M. I / 3 - Tribunal administratif de Caen

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M. I / 3 - Tribunal administratif de Caen
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE CAEN
CM
N° 1401758
___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
M. G... I...
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Macaud
Rapporteur
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Le Tribunal administratif de Caen
M. Jeanne
Rapporteur public
___________
(3ème Chambre)
Audience du 6 novembre 2014
Lecture du 13 novembre 2014
___________
28-04
C
Vu la protestation, enregistrée le 15 septembre 2014, présentée par M. G... I...,
demeurant... ; M. I... demande au Tribunal d’annuler les élections du 10 septembre 2014 des
conseillers communautaires de la commune de Pont-Hébert à la communauté d’agglomération
« Saint-Lô Agglo » ;
M. I... soutient que :
- le mode électoral prévu à l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités
territoriales n’est applicable qu’en cas de création, extension ou fusion d’un EPCI à fiscalité
propre entre deux renouvellements ;
- les conseillers communautaires ont été élus suivant les règles du code électoral du
23 mars 2014 ; ce sont les électeurs qui doivent élire les conseillers communautaires en même
temps que les conseillers municipaux ;
- aucune communication, aucune consultation des conseillers concernés n’a été faite
par le maire pour préparer le vote ;
- il n’y avait pas d’isoloir, ni d’urne, ni d’enveloppe ; le secret du vote n’a pas été
respecté ;
Vu la délibération du conseil municipal de la commune de Pont-Hebert du 10 septembre
2014 ;
Vu les observations, enregistrées le 22 septembre 2014, présentées par la préfète de la
Manche, en réponse à la communication de la requête ;
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La préfète de la Manche soutient que :
- suite à la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, déclarant contraires à la
Constitution les dispositions de la loi de réforme territoriale du 16 décembre 2010 qui
permettaient l’adoption d’accords locaux entre les communes membres pour la composition du
conseil communautaire d’une communauté de communes ou d’une communauté
d’agglomération, toute élection municipale partielle ou intégrale qui se déroule dans une
commune membre d’une communauté de communes ou une communauté d’agglomération,
postérieurement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, entraîne une
nouvelle répartition des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ; pour
les communes pour lesquelles aucune élection des conseillers municipaux n’est prévue, le
nombre de conseillers communautaires doit être adapté au nouveau nombre de sièges de la
commune au conseil communautaire ; le droit positif ne prévoit aucune procédure d’élection au
suffrage universel direct des seuls conseillers communautaires indépendamment des conseillers
municipaux ; afin de respecter à la fois la décision du juge constitutionnel et les résultats des
dernières élections municipales, la procédure prévue à l’article L. 5211-6-2 du code général des
collectivités territoriales a été retenue ;
- la délibération du 10 septembre 2014 fait bien état d’un scrutin de liste à un tour, à
bulletin secret, sans adjonction ni suppression de nom, sans modification de l’ordre de
représentation, avec répartition des sièges entre les listes à la représentation proportionnelle à la
plus forte moyenne ; en outre, l’isoloir et les enveloppes ne sont pas obligatoires pour ce type
d’élections ; les bulletins rédigés par les conseillers eux-mêmes, comme les bulletins portant un
nom inscrit à l’avance par le conseiller, sont admis ;
- les dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités
territoriales ne s’appliquent qu’aux communes de plus de 3 500 habitants ; le maire n’a donc pas
commis d’illégalité en ne joignant pas, à la convocation, d’information relative aux questions
inscrites à l’ordre du jour ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2014, présenté pour la commune de
Pont-Hébert, par Me Lunven, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge
de M. I... la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
La commune de Pont-Hébert soutient que :
- le mode de scrutin est conforme aux dispositions de l’article L. 5211-6-2 du code
général des collectivités territoriales ; le nombre de sièges attribués à la commune de
Pont-Hebert a diminué de 3 à 2 conformément à l’arrêté préfectoral du 29 août 2014 l’obligeant
à organiser une nouvelle élection en raison du renouvellement partiel du conseil municipal de la
commune de Le Mesnil-Opac ;
- les conseillers municipaux étaient parfaitement informés ; les services de la préfecture
de la Manche avaient organisé les 28 et 29 août 2014 des réunions pour expliquer l’organisation
des nouvelles élections aux conseillers communautaires, dont M. I... fait partie, et aux maires des
communes membres de la communauté d’agglomération « Saint-Lô Agglo » ;
- le scrutin a eu lieu à bulletin secret ; l’isoloir, l’urne et l’enveloppe ne sont pas
obligatoires ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2014, présenté pour M. A..., par
Me Lunven, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. I... la
somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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M. A... soulève les mêmes moyens que ceux développés par la commune de
Pont-Hebert ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 septembre 2014, présenté par Mme F... qui s’en remet
au mémoire en défense produit par la commune de Pont-Hébert ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 octobre 2014, présenté par M. I... qui conclut aux mêmes
fins par les mêmes moyens ;
M. I... soutient, en outre, que la résolution 1590 du Conseil de l’Europe sur le code
européen de bonne conduite sur le vote à bulletin secret doit être respectée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 novembre 2014 :
-
le rapport de Mme Macaud, rapporteur ;
les conclusions de M. Jeanne, rapporteur public ;
les observations de Me Lunven, représentant la commune de Pont-Hébert et M. A... ;
les observations de Mme B..., représentant la préfète de la Manche ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation des élections du 10 septembre 2014 :
1. Considérant que, par une décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, le Conseil
constitutionnel a déclaré inconstitutionnel le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article
L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoyait les modalités de
détermination du nombre et de la répartition des délégués des communes au sein des organes
délibérants des communautés de communes et des communautés d’agglomération et permettait
un accord des conseils municipaux sur la détermination du nombre et la répartition des sièges des
conseillers communautaires ; que si le Conseil constitutionnel a décidé que la remise en cause
immédiate de la répartition des sièges dans l’ensemble des communautés de communes et des
communautés d’agglomération où elle a été réalisée avant la publication de sa décision en
application des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences
manifestement excessives, il a en revanche prévu, notamment, que, pour garantir le respect du
principe d’égalité devant le suffrage pour les élections à venir, il y avait lieu de prévoir la remise
en cause du nombre et de la répartition des sièges dans les communautés de communes et les
communautés d’agglomération au sein desquelles le conseil municipal d’au moins une des
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communes membres est, postérieurement à la date de la publication de sa décision, partiellement
ou intégralement renouvelé ;
2. Considérant que, postérieurement à la publication de la décision du Conseil
constitutionnel, le conseil municipal de Le Mesnil-Opac, commune membre de la communauté
d’agglomération « Saint-Lô Agglo », devait être partiellement renouvelé pour pourvoir un siège
de conseiller municipal ; que, par un arrêté du 29 août 2014, la préfète de la Manche a, du fait de
la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, fixé la nouvelle composition du conseil
communautaire de la communauté d’agglomération « Saint-Lô Agglo », en particulier la
répartition des sièges ; que l’effectif total des conseillers communautaires a ainsi été ramené à
108, au lieu de 122, quatorze communes membres, dont celle de Pont-Hébert, ayant un siège de
moins que dans la composition précédente ; que M. I..., conseiller municipal de la commune de
Pont-Hébert et membre du conseil communautaire précédemment élu, demande l’annulation des
élections qui se sont déroulées le 10 septembre 2014 en vue de la désignation des conseillers
communautaires de Pont-Hébert à la communauté d’agglomération « Saint-Lô Agglo » ;
3. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’il a été procédé aux élections du
10 septembre 2014 contestées selon les modalités définies au c) du 1° de l’article L. 5211-6-2 du
code général des collectivités territoriales, aux termes duquel « Si le nombre de sièges attribués à
la commune est inférieur au nombre de conseillers communautaires élus à l’occasion du
précédent renouvellement général du conseil municipal, les membres du nouvel organe
délibérant sont élus par le conseil municipal parmi les conseillers communautaires sortants au
scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre
de présentation. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est
inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la
ou aux plus fortes moyennes suivantes. » ; qu’il ressort toutefois des termes de l’article
L. 5211-6-2 que ces modalités d’élection s’appliquent « Par dérogation aux articles L. 5211-6 et
L. 5211-6-1, entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux : 1° En cas de
création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, de fusion
entre plusieurs établissements publics de coopération intercommunale dont au moins l’un
d’entre eux est à fiscalité propre, ou d’extension du périmètre d’un tel établissement par
l’intégration d’une ou de plusieurs communes ou la modification des limites territoriales d’une
commune membre » ; qu’ainsi que le soutient M. I..., les élections en cause ne sont pas la
conséquence de la création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre, ni de la fusion entre plusieurs établissements ni de l’extension du périmètre d’un tel
établissement ni, enfin, de la modification des limites territoriales d’une commune membre ; que
si la préfète de la Manche fait valoir, d’une part, qu’aucune procédure électorale n’est définie
pour désigner les conseillers communautaires dans le cas d’une remise en cause du nombre de
conseillers et de la répartition des sièges entre les communes membres de la communauté
d’agglomération suite au renouvellement, partiel ou intégral, du conseil municipal d’une
commune membre et, d’autre part, que la procédure définie au c) du 1° de l’article L. 5211-6-2
du code général des collectivités territoriales, dont l’application a été préconisée par le directeur
général des collectivités territoriales du ministère de l’intérieur dans sa note de service adressée
aux préfets le 15 juillet 2014, permet de respecter tant la décision du Conseil constitutionnel du
20 juin 2014 que les résultats des dernières élections municipales, il n’appartient toutefois qu’au
seul législateur de définir les modalités selon lesquelles de telles élections doivent se dérouler, en
particulier s’agissant du mode de scrutin ; que, dans ces conditions, M. I... est fondé à soutenir
que les élections du 10 septembre 2014 sont entachées d’illégalité ;
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4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. I... est fondé à demander
l’annulation des élections des conseillers communautaires de la commune de Pont-Hébert du
10 septembre 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de
M. I... la somme que demandent la commune de Pont-Hébert et M. A... au titre des frais exposés
par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : Les élections des conseillers communautaires de la commune de
Pont-Hébert du 10 septembre 2014 sont annulées.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Pont-Hébert et de M. A... tendant à
l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. G... I..., à M. C... A..., à Mme E...
F... et à la commune de Pont-Hébert.
Copie en sera adressée à la préfète de la Manche et à la communauté d’agglomération
Saint-Lô Agglo.
Délibéré après l’audience du 6 novembre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Di Palma, président,
Mme Macaud, premier conseiller,
Mme Toublanc de Schotten, conseiller,
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Lu en audience publique le 13 novembre 2014.
Le rapporteur,
Le président,
Signé
Signé
A. MACAUD
F. DI PALMA
Le greffier,
Signé
C. ALEXANDRE
La République mande et ordonne au MINISTRE DE L’INTERIEUR en ce qui le
concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
le greffier
C. ALEXANDRE

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