Spectrométrie de masse et résonance magnétique nucléaire : deux

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Spectrométrie de masse et résonance magnétique nucléaire : deux
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
LAURENCE CHARLES*, Stéphane VIEL
Spectrométrie de masse et
résonance magnétique nucléaire :
deux outils complémentaires
pour la détermination structurale
de composés organiques
RÉSUMÉ
Les avantages et les limitations respectifs de la spectrométrie de masse (SM) et de la résonance
magnétique nucléaire (RMN) sont illustrés à travers deux exemples de caractérisation structurale de
composés organiques. La complémentarité des informations issues des analyses SM et RMN est mise
en évidence et fait de cette double approche un outil puissant pour le contrôle analytique de synthèse
organique.
MOTS-CLÉS
Approche
pp
Spectrométrie de masse, résonance magnétique nucléaire, contrôle analytique, identification structurale
Mass spectrometry and nuclear magnetic resonance spectroscopy :
two complementary tools for structural elucidation of organic compounds.
SUMMARY
The respective advantages and drawbacks of mass spectrometry (MS) and nuclear magnetic resonance (NMR)
are illustrated by two examples dealing with structural elucidation of organic compounds. The complementary
information from the MS and NMR analyses is particularly emphasized and makes such a dual approach a
powerful tool in day-to-day analytical control of organic synthesis.
KEYWORDS
Mass spectrometry, nuclear magnetic resonance, analytical control, structural elucidation
I - Introduction
La spectrométrie de masse est devenue une
technique d’analyse incontournable pour l’étude
structurale de composés organiques. Depuis le
développement des techniques d’ionisation dites «douces», la production d’adduits spécifiques
de la molécule peut être favorisée et les rapports
m/z de ces adduits permettent d’atteindre la masse moléculaire du composé. La parité du nombre
d’atomes d’azote présents dans la molécule peut
être déduite, d’après la règle de l’azote, de la pa-
rité des rapports m/z des ions détectés. L’allure du
massif isotopique des adduits détectés renseigne
sur l’existence d’atomes qui présentent différents
isotopes stables et abondants à l’état naturel (i.e.,
Cl ou Br). Par ailleurs, les atomes d’hydrogène labiles peuvent être mis en évidence au cours d’expériences d’échanges isotopiques menées dans des
solvants deutérés. Enfin, si l’analyse de masse est
effectuée à haute résolution, la masse précise du
composé peut être obtenue avec une erreur inférieure à 10 ppm (1-3) : moyennant des hypothèses quant à la nature et au nombre des atomes, la
*JE 2421 TRACES (Théorie, Recherche et Applications Concertées en Spectrométries) - Universités Aix Marseille I & III - Faculté de Saint-Jérôme - Service 511 - 13397
Marseille cedex 20 – Tél.: 04 91 28 86 78 - Fax : 04 91 28 28 97 - E-Mail : [email protected]
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SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
Technologie appliquée
Spectrométrie de masse et Résonance Magnetique Nucléaire :
deux outils complémentaires pour la détermination structurale de composés organiques.
REMERCIEMENTS
Ces travaux
ont été effectués grâce aux
moyens technologiques
mis à notre
disposition par
le Spectropôle
de Marseille
(www.spectropole.
u-3mrs.fr).
Nous tenons à
remercier Gaëtan Herbette,
ingénieur de
recherche
au Spectropôle, pour les
expériences
RMN et PierreYves Roger,
doctorant de
l’UMR Symbio
à la faculté de
Saint-Jérôme,
pour nous
avoir permis
d’exploiter ses
résultats dans
cet article.
composition élémentaire de la molécule peut être
proposée.
Les informations structurales peuvent être obtenues à partir du spectre de fragmentation (MS/
MS) d’un ou de plusieurs adduits moléculaires.
Quelles que soient les configurations instrumentales adoptées (triple quadripôles, trappe ionique
ou instrument hybride), la décomposition des ions
est induite par collision. Parce que les processus de
dissociation sont caractéristiques de la structure
de l’ion, l’analyse du rapport m/z et de l’intensité
des ions fragments permet d’envisager le mécanisme des réactions mises en jeu et, de là, accéder à la
structure de l’ion parent. Il existe un certain nombre de mécanismes bien répertoriés, diagnostiques
de la présence de certains groupements fonctionnels. Par exemple, la perte d’un neutre de 32 Da
(CH3OH) est diagnostique de la présence initiale
d’un groupement methoxy tandis que l’existence
d’un groupement –NH2 induit généralement la
perte d’une molécule d’ammoniaque. Néanmoins,
les informations résultant de telles ruptures simples restent partielles puisqu’elles permettent, au
mieux, l’identification de certaines fonctionnalités
mais ne donnent aucune indication quant à leur
localisation respective. De plus, si l’énergie conférée lors des collisions est suffisante pour permettre
des réarrangements de l’adduit moléculaire, des
ions fragments vont être formés au cours de réactions beaucoup plus complexes. S’il reste possible
de rendre compte de ces réarrangements à partir
d’une structure connue dans le cadre d’une confirmation structurale, il est très difficile d’en tirer des
informations exploitables lorsqu’il s’agit d’identifier un composé inconnu.
La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) exploite le fait que de nombreux noyaux atomiques
peuvent être orientés par un champ magnétique
fort. Sous l’effet d’un deuxième champ magnétique,
plus faible, ces noyaux absorberont à des fréquences caractéristiques (4). Pour être actif en RMN, un
noyau doit posséder un spin non nul mais, en pratique, la faisabilité de l’observation RMN dépend
également de la sensibilité des noyaux analysés. La
valeur du spin de l’isotope étudié joue également
un rôle primordial et, en fonction de ces paramètres, l’observation RMN peut être plus ou moins
difficile à mettre en œuvre.
De manière générale, dans le spectre RMN haute
résolution d’un échantillon en solution, plusieurs
types d’information sont accessibles. D’un point
de vue qualitatif, les fréquences de résonance mesurées sont caractéristiques de l’environnement
chimique des noyaux ou des groupes de noyaux
analysés. La multiplicité, ou figure de couplage,
indique le nombre de noyaux présents dans le
voisinage du noyau étudié et renseigne donc sur
l’arrangement relatif des noyaux au sein de la molécule. D’un point de vue quantitatif, les aires des
signaux de résonance sont, sous certaines conditions, proportionnelles au nombre de noyaux,
ce qui facilite l’attribution spectrale. Néanmoins,
il s’agit d’une proportionnalité relative : on peut
comparer des aires entre elles dans un même
spectre, mais on ne peut pas a priori déduire de
l’aire le nombre absolu de noyaux qui résonnent
à une fréquence donnée. Cette limitation doit impérativement être prise en compte dans le cas de
composés dimériques présentant une structure
symétrique ou lorsque les signaux de résonance
présents dans le spectre se retrouvent multipliés du fait de la présence de plusieurs formes
en équilibre, par exemple dans le cas d’équilibres
conformationnels (5).
En combinant toutes ces informations, le chimiste peut déduire, de manière totale ou partielle, la
structure du composé étudié. Cependant, dans
le cadre d’un contrôle analytique de synthèse,
il arrive souvent que les seules analyses RMN
disponibles soient des spectres d’un ou de deux
noyaux, classiquement le proton 1H et le carbone
13
C. Les expériences de corrélation bidimensionnelles ne sont pas nécessairement accessibles,
que ce soit pour des raisons de coût, de disponibilité du spectromètre (temps machine) ou de
formation du personnel. Les informations contenues dans les spectres 1H et 13C suffisent souvent
à confirmer ou infirmer la structure d’un composé de synthèse attendu, et peuvent même permettre l’identification d’un composé inconnu. En
effet, il existe une littérature considérable corrélant les déplacements chimiques mesurés à l’environnement chimique du noyau observé (6-8).
Des attributions spectrales simples peuvent donc
en théorie se baser exclusivement sur ces sources. En réalité, à l’exception de quelques cas très
simples, cette analyse ne permet pas de conclure
de manière certaine quant à l’environnement chimique d’un noyau donné. Tout au plus, l’analyse
peut suggérer la présence d’un groupement spécifique, par exemple un accepteur ou un donneur
d’électrons, mais ne permet pas de conclure de
manière certaine sur la nature exacte du substituant. Une autre limitation de la RMN réside
dans sa faible sensibilité par rapport à d’autres
techniques, telles que les spectroscopies optiques ou la spectrométrie de masse, même si de
récents progrès techniques ont permis de pallier
partiellement cette limitation grâce à l’utilisation
de champs magnétiques de plus en plus intenses
ou de la technologie cryogénique. Cette dernière
permet d’augmenter très nettement la sensibilité
de l’expérience RMN en réduisant la température
de fonctionnement de la bobine et du préamplificateur (9).
Parce qu’elles sont basées sur des principes qui
font appel à des propriétés différentes des molécules, les techniques SM et RMN permettent
d’atteindre soit les mêmes données relatives à un
composé mais de façon indépendante, comme par
exemple la masse moléculaire Mw d’un polymère
(10), soit des informations structurales complémentaires. Les deux exemples présentés ci-après
ont pour objectif d’illustrer cette complémentarité
en décrivant la double approche analytique pratiquée dans notre laboratoire.
SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
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TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
II - Matériel et méthodes
Spectrométrie de masse – Toutes les analyses ont été
effectuées sur un spectromètre de masse triple quadripôle (API III Plus, Sciex, Toronto) équipé d’une source
d’ionisation electrospray assistée pneumatiquement.
La température de l’interface a été maintenue à 54°C.
De l’azote ultrapur (UHP, 99,999%) a été utilisée comme gaz rideau à un débit de 0,6 L/min et le gaz de nébulisation était de l’air (qualité F.I.D.) délivré à un débit
de 0,8 L/min. La tension d’electrospray était de 5000
V en mode positif et – 4800 V en mode négatif. La
tension d’orifice était de 50 V en mode positif et – 35
V en mode négatif. Les échantillons, en solution dans
le méthanol à 3 mM d’acétate d’ammonium, ont été
introduits dans la source d’ionisation au moyen d’une
pompe pousse-seringue Harvard Apparatus (South
Natick, MA, USA) à un débit de 5 μL/min.
Résonance magnétique nucléaire - Les expériences
ont été effectuées sur un spectromètre Bruker Avance
AV300 équipé d’une sonde multinucléaire inverse et
sur un spectromètre Bruker Avance AV500 équipé
d’une cryosonde optimisée pour observer le proton.
Sur ces deux appareils, les fréquences de Larmor du
proton 1H et du carbone 13C sont respectivement
300 et 75 MHz, et 500 et 125 MHz. Les spectres des
composés 1 et 2 ont respectivement été enregistrés
dans D2O et CDCl3 à 300 K. Les déplacements chimiques sont reportés en ppm par rapport au tétraméthylsilane (TMS) en utilisant le signal 1H résiduel du
solvant deutéré.
III - Résultats et Discussion
Le premier exemple traite de la caractérisation
structurale d’une impureté repérée dans le chromatogramme HPLC-UV lors du contrôle d’un échantillon d’explosif (trinitrotoluène, TNT). L’impureté
1 est isolée par HPLC préparative, suivie d’une
évaporation à sec sous flux d’azote puis reprise
dans D2O pour analyse par RMN. Cette procédure
de préparation de l’échantillon est privilégiée par
rapport à un couplage direct HPLC-RMN du fait
de la configuration instrumentale actuellement
disponible au laboratoire. En effet, la sonde de mesure utilisée dans le laboratoire pour le couplage
n’est pas équipée de la technologie cryogénique.
Le spectre RMN 1H met en évidence la présence
d’un triplet à 1,25 ppm et d’un quadruplet à 2,93
ppm, ayant respectivement pour intégrale 3 et 2.
Ces signaux sont caractéristiques de la présence
d’un groupement –CH2-CH3. D’autre part, trois
autres signaux, chacun d’intégrale 1, observables à
7,70, 8,36 et 8,62 ppm, suggèrent la présence d’un
noyau aromatique trisubstitué. Un premier substituant est le groupement éthyle, comme le suggère
la valeur du déplacement chimique des protons du
CH2 (2,93 ppm). La multiplicité des signaux et les
constantes de couplage renseignent sur la position
respective des substituants. En effet, la présence
d’un doublet avec une faible constante de couplage
dans un système aromatique impose qu’il existe un
proton qui ne possède pas de voisin en ortho et ne
32
SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
possède qu’un seul voisin en meta. Le nombre de
structures possibles est ainsi réduit. D’autre part,
on remarque que les signaux aromatiques sont
dans l’ensemble très déblindés, ce qui suggère la
présence de substituants qui soient accepteurs
d’électrons. Notamment, le signal mesuré à 8,62
ppm semble subir l’influence de ces groupements
accepteurs d’électrons, influence qui est la plus
forte en ortho et en para du groupement substituant. Toutes ces informations, synthétisées dans
le Tableau I, semblent converger vers la structure
partielle donnée par la Figure 1, seule structure expliquant le fort déblindage observé pour le signal
à 8,62 ppm grâce à la présence en ortho des deux
substituants accepteurs d’électrons, X et Y.
L’impureté 1 est reprise dans une solution de méthanol à 3 mM d’acétate d’ammonium pour analyse par spectrométrie de masse après ionisation
electrospray. En mode d’ionisation positif, aucun
signal n’a pu être détecté tandis qu’un ion pseudomoléculaire [M-H]- est observé à m/z 195 dans
le spectre de masse obtenu après ionisation en
mode négatif. Le poids moléculaire de l’impureté
est donc 196 Da, indiquant un composé comportant un nombre pair d’atomes d’azote. D’après le
squelette moléculaire proposé par l’analyse RMN
et la masse moléculaire de l’impureté étudiée, la
somme des masses des groupements X et Y serait
de 92 Da. Par ailleurs, le profil isotopique simple de l’ion m/z 195 permet d’exclure la présence
d’atomes tels que le chlore ou le brome. D’après
les déplacements chimiques mesurés sur le spectre RMN et la nature de l’échantillon dans laquelle
Type
δ 1H (ppm)
m
3 1
J H-1H (Hz)
2
CH
7,70
d
8,5
3
CH
8,36
dd
8,5 ; 2,5
5
CH
8,62
d
2,5
1’
CH2
2,93
q
7,0
2’
CH3
1,25
t
7,0
Tableau I
Attribution du spectre 1H de 1 dans D2O à 300 K.
H2C
CH3
X
Y
Figure 1
Squelette moléculaire de l’impureté 1 proposé après
analyse RMN.
Technologie appliquée
Spectrométrie de masse et Résonance Magnetique Nucléaire :
deux outils complémentaires pour la détermination structurale de composés organiques.
C H
-CH H O
2
H
C
H CH
OH
N
+ O-
N
NO2
H
HC C
N O-
- H2O
O-
NO2
NO2
m/z 195
m/z 177
Figure 2
Hypothèse de mécanisme pour l’élimination d’une molécule d’eau à partir de l’ion m/z 195.
H2C
Figure 3
Hypothèse de
formation de l’ion
fragment m/z 46 à
partir de l’ion parent
m/z 195.
CH2
+
-
H2
CH2
C O
N
+ O-
NO2
-
O N O
m/z 46
NO2
m/z 195
Figure 4
Structure de
l’intermédiaire
de synthèse 2
(C4H4N2O3 ; M =
128 Da).
O
N
O2N
1
3
4
2
m/z 129
Figure 5
Spectre de fragmentation de l’ion m/z 129 (Ecollision = 20 eV)
l’impureté a été décelée, l’hypothèse de deux groupements nitroxy en position ortho et para du groupement éthyle est cohérente avec les informations
extraites du spectre MS et plausible au regard de
la nature de l’échantillon. La structure du 2,4-dinitroéthylbenzène est alors confrontée au spectre de
fragmentation (MS/MS) de l’ion m/z 195. Les ions
fragments, de très faible intensité (<10 %), sont mesurés à m/z 177, 165, 118, 92, 59, 46. La détection
de l’ion m/z 177 montre que l’ion parent [M-H]- est
susceptible de perdre une molécule d’eau. Cependant, la faible intensité de cet ion fragment laisse
supposer une réaction très lente qui pourrait procéder par un réarrangement plutôt qu’une rupture
directe à partir d’un groupement hydroxy (figure
2). La perte d’une entité de 30 Da est généralement
associée à l’élimination d’un radical NO° dans les
spectres de fragmentation des composés nitrés. La
perte d’un radical à partir de cations formés dans
des sources d’ionisation à pression atmosphérique
constitue une exception à la règle des électrons
pairs (11). Cependant, de telles réactions peuvent
être observées pour des ions expulsant des groupements stables sous forme radicalaire (12) et ont
été décrites aussi bien en mode d’ionisation positif
(13) qu’en mode d’ionisation négatif (14). La présence d’un pic à m/z 46 dans le spectre MS/MS est
diagnostique de la présence d’un ion comportant un
nombre impair d’atomes d’azote et son origine peut
également être envisagée à partir de l’ion [M-H]du 2,4-dinitroéthylbenzène (figure 3). L’ion fragment m/z 59 pourrait être identifié comme étant
l’ion acétate, issu d’une réaction de fragmentation
de l’ion [M-H]- impliquant de nombreux réarrangements, tandis que l’ion m/z 118 proviendrait
d’une décomposition consécutive de l’ion fragment m/z 165 qui perdrait, après ouverture du
cycle aromatique, une molécule d’acide nitreux
impliquant le groupement NO2 en position para.
L’ion m/z 118 se décomposerait ensuite en perdant
une molécule d’éthylène pour engendrer l’ion fragment m/z 92.
Le deuxième cas d’étude illustre un exemple où une
incohérence a été relevée entre les résultats RMN et
les données obtenues par spectrométrie de masse,
lors d’un contrôle de routine d’un intermédiaire de
synthèse (figure 4). Le spectre RMN 1H du composé 2 met en évidence deux signaux à 2,53 et 6,60
ppm, ayant respectivement pour intégrale 3 et 1, et
confirme la présence des groupements CH3 et CH.
Néanmoins, le spectre RMN 13C enregistré sur le
spectromètre AV300 est en désaccord avec la structure proposée car il n’indique la présence que de 3
atomes de carbone.
Le spectre de masse obtenu après ionisation en
mode electrospray positif du composé 2 montre
quatre pics principaux à m/z 129, m/z 146, m/z 151
et m/z 161, correspondant à la série d’adduits MH+,
MNH4+, MNa+ et MH+.CH3OH, respectivement.
Cette série est diagnostique de la présence en solution d’une molécule M de poids moléculaire 128
Da, conformément à la valeur attendue. Le spectre
de fragmentation de l’ion m/z 129 (figure 5) s’avère
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TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
+
H
N
Figure 6
O
O
+
.N
+
H
O
O N
+
N
CH
O
O
m/z 41
Figure 7
NH
HN H
HC
O
H2
C
NO2
CH
O2N
+
N
O N
+
Hypothèses de
filiation des ions
m/z 83, m/z 68 et
m/z 41 lors de la
décomposition
induite par collision
de l’ion parent m/z
129.
m/z 68
CH
+
O
Hypothèse de
formation de l’ion
fragment m/z 55 à
partir de l’ion parent
m/z 129.
+
m/z 129
H
CH
O
H2
C
O2N
+
N
CH
m/z 83
m/z 129
+
H
CH3
.
O-
N
H
.
O
N
+
m/z 55
O
O
O
HN
O N
+
O-
O
N
CH
HN
CH
NH
CH
+
+N O
Schéma réactionnel
proposé pour la
transition
m/z 129 ­ m/z 43.
H3C +
O
m/z 43
O
O-
Figure 8
O
m/z 129
H+
N
O
H
N
N
CH2
O2N
O2N
OH
CH2
C
H
H+
m/z 129
cohérent avec les hypothèses de décomposition
de la molécule protonée. L’intensité du pic m/z
68 dans le spectre MS/MS indique une cinétique
de décomposition élevée qui peut être attribuée,
selon le schéma réactionnel présenté Figure 6, à
des réactions radicalaires. La configuration électronique de l’ion fragment m/z 83 permet ensuite
l’expulsion rapide du radical méthyl pour engendrer l’ion m/z 68 qui perd à son tour une molécule d’acide cyanhydrique pour former l’ion m/z
41. L’origine de l’ion m/z 55 est considérée comme
l’élimination d’une molécule de C-nitro-méthy34
SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
O 2N
Figure 9
OH
CH
+
CH2
CH2
CH
CH
m/z 39
+
lèneamine après ouverture du cycle aromatique
de l’ion parent (figure 7). Un cation acétyl serait
détecté à m/z 43 et formé selon le schéma réactionnel présenté Figure 8. Enfin, l’ion propynylium
à m/z 39, issu de la perte d’une molécule d’acide
méthylnitrolique à partir de l’ion parent, est stabilisé par résonance (figure 9). L’interprétation du
spectre MS/MS confirmerait que la molécule 2
présente bien la structure attendue.
Le composé 2 a donc été de nouveau analysé par
RMN, sur le spectromètre AV500, en utilisant des
conditions expérimentales optimisées pour l’ob-
Hypothèse de
formation de l’ion
fragment m/z 39 à
partir de l’ion parent
m/z 129.
Technologie appliquée
Spectrométrie de masse et Résonance Magnetique Nucléaire :
deux outils complémentaires pour la détermination structurale de composés organiques.
l’observation 13C (15). De cette manière le spectre
13
C obtenu a effectivement révélé la présence d’un signal supplémentaire large à 167,69 ppm (tableau II).
Ce signal est attribué au carbone C-1 qui est élargi
du fait de son interaction avec l’azote 14N. La Figure
10 illustre clairement que, bien que la présence de
ce pic pouvait être suspectée sur le spectre enregistré sur le spectromètre AV300 (figure 10a), seule
l’augmentation significative du rapport signal sur
bruit, liée à l’utilisation de conditions d’observation optimales, a pu permettre une identification
formelle dans un temps d’expérience raisonnable
(figure 10b).
Tableau II
Attribution des
spectres 1H et 13C de 2
dans CDCl3 à 300 K.
Type
b 13C (ppm)
b 1H (ppm)
m
1
C
167,69
-
-
2
CH
97,57
6,60
s
3
C
174,92
-
-
4
CH3
13,15
2,53
s
mise en œuvre en contrôle de synthèse, et constitue un outil précieux pour les chimistes organiciens, mais fait également l’objet d’applications
dans des domaines très variés, de la caractérisation des polymères synthétiques à l’identification
de composés inconnus à l’état de traces.
BIBLIOGRAPHIE
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Agrandissement
de la zone 160-180
ppm du spectre RMN
13
C découplé 1H du
composé 2 enregistré
a) sur le spectromètre
AV300 et b) sur le
spectromètre AV500.
IV - Conclusion
(12) KARNI M., MANDELBAUM A. The “even-electron rule”. Org.
Mass Spectrom. 1980, 15, 53-64.
La spectrométrie de masse et la résonance magnétique nucléaire sont deux techniques de caractérisation qui, bien que très performantes, ne peuvent
révéler toute leur efficacité que lorsqu’elles sont
habilement combinées. Cet effet de synergie permet de résoudre la plupart des cas d’élucidation
structurale rencontrés, les avantages d’une technique palliant les limitations de l’autre. La double
approche analytique SM/RMN est régulièrement
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(15) BERGER S., BRAUN S. 200 and more NMR experiments – a
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SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
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