Une récolte de miel très faible

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Une récolte de miel très faible
Économie ■ 1
Apiculture
titre journal- N°0 - jeudi 02 octobre 2014
MIEL / En 2014, la France connaîtra une véritable pénurie de miel. La récolte est quasi inexistante
faute notamment aux conditions climatiques.
AETHINA TUMIDA /
Identifié en Europe
Une récolte de miel très faible
à un phénomène de famine à la sortie
de la miellée de printemps.
Affaiblies par le manque de nourriture,
les ruches sont plus sensibles aux attaques de varroa. « En Franche-Comté,
la pression est importante. Nous devons
maintenant mesurer les conséquences »,
commente Jean-Baptiste Malraux.
« Nous risquons également de faire face
à un gros problème d’orphelinage en 2015
car la fécondation des reines a été mauvaise », poursuit Laurent Joyet.
Pour accompagner les apiculteurs à faire
face à cette situation exceptionnelle, les
structures apicoles régionales de RhôneAlpes et de Bourgogne se mobilisent
pour faire reconnaître l'état de calamité
agricole. « Depuis 2000, c’est la
sixième demande que nous déposons. Nous espérons qu’en 2015
la météo sera plus clémente car
nous sommes inquiets pour le
maintien des exploitations notamment les plus jeunes »,
conclut Françoise MorizotBraud. n
La production nationale de miel serait en baisse de 50 à 80 %, selon l’Unaf.
L
e constat est sans appel, la récolte de miel 2014 est très faible.
Selon l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), la production
nationale de miel serait en baisse de 50
à 80 %. En effet, en Rhône-Alpes, selon
l’enquête récolte et marché réalisée par
l’association pour le développement de
l’apiculture en Rhône-Alpes (Adara), le
rendement à la ruche a diminué de 42 %
par rapport à 2013 passant de 26,2 kg
par ruche en 2013 à 15,3 kg en 2014
quand en Franche-Comté, « en moyenne
un quart du miel de printemps récolté a
été cristallisé dans les hausses de ruches.
La récolte d’acacia a été presque nulle.
Certains apiculteurs ont même fait le choix
de ne pas le récolter. En moyenne, le rendement à la ruche du miel d’acacia a avoisiné les 3 kg », constate Jean-Baptiste
Malraux, technicien animateur de l’association pour le développement de l’apiculture en Franche-Comté. En Bourgogne, le constat est identique. « La
miellée de colza représente seulement
en moyenne 30 % d’une récolte en année
normale. Le froid a provoqué la
cristallisation du miel dans les
ruches, commente Françoise
Morizot-Braud de l’association pour le développement de
l’apiculture de Bourgogne.
Pour le miel d’acacia la récolte
ne s’élève qu’à 10 à 20 % d’une
récolte normale. Ce dernier très est
attendu dans la région. Il s’agit d’un miel
qui se valorise plutôt bien ».
Au-delà d’un manque à gagner certain,
cette faible récolte a des répercussions
économiques sur les exploitations apicoles qui doivent faire face à une troisième mauvaise année consécutive. Les
apiculteurs doivent procéder au nourrissement de leur cheptel. « Les charges
liées au nourrissement des ruches ont
augmenté de 40 à 50 %. Les apiculteurs
voient également leurs charges de transport s’accroître considérablement », illustre Laurent Joyet de la chambre
d’agriculture Rhône-Alpes et animateur
de l’Adara. En Franche-Comté, les apiculteurs ont également été confrontés
Marie-Cécile Seigle-Buyat
Les structures apicoles de Rhône-Alpes et de Bourgogne demandent la
reconnaissance de l’état de calamité agricole.
INTERVIEW / Jean-Pierre Cellard est apiculteur à Chaussan, dans le Rhône, en Gaec à trois. Il est
également président du syndicat des apiculteurs professionnels de Rhône-Alpes (Sapra). La
profession apicole s’est mobilisée pour faire reconnaître l’état de calamité agricole.
Trois années très différentes, mêmes résultats
Avec une baisse de 50 à 80 % de la
production nationale et une chute
des rendements à la ruche de 42 %
en Rhône-Alpes, 2014 fait suite à
deux mauvaises années en production de miel. Quel est aujourd’hui
l’état d’esprit des apiculteurs ?
Jean-Pierre Cellard : « Nous avons
connu trois années très différentes au
niveau de la météo mais qui ont conduit
aux mêmes résultats. Aujourd’hui, la
situation est très tendue dans les exploitations, les trésoreries sont au plus
bas. Mais ce sont les jeunes apiculteurs, ceux qui se sont installés ces
trois dernières années, qui souffrent
le plus. Ils ont des charges importantes dues aux emprunts, bien souvent ils n’ont pas de marges correctes
et, surtout, ils n’ont pas de réserves.
Les structures moins équipées pour
faire de la transhumance n’ont pas pu
non plus se déplacer pour aller chercher du miel, notamment la miellée
de lavande. Celle-ci a, par ailleurs, été
capricieuse cette année, et certaines
installations n’ont pas fonctionné. Glo-
balement, on peut dire que seule la
miellée des ruchers situés en zones
de colza des terres de plaine a été correcte. Pour les acacias et les châtaigniers, ça n’a pas fonctionné non
plus. »
Il semblerait que la situation soit
différente selon les départements.
Cela étant, on parle de conséquences
économiques importantes pour les
apiculteurs, avec une hausse des
charges de nourrissement des
abeilles, voire des arrêts d’activité...
J.P.C : « La Loire et le Rhône ont effectivement beaucoup souffert. L’Isère
s’en sort un peu mieux, le sud de l’Ain
également, avec le colza et un peu
d’acacias. En Drôme des collines, les
ruchers ont été un peu moins impactés . En ce qui nous concerne, nous
avons produit cette année 3,2 t de miel
avec 482 ruches, contre 7,5 t l’an dernier avec 450 ruches ! La première
quinzaine d’avril a été très belle, les
essaims ont bien marché. Après, il a
fallu nourrir les abeilles pour faire
face à la sécheresse printanière et au
déclin des potentialités nectarifères
des fleurs. Et quand est arrivé l’été, il
a fait un temps de Toussaint : les
abeilles n’étaient pas opérationnelles,
elles avaient une activité très courte
dans la journée et parvenaient à peine
à subvenir à leurs besoins. À Chaussan, nous avons déjà dépensé près de
5000 € pour nourrir les ruches afin
que les colonies ne s’effondrent pas.
Conséquences de cette situation : le
prix du miel pour le marché de gros a
augmenté, jusqu’a plus 50 % pour le
miel de montage, et il faut s’attendre
à ce que les étals soient vides pendant
un ou deux mois avant la nouvelle production. »
La profession s’est mobilisée pour
faire reconnaître l’état de calamité
agricole. Quelles actions avez-vous
mené ?
J.P.C : « Le Sapra, dont je suis président, et des syndicats départementaux (FDSEA 42, Gaps 73-74) se sont
mobilisés auprès des pouvoirs pu-
Jean-Pierre Cellard.
blics. Nous avons envoyé un courrier
aux huit directions départementales
des territoires de Rhône-Alpes pour
demander l’état de calamité agricole.
Il faut savoir qu’en 2013, nous avions
obtenu la reconnaissance en calamité.
Cette année est bien pire encore ! »
Propos recueillis par
Sébastien Duperay
Le petit coléoptère des ruches, ou
Aethina tumida, a été identifié en
Italie. Selon le laboratoire de référence de l’Union européenne pour
la santé de l’abeille, des larves et
des coléoptères adultes ont été
mis en évidence dans un rucher
de trois colonies de petite taille
sur la commune de Gioia Tauro.
Cet insecte originaire d’Afrique du
Sud peut se multiplier abondamment dans les colonies infestées
où il se nourrit du couvain, du
miel et du pain d’abeille. Dans
certains cas, il détruit les cadres
et cause la fermentation et la
destruction du miel en y excrétant. Si les taux d’infestation sont
élevés, les coléoptères peuvent
détruire les colonies ou causer la
désertion des abeilles. L’infestation par Aethnian tumida est une
maladie réglementée dans
l’Union européenne. Toute détection doit être immédiatement déclarée aux instances européennes. A.tumida n’est pas
présent en France. « Cette annonce est préoccupante car nous
sommes proches de la frontière
italienne mais surtout, de nombreux essaims sont achetés
en Italie », commente
Laurent Joyet. n
CYNIPS /
Les apiculteurs se
mobilisent
Le miel de châtaignier est le
deuxième miel monofloral après
le miel d’acacia en France. En
Rhône-Alpes, cette production représente entre 15 et 22 % de la
quantité annuelle produite. Par
ailleurs, le châtaignier entre dans
la composition de miels polyfloraux et les châtaigneraies sont
aussi des zones refuges pour les
abeilles. Toutefois, aujourd’hui,
cette production est menacée. Le
cynips, petit insecte originaire de
Chine qui pond sur les châtaigniers et dont les larves empêchent le développement des rameaux par la formation de galles,
peut entraîner des pertes de récolte pouvant dépasser 80 % pendant plusieurs années, affaiblir
les arbres et limiter la floraison
impactant ainsi la production de
miel et les essaims. Les départements rhônalpins sont fortement
touchés. Face à ce constat alarmant, le syndicat national des
producteurs de châtaignes a invité
le 25 septembre les apiculteurs à
appuyer leurs demandes de financements par FranceAgriMer pour
la lutte biologique (lâcher de torymus sinensis) et de classement
du cynips en niveau 1 ou 2 des
nuisibles aux végétaux. Les apiculteurs pourraient également
devenir des observateurs de terrain notamment dans les châtaigneraies forestières. Une problématique de taille dont les
apiculteurs sont prêts à
s’emparer. n

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