GONZALEZ REY

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GONZALEZ REY
LES EXPRESSIONS FIGÉES AU SERVICE DE LA
COMMUNICATION POLITIQUE1
Isabel GONZÁLEZ REY
Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, Espagne
1. Introduction
Les créateurs de messages à large diffusion le savent très bien : les mots
porteurs d’idées à vendre doivent capter l’attention du plus grand nombre possible
de gens. Or, de tous les éléments linguistiques à même de remplir cette mission,
les expressions figées le remportent de loin par les traits qui les caractérisent :
suite de mots lexicalisés, appartenant au savoir populaire, susceptibles de
manipulation lexicale donnant accès aux jeux de mots. Pour en analyser la portée,
nous avons choisi un domaine particulier, le discours politique2, domaine capable
de démontrer l’exploitation des unités phraséologiques faite à plusieurs niveaux
dans le lancement des idées et la prise de pouvoir.
2. Types de discours politique
Bien qu’il ne semble appartenir qu’aux hommes exerçant ou aspirant à
exercer le pouvoir, le discours politique se manifeste en fait à plusieurs niveaux de
la vie sociale. En réalité il n'existe pas un seul discours politique, homogène dans
les termes et les tournures, dans la thématique ou dans les positions adoptées. Vu
le nombre des composantes à analyser, la complexité de l'ensemble des
manifestations orales et écrites relevant de ce domaine nous amène à distinguer
deux sous-groupes :
a) Le discours officiel ou du premier degré : c'est le discours le plus
homogène en termes, structures et genres discursifs. Il est fait de sources
constituées: d'une part, les membres des partis politiques, lors de leurs
interventions, harangues ou propagande réalisées autour de leur programme
idéologique, pragmatique ou de leur candidat; d'autre part, les élus au
gouvernement et dans les différentes collectivités territoriales/communautés
autonomes et communes, qui utilisent également un langage bien reconnaissable à
la forme et au fond. Ce discours se caractérise par le fait d'être investi d’une
autorité reconnue qui le donne pour vrai. Il vise l’information des idées, des
décisions et des activités politiques, mais aussi et surtout la promotion de ces idées
et de ces activités. Le discours officiel offre un aspect compact car il mise sur la
structure pour tenir des propos cohérents conformes aux principes des partis.
b) Le discours officieux ou du second degré: il est très hétérogène, fait la
plupart des fois de sources autorisées, comme c'est le cas des propos tenus par des
politologues et des journalistes, mais aussi sans garantie lorsqu'il s'agit des
opinions exprimées par les citoyens. Le caractère parapolitique de ce type de
discours prend sa source dans l'analyse et la critique des actions politiques et le
compte rendu des réactions du peuple vis-à-vis de ces actions mêmes. Il contient
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nécessairement une part importante d’interprétation, car il vise davantage la
conjoncture des faits que la structure des idées.
En définitive, différents agents contribuent à l'enrichissement du discours
politique, et démontrent par la même occasion l’aspect dynamique du modèle
démocratique qui invite tout le monde à participer à la vie politique d’un pays: les
hommes politiques en tant que producteurs d’idées à vendre, les journalistes en
tant que médiateurs dans la divulgation de ces idées et comme formateurs
d’opinion publique, et les citoyens en tant que sujets pâtissant des différentes
politiques mises en marche par le parti au pouvoir, et comme adeptes à capter par
les partis contraires. Le mouvement entre ces groupes est circulaire car les
premiers rétro-alimentent leur discours à partir de la réception que les derniers
réservent aux idées lancées à travers les groupes médians.
3. La Communication Politique
En politologie on parle de Communication Politique, concept défini par
Dominique Walton3 dans son glossaire comme l'étude du rôle de la
communication dans la vie politique au sens large du terme, en intégrant aussi bien
les médias que les sondages, le marketing politique que la publicité, avec un
intérêt particulier pour les périodes électorales. C’est donc la création d’un espace
de dialogue où se produit un libre échange d’idées entre hommes politiques et
opinion publique. Cet échange s’encadre dans le modèle démocratique qui priorise
le droit à l’information et à l’expression libre des opinions. Or la définition met
l’accent sur les sources constituées car ce sont celles qui intègrent les médias, les
sondages, le marketing et la publicité. Mais ces agents du discours “officiel”
communiquent-ils au sens de „faire partager” ou bien de „faire connaître” ? En
fait, la politique de la Communication Politique se décide dans la pulsion des
forces en jeu, menée aussi bien par le gouvernement que par les partis de
l'opposition. Leurs rapports, nous allons le voir, répercutent définitivement sur les
messages et les moyens de les faire parvenir.
3.1. Fonctions de la Communication Politique
En fait, en communication la différence entre faire partager et faire
connaître est évidente car il y va de la perspective de départ : le premier
impliquant une vision horizontale de la transmission des messages dans un
traitement d’égal à égal, le second une vision verticale de la mise en connaissances
des faits du point de vue hiérarchique. Dans ce sens, en Communication Politique,
communiquer c’est surtout faire connaître aux citoyens les mesures prises d’ « en
haut », à savoir gouvernement et partis de l’opposition, au moyen de deux types de
communication propres du jeu démocratique : l’information et la promotion des
idées et des actions politiques.
Mais qu’est-ce qu’„informer” en démocratie ? Le gouvernement se doit, en
réalité, de „renseigner” les citoyens de sa politique, et il le fait par le biais de
„communiqués” écrits ou oraux réalisés par un porte parole, les ministres, le chef
du gouvernement ou de l’État lui-même lors d’interventions publiques. De leur
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côté, les partis de l’opposition doivent également „renseigner” le public de leurs
positions vis à vis de la gestion du gouvernement, et ils le font selon les règles du
jeu parlementaire lors des séances de contrôle au gouvernement au sein du
Parlement, ou bien en s’adressant directement aux médias dès que l’occasion se
présente. Ces informations sont transformées a postériori en discours officieux,
analysées par les politologues, les journalistes et les citoyens eux-mêmes. En
définitive, informer en politique, c’est le plus souvent fournir des explications
après avoir agi.
De même, on peut se demander ce que « promouvoir » veut dire en
politique. Selon le dictionnaire le terme adopte trois significations bien liées entre
elles : 1) „pousser en avant, faire avancer” ; 2) „provoquer le succès de qqch.”; 3)
„chercher à attirer l’attention des gens sur un produit”. De ces trois acceptions, il
s’ensuit une idée d’évolution, de réussite et de conquête, très appropriée au
domaine politique, où la quête du pouvoir sous-tend toutes les intentions et les
actions des partis. En principe donc, promouvoir, en politique, c’est promettre
d’agir. Or la promotion des idées politiques n’est pas exclusive des périodes de
campagnes électorales. Elle se fait également pendant le mandat d’un
gouvernement, menée aussi bien par le parti au pouvoir que par ceux qui se
trouvent dans l’opposition.
En fait, la bonne gestion politique se trouve dans l’équilibre entre
l’information d’idées et d’actions réalisées lors des mandats et la promotion
d’idées et d’actions promues et promises en campagne. Or cet équilibre tend
souvent à se rompre à cause de l’effacement des limites dans l’application des
deux procédés, une part d’autopromotion sous-jacent à toute déclaration
informative lors des mandats, et vice-versa toute promotion cherchant à prendre
des dehors d’information, en campagne électorale.
3.2. Par quels moyens diffuseurs ?
Dans les faits, ces différentes configurations du discours politique
s’inscrivent dans une communication médiatique beaucoup plus préoccupée de la
promotion des partis que de l’information au citoyen4. Les médias (TV, radio,
presse, publicité écrite/audiovisuelle), ainsi que les nouvelles technologies (les
sites des partis, les journaux électroniques, le téléphone portable et les SMS) sont
convoqués en permanence dans cette course à la divulgation des idées et des
activités politiques. Par ailleurs, cette nouvelle communication médiatique a la
particularité de donner les informations sous la forme de flashs, photos, gros titres,
slogans, bref, de messages en petites pilules digestibles qui confortent le besoin
des citoyens d’être au courant de l’actualité.
On pourrait se demander pourquoi et se dire que nous, citoyens pressés,
nous sommes un public difficile à capter, et que la Communication Politique
cherche à nous rendre la vie plus facile afin d’être informés à tout instant. Mais
l’autre face de la monnaie, c’est que les partis sont nombreux et se disputent un
temps et un espace qui valent de l’argent dans les médias. Or, plus les partis sont
nombreux, plus l’électorat est fragmenté et la part du marché des votes est
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convoité. En effet, il est facile d’observer qu’en France, comme partout ailleurs,
l’approche en politique est plus commerciale que sociale. Que ce soit en période
électorale ou gouvernementale, la préoccupation des grands et petits partis est de
faire basculer la balance des votes de leur côté. Deux facteurs percutent sur cette
préoccupation : le nombre de concurrents dans cette course effrénée au vote et le
temps de parole accordé à chacun d’entre eux dans la couverture médiatique.
Ainsi, en période électorale tous les partis ont-ils le même temps de parole, sauf le
parti au gouvernement qui dispose normalement d’un bonus de par sa répercussion
informative. En période gouvernementale, chaque parti négocie avec un média
(radio, télévision et presse) la défense de ses idées et l’interprétation qu’il donne à
chaque événement de la vie politique du moment. Ces deux facteurs, le nombre de
partis concurrents et le temps de parole incident sur l’objectif commun qu’ils se
fixent tous : la captation d’un marché, ce marché se définissant en nombre et en
parts de voix. Misant sur la construction d’une politique sur le court terme, tous
s’engagent à communiquer le plus, le plus vite et le plus loin possible. Le discours
politique, centré sur la promotion des idées et des actions de ses hommes,
s’approprie des stratégies de la communication commerciale pour arriver à ses
fins5.
3.3. Principes stratégiques et éléments de captation et de fidélisation de
l’opinion publique en Communication Politique
Les messages formulés d’une manière lapidaire gagnent en densité
sémantique, ce qui les fait être considérés comme des éléments non négligeables
de la communication, quelle qu’elle soit. En ce qui concerne la politique, le
contenu de ces messages à la forme brève et rapide présente des caractéristiques
qui répondent aux fonctions citées ci-dessus. Trois traits primordiaux se
distinguent dans leur formulation : le culte aux valeurs essentielles, le rituel dans
la mise en place de l’idéologie et les signes d’identité.
Ainsi, le culte aux idées, par le biais d’allusions aux grands principes
traditionnels (cf. « la grandeur de la France »), ou aux besoins primaires (la
sécurité des citoyens, le droit au travail, etc.) s’utilise en permanence afin
d’exploiter l'exaltation des émotions chez les partisans. Le rituel des
rassemblements, qui sacralisent les grands moments des interventions (mise en
scène de l'entrée du candidat favori par l’emploi de techniques d'animation:
banderoles, musique, applaudissements), ou le calcul des temps d'interventions et
des pauses, qui scandent et imposent le rythme, s’emploient également pour
émouvoir la foule, favoriser les encouragements envers les favoris et le chahut
envers les opposants. L’emploi d’éléments identitaires des partis, tels que les
emblèmes, les symboles, les logos, les hymnes, etc., contribuant aussi à souder le
groupe, sont autant de stratégies mises en place pour le capter et le fidéliser aux
idées des partis.
Le principe actif à tous ces procédés se trouve, d’une part, dans l’exercice
de la fascination et de l’hypnose que provoquent le rite et la répétition sur les
esprits, et d’autre part dans le pouvoir identitaire de l’élément unique, en tant
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qu’appel à la convocation et au ralliement des personnes autour d’une même
idéologie. Prenons en exemple les principaux symboles6 de la République
Française: le drapeau tricolore7 ; Marianne8 ; le coq gaulois9; le Grand sceau de
France10 ; l’hymne La Marseillaise11; le logotype, enfin, alliant la plupart des
contenus cités12. Tous ces éléments, uniques et figés, contribuent à fortifier le
peuple en répondant au besoin préalable d’identité sociale ou nationale du groupe,
ainsi qu’à la défense d’intérêts communs longtemps revendiqués par le citoyen
français.
4. Rôle des expressions figées dans la Communication Politique
Mis à part les éléments de nature héraldique cités ci-dessus, d’autres de
nature linguistique remplissent la même fonction dans le discours politique, à
savoir les expressions figées. Nous allons le voir, celui-ci s’en approprie comme
moyen de communication dans le but de consolider ou de modifier des conduites
sociales.
Par définition les expressions figées constituent des suites de mots stables et
répétés dont l’ensemble conforme ce qu’on s’accorde à nommer, su sein de la
communauté scientifique, la Phraséologie13. Brièveté formelle, densité
sémantique, répétition et figement pragmatiques les caractérisent, et ces propriétés
linguistiques s’adaptent de façon très opportune aux exigences de la
communication médiatique. En effet celle-ci s’annonce souvent par le biais de
gros titres qui s’énoncent à leur tour sous une forme syntagmatique averbale. En
peu de mots se trouve ainsi concentré un sémantisme souvent composé de strates
significatives, sens littéral y figuré superposés dans un seul énoncé. Destiné à être
largement diffusé et reproduit, cet énoncé tend au figement, répétition et fixation
garantissant d’emblée le succès du message qui non seulement arrive au
destinataire mais finit également par s’ancrer dans son esprit. Ces contraintes
propres de la communication médiatique trouvent écho dans la forme brève et
dense de l’expression toute faite car, figée, elle est susceptible d’être
immédiatement comprise de tous, défigée, elle pose une énigme facilement
décodable par ceux mêmes qui la connaissent en tant qu’expression lexicalisée.
En définitive les expressions figées en Communication Politique favorisent
la rapidité et l’expansion dans la transmission du message, elles opèrent une
fonction hypnotique par le biais de la répétition, induisant les gens à agir et elles
mobilisent l’attention des citoyens en les menant à se concentrer sur l’élément
essentiel du discours.
Cela dit, les expressions figées les plus actives en politique sont celles qui
en émergent, et pour les analyser dans leur fonction médiatique il nous faut les
distinguer de celles qui sont déjà constituées dans la langue courante, sans pour
autant ignorer que la Communication Politique peut également puiser dans le fond
établi.
4.1. Moules générateurs d’expressions figées
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Les expressions figées au service de la communication politique
Le but qui sous-tend la création d’expressions figées dans la
Communication Politique consiste à produire un message, chargé d’implicites, à
même d’arriver et d’être bien reçu par la plupart des destinataires. Pour ce faire,
elles prennent la forme de formules frappées destinées à circuler comme des
pièces de monnaie. Les plus récurrentes sont la devise, la dénomination
onomastique et le slogan.
Par définition, la devise est une formule qui accompagne l’écu dans les
armoiries ou qui explique une figure emblématique par le biais d’une sentence ou
légende. Elle est généralement porteuse d’une pensée, d’un sentiment ou d’un mot
d’ordre. La dénomination onomastique, elle, se charge de désigner une chose, une
personne ou un groupe (de choses ou de personnes) au moyen de procédés de
création lexicale (sigles et acronymes), en partant de noms communs pour les
transformer en noms propres. Quant au slogan, il consiste en une formule concise
et frappante, utilisée par la publicité ou la propagande politique. Ces trois moyens
linguistiques se présentent comme des moules, bien définis dans leur forme et leur
fonction, où couler une idée bien précise: véhiculer l’idéologie d’une personne,
d’un groupe, d’une Nation.
En tant que matrices, ces procédés ont en commun de forger des groupes de
mots, figés et répétés. Or, même si certains traits les rapprochent, d’autres les
distinguent. Ainsi devise et dénomination onomastique sont-elles porteuses de la
parole écrite, muette. Accompagnées, l’une d’emblème, l’autre de logos, cherchant
ainsi à mieux attirer l’attention sur elles, elles conforment des éléments plastiques,
qui frappent surtout l’oeil mais pas nécessairement l’oreille, dans le but de
perdurer dans le temps. Par contre le slogan, fait aussi bien pour être prononcé que
transcrit, s’appuie à l’oral sur des procédés de déclamation (ton véhément, qui
porte), et à l’écrit sur des éléments graphiques chargés de mobiliser l’intérêt des
gens. À l’opposé des deux premiers artifices, il ne dure que le temps d’une
campagne.
4.1.1. La devise
La devise14 fait partie du langage héraldique, elle en est la part la plus
littéraire. Á l’origine, elle accompagnait sous forme de légende les armoiries des
chevaliers, lors des croisades, en signe de reconnaissance visant à rallier les
soldats, qui souvent ne savaient pas lire. Le tout, écu et légende, aidait ainsi à
relier tout un groupe de gens à son seigneur, à l’intention de se faire reconnaître
des siens, et de se distinguer des autres seigneurs et de leurs vassaux. À partir de la
Renaissance, elle est en vogue et elle apparaît dans les tournois et les fêtes de cour,
et même les pompes funèbres où les armoiries et leur devise représentent les
Grandes Maisons (la devise aristocratique). Avec le temps, elle se détache de
l’écu, et prisée comme texte littéraire, elle finit même par devenir un jeu de salon.
Au vu de cet historique, il s’ensuit que la devise, n’étant pas composée au
départ par le menu peuple car il ne savait pas lire, à quelques exceptions près, elle
est, en fait, le signe de reconnaissance des gens lettrés. Avec le temps elle évolue,
cependant, donnant naissance à toute une diversité d’emplois selon le sens,
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certaines d’entre elles sous-tendant un principe de vie, d’autres de nature
énigmatique, d’autres encore fondées sur des proverbes.
Dans sa fonction principale, celle de faire connaître une pensée, la devise a
également évolué. Ainsi d’une légende qui accompagne un écu représentant une
seule personne et son statut (i.e. la devise aristocratique : « M. qui T.M.15 » , soit
Aime qui t'aime, de la maison de Kergos, en Bretagne), elle devient un mot d’ordre
pour tout un peuple (i.d. la devise monarchique : « Duo protegit unus », soit Un
protège deux, d’Henri IV en représentation du sceptre et de la main de justice unis
à son épée ; « Nutrisco & extinguo », soit Je m'en nourris et je l'éteins, de François
Ier, devise accompagnant une salamandre au milieu des flammes ; ou encore le
fameux « Nec Pluribus Impar », soit supérieur à tout le monde, de Louis XIV,
portant un soleil), elle finit, au terme de son évolution, par figurer dans la
Constitution même d’un État, liée aux valeurs et aux principes d’un peuple (i.d. la
devise démocratique «Liberté, Égalité, Fraternité » citée à l’article 2 du Titre
Premier de la Constitution française16, constitution actuelle datant de 1958).
Même dans sa nouvelle valeur constitutionnelle, la devise continue d’être le
symbole du régime politique d’un pays. Reflet de ce régime, elle véhicule une
idéologie visant tout le monde, sans désormais provenir d’une seule personne
noble, lettrée ou puissante, ni s’adresser à un cercle restreint de gens cultivés.
Créée par le peuple et pour le peuple, la devise s’est enfin démocratisée.
4.1.2. La dénomination onomastique: du nom aux sigles
La dénomination des partis politiques se fait d’ordinaire par l’attribution
d’un nom servant à le désigner, construit généralement par la composition de
plusieurs formatifs. Normalement le nom choisi décrit en peu de termes la position
du parti. De ce fait, les concepteurs linguistiques des noms de partis ont souvent
recours à la compositionnalité de mots, c’est à dire composition de forme
(polylexicalité) et déductibilité de sens (sens sommatif, dénotatif et référentiel),
évitant le plus possible l’ambiguïté et la confusion. Or, les résultats donnant lieu à
des noms composés trop longs, l’obligation de trouver le moyen de les raccourcir
s’impose afin de favoriser une plus grande fréquence d'emploi au moyen d’une
forme plus facile à retenir. C’est alors qu’intervient la siglaison en tant que
procédé néologique de forme qui agit par raccourcissement. Ce mécanisme de
dénomination fait partie des multiples stratégies linguistiques mises en place par la
Communication Politique pour gagner en économie linguistique et en diffusion
médiatique17. En effet, la siglaison ne s’emploie pas seulement dans le seul but de
nous faciliter la tâche de prononcer des mots trop longs. Elle ne fait pas son
apparition après coup mais simultanément au nom composé, révélant une
détermination à intervenir d’un seul trait sur des termes liés à des domaines de
pouvoir tel que le domaine politique où l’enjeu est d’arriver vite et avant que les
opposants18 Il y a donc une manipulation consciente de la langue pour figer les
termes sous deux procédés de dénomination différents – composition et siglaison –
, mais redondants car l’un renvoie à l’autre. La communication politique est ainsi
bien assurée.
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Les expressions figées au service de la communication politique
Outre cette fonction d’expansion du concept sous une forme concise, les
sigles se transforment dans le discours politique en nom de marque, et ils
deviennent de ce fait des noms propres chargés d’identifier et de distinguer un
groupe de personnes et leurs idées. En effet, en tant que dénomination de droit, les
sigles à valeur politique se chargent d’un caractère juridique dès leur
enregistrement comme dénomination sociale, visant non seulement à se
différencier des concurrents, mais aussi à communiquer, indirectement à chaque
fois qu’ils sont mentionnés, à propos du groupe qu’ils représentent.
Dans le discours politique, la seule manifestation linguistique de ces noms
octroie à leurs représentants un pouvoir chargé d’enorgueillir les adhérents, par le
sentiment d’appartenance aux idées du groupe, et d’impressionner les non
militants par le caractère sérieux, voire supérieur, de leur rôle dans la société. Dans
la liste des partis politiques qui suit, nous allons voir comment les groupes ont
choisi de capitaliser sur la notoriété de leur nom pour apporter de la visibilité à
leurs actions et gagner en adeptes. Voici donc une relation de sigles et de noms de
partis politiques français :
UMP19 (Union pour un Mouvement Populaire)
RPF (Rassemblement pour la France)
RPR (Rassemblement pour la République)
UDF (Union pour la Démocratie Française)
DL (Démocratie Libérale)
FN (Front National)
MPF (Mouvement pour la France)
PS (Parti socialiste)
PCF (Parti communiste français)
LO-LCR (Lutte Ouvrière-La Ligue Communiste Révolutionnaire)
PT (Parti des Travailleurs), etc.
L’analyse formelle et sémantique qui découle de la présentation de cette
liste dans l’ordre donné des procédés permet une première constatation, à savoir
l’incompréhension immédiate que suscite l’emploi des sigles sans le nom
correspondant chez un non initié en politique. L’ordre contraire n’aurait présenté
aucune difficulté dans l’appropriation du sens des mots. Il s’ensuit que, si on
compare les deux procédés à partir du critère de la fonction sémantique des
formatifs, il y a transparence sémantique du groupe source mais opacité du sigle,
ce qui impose la connaissance du premier sur le second. L’effet accordéon des
noms politiques, en mots complets et/ou en sigles, allant de l’un vers l’autre, exige
donc chez le citoyen moyen une compétence en termes de savoir et de savoir faire
politique.
Par contre, l’apparition conjointe des deux dénominations provoque un
double effet d’association automatique du nom du groupe à son idéologie. À
l’écrit, les deux formes, citées souvent ensemble (obligatoirement dans le discours
officiel, ou la première fois que le parti est cité dans le discours officieux des
politologues et des journalistes), renforcent ainsi la fonction communicative.
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Une dernière observation concernant le nombre de lettres qui conforment les
sigles des partis, en moyenne trois, conclut à une économie évidente, à la fois
rédactionnelle et mémorielle, dans un même gain d’espace et de temps. Par
ailleurs, leur mise en page joue souvent sur la propagande subliminale, en arrière
plan des communiqués. S’appuyant sur l’impact de la « majusculite » (en termes
de Doppagne, 1979), efficacité communicative et impressionnabilité sont autant de
coup d’effets mis au service de la quête du pouvoir.
4.1.3. Le slogan
Le langage publicitaire se caractérise par une série de contraintes d’ordre
linguistique et économique à respecter dans l’élaboration de son discours. Qu’il
soit lié à la promotion d’un produit ou d’une idée, il s’agit tout d’abord d’un
discours médiatisé, fortement conditionné par les impératifs d’un marché qui
calcule la production du message en termes de coût et de risque. Le message
publicitaire fonde donc son efficacité sur la trace mémorielle qu’il est susceptible
de laisser chez ses récepteurs dans un laps de temps et d’espace réduit. De ce fait,
il se met en quête d’une forme linguistique chargé de dire le plus en le moins de
mots possible (ce que Karine Berthelot-Guiet nomme « l'effet Mini Mir »20, en
référence au célèbre slogan de ce produit de lavage : « Mini Mir, mini prix, mais
il fait le maximum »).
La promotion du message à transmettre trouve son support dans les ondes
radiophoniques et audiovisuelles, et/ou sur papier (tracts, affiches, magazines et
journaux). La vente, la consommation ou la fidélisation au produit promu étant
l’objectif recherché, les concepteurs publicitaires se fixent le moyen d’arriver à
cette fin dans la création d’un slogan chargé d’en vanter les bénéfices. En fait,
toute la publicité du produit (mise en scène, images, etc.) s’organise autour d’une
forme linguistique lapidaire ayant pour fonction de fidéliser le consommateur aux
marques du groupe commercial, de cultiver sa différence avec les marques
concurrentes et d’encourager l’acte d’achat.
La communication commerciale et promotionnelle que réalise le slogan
relève de caractéristiques formelles, sémantiques et pragmatiques déterminées. La
structure brève du slogan cherche à condenser un message complexe qui doit
circuler vite et loin. Le premier des objectifs à atteindre est de frapper l’attention.
Concurrencé par des milliers de messages aspirant au même but, le slogan se doit
d’être à la fois évocateur et simple. Il doit, d’une part, séduire les esprits par
l’originalité de sa mise en paroles, et d’autre part, se poser en termes faciles à
retenir car son succès est conditionné par son pouvoir de circulation. Les
conditions pour l’expansion du message résident dans les éléments favorisant la
mémorisation et la répétition, le pouvoir hypnotique de la répétition jouant
normalement en faveur des slogans bien réussis. Pour cela, l’énoncé du slogan doit
jouer sur deux tableaux : les sentiments et l’information. D’une part, il se doit de
communiquer quelque chose de nouveau, que l’usager ne connaît pas ou bien dont
il n’a pas conscience. D’autre part, il doit le pousser à agir et cela ne se fera qu’en
faisant appel à ses sentiments, bien souvent par le biais de la flatterie21.
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Les expressions figées au service de la communication politique
Dans l’intention initiale, le slogan commercial et le slogan politique se
distinguent en ce que le premier crée des demandes (implicitement le message
incite à la consommation d’un produit qui a priori ne nous est pas nécessaire),
tandis que le second fait appel à un besoin préalable d’appartenance à un groupe
social ou national. Dans la forme, ils coïncident dans le choix des éléments : des
structures déjà lexicalisées, souvent délexicalisées ou bien facilement
lexicalisables.
Le slogan politique apparaît non seulement lors des campagnes électorales
mais aussi lors des mandats. Ainsi, le parti au pouvoir s’en sert-il souvent pour
résumer son action22 pour « apaiser » le peuple en cas d’alarme sociale ou bien
pour diffuser les différents messages des Ministères. Par exemple, les campagnes
nationales de sensibilisation aux excès de vitesse conduisent régulièrement les
départements chargés de la circulation routière23 à lancer des appels à la
responsabilité et au civisme aux usagers de la route au moyen de slogans tels que :
No podemos abrocharnos el cinturón por ti (ES) ; Si chacun fait un peu, c'est la
vie qui gagne (FR).
De même les différents partis de l’opposition organisent des campagnes
autours de slogans chargés de promouvoir leurs idées lors des élections ou des
manifestations en s’appropriant de phrases impactantes pour faire face aux
décisions du parti au pouvoir24. En définitive les deux groupements l’utilisent pour
conquérir ou reconquérir les votes.
Construit selon les principes d’information et de promotion, le slogan
politique a pour fonction de lancer un message, certes éphémère mais intense (cf.
le “sound bite”, comme le nomme F. Paniagua, 2005). Par rapport aux procédés
antérieurs, devise et dénomination onomastique, il représente un moyen de
communication dynamique, alliant séduction et mot d’ordre. En exemples, voici
les slogans aux Présidentielles 2002, des principaux candidats aux 1er et 2e
tours25 :
(1) RPR (Jacques Chirac): La France en grand. La France ensemble.
(2) PS (Lionel Jospin) : Présider autrement.
(3) FN (Jean-Marie Le Pen): Une force pour La France / La France et les
Français d’abord.
En (1), le slogan, correspondant à un candidat d’un parti de droite qui aspire
à renouveler son mandat, se construit sur deux énoncés averbaux juxtaposés,
démarrant sur une figure de style (l’anaphore), centrés sur l’idée de Nation et de
valeurs telles que la grandeur et la solidarité. En (2), il appartient à un candidat de
gauche, ancien 1er ministre au gouvernement antérieur, donc en cohabitation avec
le candidat rival. Il est construit sur un prédicat à l’infinitif (visant l’action), à sujet
implicite (le candidat lui-même), modifié par un adverbe (mettant en relief de
l’idée d’un changement dans la manière de gouverner le pays). En (3), le candidat
d’un parti d’extrême droite a hésité sur le choix de deux slogans, le second
l’emportant finalement sur le premier. Cette fluctuation trahit l’adaptation du
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groupe et de son candidat, qui se présentait pour la quatrième fois à des élections
présidentielles, aux nouvelles conditions imposées par le changement d’image
recherché auprès des citoyens pour une concurrence plus efficace. Construits de la
même manière, – deux énoncés averbaux centrés sur l’État –, ils se distinguent,
cependant, par les différents pôles concernés : dans le premier était visé le parti
lui-même en tant que force dont il fallait tenir compte (autoreconnaissance
implicite comme groupe en baisse), dans le second sont priorisés, au contraire, les
citoyens français eux-mêmes dans un appel au sentiment national placé au-dessus
des intérêts européens (critique implicite à l’UE et à l’éventuelle Constitution
Européenne).
En définitive, le slogan politique cherche ses coups d’effet non seulement
dans une forme brève et dense, mais aussi dans une mise en scène impactante au
moyen de types de graphie particulière, accompagnés d’accessoires audiovisuels
destinés à attirer l’attention et de stratégies de répétition visant à modifier les
conduites.
4.2. Le recours au fond établi des expressions figées
Tous les procédés analysés antérieurement s’emploient en tant que
mécanismes générateurs d’expressions figées mis au service de la Communication
Politique. Cela revient à dire que la plupart des énoncés se construisent, à
l’origine, dans le cadre de la combinatoire libre de la langue. Ils ne se figent à la
fin que comme résultant des matrices dont ils découlent, et en fonction des
pratiques du discours répété dont ils sont investis. En effet, une devise, une
dénomination onomastique ou un slogan ne produisent des expressions figées
qu’après les avoir fait circuler.
Cela dit, le matériel lexicologique employé dans la formation de l’énoncé
peut très bien s’inspirer également des expressions figées26 préexistantes dans le
fond commun de la langue, ou bien y renvoyer a posteriori par moquerie. C’est
d’ailleurs la solution la plus récursive, dès que l’intention de départ s’avère
manipulatrice dans le choix des termes dans l’élaboration du discours chez le
concepteur de l’énoncé. Effectivement, lorsque l’objectif se concentre sur les
moyens linguistiques, – le sens à faire passer étant toujours prioritaire, mais moins
à ce stade –, l’énoncé peut être choisi parmi l’ensemble des expressions figées,
dans leur forme initiale ou bien jouant sur la désautomatisation du sens.
De ce fait, en ce qui concerne la devise, quelques-unes se sont inspirées de
formules gnomiques connues à l’époque. Ainsi, attachée à la Maison de Baronnat
(Florez), sa devise a-t-elle repris un proverbe contribuant à célébrer les hautes
qualités du domaine: Vertu à l'honneur guide; celle de Chalant (Savoie): Tout est
et n'est rien, rejoint quelque peu le vieux dict alchimique: «En rien git tout»; ou
encore celle de Solata (Piémont): Tel fiert qui ne tue pas, où l'adjectif «fiert» prend
le sens de redoutable, vaillant27.
En rapport avec l’onomastique des partis, le langage médiatique se révèle
d’une créativité lexicale extraordinaire quand il s’agit de lancer les nouvelles les
concernant, mettant en action tous les mécanismes néologiques de dérivation ou de
68
Les expressions figées au service de la communication politique
délexicalisation, surtout à partir des noms des candidats28. Ainsi, Jacques Chirac a
donné lieu au chiraquisme, à la Chiraquie, à l’action de chiraquiser une formation,
ou encore Edouard Balladur, lors de la campagne présidentielle de 199529, dont le
nom a provoqué les formes habituelles de dérivation (balladurisme, balladurien,
balladurisé, balladurie, et même le fameux balladurette, construit sur le modèle
de « juppettes » d’Alain Juppé, en allusion aux femmes ministres), en passant par
la création de nouveaux noms propres (Ballamou, Ballamol, Balladurdur,
Ballaboys), pour arriver au remplacement d’un terme dans une suite lexicalisée:
C’est Balla peine d’aller voter. Le comble des jeux de mots dans l’emploi ludique
des expressions figées en onomastique politique peut s’illustrer avec cet exemple
de “faux” sigles, repéré par J. Uvírová (2000: 156), extrait du titre de presse du
journal Libération (du 03-05-95) : En cinq lettres, L.E.P.E.N., sachant tous ce que
signifient les cinq lettres dans la langue courante (= merde).
Pour ce qui est, finalement, du slogan politique, il peut lui aussi se former à
partir d’un matériel phraséologique préexistant, dans le but de créer un coup
d’effet singulier sur les esprits. En exemple, le slogan des Verts aux présidentielles
2002 : Noël Mamère. Les pieds sur terre. Mise à part l’allitération du son [εR], qui
concourt à renforcer l’ancrage de l’énoncé dans l’oreille, le renvoi de la seconde
partie au syntagme figé avoir les pieds sur terre, dans le sens figuré d’« être
réaliste », contribue à étayer les principes d’un parti écologiste qui préconise la
sauvegarde de la terre.
5. Conclusion
La communication politique, comme la communication commerciale, se
donne pour objectif de vendre un produit au plus grand nombre de clients possible.
En parallèle avec les entreprises, qui se caractérisent en termes de bénéfices et de
chiffres d’affaires, concourant toutes vers le même objectif, – devenir de plus en
plus puissantes sur le marché quels que soient leurs produits –, les partis politiques
se lancent aux marchés aux idées pour la captation de votes. Dans cette quête du
pouvoir, la phraséologie trouve sa place.
En effet, l’enjeu de la Communication Politique étant de gagner la confiance
du citoyen/électeur en l’ « informant » ponctuellement de tout ce qui se passe, le
rôle des éléments figés dans le discours politique consiste à rassembler, fortifier et
mobiliser les partisans/sympathisants d’un parti. Parmi ces éléments se trouvent
les expressions figées, séquences linguistiques mises au service de l’information et
de la promotion des partis politiques. Créées à partir de moules générateurs
(devise, dénomination onomastique et slogan), elles sont porteuses, d’une façon
statique ou dynamique, d’une idéologie qui fait appel à un sentiment
d’appartenance au groupe politique. Or, même s’il y a gain d'espace et de temps, la
clarté de l’information y perd beaucoup, car la forme brève et figée concentre un
sémantisme qui opacifie le message. Pouvant passé inaperçu aux esprits pressés,
peu enclins aux devinettes et souvent dépourvus des connaissances nécessaires à la
décodification, l’expression se lexicalise au moyen d’éléments de renfort
69
Isabel GONZÁLEZ REY
(symboles, emblèmes, logos, typographies des devises et des sigles) ou de
répétition (cf. le sound bite des slogans).
En définitive, tous ces mécanismes font partie des multiples stratégies mises
en place par la Communication Politique pour gagner, certes, en économie
linguistique et en diffusion médiatique, mais aussi, ne l’oublions pas, en nombre
de votes.
NOTES
1
Cet article s’encadre dans le projet de recherche soutenu par le Ministerio de Educación y Ciencia
(HUM2007-62198/FILO) portant sur la phraséologie contrastive (FRASESPAL), mené au
sein de l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, sous la direction de Carmen Mellado
Blanco.
2
En fait certains analystes du discours considèrent l’activité politique comme génératrice d’un code
linguistique propre au sein d’un groupe particulier. Ainsi l’affirme A. Beard (2000:5):
Politics, like all spheres of social activity, has its own code, a term used by linguists to refer
to a language variety particular to a specific group.
3
http://www.wolton.cnrs.fr/FR/dwcompil/glossaire/commpol.html [15/05/2008 12:30]
4
Dans une interview réalisée à Olivier Domerc, rédacteur en chef de Culture Pub, sur M6, celui-ci a
lancé ce cri d’alarme sur la dérive publicitaire de la politique: „La politique ne doit pas
rentrer dans le show business. C’est justement ce qu’on reproche aux politiques: de trop
communiquer et de ne pas assez agir” (10/06/2004, texte de Charles Bobe: Des slogans
électoraux qui lavent plus blanc que blanc, http://www.europeplusnet.info/article316.html
[15/05/2008 13: 10])
5
En définitive, les partis, comme les entreprises, se disputent le vote des citoyens pour le capter (tels
des clients), mettent sur pied des campagnes pour „vendre” leur programme et leur candidat
(tel un produit commercial) et fidélisent les militants, les sympathisants et les partisans à
travers les symboles (tels le nom de marque ou le logo). Pour une comparaison des procédés
employés en communication politique et en communication commerciale, lire C. Fernández
Camacho, 2003.
6
La liste que nous présentons peut se réduire ou s’allonger selon les source consultées, toutes de
nature électronique. Ainsi la plupart cite le drapeau, Marianne, le coq, la Marseillaise et le 14
juillet; d’autres en arrivent à inclure le béret, la baguette, la tour Eiffel, l’Hexagone, etc.
Cette fluctuation révèle le caractère arbitraire des éléments uniques attachés à un pays ainsi
que la relativité du sentiment national des citoyens : à plus d’éléments, plus de signes
d’identité et de revendication de ce qui est propre, et donc plus de risque aussi de refuser ce
qui est étranger.
7
Le drapeau bleu, blanc, rouge : le blanc, couleur des Bourbon, le bleu et le rouge, couleurs de la
Commune de Paris.
8
Figure allégorique de la République française sous la forme d’une femme coiffée d’un bonnet
phrygien.
9
Souvent utilisé comme symbole de la vigilance et du peuple français, choisi comme symbole
officiel des sportifs français dans les épreuves internationales.
10
Sceau officiel de la République française représentant la Liberté sous les traits de Junon assise.
11
Hymne national proclamé le 14 juillet 1795, interdit à plusieurs reprises et rétabli seulement en
1879.
12
Créé en 1999, il rappelle le drapeau du pays sous la forme d'un rectangle allongé où la partie
blanche reprend l’effigie de Marianne vue de profil et contournée, accompagnée de la devise
Liberté Égalité Fraternité et la mention République française avec les majuscules associées
RF.
13
Nous renvoyons le lecteur désireux d’approfondir la question à une étude réalisée par nos soins
(González Rey, 2002).
70
Les expressions figées au service de la communication politique
14
Pour un historique de la devise, cf. http://www.encyclopedie.info/index.
L’exemple nous a paru particulièrement innovant pour l’époque, si on le compare aux nouvelles
formes de la communication virtuelle, surtout dans le système multicodique qui caractérise le
cyberlangage actuel, avec abréviation sur un mot (tjs = toujours, bjr = bonjour) ou sur une
expression (mdr = mort de rire), redoublement de lettres pour marquer l’intensité (ptdrrr =
pété de rire), onomatopées (mouhaha, pff), écrit phonétique (g = j’ai, NRV = énervé), chiffre
(A1 de C4 = à un de ces quatre), smilies, etc. Pour plus de détails sur les procédés de
siglaison, voir González Rey, 2006.
16
En ce qui concerne la France, sa Constitution est porteuse de l’histoire et des principes actuels de
la République. Elle rappelle un fait historique (la révolution française, soit la prise du
pouvoir par le peuple), et rend présent à l’esprit que ses piliers sont encore en vigueur
(l’exécution du pouvoir pour le peuple).
17
Si nous comparons l’onomastique politique à l’onomastique commerciale, celle-ci a également
recours aux différents procédés de créativité lexicale en fondant sa publicité sur le nom de
marque (ex. L’Oréal), de personne (ex. Christian Dior), ou de société (ex. France Telecom,
SNCF), tous des modes d’identification indirecte des produits au moyen d’une dénomination
directe des agents.
18
Insérés dans le discours politiquement correct, les sigles remplissent une fonction essentiellement
euphémique d’après Jacqueline Percebois (2001).
19
En fait, l’UMP est un groupe de partis politiques, alliant les forces de droite grâce à l’adhésion du
RPR, parti hérititier du groupe gaulliste RPF, de l’UDF et de DL, pour représenter les idées
de la droite et du centre. Au début les sigles UMP voulaient dire Union pour la Majorité
Présidentielle en signe de soutien au président aux élections présidentielles 2002. Une fois
les élections passées, le parti a été rebâptisé, tout en gardant les mêmes sigles, en Union pour
un Mouvement Populaire, exemple illustratif d’un changement sans coût linguistique de
dénomination alors que les sigles sont suffisemment connus, en vue d’une meilleure
rentabilité politique.
20
Cf. « Quand dire c’est faire … la différence : pouvoirs de la langue dans l’hyperconcurrence
internationale », Colloque « Supports, dispositifs et discours médiatiques à l'heure de
l'internationalisation », Bucarest 28 juin – 2 juillet 2003.
http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00000801/en/[15/05/2008 13: 55]
21
À ce propos, le slogan de L’Oréal, présent sur le marché international depuis plus de 15 ans:
Porque yo lo valgo (ES)/ Parce que je le vaux bien (FR)/Because I’m worth it (AN).
22
Cf. la « phrase politique » préférée du parti politique au pouvoir en Espagne (le Parti Populaire,
2000-2004): España va bien.
23
Non seulement les départements étatiques, des institutions privées pouvant également lancer des
appels à la modération, comme c’est le cas de la société Cerveceros de España qui, depuis
l’année 2000, soutient la campagne de sensibilisation contre l’excès de boissons alcooliques,
éventuellement la bière, grâce au slogan: Un dedo de espuma, dos dedos de frente. L’énoncé
joue sur l’emploi d’une expression figée connue de tous les jeunes, “tener sólo dos dedos de
frente”, définissant une conduite généralement imprudente. L’idée sociale de départ renvoit
au mot d’ordre caché dans les panneaux routiers (Roulez à..., Stoppez...,) et les affiches
(Prière de ne pas…, Veuillez ne pas… Interdiction de…, ), visant la conduite réglée à suivre.
Le slogan ne vient que renforcer ce mot d’ordre par un rappel de la norme sous une forme
plus attrayante dans le but de « (re)conduire » un comportement antisocial.
24
Cf. le Nunca Mais des manifestants galiciens, ou le Basta Ya des Basques.
25
Pour une analyse plus complète des slogans de tous les candidats aux élections présidentielles,
consulter Silvia Palma, 2003.
26
Nous proposons de classer les expressions figées en parémies (proverbes, dictons et autres
formules gnomiques), expressions idiomatiques (formules routinières et expressions
imagées), et collocations (suites de mots à sens dénotatif, parmi lesquelles se trouvent les
composés et les sigles) (González Rey, 2002).
27
Cf. http://www.encyclopedie.info/index
15
71
Isabel GONZÁLEZ REY
28
L’impact du nom des candidats est important dans le discours politique, car les citer, c’est faire
indirectement et en permanence de la publicité pour les partis. Dans une certaine mesure, leur
emploi répercutant explique la prolifération de termes et d’expressions dérivées de leur
forme initiale.
29
Analyse réalisée par Jitka Uvírová (2000: 156).
BIBLIOGRAPHIE
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Doppagne, Albert, Majuscules, abréviations, symboles et sigles, Paris-Gembloux,
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2003, p. 441-460. (Fernández Camacho 2003)
González Rey, Mª Isabel, La phraséologie du français, Toulouse, Presses
Universitaires Toulouse-le-Mirail, 2002. (González Rey, 2002)
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López Díaz y M. Montes López (eds.), Perspectives fonctionnelles.
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Palma, Silvia, « Le discours de la campagne présidentielle 2002 : les slogans des
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langues anglaise et française de spécialité », Meta, XLVI, 4, 2001, p. 627645. (Percebois 2001)
Uvírová, Jitka, « Il reste d’un homme ce que donne à songer son nom… ? Les
hommes politiques comme ‘objets de créativité lexicale’ », Romanica, IX,
Philologica, 76, 2000, Olomouc, Univerzita Palackého, p. 155-157.
(Uvírová 2000)
ABSTRACT
Frozen sentences fulfil an essential function in the political discourse
production. In this paper, we first give a general view of the different elements
taking part in its elaboration, and then we analyze some types of phraseological
patterns, the most productive in creating frozen sentences for political purposes.
Key words: phraseology, fixed expression, political discourse
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