Jean-Marc Ayrault face au casse-tête des Rohingyas de Birmanie

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Jean-Marc Ayrault face au casse-tête des Rohingyas de Birmanie
Jean-Marc Ayrault face au casse-tête des
Rohingyas de Birmanie
LE MONDE | 18.06.2016 à 10h16 • Mis à jour le 20.06.2016 à 11h25 | Par Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du
Sud-Est)
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La visite que vient d’effectuer en Birmanie Jean-Marc Ayrault est, selon les mots du ministre des affaires étrangères, la marque
de la « confiance » du gouvernement français dans la transition démocratique incarnée par la victoire électorale en
novembre 2015 de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). C’est la première visite au Myanmar d’un haut responsable
français depuis l’entrée en fonctions du nouveau gouvernement, en avril.
Alors qu’il venait juste de s’entretenir, vendredi 17 juin, avec son homologue Aung San Suu Kyi, de facto dirigeante du pays,
M. Ayrault a indiqué au Monde par téléphone depuis la capitale, Naypyidaw, que la Prix Nobel de la paix lui avait fait part de
son souhait de voir la communauté internationale manifester de la « compréhension » à l’égard de son action.
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La formule de la dirigeante birmane témoigne de l’agacement de cette dernière face aux critiques dont elle est l’objet à propos
de la question des musulmans Rohingyas de Birmanie, persécutés par le précédent régime, pour la plupart apatrides et que
même l’actuel gouvernement appelle « Bengalis », pour bien marquer leur origine « étrangère ».
« Mme Suu Kyi a insisté sur le fait qu’elle souhaite que l’on reconnaisse davantage ce qu’elle fait en matière de droits de
l’homme », a ajouté M. Ayrault. La Prix Nobel de la paix, qui sait à quel point la question est facteur de division et de violence
dans un pays où l’opinion publique fait preuve d’une islamophobie virulente, a souvent été critiquée pour ne pas défendre
publiquement les Rohingyas.
Pas en public
« Devant elle, j’ai utilisé le terme de Rohingya car c’est comme cela que l’on dit en France mais je n’emploierai pas ce mot en
public : je sais à quel point c’est un sujet sensible et je ne suis pas là pour donner des leçons et compliquer les choses », a
précisé M. Ayrault. Le choix français tranche avec celui des Américains : lors de la visite en Birmanie du secrétaire d’Etat,
John Kerry, en mai, ce dernier avait utilisé en public à plusieurs reprises le terme honni. Aung San Suu Kyi avait auparavant
« conseillé » à l’ambassadeur des Etats-Unis de ne pas employer ce nom…
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Jean-Marc Ayrault a également rencontré le président, Htin Kyaw, ainsi que le chef des armées, le général Min Aung Hlaing.
Le chef de la diplomatie française, qui, lors d’une conférence de presse, avait insisté sur le fait que le « pouvoir civil doit être
au-dessus de l’armée », a précisé au Monde que le général lui avait dit : « Sur certains sujets, mon action est conditionnée à
l’approbation du pouvoir civil. » Sous-entendu : sur d’autres sujets, ce n’est pas le cas, notamment à propos de la poursuite des
combats avec plusieurs guérillas des différents groupes ethniques du pays. C’est là l’un des enjeux-clés de l’équilibre des
forces entre gouvernement et armée dans une Birmanie postdictatoriale.
La visite de Jean-Marc Ayrault, qui s’est conclue samedi à Rangoun, aura donné lieu à l’annonce d’un effort important de la
France en Birmanie : une enveloppe de 200 millions d’euros de l’Agence française de développement (AFD) et le doublement
de l’aide alimentaire avec l’attribution d’une somme de 1,4 million d’euros.
Bruno Philip (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)
Journaliste au Monde