Revue des revues, bulletin 2006 - Société scientifique historique et

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Revue des revues, bulletin 2006 - Société scientifique historique et
Voici la revue des revues du dernier bulletin, tome 128, année 2006.
Société des Sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse, SNAAH, t. 51, 2005.
Denis Wolff : Albert Demangeon et le Limousin : un géographe face au terrain. Denis Wolff, auteur
d'une thèse sur Albert Demangeon (1872-1940) soutenue à la Sorbonne, Paris I, nous décrit la genèse de trois articles publiés en 1910-1911 dans les Annales de géographie par ce géographe de terrain. Ces articles concernent
le relief du Limousin et sa géographie humaine.
Après avoir soutenu sa thèse sur la Picardie et les régions voisines, Albert Demangeon songe à étudier l'Angleterre ou la Champagne. Mais le premier sujet ne plait guère à l'éventuel éditeur et le second est déjà étudié par
un autre chercheur.
Demangeon s'oriente alors vers le Limousin et comme c'est un géographe de terrain, il s'y rend chaque année
en août ou septembre, de 1906 à 1911.
Parcourant à pied et très chargé les campagnes limousines, il accomplit des étapes de 24 à 32 km par jour. Il
va rencontrer les érudits locaux : son élève à l'École normale supérieure Joseph Nouaillac, Johannés Plantadis ou
Louis de Nussac. Il élabore un questionnaire d'enquête destiné aux instituteurs et aux gens cultivés habitant la
campagne. Certains lui font bon accueil et répondent longuement aux 90 questions qu'il comporte. Ces questions
seront reprises par nombre de géographes pour d'autres régions.
En 1911, l'américain William Morris Davis, auteur de la théorie sur les cycles d'érosion appliquée par Albert
Demangeon au Limousin est sur le chemin du congrès international de géographie ; il se propose, avec 52 autres
géographes, qui se baptisent à l'occasion « pèlerins » d'aller excursionner en Limousin.
Ils arrivent à Brive le 30 août et, guidés par Albert Demangeon, gravissent le Puy de Gramont. Le lendemain,
ce sera le Puy de Pauliac où les retrouve Louis de Nussac que Demangeon essaie de semer. Le troisième jour, ils
gravissent le Puy Pendu près de Meyssac.
Si les vues d'Albert Demangeon sont considérées à l'heure actuelle comme « simplificatrices » en ce qui concerne l'évolution du relief du Limousin il n'en reste pas moins que l'on considère ses trois articles comme remarquables. Plus tard, le Limousin fera l'objet de la thèse de son gendre, Aimé Perpillou.
Revue archéologique de Bordeaux, t. 95, 2004.
Saint-Émilion, église monolithe et catacombes, Jean Luc Piat, avec la collaboration de Damien Delanghe,
Judith Canal, Agnés Marin et Christian Martin.
De 2002 à 2004, les fouilles archéologiques de l'église monolithe de Saint-Émilion ont permis de préciser la
période de construction de cette église destinée à abriter les reliques de ce saint et celles de Saint Valery et Saint
Avit transférées de catacombes plus anciennes.
Le site rattaché à l'abbaye poitevine de Nanteuil en Vallée était au XIe siècle sous la coupe des vicomtes de
Castillon. L'archevêque de Bordeaux n'y rétablit son autorité que vers 1110, en y installant des chanoines de
saint Augustin soumis à l'abbaye de Lesterps en Limousin.
L'église est creusée entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle à l'épo-que du vicomte Pierre de
Castillon, sur le modèle du Saint Sépulcre de Jérusalem. (Ce plan est aussi celui de Saint-Léonard-de-Noblat ou
de Neuvy-Saint-Sépulcre). Le vicomte a participé à la 1re croisade où il est mentionné à Antioche en 1097 et à
Tripoli en 1099.
Dans l'un de ses fiefs, sous son château d'Aubeterre, il fait édifier une autre église monolithe qui offre de
fortes ressemblances avec Saint-Émilion dans sa conception. Ces techniques de creusement innovantes et dont il
n'existe pas d'au-tres exemples proches semblent, de l'avis des auteurs de ce très intéressant article, avoir été
inspirées par les églises souterraines de Cappadoce.
Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. 133, 2e livraison, 2006.
Signalons l'article très nuancé sur Bergerac au temps de la guerre de Cent Ans et la notion d'« Anglais » et de
« Français » durant cette période agitée où se posaient des problèmes de fidélité envers le roi-duc d'Aquitaine et
le roi de France. René Costedoat étudie la position des historiens de naguère, qui ont simplifié à l'extrême cette
longue guerre, en en faisant un affrontement entre deux nations les méchants Anglais et les gentils Français,
oubliant souvent qu'il ne s'agissait que de Gascons dans les deux cas.
L'article très documenté de Lucien Queyroi sur les sépultures de l'église de Plazac nous apprend que cette
église eut les tombeaux des Calvimont dont une branche, celle des Calvimont de La Benche est bien connue des
historiens de Brive.
Bulletin de la Société de Borda, 2006, 2e trimestre.
Marie Claire Duviella : Les Aquitains captifs des barbaresques.
Marie Claire Duviella ne se contente pas d'énumérer à la manière des revues de généalogie, le nom des
Aquitains captifs des barbaresques entre le XVIe et le XVIIIe siècle, mais elle fait une analyse très intéressante de
ce qu'était la « Barbarie » (c'est-à-dire le Maghreb) et de la guerre de course à laquelle se sont livrés les raïs ou
capitaines corsaires pour le compte des beys ou des deys des provinces conquises par les Ottomans. L'Ordre de
Malte seul, a été en mesure de relever le défi et de se livrer lui aussi à cette forme de guerre maritime.
La finalité de la course consistait à faire du butin, mais surtout des prisonniers, marins ou pêcheurs, qui
avaient eu le malheur de naviguer dans les parages. Le plus célèbre de ces prisonniers étant sans doute saint Vincent de Paul.
Transformés en esclaves, ces chrétiens n'étaient pas convertis, car il aurait fallu les libérer. En revanche, on
pouvait les racheter, tâche à laquelle se sont employés l'Ordre de la Rédemption des captifs (ou Mathurins) fondé
par Jean de Matha et l'Ordre de la Merci, fondé par Pierre de Nolasque. Ces rachats étaient rares et extraordinairement coûteux. Les frères qui se risquaient à faire le voyage, étaient en péril de mort.
La méthode employée par l'Ordre de Malte, avec débarquements et razzia sur la côte, plus expéditive, était
aussi plus payante. Enfin, Louis XIV décida l'attaque d'Alger en 1682, prélude à son occupation en 1830.
Il faut savoir qu'en Limousin, et surtout dans la vallée de la Dordogne, qui comptait nombre d'émigrés à
Bordeaux, l'ordre de la Merci était actif et, grâce aux quêtes dominicales, a réussi à racheter certains captifs :
ainsi, en 1750, Pierre Lacant, 35 ans, (captif depuis six ans) de Saint-Cyr-La-Roche, Jacques Meyssignac, 28
ans, (captif depuis six ans), de Gernes (Turenne).
Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne, t .CVI, n° 764 et 765, janvier-juin, 2005.
Brigite Fray-Le Poittevin, s'intéresse à la bibliothèque de l'évêque de Clermont, Jacques de Comborn (14441474). Fils de Guichard V de Comborn Treignac et de Louise d'Anduze, il avait de nombreux frères et sœurs
dont un abbé d'Obazine et Beaulieu, un abbé d'Uzerche et une abbesse de la Règle. Son secrétaire à l'évêché de
Clermont, Roger Benoiton était un érudit et ne possédait pas moins de 257 livres dans sa bibliothèque en 1470.
En revanche, Jacques de Comborn n'a pas dressé l'inventaire de sa propre bibliothèque, mais son registre de
travail ou mémorial de l'évêché de Clermont y fait allusion et permet de reconstituer l'existence d'une centaine de
volumes de liturgie, théologie, histoire, droit, mais aussi art militaire.
En Limousin, il est, comme bien des Comborn, bienfaiteur de la Chartreuse de Glandier à laquelle il donne
40 écus pour bâtir une cellule
Archives en Limousin, n° 27, 2006.
C'est un numéro spécial sur le Patrimoine industriel, mines, carrières, métallurgie, céramique. La Corrèze,
(pages 19 à 21), est représentée dans un dossier établi par Danielle Moulin. (Archives départementales) et Thierry Pradel (Archives municipales de Brive).
C'est une mine (c'est le cas de le dire !) de références sur les mines d'Argentat, celles de Lapleau (beau plan
géométrique de 1806), les ardoisières d'Allassac, les innombrables petites forges (superbe plan de la forge du
Chavanon en 1826).
Les anciennes mines d'or du Limousin sont étudiées par Béatrice Caunet spécialiste en la matière. Elle s'intéresse aux toponymes, dont Laurière est le plus caractéristique et qui témoignent souvent du très ancien passé de
l'exploitation. D'une manière plus générale, les mines étaient souvent qualifiées de crozes pour les excavations et
de suquets pour les tertres. On les comparait aux terriers d'animaux fouisseurs pour les qualifier de teyssonières
ou renardières.
L'étude minutieuse des matrices cadastrales est donc une approche préalable à la recherche sur le terrain.
Yasmine Vergne Labrousse nous fait partager tout l'intérêt qu'elle porte au patrimoine ardoisier des communes de Lascaux, Vignols, Voutezac, Allassac et Donzenac. C'est un atout précieux pour cette région et son développement local et touristique.
Jean-Baptiste Pouch, professeur au collège d'Allassac, a fait travailler avec ses collègues des sciences de la
terre et de mathématiques ses élèves sur ce thème.
Enfin, Henri Laval nous explique l'activité des carrières de leptynite de Cornil et de gneiss d'Aubazine à Bonnel et Roc Daniel entre 1912 et 1960.
Rencontres archéologiques de Saint-Céré, n° 13, 2006.
Depuis 14 ans, les rencontres archéologiques de Saint-Céré se sont données pour tâche de rendre accessibles
au grand public les travaux archéologiques de ses membres en Quercy.
Le numéro de 2006 contient d'intéressants articles sur « Les céramiques sans fond », d'Hélène Damser et
François Moser et sur les ateliers de peintres itinérants au Moyen Âge de Virginie Czerniak.
Le premier article est un article d'archéologie expérimentale.
Les céramiques sans fond, apparues dès le IIIe millénaire, peuvent servir à faire des instruments à percussion.
Un stage dirigé par les auteurs a permis de modeler et de cuire un certain nombre de modèles, puis d'y tendre des
peaux pour en faire des tambours. Expliqué très clairement, le processus de fabrication n'est pas si simple qu'on
pourrait le croire, et la cuisson des poteries en particulier réserve de nombreux mécomptes.
Dans un article sur la civilisation, des Matignons et l'archéologie expérimentale, François Moser qui dirige
les stages de l'école des Vergnes dans la vallée de Planchetorte décrit la fabrication d'énormes vases de 80 litres,
dont le fond montre des traces de vannerie, provenant de Saintonge et datés du IIIe millénaire. Le stage a pour
but d'expérimenter différents modes de fabrication. Il semblerait que le moule en vannerie en ait facilité la tâche.
Notons que dans le Bulletin de la Société préhistorique française (t. 103, n°3) qui paraît quatre fois par an et
auquel nous sommes abonnés (110 euros !), malheureusement fort peu consulté par nos membres, a été publié le
compte rendu d'une étude sur le processus de fabrication de poteries par A. Livingstone Smith, D. Bosquet et R.
Martineau. Ce sont en réalité des textes de 17 auteurs qui tentent une synthèse sur les recherches actuelles :
depuis une quinzaine d'années, on n'étudie plus seulement l'extérieur des poteries, mais on s'intéresse aussi à des
comparaisons avec des poteries actuelles et leur fabrication (Cameroun, Sénégal, Moluques)
Pierre Petrequin du Laboratoire de chronologie de Besançon qui signe le compte rendu de cet article, remarque que l'archéologie expérimentale reste un peu le parent pauvre de la céramologie. Nous voyons que ce n'est
pas le cas dans notre région.
Nouvelles de la DRAC, bilan scientifique, 2005.
À Nespouls, dans l'emprise du futur aérodrome Brive Souillac, cinq fours à chaux et des fosses-foyers plus
anciennes démontrent que cette activité a perduré de la période antique au XIXe siècle, avec les matériaux pris
sur place et le chêne, l'érable et le noisetier comme combustible.
Les fouilles de sauvetage à Malemort, sur l'emprise du contournement nord de Brive, ne sont malheureusement pas encore publiées.
En revanche, une opération interdépartementale ayant pour but d'étudier la morphologie et les mutations du
castrum en Limousin du Xe au XVIe siècle, dirigée par Christian Rémy, s'est intéressée au château de Malemort,
mais aussi à ceux de Curemonte et Gimel. Dans un premier temps, il s'est agi de recenser les sources documentaires et d'établir des plans.
L'équipe de Patrice Conte a effectué, sur le site du prieuré de La Vinadière qui fut à l'Ordre du Saint Sépulcre
puis aux Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, une troisième campagne de fouilles. Elle a mis en évidence
l'existence d'un corps de logis à tourelles qui doit dater du XVe siècle, époque où le prieuré a été transformé en
commanderie. Angélique Marty, membre de notre Société, a été chargée de rassembler les éléments d'un dossier
historique sur le sujet.
Dans le cadre du colloque pluridisciplinaire de Saint-Martin-le-Vieil sur le thè-me de la Spelunca à la Roca :
l'habitat troglodytique au Moyen Âge, Patrice Con-te et Marion Liboutet ont livré le résultat de leurs recherches
en cours sur les grottes de Lamouroux. Paradoxalement, les grottes aménagées de main d'homme (ou taillées) du
sud de Brive, après les études de Lalande et Rupin en 1879, de Lalande seul en 1897, de Baring Gould en 1894
et 1911, n'ont pas suscité l'intérêt des chercheurs, jusqu'à une période récente.
Le site de Lamouroux est bien entendu, le plus célèbre. Son étude s'inscrit dans le cadre d'une enquête sur
l'habitat au Moyen Âge. Elle se heurte aux difficultés de faire des relevés, à la variété des aménagements pariétaux, au manque de repères chronologiques. Les références archivistes sont très rares, bien que le site de Lamouroux, remarquable par son ampleur (plus de 75 cellules encore existantes) ait pu de tout temps attirer l'attention.
Les questions qui se posent sont nombreuses : s'agit-il d'un seul ensemble aménagé à la même époque ou de
plusieurs sous-ensembles ? À quoi servait exactement chaque cellule et comment communiquait-on de l'une à
l'autre ? L'occupation a-t-elle été temporaire ou au contraire permanente ? Quelle était l'importance des éléments
périssables, tels le bois ou les torchis ? Comment les occupants ont-ils géré l'humidité de la roche et les ruissellements qui s'y observent même en été ?
Au plan historique, Lamouroux s'est appelé la Roche de Noailles. Nous avons eu l'occasion de rappeler à nos
chercheurs que les Malefayde furent les premiers seigneurs de Noailles et la famille dite de Noailles, leurs alliés.
Vers 1250, les Malefayde sont des vassaux de Malemort et leur doivent deux setiers de froment sur les terres de
La Roche de Noailles. Il faut rappeler qu'une Roche ou Roca est souvent le lieu d'un habitat noble qui prend le
nom de son propriétaire : ainsi la Roche Touchebœuf à Saint-Julien Momon, La Rochefoucault, La Roche
Beaucourt, etc.
Patrice Conte nous a fait l'amitié de faire don à la Société de cette étude où elle est consultable.
Marguerite GUÉLY