Article de Fran+ºoise Mingot
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Article de Fran+ºoise Mingot
ANALYSE D’ UNE PRATIQUE LINGUISTIQUE TRADUIRE UNE EPOPEE De la traduction littérale à son adaptation poétique Françoise Mingot-Tauran Université de Provence [email protected] De la rencontre avec un texte étranger à l’achèvement de sa transposition dans notre langue, le chemin est long et fertile en découvertes. Adaptant en vers français l’épopée transylvaine Tsiganiada de Ion Budai-Deleanu (XVIII° siècle)1, j’étais en principe libérée du sens puisque je partais d’une traduction littérale, celle de Valeriu Rusu, universitaire roumain. J’ai pourtant expérimenté sans en avoir conscience les quatre étapes du parcours herméneutique définies par George Steiner2 : élan de confiance auquel succède une sorte d’agression, elle-ci aboutissant à une incorporation ambiguë de type invasif, troisième étape que va rééquilibrer, dans le meilleur des cas, un retour prioritaire à l’échange. A la lumière de mon travail linguistique dont je vais rendre compte, la validité de cette analyse me paraît incontestable. Combinée à une réflexion sur l’Autre et le Même affrontés, selon Antoine Berman3, dans toute démarche traductrice, elle m’autorise à suggérer que, peut-être, on ne traduirait que de soi-même. Et ce chemin qui mène à l’autre conduirait, aussi profondément, à la rencontre et à la transformation de soi par lui. Mots clefs : traduction, adaptation, épopée, poésie Abstract : From the meeting with a foreigner text to the achievement of his transposition into our language, the way is long and filled with discoveries. Adapting in French verses the epic Tsiganiada by Ion-Budaï-Deleanu (XVIIIth century, Transylvania), in theory, I was liberated from the meaning constraints, because I started from a literal translation, the one by the Rumanian academic Valeriu Rusu. Nevertheless, without being aware of it, I had to experiment the for steps of the hermeneutic path according to George Steiner : confidence impulse followed by a kind of aggression, this one leading to an ambiguous invasive-typed incorporation, this third step going to be balanced at best by a priority come back to exchange. In the light of my linguistic work, of which I’ll give an account, the validity of this analysis seems indisputable for me. Combined with a thinking about the Other and the Same confronted, according to Antoine Berman, in every translation approach, it allows me to suggest that maybe, one would translate only oneself. And this path leading to the other would also lead, as well deeply, to one’s own meeting and transformation by him. Keywords : translation, adaptation, epic, poetry * 1 Dans les années 90, un intellectuel rom de Roumanie, en voyage en France, me dit un jour incidemment au cours d’une conversation chez des amis tsiganes : « Le chef-d’oeuvre de la littérature roumaine, c’est un Rom qui l’a écrit. » Surprise et intriguée, je lui en demandai le nom de l’auteur et le titre. Je ne saurai jamais, n’ayant jamais revu mon interlocuteur, si cette assertion était une boutade ou s’il y croit vraiment. Et je commençai mon enquête : aucun article en français, aucune bibliographie générale, aucun ouvrage traduit, aucune édition originale disponible en France.4 Plusieurs pistes me confirmèrent cependant l’existence au siècle des Lumières d’un Ion Budai-Deleanu, esprit encyclopédique, philologue, polyglotte, lexicographe, auteur entre autres d’une dizaine de dictionnaires bilingues, réformateur de la langue et de l’alphabet cyrillique encore en usage à cette époque dans sa province. Erudit, poète de l’« Ecole latiniste »5 il laissait à la postérité, publiée bien après sa mort, une épopée héroï-comique de quelque 9000 vers, qualifiée de « monument de la littérature universelle », dont l’argument ne manquait pas de sel : Vlad Tépès (alias Dracula) aurait promis aux Tsiganes un territoire s’ils l’aidaient à combattre et à vaincre le Turc envahisseur…6 Cinq lignes le désignaient déjà comme un inconnu célèbre. Mais était-il rom ? Pourquoi cette œuvre atypique ? Comment s’y combinaient les prestigieuses influences dont on la prétendait habitée : Homère, Virgile, Dante, Le Tasse, l’Arioste, Cervantès, Milton, un certain Voltaire (celui de « La Henriade » et de » La Pucelle d’Orléans ») ? Comment pouvait-on supposer rom un prélat, un savant aussi incontesté, fils de prêtre uniate ? L’énigme stimulait en moi l’éditrice qui avait créé une collection « consacrée à la parole tsigane ». Mon élan premier fut donc un grand désir de découvrir ce texte singulier en vue d’une publication en français. Mais il fallait s’en procurer un exemplaire et trouver un traducteur susceptible d’en affronter les difficultés. Valeriu Rusu, professeur à l’université d’Aix-en-Provence, qu’un responsable de la Bibliothèque Universitaire me fit connaître, se montra intéressé à relever ce défi, tout en soulignant les pièges d’une entreprise jusque-là irréalisée sinon irréalisable. Arrive enfin l’ouvrage espéré7, devant lequel je commençai à mesurer l’ampleur de la tâche. Monsieur Rusu s’engageait à traduire (et moi à éditer…) un poème de 8340 vers, dont la composition obéissait à une rigueur apparente : 12 chants (de longueur certes inégale, 558 à 804 vers, 93 à 134 strophes), constitués de sizains décasyllabiques aux rimes croisées puis plates, type ababcc. Le projet se précise pourtant et se devise. Notre contrat stipulait des attentes a minima : « Sous sa forme achevée, une traduction littérale, respectant la structure de la strophe, sans rime, avec les notes d’auteur et des notes éclairantes pour un lecteur français. » Une réserve soumettait la publication du résultat à d’éventuels réajustements. Traduits, le Prologue, l’Epître-Dédicace et les premières pages m’apprirent que, sous divers pseudonymes, des anagrammes facétieux, se cachait un personnage très engagé politiquement dans la réunification des trois Principautés en nation roumaine, et une pensée subversive, dérangeante, en avance sur son temps, que la censure contraignait à se masquer. Je saurais plus tard que, surveillé par la police autrichienne, ce messager des Lumières appartenait à une loge maçonnique clandestine. Rien d’étonnant à ce qu’il n’ait pas publié de son vivant ce texte où le Tsigane apparaît comme un truchement, à la manière du Persan. Comment peut-on être tsigane ? Ou plutôt, comment pourrait-on devenir roumain ?… Avec une fausse naïveté, et de fausses confidences sur de prétendus voyages, l’auteur se présentait d’entrée comme tsigane (d’où la méprise de notre ami rom dans une lecture au premier degré). M’émerveillait sa connaissance historique et linguistique de ce peuple dès 1780 : les origines indiennes des Roms, la parenté de leur langue avec le sanscrit, connues de lui à une 2 époque où l’Encyclopédie de Diderot les affublait d’un jargon détestable et sans grand intérêt… Se confirmaient ainsi, en arrière-plan de certains enjeux socio-culturels contemporains, l’importance de ce Montesquieu transylvain, et par conséquent l’intérêt de le faire connaître hors de ses frontières. La traduction littérale prit une année. Perplexe dès que j’eus accès au Chant I, je n’avais cependant pas une conscience claire de la véritable problématique, tout attachée que j’étais à déchiffrer l’œuvre, à en saisir le sens. Valeriu Rusu, qui la défrichait, connaissait toutes les ressources de la langue roumaine, moderne et ancienne ; expert en lexicographie dialectale, il pouvait décrypter le jeu des archaïsmes, des néologismes, d’une création verbale multiforme. Il disposait d’une équipe familiale aux compétences complémentaires : celles de son épouse Aurélia qui, heureuse coïncidence, avait participé à la mise au point dans son pays de la première grande édition critique de Tsiganiada ,8 celles de sa fille Romanita, poète plusieurs fois primée en Roumanie. J’appréhendais cependant l’examen du résultat final, car malgré l’excellence de son bilinguisme, rare le traducteur étranger qui maîtrise aussi parfaitement que dans sa langue toutes les subtilités de l’expression poétique étrangère. Prévisible donc, bien que non prévue, ma déception : si la traduction en prose était parfaite – d’abondantes notes de l’auteur, sous divers plaisants pseudonymes, constituant les deux tiers de l’ensemble ! – celle des vers me laissa insatisfaite. Je sentis très vite (après quelques tests concluants auprès de libraires et de bibliothécaires) que le plaisir esthétique, à la lecture, n’était pas équivalent dans la languecible à celui ressenti dans la langue-source. Mais il est vrai qu’aucune clause de notre contrat de traduction ne prévoyait d’aller jusque-là. Malgré toutes ses qualités, fidèle en tous points au sens, rendant compte de toutes les nuances sémantiques, de tous les changements de registres et de niveaux de langue, du plus noble au plus trivial, ce n’était pas tout à fait un poème en français. Appréciation subjective, soit, ce « pas tout à fait », rédhibitoire, s’appuyait sur des constatations objectives : y manquaient la distribution si particulière de nos rythmes et de nos sonorités, les subtilités de la métrique française ; l’insaisissable « quelque chose » qui comble notre oreille et constitue à tort ou à raison, pour nos habitudes littéraires, la poésie. Une poésie perceptible pourtant dans l’original roumain, avec le génie propre à sa langue. Que faire ? Fallait-il polir, affiner cette traduction ? Selon quels critères la mettre au point ? Aucune autre traduction de référence, même partielle, sinon quelques passages prosaïques, magma ayant perdu toute structure strophique, d’un français maladroit frisant le ridicule, dans une anthologie faisant enfin allusion à cet auteur.9 Ce n’était pas ma première tentative éditoriale en la matière : je venais en effet de publier, dans une collection de peinture et poésie, une édition bilingue illustrée du « Romancero gitan » de Federico Garcia Lorca10, épopée à la fois érudite et populaire comme celle de Ion Budai-Deleanu. Je découvrirais plus tard de troublantes ressemblances dans leur pratique de cet art : métaphores amplifiant des images de création populaire, dédoublement du monde, décor et contours de quatre univers (réel, céleste, des forces obscures, littéraire)11. Pour l’heure, sensibilisée de longue date aux problèmes théoriques de la traduction12, en particulier des poèmes, j’avais mis un an, avec le traducteur, Michel Mouret13, à mettre au point une cinquantaine de vers récalcitrants. L’audace de ces octosyllabes rimés, respectueux du sens mais aussi du rythme et des sonorités, nous avait valu la suspicion des instances culturelles et le refus de tout subvention. Mais me suffisait l’aval de Georges Mounin, mon 3 professeur à l’université au temps de mes études de linguistique, qualifiant cette entreprise d’« utile », de « malheureusement trop rare »14, et la recension élogieuse de Jacques Charpentreau parue dans la Revue de la Maison de la Poésie15. Michel Mouret s’était trouvé devant une problématique comparable à la nôtre, et l’avait naturellement résolue16, théorie et pratique associées, du « meilleur poste d’observation sur les stratégies du langage par l’examen, pour un même texte, des traductions successives.»17 A cette époque également, dans ses cours d’agrégation sur « La jeune Parque » de Paul Valéry, Monsieur Chausserie-Laprée nous initiait à l’essence rythmique et syntaxique de la poésie, à l’importance de sa structure phonique : il traduisait alors en alexandrins les hexamètres de « L’Enéide » et nous faisait participer à sa réflexion et à ses choix qui me passionnaient.18 Enfin, ayant de mon côté conçu une épopée de cinq mille vers19 dont Georges Mounin, devenu « mon maître », avait été le premier lecteur et critique20, j’étais de longue date entraînée à l’écriture épique. C’est pourquoi je proposai à Valeriu Rusu de mettre à profit mon expérience en apportant « la touche finale » à son travail, ce qu’il accepta en toute confiance. Nous ignorions dans quelle aventure aléatoire cette réalisation allait nous entraîner pendant plusieurs années, mettant à rude épreuve sa patience de traducteur, mon courage et ma ténacité. * Décidée à transférer le poème d’une autre langue à un poème dans ma langue, j’étais entrée inconsciemment dans la deuxième phase d’une démarche traductrice, celle de « l’agression » succédant à l’élan : agression réciproque de moi par l’œuvre d’abord, de l’œuvre par moi ensuite … Je l’aimai. Par cette oeuvre de résistance, sous influence, sous surveillance, je fus complètement séduite. Mon approche fut autant affective qu’intellectuelle et esthétique, mon implication totale. Ne m’y retrouvais-je pas ? Etant depuis trente ans, dans ma propre écriture, en rapport de force avec la littérature épique, en tension permanente avec une thématique comparable, je trouvai de surprenants points communs entre nos deux épopées : dans l’époque choisie, les lieux, les sujets traités, les registres, la préoccupation fondatrice pour un peuple menacé. Et la trame prophétique... évocation inopportune dans le cadre de cette analyse. Il arrive, peut-être davantage en poésie qu’en prose, que deux traducteurs (parfois trois) conjuguent leurs capacités, dans un travail simultané ou successif. Plus nombreux au Moyen-Age, où n’existait pas la notion de propriété intellectuelle, et encore moins celle de droits. Ici, j’héritais d’une mise en forme achevée quoique devenue provisoire, sans envisager a priori un changement d’orientation. Or débattre, dans notre équipe, de la frontière littéralité/littérarité, m’entraîna vers une autre approche problématique, qui me rendit autonome. Appliquée à polir un texte assez libre, je rectifiai d’abord les approximations de la syntaxe, cherchai des rythmes, allégeai les phrases et les sonorités. Mais, dans cet ensemble hétérogène, toujours rien de satisfaisant à l’oreille, malgré certains effets musicaux. Je compris alors qu’il fallait revenir avec l’auteur au choix d’une forme fixe, comme chez nous d’ailleurs pour l’épopée, et je revisitai chansons de geste et romans courtois, La Franciade de Ronsard, Voltaire, le Jocelyn de Lamartine, la fameuse Légende des Siècles... Voulant intégrer ce texte nouveau à notre tradition littéraire nationale nourrie de la tradition antique et moyenâgeuse. Me plaçant dans la perspective illusoire d’un auteur qui, 4 pour produire les effets équivalents prônés par Paul Valéry, aurait pu l’écrire en français à la même époque, prenant en compte les codes de notre culture tout en restant lui-même. Comme Michel Mouret avec Lorca, je cherchai l’adéquation du mètre. Sur deux Chants j’essayai l’alexandrin, trop long, contraignant au remplissage, aux redites ; puis le pesant décasyllabe, notre vers épique, adopté aussi par Budai-Deleanu : monotone, aux rythmes peu variés, inapte à éliminer les redondances. Et j’hésitais devant l’octosyllabe quand je rencontrai à Genève, sur un tournage de film, une actrice roumaine à qui je fis part de mon embarras, et qui m’éclaira en trois mots définitifs : « C’est notre Villon ». Je croyais tenir la corde... alors que tant d’obstacles resteraient à lever au cours de cette transfusion linguistique. Car d’abord apparemment libérée du sens, j’expérimentais la contrainte formelle de créer des vers de huit syllabes, conflictuelle avec la stricte exactitude sémantique. Ce fut pourtant le fil d’Ariane qui me guida jusqu’au bout : exprimer ce Villon roumain quand je me sentais si proche du Villon français... Soucieuse devant les proportions inattendues de ce travail qui dépassait de très loin les quelques retouches auxquelles je m’étais engagée, c’est à ce stade que l’idée me vint d’en faire le matériau d’une thèse ; Inès Oséki-Dépré m’initia aux questions méthodologiques. Valeriu Rusu, puis à d’autres contacts et recherches, m’introduisirent enfin à la culture de la Roumanie. Géographie, rudiments de la langue, contexte socio-historique dans lequel évoluait l’auteur : je mis mes pas dans les siens, plongeai par paliers dans l’atmosphère des deux époques entre lesquelles il tisse avec Tsiganiada des liens subtils, m’imprégnant de sa philosophie politique, de sa biographie... Par cette obsédante fréquentation, j’entrai ainsi par « immersion » dans une phase épuisante mais d’autant plus nécessaire que l’octosyllabe, très dense, ne permettait aucune fuite, aucun refuge. Il fallait le forger fidèle à l’esprit autant qu’à la lettre dans de nombreux détails de moeurs, tout en gardant la légèreté truculente qui le plaçait entre Villon et Rabelais, aux côtés de Du Bellay. * Je trouvai stimulante la « camisole de force » dont se plaint Cioran quand il écrit en français, « aux antipodes de la langue roumaine »21, qui a conservé de l’oralité une souplesse des accents, du syllabisme, de la combinaison des voyelles, de l’agencement des phrases ; notre vers bref et nerveux facilitait les ellipses et les inversions archaïsantes. J’essayai de mettre en résonance les deux langues, et pris vite conscience d’une interpénétration des styles que j’utilisais dans les deux activités : création personnelle et adaptation. Restait à gérer le souffle sur la longueur exceptionnelle, pour préserver l’homogénéité des Chants. J’y étais entraînée par l’écriture de mon poème épique. Là encore, procédant par petites unités, je trouvai comparables les phénomènes de ce qu’on appelle l’inspiration dans les deux activité précitées, et traitai pareillement la matière littéraire, sens, forme, sonorités. Les séquences ne pouvaient dépasser une centaine de vers, après lesquels une sensation de vide, un dessèchement m’envahissaient. Jusqu’au lendemain, où la source tarie se revivifiait. Au cours de cette troisième phase, plus agréable, une sorte d’ « incorporation » s’étant faite, mes choix linguistiques furent de plus en plus faciles et comme naturels, puisque, le terrain ayant été bien préparé, en quelque sorte je suivais ma pente. L’ouvrage de Laurence Malingret (opus cité) confirma certaines stratégies : j’acceptai ou refusai certaines contraintes en fonction des critères que je m’étais donnés. 5 Dans la prosodie, je renonçai à respecter la disposition des rimes, de peu de profit, et pratiquai parfois l’assonance. Je transposai aussi selon nos codes la ponctuation, les expressions proverbiales, les noms propres ; les mots techniques et noms spécifiques furent traduits ou non selon les jeux de sens parodique, les effets d’exotisme, de poésie ou de pittoresque recherchés. J’ai la chance de connaître assez la langue des Tsiganes pour comprendre les aspects caricaturaux de certains portraits, qui ont échappé à Valeriu Rusu. M’efforçant d‘exprimer sans alourdir et sans métalangage, j’ai campé la foule des personnages, suivi registres et niveaux de langue, distanciation et ironie, système d’énonciation multiple et fourmillement narratif, traitement du temps, mise en abyme plus complexe que dans la plupart des poèmes. Le burlesque, les images et connotations, les raccourcis prodigieux et autres transitions acrobatiques ont donné lieu à de longues luttes intérieures ! ainsi que le passage du narratif au lyrique, de l’argumentatif au satirique, ou les trois réunis... Toutes choses souvent en germe dans la traduction littérale mais pas toujours abouties et systématisées. Je n’ai négligé aucun procédé visuel, lexical ou syntaxique, mais j’ai minimisé ce qui en français aurait paru abusif. Et utilisé toutes nos ressources rythmiques, aspect essentiel selon moi et le plus novateur par rapport à la traduction première. Tout cela restitué dans un système métrique comportant des séries de huit syllabes et cinq mots. Quel challenge ! * Avec un peu de recul, les acquis assimilés, quel bilan ? Ce n’est pas ici le lieu de détailler les manipulations linguistiques qui m’ont fait osciller entre deux tendances de la traductologie et, sans occulter ses origines, tendre à l’appropriation culturelle du texte qui favorise l’intégration de l’épopée en tant que fiction au sein de la littérature française. Les pertes de contenu y sont compensées par les enrichissements de la forme, dont on peut se faire une idée par les annexes. Des subtilités se sont perdues, d’autres sont nées. Je ne cacherai pas avoir appliqué des principes dont l’efficacité peut se discuter mais dont l’ensemble apparaît cohérent : homogénéisation toujours, ennoblissement parfois, vernacularisation inévitable, clarification presque involontaire, rationalisation par nécessité de comprendre et faire comprendre un poème d’accès difficile, austère et désespéré malgré son genre héroï-comique. Passée la saturation, on fait la paix avec le texte auquel on s’est affronté et qui nous a si souvent résisté. On trouve la bonne distance pour échapper aux effets néfastes de sa possession charnelle et intellectuelle. Moins de communion, mais moins d’invasion. George Steiner, dans le chapitre plusieurs fois cité, définit magnifiquement les quatre étapes de ce parcours herméneutique que j’ai expérimenté, observé, et que je viens de m’efforcer d’illustrer. Le retour à la sérénité, qui rééquilibre et complète un parcours toujours passionnel, rétablit les conditions d’un échange, d’une « parité ». Il permet aussi de mieux mesurer le chemin parcouru et, si l’idéal n’est jamais atteint, du moins existe-t-il, dans l’espace littéraire, un jalon de plus, un maillon dans la chaîne de la pensée humaine. 6 Et pour le cas ici analysé, l’influence insoupçonnée de cette épopée inclassable sur le peuple dont elle prit le nom en titre éponyme : il faudrait développer dans un autre article les conséquences de sa réception, à la première grande édition critique, que nous avons mentionnée, dans une ethnie sensible aux légendes, peu habituée aux systèmes fictionnels de la littérature, mais dont l’élite intellectuelle tsigane a fréquenté l’école en Roumanie. Sa lecture développa dans un groupe de Roumains, émigrés politiques, artistes et activistes arrivés en France dans les années 50, trichant eux-mêmes avec leur identité pour servir de passeurs à leurs compatriotes, l’idée saugrenue de revendiquer pour les Roms un territoire, le « Romanesthan ». Prise très au sérieux par les autorités nationales et surtout internationales, cette fausse revendication fit longtemps les choux gras de la presse, tant il est vrai que l’opinion publique souhaiterait se débarrasser de cette communauté pour le moins remuante ! On plaça notamment ce territoire en Amérique du Sud, dans une île du Pacifique, puis dans l’enclave de Kaliningrad ! Réception logique si l’on donne une crédibilité à l’argument de l’oeuvre, et qui prouve à quel point sont brûlantes les questions de territorialité... Ion Budai-Deleanu n’aurait pu imaginer prolongement plus fantaisiste et farceur de sa création ! Cette réception renforce notre croyance en les pouvoirs de la littérature dite engagée. Elle fit en Roumanie, de son auteur, un authentique Tsigane, d’où l’hypothèse qui me fut rapportée par l’un d’entre eux et qui m’intrigua, aux effets que l’on sait désormais sur son rayonnement possible outre monts grâce à l’acte traducteur... Activiste moi-même en faveur des Tsiganes depuis 1980, j’ai toujours vu circuler dans ce milieu les suggestions d’un territoire qui leur serait attribué, les revues spécialisées et jusqu’au journal Le Monde s’en faisaient l’écho ! Mais jamais un mot de Tsiganiada. Je compris, par déduction, les sources de cette utopie seulement après la lecture de la traduction première. Ainsi la boucle était bouclée, les investigations achevées autour d’une destinée littéraire bien singulière pour laquelle je pressens d’autres rebondissements.22 Tsiganiada sort de l’ombre, sans que soient pour autant connues encore ses véritables dimensions. Désormais le nom circule : un groupe de musiciens vient de s’en approprier le titre mais répand sur son contenu des informations tronquées, discutables, qui le rendent méconnaissable : « Ce célèbre poème de Ion Budai-Deleanu met en scène les Roumains de Transylvanie dans leur lutte contre l’invasion de l’empire austro-hongrois. » L’oeuvre est paraît-il en cours de traduction en anglais, dans une association militante roumaine de Cluj. Nous avons tenté avec quelque déception une publication bilingue coéditée en Roumanie. Reste le projet initial, l’édition française du poème traduit. Qu’en est-il aujourd’hui ? En Annexe de cet article, deux strophes du Chant IX dans les deux versions donnent une idée des changements apportés à la traduction littérale du roumain par mon adaptation en octosyllabes rimés. Ce Chant IX a paru intégralement dans les Cahiers d’Etudes Romanes d’Aix-en-Provence (opus cité), à mon insu, dans sa version littérale signée de Valeriu Rusu : il y annonçait la publication de l’oeuvre entière traduite, mais ce sera en fait celle de mon adaptation et sous ma signature ! Se révèle ainsi une confusion possible. Au point d’arrivée le résultat, longtemps attendu, n’est plus identique. A qui appartient-il ? On n’y reconnaît pas toujours la traduction première, comme si deux traductions différentes du même texte étaient parties de l’original et non issues l’une de l’autre. La proposition spontanée d’apporter « la dernière touche » à une construction presque achevée s’est insensiblement et de bonne foi transformée, aboutissant à un nouveau poème, avec une base certes commune, mais un écart si manifeste, l’effet poétique final étant bien né 7 de mon travail, que notre double signature se justifiera en couverture du livre : « Adaptation en vers français de... d’après la traduction littérale de... » Ce compromis, qui évite un antagonisme stérile, ne résoud pas tout : il entraîne des deux côtés une frustration et une blessure narcissique, mais il faut l’assumer dans un travail collectif, reconnaître et accepter, d’une part, que sans la mise en forme préparatoire je n’aurais rien pu faire, et d’autre part, que le poème d’arrivée, dans sa forme définitive, appartient au poète. Chacun a subi ses douleurs, éprouvé des joies intenses, au service de ce passage, à la traversée de ce pont périlleux d’une langue à l’autre, avec l’émerveillement paradoxal d’une réalisation personnelle, car tout acte posé nous signifie. * En effet, ce que nous avons eu le désir de traduire, nous voudrions l’avoir écrit. Ce que nos traduisons, nous le savons plus ou moins consciemment, en d’autres lieux et en d’autres temps, peut-être aurions-nous pu l’écrire. Dans tous les cas, il nous interpelle assez dans nos fibres les plus profondes pour que nous nous attelions à cette tâche lumineuse. Si, selon Flaubert, on n’écrit que de soi (le fameux « Madame Bovary, c’est moi »), ne traduirait-on aussi que de soi ? On se découvre, on se connaît mieux, on s’accomplit dans la traduction. On accomplit une part de soi-même, de sa créativité, quand vient au jour, dans notre propre langue, une part obscure de nous-même qui, dans une autre langue, nous attendait ailleurs. 8 ANNEXE CHANT I Adaptation Françoise MINGOT-TAURAN 6 Oh, papier souffrant tant de maux, Qui portes, allègre, sur ton dos La sagesse de l’univers Et toute folie réunies, Supporte aussi mes quelques vers Tels qu’ils sont, et mauvais et bons. 7 Dise le monde ce qu’il veut, Je me joins au fier Salomon : Tout n’est que vanité, folie ! Car seul est heureux celui qui A de soi-même connaissance Et saisit des choses l’essence. 8 Bien plus loin que le nord polaire, En haut, dans les sombres hivers, Est un lieu, comme fut écrit, Chaos selon philosophie, Où dans un combat sans merci S’affrontent les mauvais génies. 9 Déesse règne en ce pays A qui insupporte tout bien, Désunissant, ne laissant rien, Ecrasant, brisant tout ce qui Fait face ; Mauvais Sort son nom, De piètres parents rejeton. 9 ANNEXE EXTRAITS DU CHANT IX Strophes 20 et 21 Adaptation Françoise MINGOT-TAURAN 20 Ah, chère Muse ! je le vois, T’anime encor fervent émoi ! Qui sait où il te mènera, Vers autre bizarre aventure, Vers le rire ou bien vers la lutte, Peut-être même vers la fête !... 21 Ainsi, mieux vaut tourner la tête Du côté de nos gais Tsiganes, Qui se trouvant comblés de manne, Sur la plaine, aux beaux jours d’été, De Spăteni, mangeaient, buvaient, Dansaient du lever au coucher. Traduction littérale Romanita, Aurélia et Valerio RUSU Ah, chère muse ! (comme je vois) Tu t’animes à nouveau d’un fervent émoi ! Et qui sait où il te mènera, Vers une autre aventure bizarre, Vers le rire ou bien vers la lutte, Peut-être même vers la fête !... Si c’est ainsi, mieux vaut dévier Du côté de nos gais Tsiganes, Qui se trouvant à présent comblés, Débouchaient sur la plaine de Spateni, Mangeant, buvant, vivant les jours d’été Dans la danse, du matin et jusqu’à la soirée. 10 BIBLIOGRAPHIE BERMAN Antoine, L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1984. BERMAN Antoine, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995. CAZACU Matei, L’Histoire du Prince Dracula en Europe Centrale et Orientale, Genève, Librairie Droz, 1988. CAZACU Matei, Dracula, Paris, Taillandier, 2004. CHAUSSERIE-LAPREE Jean-Pierre, Traduction de L’Enéide, Paris, La Différence, 1993. ETKIND Efim, Un art en crise, Essai de poétique de la traduction poétique, Lausanne, L’Age d’Homme, 1982. 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RUSU Valeriu, Aurélia et Romanita, Tsiganiada, « Chant IX », bilingue, traduction littérale, in Cahiers d’Etudes Romanes, nouvelle série, n° 7, Université d’Aix-en-Provence, 2002. RUSU Valeriu, Le roumain, Tome I, « Langue, Littérature, Civilisation », 1992. Et Tome II, « Mots et images », Dessins de Romanita MATTEI-RUSU, 1994, Gap, Ophrys. 11 STEINER George, Après Babel, 1975, traduction Lucienne Lotringer, Paris, Albin Michel, 1978. NOTES 1 Plus précisément début XIX° siècle, bien que son esprit fût celui des Lumières, le décalage des mouvements littéraires étant dû à l’évolution spécifique de la littérature roumaine. Sa première forme fut achevée en 1800, la première variante publiée dans les années 1875-1877, puis en 1925. Elle fut restituée aux lecteurs en 1953 par J. Byck, premier éditeur critique avant Florea Fugariu, édition de 1974. La vie et l’oeuvre de Ion Budai-Deleanu posent encore des problèmes aux historiens. Les dates que propose Mihai Rezvan en 1985 diffèrent quelque peu : 1810 pour l’achèvement d’une première version de l’oeuvre et 1812 pour le texte définitif. Quoi qu’il en soit, si la conception et l’écriture de cette épopée couvrent une vingtaine d’années, il aura fallu presque 200 ans pour qu’une édition complète soit disponible dans son pays, alors qu’il était étudié depuis longtemps dans les écoles, en morceaux choisis, un poème réputé difficile pour sa langue archaïque, ses procédés complexes et sa portée philosophique. Des extraits circulaient pourtant depuis le début, « sous le manteau », d’un manuscrit retrouvé et racheté dans une bibliothèque polonaise par le gendre d’Edgar Quinet... 2 George STEINER, opus cité, pp. 277-281. 3 Antoine BERMAN, L’épreuve de l’étranger, pp. 160-161. 4 Dix ans plus tard, cette bibliographie ne s’est guère enrichie. Internet propose le texte roumain et quelques articles encyclopédiques, brefs et répétitifs. 5 Mouvement intellectuel impulsé vers 1750 par des philologues et historiens transylvains visant, à travers un renouveau des aspects latins de la langue, à valoriser l’histoire du pays, « aire latérale de la Romania » (1) plus solidement rattachée à ses origines latines. Etre « descendant direct des Romains » (2) semblait plus noble qu’être Dace. (1) Valeriu Rusu, Le roumain, t. I, p.191. (2) Ovide Densusianu, L’école latiniste, Traduction Romanita Rusu, p. 6. 6 Ce thème apparemment fantaisiste apparaît pourtant dans une chronique valaque du XV° Siècle, « Le Dit sur le prince Dracula », traduit en français par Matei Cazacu d’après la tradition allemande et le récit russe. Malveillante à l’égard du voïvode, elle fut probablement utilisée à des fins de propagande par Mathias Corvin, roi de Hongrie, pourtant son parent, son allié et son vassal. 7 Tsiganiada sau Tabara-Tsiganilor, « poémation eroï-comico-satiric alcatuit în doaosprazece cintege, de LEONACHI DIANEU, imbogatit cu multe însamnari si luari aminte crîtece, filosofice, istorice, filologhice si gramatece, de catra, Mitru PEREA s’altii mai multi, in anul 1800. » Bucarest. 8 Editions Minerva, Bucarest, 1974-1975. 9 Patrimoine Littéraire Universel , Anthologie en langue française, sous la direction de Jean-Claude POLET, De Boeck Université, 1993. Sous le titre « La Tsiganiade », traduction inédite (heureusement !) de M. Pavel, pourtant universitaire estimée. Je ne citerai, à titre de comparaison, qu’un extrait du Prologue dont l’original figure en annexe de cet article : « Muse qui jadis chantas à Homère la Batrachomyomachie » (1), aie la bonté de me chanter, à moi aussi, tout ce que la gent tzigane accomplit lorsque Vlad-Voïvode lui octroya liberté, armes et grands domaines. Dis comment les Tziganes voulurent élire dans leur pays un prince et un gouvernement, comment, en oubliant leur chère vie, ils prirent courageusement les armes et finalement osèrent combattre les hordes païennes baies. (2) (1) Ou Combat des grenouilles et des rats, poème burlesque du V° siècle A.C. en 300 vers, faussement attribué à Homère, parodie de toutes les ressources du style épique. (N. d. t.) (2) Ce sont les Turcs, au teint bai, c’est-à-dire brun. (N. d. t.) » On pourrait commenter à l’infini les maladresses, pour ne pas dire davantage, de ce qu’on ose à peine appeler une traduction, et des notes qui l’accompagnent. On appréciera notamment l’euphonie de « chantas à » et l’harmonie rythmique, syntaxique et lexicale de « hordes païennes baies » ! 12 10 Lorca ou la passion obscure, opus cité. 11 Max Pons, La Barbacane éditions, Bonaguil, opus cité, introduction, pp. 9 et 11. 12 Ayant découvert en traduction nombre d’écrivains étrangers... je m’étonnais toujours de la part congrue faite à ces « faiseurs de miracles » dont nous « avons besoin ». La parution de la thèse de Georges Mounin, en 1963, avait été, parmi nous jeunes étudiants, un éblouissement. Parmi les traducteurs également, comme le souligne la remarquable préface de Dominique Aury : « Pour la première fois chez nous, un linguiste fait aux traducteurs l’honneur de prendre leur activité au sérieux. » (p. VIII) 13 Dans son avant-propos, Michel Mouret, universitaire mais aussi poète, explique ses partis pris, auxquels j’adhérai d’instinct, si bien que je choisirais la même démarche quelques années plus tard au moment d’adapter « Tsiganiada ». Nous reproduisons note 16 un court passage de ce texte qui mériterait une reproduction in extenso ; y est à souligner le parallèle avec ma propre expérience, et sa détermination à affirmer tout haut ce que beaucoup pensent sans oser l’exprimer, tant est prégnante l’autorité reconnue de certains mandarins. Sans compter le pouvoir de grands éditeurs s’octroyant - comble d’abus - un droit exclusif de traduction de certaines oeuvres (d’où la présentation de notre publication du « Romancero » comme une anthologie, afin de contourner le problème). Voilà des moeurs qui entravent l’avancée du traduire, déjà très aventureux. Il y a quinze ans les traducteurs, à peine sortis d’une image dévalorisante, de leur condition ancillaire, celle de « piétaille » « dans l’armée des écrivains », (1) faisaient peu de confidences sur leur conception de la traduction et sur leur pratique. D’autant plus précieux le manifeste de Michel Mouret. (1) Préface de Dominique Aury à la thèse de Georges Mounin. 14 15 Lettre privée. En 1992. 16 « Un ami m’asséna un jour, en me rendant un livre ; « Comment peux-tu aimer cela ? Ca tombe des mains !... » Il parlait du Romancero gitan de Federico Garcia Lorca. Je repris cette traduction et décidai de la lire de bout en bout à haute voix. Force me fut de le reconnaître : un seul poème trouva grâce à mes yeux ! « La femme adultère », si merveilleusement traduit par Jean Prévost. (...) Je réalisai qu’un tel décalage (...) était injuste. (...) Je résolus d’en chercher les causes et me mis en quête de traductions françaises. J’en découvris huit ! Toutes de traducteurs prestigieux. Mais toujours, néanmoins, la même frustration. (...) Je constatai qu’elles ne rendaient, en fait, qu’une partie du poème : le sens littéral et lui seul. Or, tout poème renferme par essence une forte charge émotionnelle, engendrée, entre autres, par le rythme, la rime et l’agencement des sons dans le(s) vers, (...) fruit d’une alchimie savante (qui) donne à son oeuvre une couleur, une vibration, un charme (...), précisément ce qui semblait manquer aux traductions : cet « au-delà des mots », qu’il fallait absolument chercher à rendre sous peine de frustrer. Mais était-ce possible ? Ne succomberait-on pas à la tentation d’écrire son propre poème (...) ? N’allait-on pas immanquablement sacrifier du sens au profit du son (...). Jusqu’où pouvait-on (ne pas) aller ? La meilleure façon de répondre était d’essayer. Je le fis. Comme un jeu d’abord, avec passion ensuite. » 17 Henri Meschonnic, opus cité, p.14. 18 Publiés peu après, opus cité. 19 L’épopée Waroutcho, (1977-1979), encore inédite, Tome I d’une grande fresque en plusieurs tomes, sur fond d’histoire des Tsiganes ; 4620 vers qualifiée par Maurice Nadeau de « rhapsodie hors du commun ». « On aimerait passer à l’acte », m’écrivait-il dans les années 2000, « mais où trouver les lecteurs ? » (Lettre privée) 20 Il fut un précieux conseiller lorsque je créai les Editions Wallâda (1982), puis m’initiai à la langue romani. 21 Cité par Valeriu Rusu, dans son article « Cioran l’étranger, métèque des Carpates », in revue littéraire Méridiane, n° 51, mars 2006. 13 22 Un universitaire français n’a-t-il pas utilisé récemment, sans citer ses sources, notre adaptation (parue en Roumanie mais non officiellement diffusée) pour être le premier à écrire sur elle un long commentaire que le sujet de son ouvrage ne justifiait pas ? 14