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GYNECO-OBSTETRIQUE
Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°3 : 7-10
Fait Clinique
CHORIOCARCINOME OVARIEN
M. MOUKHLISSI1, H. JABIR1, I. BOUAMAMA1, Z. BOUCHBIKA1, S. BENAYAD2, N. BENCHAKROUN1, H. JOUHADI1,
N. TAWFIQ1, S. SAHRAOUI1, M. KARKOURI2, S. ZAMIATI2, A. BENIDER1
1. Centre d'Oncologie ; 2. Service Central d'Anatomie Pathologique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Le choriocarcinome ovarien est une tumeur germinale très rare dont
la distinction entre le choriocarcinome gestationnel et non gestationnel
reste difficile surtout chez une femme en période d’activité génitale.
Nous rapportons un cas de choriocarcinome primitif de l’ovaire chez
une patiente de 25 ans survenant six mois après une fausse couche
à six semaines d’aménorrhée, dont le traitement a été une association
d’une chirurgie exérèse et une polychimiothérapie.
OVARIAN CHORIOCARCINOMA
The ovarian choriocarcinoma is a rare germ cell tumor with a destinction
between the non-gestational and gestational choriocarcinoma remains
difficult especially for a childbearing woman.
We report a case of primary ovarian choriocarcinoma in a 25 yearold patient occurring six months after a miscarriage at six weeks
gestation, the treatment was a combination of surgical resection and
chemotherapy.
Mots clés : choriocarcinome, ovaire, polychimiothérapie
Correspondance : Dr. M. MOUKHLISSI. Centre d’Oncologie, CHU
Ibn Rochd, Casablanca, Maroc. E-mail : [email protected]
Key words : choriocarcinoma, ovary, polychemotherapy
INTRODUCTION
L’échographie abdominopelvienne a montré une masse
solidokystique multiloculée. Le scanner abdominopelvien a
révélé un processus volumineux de 18 x 15 x 12 cm
probablement d’origine ovarienne (fig. 1), il n’existait par
ailleurs aucune anomalie associée.
Les choriocarcinomes ovariens sont des tumeurs germinales
malignes qui touchent surtout les femmes jeunes et se
caractérisent par la présence des cellules malignes
cytotrophoblastiques et syncytiotrophoblastiques. Ils peuvent
être gestationnels (le plus fréquent) ou non gestationnels
(primitifs). Le choriocarcinome non gestationnel est rare dans
sa forme pure, il est fréquemment associé à d’autres tumeurs
germinales comme le dysgerminome, le carcinome
embryonnaire et le tératome mature ou immature vu leur
origine embryologique identique. La distinction entre les deux
types reste difficile et nécessite le recours à des analyses
génétiques.
Les marqueurs tumoraux, notamment le CA125 et l'ACE,
étaient normaux. La béta-hCG était élevée à 2140 UI/ml.
L’exploration chirurgicale a retrouvé une masse ovarienne
gauche de 15 cm, sans ascite. Une annexectomie gauche est
réalisée dont l’examen extemporané de la pièce opératoire a
révélé une prolifération maligne, évoquant une tumeur
germinale, le geste chirurgical s’est arrêté à ce niveau. Les
suites opératoires étaient simples et le bilan d’extension n’a
montré aucune anomalie.
L’examen anatomopathologique définitif a montré une
prolifération tumorale maligne infiltrante de l’ovaire, composée
de cellules d’aspect trophoblastique associées à des cellules
syncytiotrophoblastiques, sans autre composante tumorale
germinale évoquant un choriocarcinome pure (fig. 2 et 3).
OBSERVATION
Madame M.M. est âgée de 25 ans, mariée, nullipare et sans
antécedents pathologiques particuliers.
La patiente a reçu une polychimiothérapie à base d’étoposide,
bléomycine et cysplatine. Après six cures, la patiente ne
présentait aucune symptomatologie et la béta HCG s’est
négativée à 0,1 MUI.
La symptomatologie a commencé, six mois après une fausse
couche, par des douleurs pelviennes et une distension
abdominale sans trouble du transit ni autres signes associés.
L’examen clinique a retrouvé une sensibilité abdominale avec
perception d’une masse surtout au niveau de la fosse iliaque
gauche, mesurant 12 cm, mobile et légèrement douloureuse,
sans autres anomalies.
Après deux ans de recul, la patiente est en rémission complète
maintenue.
7
Choriocarcinome ovarien
M. MOUKHLISSI et coll.
a.
b.
Fig. 1. Coupes scanographiques montrant le processus tumoral pelvien
Fig. 2. Prolifération tumorale maligne infiltrante
de l’ovaire dissociée par de larges plages de
suffusion hémorragique (HE, faible grossissement)
Fig. 3. Tumeur composée de cellules d’aspect
trophoblastique mononucléées et de cellules
syncytiotrophoblastiques multinucléées munies
de noyaux irréguliers et hyperchromatiques.
(HE, moyen grossissement)
DISCUSSION
très rare. Ne sont décrits que quelques cas dans la littérature,
le plus souvent chez de très jeunes patientes prépubaires ou
vierges [4, 5, 6]. Ils sont souvent associés à d’autres tumeurs
germinales comme les tératomes immatures, les
dysgerminomes, les carcinomes embryonnaires car leur origine
embryologique est identique [7]. Les choriocarcinomes non
gestationnels (CCNG) purs peuvent également se retrouver
en dehors de la sphère génitale (poumon, abdomen) [8, 9].
Les choriocarcinomes (CC) ovariens font partie des tumeurs
germinales malignes, leur origine est soit gestationnelle
(d’origine placentaire), soit non gestationnelle (issus d’une
prolifération anarchique d’une cellule germinale gonadique
ou extragonadique). La distinction de cette origine est
importante et souvent difficile car il s’agit de tumeurs
différentes, dont le traitement et le pronostic sont différents
[1].
Cependant, le diagnostic du choriocarcinome primitif devient
extrêmement difficile en période d’activité génitale et la plupart
des cas cliniques analysés ne concerne que de très fortes
suspicions [1]. La seule possibilité pour distinguer avec
certitude le choriocarcinome gestationnel du choriocarcinome
primitif de l’ovaire consiste en l’analyse de l’ADN [10]. En
effet, en cas de choriocarcinome gestationnel, l’analyse
Les choriocarcinomes gestationnels (CCG) ovariens sont plus
fréquents [2]. Ils sont plus souvent métastatiques d’un CCG
tubaire ou utérin plutôt que résultant d’une grossesse ovarienne
[3]. Le choriocarcinome primitif de l’ovaire est de diagnostic
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REFERENCES
génétique retrouve le génome paternel [11]. L’étude génétique
du choriocarcinome primitif ne met en évidence que des
chromosomes d’origine maternelle puisque cette tumeur
germinale dérive d’une cellule totipotente de la patiente.
1.
Simsek T, Trak B, Tunç M, Karaveli S, Uner M, Sönmez C.
Primary pure choriocarcinoma of the ovary in reproductive
ages: a case report. Eur J Gynaecol Oncol 1998 ; 19 : 284-6.
2.
Goswami D, Sharma K, Zutshi V, Tempe A, Nigam S.
Nongestational pure ovarian choriocarcinoma with controlateral
teratoma. Gynecol Oncol 2001 ; 80 : 262-6.
3.
Jacobs AJ, Newland JR, Green RK. Pure choriocarcinoma of
the ovary. Obstet Gynecol Surv 1982 ; 37 : 603-9.
4.
Baranzelli MC, Patte C, Bouffet E, Quintana E, Portas M,
Vannier JP, Thyss A, Schmitt C, Flamant F. Les tumeurs
germinales malignes non séminomateuses de l’ovaire. Expérience
de la Société française d’oncologie pédiatrique à propos de 64
cas. Contracept Fertil Sex 1999 ; 27 : 133-9.
5.
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of the ovary: report of a case. Cancer 1985 ; 56 : 2321-5.
6.
TriguerosVelazquez M, Sereno Colo JA,Villagran Urive J. Pure
form of primary ovarian choriocarcinoma. Report of a case.
Ginecol Obstet Mex 1995 ; 63 : 341-5.
7.
Akahira J, Ito K, Kosuge S, Konno R, Sato S,Yajima A, Sasano
H. Ovarian mixed germ cell tumor composed of dysgerminoma,
endodermal sinus tumor, choriocarcinoma and mature teratoma
in a 44-year-old woman : case report and literature review.
Pathol Int 1998 ; 48 : 471-4.
La chimiothérapie doit être effectuée dans les plus brefs délais
(une semaine à 10 jours) après le diagnostic car la croissance
ainsi que la récidive tumorale sont très rapides [18].
8.
Sugano I, Nagao K, Kondo Y, Hatakeyama Y, Numata T, Kohno
H. Primary nongestational choriocarcinoma of submental region.
Acta Pathol Jpn 1984 ; 34 : 895.
La surveillance des CC ovariens repose sur l’examen clinique,
la surveillance échographique et scanographique ainsi que
sur le dosage régulier de l’hCG et de sa fraction libre bêta
puisqu’il s’agit d’un marqueur spécifique hautement sensible
[19].
9.
Savage J, Subby W, Okagaki T. Adenocarcinoma of the
endometrium with trophoblastic differenciation and metastases
as choriocarcinoma : a case report. Gynecol Oncol 1987 ; 26 :
257.
Le traitement des tumeurs germinales de l’ovaire est
médicochirurgical et dépend du type histologique, une
stadification chirurgicale correcte est indispensable lors de la
chirurgie initiale, cette stadification doit comporter une
exploration péritonéale avec biopsies associées à une
omentectomie et un curage ganglionnaire pelvien et lomboaortique afin de préciser le pronostic [12].
Pour les stades Ia chez les femmes jeunes, une ovariectomie
ou une annexectomie unilatérale peut être réalisée [13].
La chimiothérapie adjuvante sera proposée selon les resultats
histologiques. Il faut différencier les formes gestationnelles
des formes non gestationnelles pour proposer des traitements
adaptés [14, 15]. Pour le CCG, la chimiothérapie est à base
de méthotrexate. En revanche, les tumeurs non gestationnelles
répondent moins bien au méthotrexate et nécessitent une
polychimiothérapie [16]. Ainsi, pour les CCNG il s’agit d’un
protocole BEP (bléomycine, étoposide, cisplatine) préféré au
protocole VBP initial (vinblastine, bléomycine, cisplatine)
car, l’étoposide donne de meilleurs résultats en matière de
tolérance et d’efficacité [17].
10. Shigematsu T, Kamura T, Arima T, Wake N, Nakano H. DNA
polymorphism analysis of a pure non-gestational choriocarcinoma
of the ovary : case report. Eur J Gynaecol Oncol 2000 ; 21 :
153-4.
Le pronostic des choriocarcinomes est difficile à établir à long
terme en raison de leur rareté, notamment en cas de CCNG.
Pour ces derniers, l’association chirurgie et polychimiothérapie
adjuvante semble le traitement apportant les meilleurs résultats.
Si l’on reprend l’étude de Goswami en 2001 [2], où il colligeait
29 cas de CCNG, le taux de survie à 2 ans était de 81% chez
les patientes ayant reçu une chimiothérapie adjuvante contre
28% chez celles n’en ayant pas eue. Quant aux CCG, leur
pronostic semble meilleur en raison notamment de leur
sensibilité au méthotrexate.
11. Fisher RA, Newlands ES, Jeffreys AJ, Bower GM, Begent RH,
Rustin GJ, Bagshawe KD. Gestational and non gestational
trophoblastic tumors, distinguished by DNA analysis. Cancer
1992 ; 69 : 839-45.
12. Gueye A, Narducci F, Baranzelli MC, Collinet P, Farine O,
Fournier C, Vinatier D, Leblanc E. Les tumeurs malignes de
l'ovaire des cellules germinales : un essai de 36 cas. Gynecol
Obstet Fertil 2007 ; 35 : 406-19.
13. Vautier-Rit S, Ducarme G, Devisme L, Vinatier D, Leroy JL.
Choriocarcinome primaire de l'ovaire : rapport d’un cas. Gynecol
Obstet Fertil 2004 ; 32 : 620-3.
CONCLUSION
14. Lurain JR, Elfstrand EP. Single-agent methotrexate chemotherapy
for the treatment of nonmetastatic gestational trophoblastic
tumors. Am J Obstet Gynecol 1995 ; 172 : 574-9.
Le choriocarcinome ovarien est une pathologie très rare, dont
l'origine gestationnelle ou non doit être impérativement connue
afin d'effectuer le traitement le plus approprié. Ce traitement
associe la chirurgie et la chimiothérapie. Il peut être
conservateur chez la femme jeune pour des stades précoces.
15. Sakai K, Wake N, Fujino T, Yasuda T, Kato H, Fujimoto S,
Fujinaga K. Methotrexate-resistant mechanisms in human
choriocarcinoma cells. Gynecol Oncol 1989 ; 34 : 7-11.
La surveillance consiste au dosage régulier de la bêta-hCG
puisque ce marqueur est spécifique des choriocarcinomes.
Son pronostic à long terme reste encore à évaluer.
16. Ozols RF, Schwartz PE, Eiffel PJ. Ovarian cancer, fallopian
tube carcinoma, and peritoneal carcinoma. fifth ed. In: DeVita
Jr VT, Heelman S, Rosenberg SA, editors. Cancer: Principles
and practise of oncology. Philadelphia: Lippincott-Raven, 1999:
1502-40.
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Choriocarcinome ovarien
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17. William SD, Birch R, Einhorn LH, Irwin I, Greco FA, Loerher
PJ. Treatment of disseminated germ cell tumors: chemotherapy
with cisplatin, bleomycin, and either vinblastine or etoposide.
N Engl J Med 1987 ; 316 : 1435-40.
19. Aucouturier JS, Bader G, El Fata G, Guyot B, Louboutin A,
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B, Meropol NJ, Thigpen JT. Germ cell tumor of the ovary, in
textbook of uncommon cancer. New York : Jhon Wiley and
sons, 2nd ed, 1999 : 671-80.
10