comptes rendus - Revue militaire canadienne

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comptes rendus - Revue militaire canadienne
COMPTES RENDUS
que le brigadier Brodie et son supérieur américain
n’avaient pas su communiquer comme l’auraient fait
deux compatriotes issus du même milieu culturel.
Apparemment, le brigadier Brodie aurait dit à son
commandant qu’il se trouvait dans une situation « un
peu délicate ». Le commandant américain n’ayant
pas « pleinement goûté » cette litote typiquement
anglaise, les forces britanniques n’ont pas reçu les
renforts « proportionnels à la menace » à laquelle
elles étaient confrontées. Il s’agit d’une importante
leçon à retenir dans le contexte des coalitions
multinationales actuelles.
Ce sont ces portraits et anecdotes ressortant du
survol général et de la chronologie qui confèrent
à cet ouvrage son intérêt et son cachet. Dans l’ensemble,
je crois que les auteurs ont réussi à transposer l’émission
de la BBC sur les conflits du XX e siècle et à la mettre
à la portée du profane. Facile à lire, l’ouvrage se veut
une introduction au vaste panorama d’un siècle marqué
par de très violentes guerres.
HOME OF THE BRAVE HONORING
THE UNSUNG HEROES IN THE
WAR ON TERROR
difficiles, parfois désespérées. Essentiellement, ils sont
parvenus à donner un visage humain à la « guerre
contre le terrorisme » et suggèrent que la présente
génération n’a rien à envier aux précédentes en fait de
vaillance militaire. Leur livre est tant un appel à se
souvenir de tous ceux qui se sont sacrifiés qu’une façon
de reconnaître la bravoure des quelques décorés.
par Caspar W. Weinberger et Wynton C. Hall
New York : Tom Doherty Associates, 2006
272 pages, 25,95 $ US
ISBN 13:9780765313034
Le major-général (à la retraite) Paul Hussey, OMM, CD, est l’ancien
commandant de l’Académie canadienne de la Défense, située à Kingston.
Compte rendu de Craig Leslie Mantle
D
ans un monde où les dirigeants corrompus,
les athlètes délinquants et les célébrités
décadentes sont légion, il peut sembler
décourageant, mais fort heureusement
pas impossible, de trouver un véritable
héros ou un modèle à imiter. Il est encore possible
de dénicher des gens qui se dépensent
sans compter et sans rien attendre
en retour. Il suffit de chercher assez
longtemps, du plus petit village à la
scène internationale. Les rangs de
l’armée ne font pas exception. Dans
Home of the Brave. Honoring the Unsung
Heroes in the War on Terror, Caspar
Weinberger, ancien secrétaire à la
Défense sous Reagan, et Wynton Hall,
récipiendaire
du
prix
Presidential
Scholar et rédacteur de discours, racontent
l’histoire fascinante de 19 Américains
ordinaires qui se sont vu décerner
les plus hautes distinctions militaires
de leur pays (la Silver Star, la Navy
Cross, la Distinguished Service Cross
et la Congressional Medal of Honor)
pour leur conduite extraordinaire devant l’ennemi. Dans
un style captivant et fluide, les auteurs décrivent,
sans rien omettre de l’horrible réalité de la guerre,
comment ce groupe de personnes a réussi à trouver
le courage d’affronter et de surmonter des conditions
hiver 2007-2008
●
Revue militaire canadienne
Chaque récit présente une description intime des
dynamiques du champ de bataille et de l’esprit du
combattant moderne. Les auteurs s’étant en grande
partie appuyés sur des entrevues réalisées avec les décorés,
les événements décrits font l’objet d’un rapport de
première main utile traitant de questions importantes
comme la peur, la cohésion, le fatalisme, le stress et le
leadership. Les nombreuses citations de témoins contribuent
grandement à une narration déjà
intéressante et deviennent une source
d’information utile pour tous ceux qui
étudient ces questions et d’autres qui s’y
rattachent. Mais surtout, chaque tableau
fournit un exemple positif de certaines
des nombreuses qualités, comme le
courage, la loyauté et la détermination,
que l’armée s’attend à trouver chez ses
membres et espère les voir mettre en
pratique chaque jour.
Le livre est très détaillé tant par
sa portée que par son contenu. Les
quatre grands corps militaires y sont
représentés (l’armée de terre, les
marines, la force navale et l’armée de
l’air), mais, compte tenu du type
de combat mené en Irak et en Afghanistan, l’accent
est naturellement mis sur les deux premiers. Si
des personnes appartenant aux autres corps sont
mentionnées, c’est généralement en raison de leurs
interventions au sein des forces terrestres, classiques
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COMPTES RENDUS
ou autres. De même, les protagonistes occupent des
positions tout aussi diversifiées : l’infanterie et l’armée
blindée sont mises en vedette, mais les forces spéciales,
la police militaire, les brancardiers ainsi que les contrôleurs
de combat ne sont pas laissés-pour-compte. Les récits
d’actes d’héroïsme ne se limitent pas à un seul sexe.
Les auteurs proposent en effet des histoires mettant à
l’honneur tant des hommes que des femmes, notamment
celle d’une femme qui a reçu la Silver Star pour sa
bravoure au combat. Les officiers et les sous-officiers,
en fait tous les grades, sont bien représentés, mais
l’accent est mis tout particulièrement sur ces derniers.
Les histoires ne se terminent pas toutes bien : certains
protagonistes ont reçu une reconnaissance posthume,
alors que d’autres ont survécu à d’atroces épreuves.
Plutôt que de circonscrire leur champ de vision, les
auteurs ont essayé de saisir la majeure partie des
efforts américains et d’en inclure de toutes les provenances
autant que faire se peut. Le livre ne comptant que
19 récits, il ne pouvait toutefois couvrir chaque acte
ayant valu à son auteur une reconnaissance officielle,
mais les exemples sélectionnés par les auteurs semblent
tout à fait représentatifs.
Le livre est descriptif, motivant et inspirant. Il
fournit un point de vue personnel sur un conflit
difficile et, du reste, horrifiant. Il n’en demeure pas
moins très politisé, les partis pris des auteurs étant on
ne peut plus manifestes. Weinberger et Hall soutiennent
d’emblée que les médias américains ont échoué, de
leur propre aveu, à rapporter les « bonnes nouvelles »
sur la guerre globale contre la terreur, notamment
sur la bravoure au combat. Les auteurs expliquent
« qu’il ne s’agit pas du genre d’histoires qu’aiment
diffuser les médias grand public ou les critiques de la
guerre contre la terreur ». Ces derniers semblent
préférer se concentrer sur les victimes américaines, comme
les morts et les blessés, ou sur les personnes ayant
commis des actes répréhensibles, comme la tristement
célèbre Lynndie England, tortionnaire de la prison
d’Abou Ghraib. Selon les auteurs, les médias sont
loin d’avoir fait preuve d’équilibre dans leur couverture
des événements. Pour le prouver, ils consacrent un
chapitre entier au manque de soutien et d’objectivité
des médias, allant même jusqu’à fournir une litanie
de « citations audacieuses » qui, selon eux, figurent
parmi les plus offensantes et les plus choquantes énoncées
par des personnalités aussi connues que Ted Turner,
Andy Rooney et Dan Rather sur les hommes et les
femmes servant dans les forces américaines. Des bureaux
de presse réputés comme le New York Times, CNN et
Rutgers sont également la cible d’une critique cinglante.
Presque chaque tableau présente en conclusion un court
énoncé politique quasi désinvolte sur l’incapacité des
médias et des collèges libéraux à soutenir les militaires,
approche qui devient vite fastidieuse et fait ombrage
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à une narration par ailleurs captivante. Non contents de
simplement relater ces récits de bravoure, les auteurs
ajoutent des commentaires à connotation politique, et
l’on peut se demander s’il s’agit là d’un forum
approprié pour de telles discussions. Comme le font
remarquer Weinberger et Hall, leur livre vise en
partie à fustiger « certains médias qui, apparemment,
sont résolus à ignorer les récits d’héroïsme et d’espoir
émanant de l’Irak et de l’Afghanistan ». Malgré leurs
critiques, les auteurs n’hésitent pas, toutefois, à défendre
le rôle essentiel de la presse dans une démocratie libre
et à reconnaître qu’une poignée de journalistes ont
fait état, dans leurs articles, de l’excellent travail
réalisé outre-mer. Bien que ce livre ne constitue
pas une étude théorique en la matière, il représente
néanmoins un point de départ intéressant, quoique léger, à
tout débat sur le rôle des médias en temps de guerre.
Forts de leur feuille de route respective, les auteurs
abordent le sujet avec une profonde connaissance de
l’armée et de son organisation. Ils font, fort heureusement,
un usage réduit au strict minimum des abréviations
et du jargon militaires. Weinberger et Hall supposent
toutefois que les lecteurs ont une connaissance intime
des décorations dont il est question. Les militaires sont
certainement plus à même d’apprécier l’histoire,
l’importance et la préséance de chaque récompense.
Qui plus est, ces aspects ne sont expliqués que vers le
milieu du livre, voire à la fin. Il aurait été plus avantageux
de décrire d’emblée ces honneurs et d’établir ainsi
un contexte approprié avant d’examiner chaque acte
de bravoure individuellement. En expliquant dans
quelles circonstances ces médailles sont habituellement
remises ainsi que leur relative rareté, les auteurs
auraient sans aucun doute rendu chaque récit plus
fascinant et laissé au lecteur une meilleure impression
de l’importance de chaque acte. Quoiqu’il en
soit, il est difficile de ne pas se sentir inspiré par
ces récits.
Bref, Home of the Brave est un livre captivant qui
relate des récits de bravoure et de sacrifice de notre
temps. La fluidité de la prose, les émotions et l’humilité
qui éclatent au grand jour ainsi que les valeurs
militaires constamment dévoilées font de ce livre un
ouvrage fort intéressant et inspirant. Abstraction faite
de la rhétorique et des élans patriotiques qui font surface
à l’occasion, le lecteur est confronté aux pures horreurs
d’un champ de bataille asymétrique et au professionnalisme
des hommes et des femmes qui évoluent dans cet
environnement.
Craig Leslie Mantle est officier chargé de recherche à l’Institut
de leadership des Forces canadiennes (ILFC) de l’Académie canadienne
de la Défense, à Kingston.
Revue militaire canadienne
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hiver 2007-2008

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