour à Temploux.
«Offrir un vol en hélico, c’est offrir un moment inoubliable et ce n’est pas si inaccessible que cela. C’est très original ».
Ces deux jeunes pilotes au féminin,
qui ont réussi à se faire une place dans
le cercle fermé de l’aéronautique, manient le stick et les deux palonniers (les
pédales) avec passion. L’hélico les fascine, « parce qu’on peut s’arrêter en l’air,
comme un oiseau, faire du surplace, faire
une pause et atterrir où nous voulons. Cette
liberté-là, l’avion ne l’offre pas » raconte
Isabelle Diebolt.
Leur Robinson, parce qu’il est petit,
est d’autant plus ballotté par les éléments. Son pilotage exige d’elles une
combativité à la mesure de leur envie à
faire décoller la vie. « En avion, on peut
lâcher un moment les commandes. Mais,
dans notre hélico, les deux pieds et les deux
mains sont toujours occupés. Quand on approche du Lion de Waterloo, il y a toujours
des gens, au sommet de la butte, qui nous
font signe. Et nous, on ne peut lever la main
que très timidement » s’exclament ces
deux trentenaires, dans un éclat de
rire. ■
> Helisabelgium, tel. Isabelle Diebolt :
0476/79 72 45 et Isabelle Bobillot :
0476/79 72 43.
Vol au-dessus de l’Ardenne
Elles le disent presque en s’exclamant : la Belgique, vue du ciel, avec
le moutonnement des collines, des
vallées et des plaines, le scintillement des fleuves et rivières
sabrant de grandes étendues
verdoyantes, avec ses terrils, c'est
magnifique. « On ne peut pas
s'imaginer combien, vu du ciel, ce
petit pays est beau. À chaque vol,
nous sommes touchées, sous le
charme » disent-elles. Chaque vol
apporte son lot de sensations
nouvelles, elles se souviennent
encore de leur approche de
l'Ardenne. « On voyait au loin que
le relief s'élevait. C'était étonnant à
observer, cette marée verte se
mettant soudain à escalader le ciel.
C'est le vol qui nous a marqués le
plus. Il a fallu prendre de l'altitude,
sinon, on se secouait dans la
forêt ». Rires.
Autre vol inoubliable : au début de
l'automne, à l'ouverture de la
chasse, au ras des arbres, une
technique de vol en rase campagne consistant à suivre le relief. « Et
on parvenait même à apercevoir
les chasseurs, qui nous saluaient… »
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Si l'oiseau décolle comme bon
lui semble, toujours insouciant, l'humain, à bord de sa
machine à propulsion ou à
réaction, doit se farcir un plan
de vol. « Tout pilote doit
préparer sa navigation.
Calculer la distance pour aller
d'un point A à un point B en
fonction de l'intensité du vent
et de sa direction. Notre cap
est déterminé par le vent »,
expliquent-elles. En règle
générale, 1 h 30 de vol leur
réclame encore 4 h de
préparation, penchées sur des
cartes spécialisées. La météo
est fondamentale : comme il
s'agit de vols censés être
agréables aux passagers,
elles volent à vue, toujours
par beau temps, quand la
visibilité est parfaite. Donc,
pas de vols de nuit et de vols
périlleux dans un brouillard
masquant les pylônes et les
câbles. « Nous ne sommes pas
qualifiées pour voler aux
instruments et, de toute
façon, ce n'est pas le but de
notre société. Nous ne
risquerons jamais dans notre
vie et celle de nos passagers. »
Isabelle Diebolt se souvient
d'un moment de bonheur,
quand apparut au loin, dans
son champ de vision, le Lion
de Waterloo. « Je le voyais, en
plein dans ma ligne de mire,
ce qui voulait dire que ma
navigation était correcte. J'en
ai éprouvé un grand moment
de joie et, pourtant, pour une
Française, le Lion de Waterloo,
ce n'est pas ce qu'il y a de
plus marrant » (rires).

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