La (pro)création de Frankenstein à Rosemary`s Baby. Matrices de la

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La (pro)création de Frankenstein à Rosemary`s Baby. Matrices de la
 Conférence Cycle « Modernités : questions interdisciplinaires » La (pro)création de Frankenstein à Rosemary’s Baby. Matrices de la modernité et représentations de la gestation Julie De Ganck Université libre de Bruxelles ULB, jeudi 29 mars 2012 à 12h00 Informations pratiques : [email protected] Local UA4.222 Entrée libre Dans le cadre des centres de recherche Mondes modernes et contemporains, Philixte et SAGES La grossesse est un phénomène naturel, organique, qui garde un caractère mystérieux pour beaucoup de contemporains. Pourtant, les avancées médicales et scientifiques nous ont progressivement permis d’en observer les étapes et d’en contrôler le déroulement. La grossesse fascine et effraye à la fois tandis que la femme enceinte relève autant du monstre que du prodige. Cette ambiguïté n’est pas spécifique aux représentations modernes de la figure maternelle puisqu’elle apparaît comme une caractéristique anthropologique largement répandue. L’engendrement et la formation d’êtres nouveaux par le corps enceint pose la question de la transmission (de la ressemblance ou de la forme) ainsi que des rapports entre le corps et l’esprit, l’intérieur et l’extérieur, l’autre et le même. La tradition occidentale antique a fourni, avec Hippocrate, Aristote et Galien notamment, différents modèles expliquant la génération. Cette tradition de pensée tissa un lien intime entre les processus de génération et de création artistique. Lien qui fut transmis grâce aux écrits d’Aristote et à ses commentateurs arabes. Ces modèles traversèrent les siècles, non sans subir de fréquentes révisions et provoquer de nombreuses discussions. Et, bien que régulièrement renouvelées par l’acquisition de connaissances sur la nature, les discussions concernant la génération n’échappèrent jamais à l’influence des débats sur la répartition des rôles sociaux et du pouvoir entre les hommes et les femmes. La théorie de l’imagination maternelle, qui explique des malformations fœtales par l’impression sur le foetus de l’image de(s) vision(s) ayant causé des émotions violentes chez la femme enceinte, permet de retracer et de donner sens à cette histoire tumultueuse. Si la rupture opérée par la pensée de Descartes – sur la vision occidentale du sujet et de son rapport au monde (avec ses travaux sur l’optique et sur l’âme) – transforma la perspective adoptée vis-­‐à-­‐vis du corps enceint et de son pouvoir créateur, elle ne supprima en rien les questionnements à l’origine de la théorie de l’imagination maternelle. Pas plus que les « découvertes » sur les phénomènes organiques liés à la reproduction et à la gestation depuis le 18ème siècle. La littérature contemporaine a hérité de ce lien entre génération et création. Il s’y exprime par l’usage récurrent du corps enceint dans les œuvres, particulièrement dans la littérature gothique. En nous basant sur l’étude de la « mutation contemporaine » de la théorie de l’imagination maternelle (De Ganck, 2012), nous nous appliquerons à montrer comment l’œuvre Rosemary’s Baby, roman d’Ira Levin (1967) adapté au cinéma par Roman Polanski (1968), peut être expliquée dans ses différentes dimensions à travers ce thème. Une telle analyse éclaire la manière ambivalente dont le corps enceint, le processus créatif et leur dialectique sont perçus dans la société contemporaine. In fine ce parcours à travers l’histoire et les récits littéraires et filmiques met en évidence le caractère lancinant de la question de l’identité et de la place de l’auteur (-­‐e ?). L’analyse montrera également que cette question de l’auteur est revisitée de façon inédite, si pas prémonitoire, dans l’œuvre de Polanski, faisant de celle-­‐ci une « forme cinématographique de l’histoire » (de Baecque, 2007). Julie De Ganck est aspirante F.R.S.-­‐FNRS à l’Université libre de Bruxelles où elle prépare une thèse de doctorat en histoire contemporaine, à propos de l’histoire des traitements des organes génitaux et de leurs fonctions (symboliques, sociales et reproductives) en Belgique entre 1880 et 1940. L’histoire de l’imagination maternelle et de sa « mutation contemporaine » est l’un des thèmes choisis pour son étude. Ce thème permet de faire une histoire de l’utérus, du placenta et des représentations du corps enceint dans les textes médicaux, ainsi que l’histoire des réactions (du « public », des femmes, de la société) face aux nouvelles techniques médicales appliquées au corps reproducteur.