Un redécoupage des cantons qui maltraite les

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Un redécoupage des cantons qui maltraite les
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PATRICK KOVARIK/AFP
JACQUES DEMARTHON/AFP
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Caroline
Mécary
Hervé
Mariton
P. 2
P. 3
Rédacteur en chef : Joël Genard
Réforme territoriale
Mariage pour tous :
la messe est dite !
Un redécoupage des cantons
qui maltraite les territoires ruraux
Le rideau tombe sur le premier acte du,
trop long, débat sur le « mariage pour
tous ». Certes, l’examen du texte au
Sénat et la deuxième lecture nous proÉdito
mettent encore quelques passes
Thierry Guerrier d’armes. L’opposition fait mine de ne
pas lâcher prise, une nouvelle grande « manif pour tous » est
annoncée. Mais la droite sait que la messe est dite ! Le projet
de loi sera bientôt adopté. Et la France verra bien ses premiers
mariages homosexuels célébrés en toute légalité, sur tout son
territoire, avant la fin 2013… foi de garde des Sceaux ! L’UMP,
qui ne s’y trompe pas, laisse la liberté de vote à ses députés
et tente de présenter ceux d’entre eux qui s’abstiendront
comme autant de farouches adversaires de la réforme. Pur habillage rhétorique pour préserver le petit bénéfice qu’elle a retiré
de toute cette affaire : une apparence d’unité retrouvée. Les
convictions des plus libéraux de ses parlementaires favorables
au texte (Riester, Apparu), la crainte de certains de courir derrière leurs électeurs plutôt que de les précéder, le risque de faire
passer à nouveau la droite française pour la plus conservatrice
d’Europe (alors que sa cousine britannique, menée par David
Cameron, lui infligeait un camouflet involontaire en faisant
voter le mariage gay au même moment à Londres) : rien de
tout cela n’a vraiment pesé dans le choix des stratèges de
l’UMP, copéistes comme fillonnistes, face à l’opportunité que
semblait offrir cette formidable controverse anthropologique,
pour resserrer les rangs. Défaite au printemps par son échec
électoral, meurtrie à l’automne par son combat des chefs,
l’UMP avait-elle d’autre choix que de s’engouffrer dans la
brèche ? Sans doute pas. À l’instar du débat sur le PACS, qui
avait déjà fait passer, peu ou prou, le RPR pour ringard, sa
façon d’incarner encore cette fois, sans nuance ou presque, la
contestation d’une telle réforme de société lui laissera pourtant des cicatrices douloureuses. Des traces qui rejailliront au
plus mauvais moment pour elle, à l’heure des premiers bilans
de la réforme, dans deux ou trois ans, alors que plus personne,
y compris en son sein, n’osera plus prôner sérieusement l’abolition de ce mariage du XXIe siècle qui sera passé dans les
mœurs. François Hollande, qui, sauf accident, devrait entamer
alors sa seconde campagne présidentielle, pourra en tirer
argument. Pour l’heure, la droite a su en tout cas profiter des
errements du président de la République sur la « liberté de
conscience » des maires et exploiter les atermoiements du gouvernement sur la PMA (Procréation médicalement assistée)
et se requinquer. Pour la gauche d’ailleurs, cette « bataille
identificatrice », comme dit Claude Bartolone, aurait pu tourner au cauchemar. Mais la façon, saluée unanimement, dont
le président socialiste de l’Assemblée a su mener les débats
lui a évité l’ornière. Enfin, le chef de l’État aura trouvé en sa ministre de la Justice sa meilleure alliée. Christiane Taubira, prononçant sans notes son discours d’introduction dans l’Hémicycle
et citant René Char, qui s’est inscrite dans la lignée des grands
réformateurs de la Ve République, après Simone
Veil et Robert Badinter.
TILIO & PAOLO/FOTOLIA
Le projet de loi prévoit principalement l’élection dans chaque
canton d’un binôme homme-femme entraînant mécaniquement
un redécoupage et une division presque par deux du nombre
des cantons selon un principe essentiellement démographique.
P
> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15
www.lhemicycle.com
devaient remplacer les conseillers régionaux et les conseillers généraux en 2014.
François Hollande avait promis de revenir sur cette disposition. Les élections des
conseillers régionaux et départementaux (selon la nouvelle terminologie)
sont par ailleurs repoussées à 2015, date
à laquelle les conseillers départementaux seront élus en une série unique et
non plus renouvelés par moitié tous les
trois ans. Conséquence de cette abrogation, la redéfinition du mode d’élection
des conseillers départementaux. C’est
la véritable originalité du projet de loi,
pour ne pas dire incongruité. Un mode
de scrutin binominal majoritaire et paritaire à deux tours est proposé.
Concrètement, dans chaque canton,
deux sièges – et non plus un – seront toujours à pourvoir. Les partis politiques
devront investir un binôme, obligatoirement composé d’un homme et d’une
femme. L’électeur votera donc pour une
paire de candidats, selon les mêmes
règles que pour le scrutin majoritaire
uninominal à deux tours. Le couple qui
atteindra la majorité absolue au premier
ou au second tour sera élu en bloc.
Éric Maulin
> Lire la suite en p. 4
Dossier
Copropriétaires en
résidences de tourisme :
le scandale couve
Et aussi
JJSS, le jésuite Matteo
Ricci et Madame Roland,
le trio gagnant de Raffarin
2 012 cantons contre 3 971 actuellement
Que restera-t-il de la proximité dès lors
que les moins peuplés vont croître ?
lus technique et plus ingrat que
le mariage homosexuel, le projet
de loi relatif à l’élection des
conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier
électoral, arrive le 18 février en séance
publique à l’Assemblée nationale, après
avoir été rejeté par le Sénat, à la mijanvier. C’est un projet d’importance
qui prépare le cadre électoral du futur
acte III sur la décentralisation.
Premier élément notable du projet, sans
surprise, le vote de l’abrogation de la
loi sur les conseillers territoriaux, qui
ÉRIC PIERMONT/AFP
STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP
Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier
Depuis cinq ans, des faillites en cascade de résidences de tourisme
ont asphyxié des milliers de petits épargnants copropriétaires.
La possibilité d’une vaste tromperie organisée se fait jour.
Députés et sénateurs en appellent au gouvernement.
> Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7
Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Majorité : nouvelles
turbulences à prévoir par Pascale Tournier > p. 4 •
Les difficiles comptes du 9-3 par Florence Cohen > p. 5 •
NUMÉRO 459 — MERCREDI 13 FÉVRIER 2013 — 2,15 ¤
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LA CHAÎNE DES SYNERGIES PUBLIC-PRIVÉ
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Dossier
Copropriétaires en résidences
de tourisme : le scandale couve
Depuis cinq ans, des faillites en cascade de résidences de tourisme ont asphyxié des milliers
de petits épargnants copropriétaires. La possibilité d’une vaste tromperie organisée se fait jour.
Députés et sénateurs en appellent au gouvernement.
Par Tatiana Kalouguine
IGNATIUS WOOSTER/FOTOLIA
D
epuis des mois, plusieurs
centaines de particuliers
ayant acheté des appartements en résidences de tourisme
inondent leurs élus de lettres
de protestation et de pétitions.
Estimant avoir été floués par les
promoteurs immobiliers et les
exploitants de ces résidences, ils
se sont regroupés en associations
disséminées sur le territoire. Une
fédération nationale de quelque
2 000 adhérents est en train de
voir le jour pour demander réparation et faire connaître l’affaire
auprès du public.
Ces propriétaires ont souscrit un
investissement dit « locatif », le
type de produit « béton », présenté
par de nombreux experts comme
une valeur sûre. Mais qui dans bien
des cas s’avère un piège redoutable.
Sur le papier, le produit en question
ne présente que des avantages. En
achetant dans une résidence de
tourisme classée ou « RC », vous
bénéficiez d’une déduction de TVA
(19,6 %) sur le prix d’achat, voire
d’une réduction d’impôt de 25 %
supplémentaire si la résidence se
trouve en zone de réhabilitation
rurale (loi Demessine).
Ensuite, plus rien à faire. Une
société d’exploitation spécialisée
se charge de commercialiser l’appartement. Elle vous verse un loyer
fixe garanti par un bail commercial
irrévocable de neuf ans au minimum. La rentabilité offerte est alléchante : environ 4 à 5 % par an.
Cerise sur le gâteau, vous êtes libre
d’occuper votre logement plusieurs
semaines par an pendant vos
vacances.
Mais le rêve tourne bien souvent
au cauchemar. À la mi-octobre
2012, les propriétaires d’une résidence située à Morgat (Finistère)
s’étonnent de recevoir sans explication un chèque de loyer trimestriel de… 48 euros de la société
exploitante, Soderev Tour. « Pour
la même période de l’année précédente, le chèque était de 1 421 euros »,
Un pan considérable
de l’économie française
Les résidences de tourisme
représentent un patrimoine
évalué à 33 milliards d’euros,
essentiellement financé par
l’épargne privée. Ce patrimoine
appartient pour 85 % à des particuliers, pour 5 % à des exploitants
individuels, et pour 10 % à des
investisseurs institutionnels. Parmi
les principaux exploitants de rési-
dences de tourisme en France figurent Pierre & Vacances, Néméa,
Odalys, Eurogroup, Dom’Ville
Services, Goélia, Groupe Lagrange,
Maeva, MGM, Park & Suite Group.
Le chiffre d’affaires de ce secteur,
qui emploie 28 000 personnes
(dont 6 000 saisonniers), s’est élevé
à 2,9 milliards d’euros en 2011.
(Source SNRT)
6
se souvient un des copropriétaires.
Une semaine plus tard arrive un
courrier de Soderev Tour, qui
annonce à tous ses propriétaires
son placement sous procédure de
sauvegarde en raison de graves difficultés financières.
Faillites en cascade
Si l’exploitant ne peut rompre le
bail commercial, il peut fort bien…
mettre la clé sous la porte. Dans ce
cas le deal est simple : soit les propriétaires acceptent de revoir les
loyers à la baisse, soit le bail est
rompu. Avec dans ce cas le risque
pour le propriétaire de perdre tous
ses revenus et de devoir rembourser au fisc les 20 % de TVA sur le
prix d’achat du bien.
Sept mois avant Soderev, la société
Résitel, en difficulté elle aussi, avait
également demandé sa mise en procédure de sauvegarde, après six mois
de loyers impayés. Se tournant vers
ses propriétaires, elle réclamait alors
des réductions pouvant aller jusqu’à
L’HÉMICYCLE NUMÉRO 459, MERCREDI 13 FÉVRIER 2013
70 % du montant des loyers garantis et le déplafonnement des charges.
75 résidences étaient touchées,
les propriétaires pris à la gorge.
« Personne n’avait terminé de payer
son crédit, précise Thien An Hoang,
l’une d’entre eux. Certains ont encore
1 000 euros à rembourser chaque mois
et un manque à gagner de 700 euros
de loyer. »
Ce n’est pas une première. Depuis
2007, de nombreuses sociétés d’exploitation ont ainsi été placées sous
administration judiciaire, mettant
généralement les propriétaires au
pied du mur. Citons la déroute
d’Antipodes, Oléa, Mona Lisa,
Quiétudes, Transmontagne, Maisons de Biarritz, Résid’Hôtel ou
encore Rhodes Tourisme au printemps dernier… la liste est longue.
Surexploitation
La crise du tourisme suffit-elle à
expliquer ces faillites en cascade ?
Certainement pas, affirme Georges
Guérin, le président de la Fédéra-
tion nationale des propriétaires de
résidences de tourisme. Pour lui, la
faute incombe partiellement aux
promoteurs qui « construisent en
dépit du bon sens, encouragés par des
fiscalités avantageuses comme la loi
Demessine ». Il s’agit pour lui « d’une
crise de la gestion des résidences ».
À Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées) comme dans d’autres zones
touristiques, le problème de surexploitation est manifeste, selon
Thien An Hoang, qui a acheté son
appartement 180 000 euros
en 2007. « L’offre y a explosé ces dernières années. On a construit quatre
résidences au même endroit récemment. La ville de Saint-Lary comprend aujourd’hui 50 000 lits, ce qui
est totalement disproportionné. »
La chose est entendue. Même
Pascale Jallet, la directrice générale du Syndicat national des résidences de tourisme (qui représente
les entreprises du secteur) le reconnaît : « Il y a eu une euphorie et puis
la crise est arrivée, tout ça est allé
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trop loin. » Reste à savoir pourquoi
la construction de résidences de
tourisme se poursuit à un tel
rythme. Au pire de la crise en 2009,
les capacités d’hébergement en
résidences de tourisme ont augmenté de 12 % puis encore de 7 %
en 2010 selon l’Insee (chiffres
contestés par le SNRT, qui constate
un ralentissement). La France
compte désormais 2 067 résidences
au total pour 669 343 lits.
Opération viciée
La concurrence mortifère que se
mènent les opérateurs ne serait toutefois qu’une partie d’un problème
bien plus complexe. Lorsque l’on
se penche sur les nombreux litiges
depuis cinq ans, on est étonné de
retrouver à chaque fois le même
modus operandi, quels que soient
les protagonistes en présence.
Côme Idrac, avocat spécialisé dans
ce type de contentieux, qui a eu à
défendre près d’un millier de propriétaires piégés, le résume ainsi :
« Dès le départ, le fond de l’opération
est vicié. Le promoteur vend un logement à un prix supérieur au marché
en échange de loyers garantis et de
rendements très élevés, de l’ordre de
5 % par an. Mais il sait que c’est
impossible sur le long terme, compte
tenu de la concurrence. »
« Il lui faut alors trouver une société
de gestion pas trop regardante, qui
accepte ce deal bancal », poursuit-il.
Pour le convaincre, le promoteur
promet à l’exploitant de lui verser
pendant deux ou trois ans une
subvention appelée « fonds de
concours » qui lui permettra de
verser le différentiel de loyers surévalués.
Ce que le propriétaire ne sait pas
au moment de signer c’est que la
rentabilité promise n’est donc pas
« garantie » sur la durée de son bail,
mais uniquement sur deux ou trois
ans, le temps pour l’exploitant
d’épuiser ce fameux fonds de
concours. Si les revenus de sa résidence ne sont pas suffisants pour
générer ce niveau élevé de rentabilité, il l’apprendra à ses dépens
au moment où la subvention arrivera à sa fin. « L’expression “loyer
garanti” est une hypocrisie extraordinaire, il n’y a rien de garanti ! »,
conclut l’avocat.
« Réticence dolosive »
Dans un jugement de février 2011,
le TGI de Périgueux a assimilé le
mécanisme du fonds de concours
à une tromperie, le qualifiant
de « réticence dolosive ». Quiétude,
le groupe concerné, exploitait alors
55 résidences. Trois mois avant
son placement en redressement
judiciaire, il avait racheté 16 résidences au groupe Résid’Hôtel.
« Le fonds de concours est une pratique
ancienne censée permettre de lancer
la résidence, d’arriver à un rythme
de croisière, explique Pascale Jallet.
Mais elle s’est trop généralisée. On ne
peut pas utiliser ce genre d’artifice
sans mettre en action les mesures
nécessaires pour démarrer une exploitation. » Force est de constater que
les bonnes recettes perdurent.
Thien An Hoang, qui a eu accès aux
comptes de Résitel en tant que
représentante des copropriétaires
et contrôleuse judiciaire, a constaté
l’existence de versements de
sommes conséquentes provenant
du promoteur Lagrange, qui pourraient être des fonds de concours.
Pourquoi ces pratiques s’arrêteraient-elles aujourd’hui ? « Le promoteur gagne de l’argent, précise
Côme Idrac. Il lui faut juste un
exploitant un peu voyou qui accepte
de se charger de l’exploitation, en
échange du versement du fonds de
concours, le temps que les lots soient
tous vendus. » Le scénario est imparable, sans être illégal. Si bien rôdé
que certains, comme l’UFC Que
choisir, vont jusqu’à soupçonner
les promoteurs de programmer à
l’avance la défaillance de l’exploitant et son placement en sauvegarde.
Les soupçons sont d’autant plus
sérieux lorsque le promoteur et
l’exploitant ne sont qu’une seule
et même entité, ce qui est le cas
pour Soderev Tour et Résitel, toutes
deux filiales du Groupe Lagrange.
Le même Groupe Lagrange, troisième opérateur du secteur des
résidences en France, qui commercialise les appartements Résitel et
Soderev Tour et contrôle même la
société de syndic qui gère le quotidien de toutes les résidences.
Tromperie manifeste
Le résultat, pour Côme Idrac, c’est
une tromperie manifeste des petits
épargnants : « On fait rêver des gens
à petit revenus qui s’endettent sur
vingt ans pour un studio invendable
à Gémenos, persuadés qu’ils seront
remboursés par les revenus locatifs. On
leur dit qu’ils investissent dans la
pierre donc qu’il n’y a pas de risque,
or il ne s’agit pas d’investissement
dans la pierre, mais dans du commerce
hôtelier, ce qui est bien plus risqué. »
Pas question de parler d’escroquerie pour Pascale Jallet, tout au plus
d’un « manque de professionnalisme
des gestionnaires. Les pratiques malsaines ont bien existé, mais elles sont
en voie d’extinction », constate-telle. Fermez le ban. Aujourd’hui
« les promoteurs ne s’intéressent plus
au tourisme côtier ou de montagne, ils
préfèrent construire dans les centresvilles, où les capacités d’hébergement
sont moins importantes et la rentabilité plus élevée », promet la représentante des grandes enseignes. Mais
est-ce vraiment rassurant ?
Les signaux économiques ne sont
pourtant pas très enthousiasmants.
Certes l’Insee a jugé l’année 2011
« excellente » pour le secteur des
résidences de tourisme, tout
comme le premier semestre 2012.
Mais les opérateurs ne redressent
pas la tête, bien au contraire. « Le
rythme des faillites s’est considérablement accru depuis deux ans »,
observe Côme Idrac. Pire, le Groupe
Pierre & Vacances, leader du secteur,
qui n’est pas en sauvegarde, tenterait actuellement de renégocier les
loyers à la baisse en fin de bail,
dans des proportions allant de 20 %
à 65 %, en menaçant les propriétaires de se retirer. « Tous les investissements ne tournent pas à la catastrophe, mais voir Lagrange et Pierre &
Vacances en difficulté, c’est un mauvais signe », souligne l’avocat.
Claude Guibal, député-maire de
Menton et signataire d’une proposition de loi sur la protection
des propriétaires en résidences partagées, est lui aussi inquiet. « J’ai
été alerté par des gens de la classe
moyenne qui ont acheté en multipropriété au centre-ville de Menton pour
préparer leur retraite et qui ont tout
perdu par la faute de groupes qui
n’honorent plus leurs baux et le paiement des loyers. »
Comme une dizaine de députés,
il demande au gouvernement de
« prendre des mesures » pour assurer
la protection des propriétaires et
« lutter contre ces dérives qui mettent
en péril de modestes investisseurs ».
Car, selon lui, de nombreuses résidences en situation précaire, pas
toutes en zone touristique, menaceraient de mettre la clé sous la
porte. La balle est maintenant dans
le camp des politiques.
« Le ministre de l’Économie et des Finances a accepté de faire
recevoir par son cabinet une délégation de copropriétaires »
Questions à
industriel du tourisme. À ce titre,
j’ai récemment été mis en relation
avec une association de copropriétaires d’une résidence de tourisme sur les difficultés qu’ils rencontrent face au promoteur et
gestionnaire de leur résidence.
Loin d’être un cas isolé, ils sont
représentatifs d’un grand nombre
de propriétaires vivant la même
situation. J’ai donc décidé de me
saisir de ce dossier au niveau parlementaire.
DR
Plusieurs députés ont eux aussi
envoyé une question écrite au
gouvernement. Y aurait-il une
prise de conscience des élus face
à ce problème devenu national ?
LUC CARVOUNAS
SÉNATEUR PS DU VAL-DE-MARNE
Pourquoi cette question écrite
au ministère des Finances ?
Je m’intéresse de près aux problématiques liées au développement
Prise de conscience je ne sais pas,
mais plus largement, c’est tout à
fait symptomatique de la manière
dont est traité le dossier de la
politique industrielle du tourisme
dans notre pays. Peu de parlementaires s’y intéressent vraiment alors que pourtant l’industrie du tourisme, en France,
représente 7 % de notre PIB, deux
millions d’emplois directs et indi-
rects… Pour illustrer ce propos,
c’est une industrie plus importante que l’agroalimentaire ou
l’automobile.
Alors, s’il doit y avoir une prise
de conscience, c’est sur l’ensemble des problématiques liées au
développement touristique, car
il est temps d’offrir une vision
globale et une vraie stratégie
publique à cette filière. J’aurai
d’ailleurs l’occasion d’y revenir
prochainement avec la publication d’un rapport parlementaire
à l’été.
d’autre part, évaluer la pertinence
des dispositifs de défiscalisation
rattachés à l’immobilier, dès lors
qu’il existe un déséquilibre manifeste entre l’esprit recherché par
la mesure et sa traduction dans les
faits. Les dispositifs liés à la loi
Demessine en font partie.
Qu’attendez-vous concrètement
du gouvernement ?
Il est important de comprendre
que certains de ces grands
groupes fabriquent des montages
très complexes pour s’exonérer
de certaines responsabilités qui
leur incombent. C’est pourquoi
nous devons sans plus attendre
revoir ces dispositifs fiscaux qui
permettent à des entrepreneurs de
s’enrichir sur le dos des consommateurs. J’ai toute confiance dans
le gouvernement pour prendre à
bras-le-corps cette question. Pour
le reste, il y a de nombreuses pro-
J’ai demandé au ministre de l’Économie et des Finances de bien
vouloir faire recevoir par son cabinet une délégation de copropriétaires ce à quoi il a répondu positivement. Je crois que sur cette
question concrète nous avons
deux objectifs à poursuivre. D’une
part, renforcer la protection juridique des consommateurs dans
leurs relations contractuelles avec
les promoteurs-gestionnaires, et
Comment expliquer que les
promoteurs, maisons-mères
d’exploitants malhonnêtes,
puissent continuer à construire
et commercialiser des résidences
après avoir floué des milliers
de copropriétaires ?
NUMÉRO 459, MERCREDI 13 FÉVRIER 2013 L’HÉMICYCLE
7
cédures judiciaires en cours à ce
sujet, mais il ne m’appartient pas
de les commenter ici.
Comment se fait-il que des élus
acceptent que se poursuive la
construction de résidences de
tourisme dans certaines zones
touristiques manifestement
surexploitées comme les Alpes
ou les Pyrénées ?
Toute la difficulté consiste à savoir
concilier les exigences. Elles peuvent être économiques, en termes
de croissance et d’emploi, ou
environnementales, en ce qui
concerne la protection des sites,
ou encore relatives à l’aménagement du territoire.
Mais à titre personnel, je conseillerais à mes collègues de réfléchir à deux fois avant d’accorder
de tels permis de construire, et
d’être très à l’écoute des propriétaires qui, bien souvent, sont issus
des classes moyennes et qui investissent ici les économies de toute
une vie.
Propos recueillis
par T.K.

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