Cannibale

Transcription

Cannibale
Classiques
& Contemporains
Collection animée par
Jean-Paul Brighelli et Michel Dobransky
DIDIER DAENINCKX
Cannibale
LIVRET DU PROFESSEUR
établi par
J OSIANE G RINFAS
professeur de Lettres
SOMMAIRE
DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE
Les événements de 1988. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
L’affaire des « cannibales français » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
L’histoire des arrière-grands-pères
de Christian Karembeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Devenir écrivain contre tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
POUR COMPRENDRE :
quelques réponses, quelques commentaires
Étape 1
Étape 2
Étape 3
Étape 5
Étape 6
Étape 8
Étape 11
Étape 12
Étape 13
Étape 14
Étape 16
Le paratexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
L’ouverture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Ce voyage est la chance de votre vie . . . . . . . . . 8
La rafle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
L’évasion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Un restaurant blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Zones. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Traqués, gare de l’Est . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Fofana l’Africain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Des paroles de révolte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Qu’est-ce qui ternit le soleil ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Conception : PAO Magnard, Barbara Tamadonpour
Réalisation : Nord Compo
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DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE
Les événements de 1988
Le début de Cannibale fait référence aux événements de 1988 : on peut
les lire à travers certains éléments comme l’emblème de la Kanaky qui flotte
au-dessus du barrage, ou encore la surveillance de « l’alouette guerrière »,
qui n’est autre qu’un hélicoptère de la gendarmerie, les coups de feu, etc.
Cette révolte fut la réponse désespérée au statut rigide établi par le
ministre des D.O.M.-T.O.M. en mai 1986. En outre, depuis cette date, un
nouveau statut était en projet qui prévoyait d’évincer les indépendantistes
des domaines clés de la vie de l’île.
Le 22 avril 1988, jour où le statut Pons devait prendre effet, des barrages
tenus par les indépendantistes se dressèrent sur la Grande-Terre et furent
l’occasion d’affrontements violents avec les Caldoches et les gendarmes. La
violence atteignit son paroxysme avec la prise d’otages et le massacre de la
grotte d’Ouvéa. La presse s’émut des conditions dans lesquelles les militaires
avaient donné l’assaut contre les militants du F.L.N.K.S. et la France découvrit, par les journaux et la télévision, le désespoir d’un peuple. La réélection
de François Mitterrand, en 1988, ouvrit une nouvelle période de dialogue.
« race canaque ». Pourroy, le responsable de cette entreprise, se rendit à
Canala. Il fit aux Kanaks les promesses qu’évoque Didier Daeninckx : ils
pourraient, à l’occasion de ce voyage financé par l’État, visiter Paris et montrer aux Français leurs danses et leurs coutumes ; ils ne seraient pas éloignés
de l’île pendant plus de sept mois ; ils seraient rémunérés et recevraient un
trousseau de vêtements. Cent onze personnes furent finalement enrôlées et
s’embarquèrent sur le Ville de Verdun.
Le récit de Didier Daeninckx les installe à Vincennes. Dans la réalité,
ils ne furent pas logés dans l’enceinte de l’Exposition, mais au Jardin
d’acclimatation qui avait une longue expérience en matière de « zoos
humains » : en effet, depuis 1877, y étaient régulièrement exhibés des
couples d’animaux et d’indigènes. C’était l’attraction que le directeur avait
imaginée pour attirer un nouveau public vers ce lieu, créé en 1857 et vidé
de ses animaux pendant le siège de 1870.
Très vite, les Kanaks mesurèrent l’écart entre leurs conditions d’existence
et les promesses qui leur avaient été faites. En plus des humiliations, subies
par tous, certains d’entre eux furent envoyés en Allemagne, « prêtés » par la
F.F.A.C. pour une « tournée » organisée par la maison Hagenbeck, celle-là
même qui fournissait en sauriens le Jardin d’acclimatation !
Ces faits historiques sont à l’origine de Cannibale, qui jette Gocéné et
Badimoin à la recherche de leurs frères échangés contre des « crocodiles teutons ».
L’affaire des « cannibales français »
Les « réclames » de 1931 présentèrent l’Exposition coloniale comme une
nouvelle attraction qui promettait d’être croustillante : n’allait-on pas y
découvrir des « sauvages », des êtres peut-être dénués d’âme, en tout cas
effrayants ? Quoi qu’il en soit, les commissaires de l’Exposition poursuivent
essentiellement un but « pédagogique » : celui de donner aux Français une
« leçon de choses » dont le sujet serait les indigènes de l’Empire colonial.
L’administration de la Nouvelle-Calédonie ne prévoyait pas, au départ,
l’exhibition de Canaques à Vincennes : elle les jugeait peu spectaculaires et
estimait que le coût de revient d’une telle opération serait trop élevé.
C’est donc à l’initiative d’une association privée, la Fédération française
des anciens coloniaux, que fut lancé le recrutement de représentants de la
L’histoire des arrière-grands-pères de Christian Karembeu
Le nom de Karembeu, cité plusieurs fois dans le texte, attirera évidemment l’attention des élèves, qui penseront, à juste titre, au footballeur
Christian Karembeu, né à Lifou, le 3 décembre 1970. En effet, la vie de sa
famille est liée à cette dramatique affaire des « cannibales français ». Ses
deux arrière-grands-pères, Philippe Kaké et Willy Karembeu, firent partie
des hommes exhibés lors de l’Exposition coloniale. Dans plusieurs interviews, Christian Karembeu raconte que son grand-père Kaké ne se remit
jamais de l’humiliation subie.
Par ailleurs, un des cousins du footballeur, gendarme, assista au massacre
de la grotte d’Ouvéa : « Avec l’uniforme de la République sur les épaules, il
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a vu ses frères se faire achever alors qu’ils se rendaient les mains en l’air.
Depuis, il est déchiré à vie » (interview donnée par Christian Karembeu au
journal Les Sports, édition du samedi 3 juin 2000).
POUR COMPRENDRE : quelques
réponses, quelques commentaires
Devenir écrivain contre tout
Dans un entretien avec Christiane Cadet, publié en 1997 aux éditions
Paroles d’Aube, Didier Daeninckx explique comment il est devenu écrivain.
Ce texte est intéressant pour les élèves, parce qu’il présente le parcours
d’un homme que rien ne destinait à l’écriture mais qui, grâce à elle, s’est
construit contre une série de déterminismes, notamment sociaux.
Élève brillant, issu de la classe ouvrière, la République lui promet une
belle carrière d’instituteur, qu’il refuse pour n’avoir pas trouvé dans ses
maîtres de modèles à imiter. Il écrit : « Si un psycho un peu attentif m’avait
questionné à cette époque-là, j’aurais sans doute réussi à dire que je voulais
devenir journaliste. Mais comme c’était une incongruité, dans le milieu où
j’étais, d’exprimer ce genre de chose, je ne l’ai jamais dit. »
Contraint de travailler plusieurs années dans l’imprimerie et chaque fois
choqué par l’aliénation profonde qu’exige une tâche répétitive, il finit par
réagir, se met au chômage volontaire et, dit-il, s’accroche à son premier
roman comme à une « sorte de bouée de sauvetage » : « Pour moi, le roman,
en 1977, quand j’ai écrit Mort au premier tour, ça a été une manière de
reprendre pied dans ma propre vie et aussi d’essayer, avec reprise de
contrôle de ma vie, de jouer sur une réalité qui m’étouffait. »
Grand lecteur de romans noirs américains, il fait, grâce à eux, son
apprentissage de l’écriture : « Je me souviens qu’au début, j’étais tout le
temps en train de relire des pages de bouquins pour savoir comment s’en
sortaient les écrivains pour résoudre tous ces problèmes, pour faire vivre les
personnages, les faire penser, les faire bouger. »
Ce premier roman, que Didier Daeninckx dit ne pas beaucoup aimer, a
été publié par les éditions du Masque, en 1982.
Étape 1 [Le paratexte, p. 110]
10 Les accords de Nouméa ont été signés dix ans après les événements
tragiques qui opposèrent, en 1988, les indépendantistes du F.L.N.K.S.
(Front de libération nationale kanak et socialiste) aux représentants de
l’État français, et deux ans après l’ouverture des négociations sur l’avenir
institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, le 5 mai 1998, le R.P.C.R.
(Rassemblement pour la Calédonie dans la République), le F.L.N.K.S. et
le Premier ministre, Lionel Jospin, concluent cet accord : l’article 2 du
préambule reconnaît que « la relation de la Nouvelle-Calédonie avec la
métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance
coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités dont les
populations nouvelles ont ainsi souffert dans leurs aspirations » ; l’article 4,
qui en est aussi la conclusion, déclare : « Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir
doit être le temps de l’identité, dans un destin commun. La France est prête
à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. »
Enfin, selon cet accord, l’île doit acquérir une très large autonomie et
devenir un État associé à la France.
Étape 2 [L’ouverture, p. 111]
12 Le 13 septembre 1987, s’ouvre, dans un climat très tendu, un scrutin d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie ; il est boycotté par tous les
indépendantistes.
Quelques jours plus tard, sept Caldoches, qui avaient tué des militants
indépendantistes en 1984, passent devant le tribunal et sont acquittés.
Cette décision est ressentie comme inique par les Kanaks et par une partie
de la presse nationale. Le sentiment de trahison et de colère atteint son
paroxysme.
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Quelques mois plus tard, un poste de gendarmerie de l’île d’Ouvéa est
attaqué par un groupe de séparatistes ; quatre gendarmes sont tués et
d’autres, pris en otages, sont retenus dans une grotte. Le 5 mai 1988, les
forces de l’ordre donnent l’assaut : dix-neuf Kanaks et deux gendarmes sont
tués. Les otages sont indemnes.
Cette tragédie a un effet considérable : le gouvernement Rocard, nouvellement formé, envoie des « médiateurs » en brousse à la rencontre des tribus. Un symbole fort – ils se recueillent devant les tombes des victimes
d’Ouvéa – et leur capacité d’écoute rouvrent une période de dialogue et de
négociations qui conduira aux accords de Nouméa.
Étape 3 [Ce voyage est la chance de votre vie, p. 112]
15 Les Kanaks étaient-ils anthropophages ? La violence, dans le règlement des conflits, pouvait prendre des allures de cannibalisme : il arrivait
qu’on mange la dépouille des ennemis massacrés. Il ne s’agissait pas alors de
se nourrir de chair humaine, mais d’un rite qui consistait à faire disparaître
les corps et à priver les vaincus de cérémonies de deuil.
Étape 5 [La rafle, p. 114]
11 Les danses rituelles de Nouvelle-Calédonie ont été décrites par les
premiers visiteurs et les missionnaires. Celles qui ont survécu à la destruction de la culture traditionnelle kanake sont les danses « extérieures » (extérieures à la case). Elles sont au nombre de trois.
D’abord, la danse qui accompagne le discours sur perche : les hommes
dansent sur place, à pas glissants, en avant et en arrière, pour symboliser le
déroulement des événements racontés par l’orateur, monté sur une perche
qui symbolise la relation entre les Kanaks et leurs ancêtres.
Ensuite, la danse en rond : c’est la danse des dieux, des esprits des
défunts. Elle commence le soir parce qu’elle ne peut se dérouler que la nuit.
Les danseurs, le corps barbouillé de noir, munis de sagaies et de casse-tête,
se mettent dans la peau de ces personnages mythiques et dansent en cercle
autour de la perche.
Enfin, les danses imitatives : les jeunes du clan maternel reçoivent une
invitation à danser de la part des jeunes du clan paternel. Un « maître de
danse » dirige les jeunes et annonce par des cris les actions qu’ils doivent
imiter.
Il existait aussi des danses « intérieures », mais elles ont quasiment toutes
disparu.
Étape 6 [L’évasion, p. 115]
9 Parmi les nombreux autres textes qui fonctionnent avec deux héros, on
peut citer : le Roman de Renart, avec Renart et Ysengrin ; le poème en vers
octosyllabiques sur la légende de Tristan et Iseult de Béroul ; les héros de
Miguel de Cervantès, Don Quichotte et Sancho Pança ; Dom Juan et
Sganarelle, chez Molière ; Candide et Pangloss, les héros de Voltaire ; Paul
et Virginie, les jeunes héros de Bernardin de Saint-Pierre ; ou encore
Bouvard et Pécuchet, les héros de Gustave Flaubert.
Étape 8 [Un restaurant blanc, p. 117]
10 Le rôle des missionnaires fut important lors de la colonisation. De
fait, la Nouvelle-Calédonie fut l’enjeu d’une guerre de religions entre catholiques et protestants. Il s’agissait notamment d’évangéliser des Océaniens,
que James Cook avait décrits comme pacifiques, chaleureux, ignorants des
guerres, bref : en tous points conformes à l’idéal rousseauiste. Des catéchistes polynésiens protestants et des missionnaires auvergnats de la Société
de Marie essayèrent, dès 1840, d’enseigner la religion et d’alphabétiser la
population locale. Mais la tâche s’avéra plus difficile que prévu, car les missionnaires n’avaient pas saisi l’importance des échanges de biens avec les
Kanaks et parce que les Mélanésiens, souvent touchés par la famine, virent
d’un mauvais œil les richesses des Blancs ; les terres que les prêtres cultivaient furent parfois l’objet de litiges violents. C’est sous Napoléon III que
les conditions d’évangélisation devinrent plus faciles, bien que le recours à
la force ait été fréquent.
À proximité des églises, les missionnaires construisirent des écoles et
envoyèrent leurs meilleurs élèves dans les séminaires. Jean-Marie Tjibaou
lui-même est le produit de cette formation d’élite dispensée par les prêtres
catholiques : né dans la vallée de Hienghène, il fut remarqué par un mariste
qui l’envoya au séminaire de Canala ; il fut ordonné prêtre en 1965, puis
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suivit, à Paris, des études de sociologie et d’ethnologie qui l’amenèrent à
s’intéresser aux problèmes de l’identité kanake. Il est le symbole de l’ambiguïté de l’action des missionnaires, en partie responsables de l’étouffement
de la culture kanake et, en même temps, formateurs d’hommes qui lui
redonnèrent vie.
Parmi les missionnaires qui sauvèrent les Kanaks et leur culture de l’extinction, on peut citer le nom de Maurice Leenhardt (1878-1954).
Étape 11 [Zones, p. 120]
13 Le roman d’Émile Zola qui commence par une évocation du boulevard de la Chapelle et de l’hôpital Lariboisière en construction est
L’Assommoir : en effet, ce « roman ouvrier » se passe dans le quartier de la
Goutte-d’Or.
Étape 12 [Traqués, gare de l’Est, p. 121]
10 et 11 Les grandes gares parisiennes ont été édifiées sous le Second
Empire ; leur architecte est Hittorff, qui conçut des bâtiments monumentaux comme la gare du Nord et la gare de l’Est.
À l’époque, le chemin de fer est quelque chose d’essentiel en France. La
photographie, la peinture rendent hommage à la radicale nouveauté que
représente la « déesse vapeur ». Édouard Manet tient son atelier place de
l’Europe, à proximité de la gare Saint-Lazare ; Gustave Caillebotte peint
une série de tableaux qui représentent le même quartier ; les impressionnistes, comme Claude Monet, essaient de rendre les volutes de vapeur des
locomotives.
Étape 13 [Fofana l’Africain, p. 122]
11 Didier Daeninckx rappelle que la France et la Grande-Bretagne firent
largement appel aux troupes coloniales lors de la Première Guerre mondiale. Ainsi, parmi les soldats qui montèrent à l’assaut, on trouve des
tirailleurs sénégalais et des Calédoniens d’ethnies différentes, parfois enrôlés de force. La révolte kanake de 1917 est, en partie, une réaction au fait
que de nombreux Mélanésiens servirent, comme leurs frères africains, de
chair à canon.
Dans un poème intitulé Les Soupirs du servant de Dakar, Apollinaire
donne la parole à un de ces hommes :
« Mais au recrutement
On m’a donné vingt ans
Je suis soldat français on m’a blanchi du coup
Secteur 59 je ne peux pas dire où
Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir »
L’autre roman de Daeninckx qui a pour toile de fond la Première Guerre
mondiale est Le Der des ders.
12 et 13 Ce mouvement est celui de la « négritude ». L’avant-garde artistique des années 1930, troublée par les guerres et le détournement des progrès industriels et scientifiques à des fins belliqueuses, cherche de nouvelles
valeurs dans la « négritude ». Elle s’éloigne de l’attrait de la « sauvagerie primitive des grands Noirs » qui avait caractérisé le tout début du siècle et qui
lui avait fait furieusement aimer les boxeurs comme Jack Johnson, les Smart
Niggers venus de l’Amérique, l’art, les bals et les revues nègres.
Elle s’intéresse davantage à la condition des Noirs et veut voir dans leur
musique, leur art et leur façon de vivre autre chose que le « nègre soumis,
aux yeux ronds, qui faisait le clown pour les Blancs ». Cette citation est de
Nancy Cunard, la riche et scandaleuse héritière d’une grande compagnie de
transatlantiques, la « Cunard Line ». Elle avait un amant noir, des sympathies ouvertement communistes, haïssait le racisme et composa une remarquable anthologie sur la culture et la politique noires intitulée Negro, qui
parut le 15 février 1934. Aujourd’hui, bien que pratiquement introuvable,
cet ouvrage reste un ouvrage de référence.
À propos de la négritude, il faut citer Léopold Sédar Senghor, qui est le
type même de l’intellectuel à la croisée de l’Afrique et de l’Occident. Né au
Sénégal, en 1906, il fut élève de l’École normale supérieure dans la même
classe que Georges Pompidou et fonda le journal L’Étudiant noir. Il accéda
à la présidence de la République du Sénégal en 1960.
Enfin, il faut évoquer le « black power » qui fit lever le poing à de plus
en plus de Noirs américains : en 1967, les émeutes raciales de Newark et de
Detroit firent des dizaines de morts et des centaines de blessés. Elles furent
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à l’origine de la création, en Californie, du « Black Panther Party », qui rassemble la frange la plus déterminée des Noirs américains.
Étape 14 [Des paroles de révolte, p. 123]
14 Les réactions face à l’affaire des « Canaques français » et face à
l’Exposition coloniale furent de plusieurs ordres.
Les Kanaks, confinés au bois de Boulogne et choqués par leurs conditions d’existence, rédigèrent un cahier de doléances ; ils désignèrent un
porte-parole auprès des Blancs : Badimoin de Canala. Peu à peu, des associations, des groupes constitués et quelques personnalités s’émurent de leur
sort. D’abord, les prêtres et les pasteurs qui tentèrent d’alerter les pouvoirs
publics ; puis la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du
citoyen. Des coloniaux eux-mêmes furent indignés et rédigèrent des articles
que la grande presse parisienne passa sous silence. Il n’empêche que, devant
la montée des critiques, l’administration dut réagir.
Quant à l’opposition à l’Exposition elle-même, elle eut du mal à se faire
entendre : en effet, l’école et la presse se chargèrent de populariser l’événement et de le présenter comme une nouvelle attraction. Cependant, des partis de gauche (S.F.I.O. et Parti communiste) et des intellectuels conduits par
Henri Barbusse firent part publiquement de leur indignation. De même, les
Surréalistes publièrent un appel collectif au boycott de l’Exposition.
Étape 16 [Qu’est-ce qui ternit le soleil, p. 125]
13 Le terme « Caldoches » est employé pour désigner les Européens fixés
depuis plus d’une génération en Nouvelle-Calédonie. Le métissage n’est pas
un obstacle à la revendication de cette identité, à partir du moment où la
personne est intégrée à la communauté européenne par son style de vie.
Souvent, leurs ancêtres sont des bagnards, des prostituées, des marins installés de force sur l’île, eux-mêmes victimes de la colonisation. Ils se définissent comme des hommes de la brousse, attachés à leur terre, sur laquelle
ils ont beaucoup peiné.
Le terme s’est teinté d’une nuance péjorative dans la bouche des partisans de l’indépendance après les événements de 1984-1988, en raison des
affrontements directs entre les Caldoches et eux.
14 Le statut de l’île, aujourd’hui, est réglementé par l’accord de
Nouméa, qui prévoit que la France transférera progressivement ses compétences aux nouvelles institutions de l’archipel et lui accordera ainsi une certaine autonomie. Entre 2013 et 2018, l’île disposera de son entière souveraineté et un référendum décidera de son accession ou non à l’indépendance. En mai 1999, les Néo-Calédoniens ont élu une majorité de députés
indépendantistes dans la province Nord et les îles Loyauté et une majorité
de députés anti-indépendantistes dans la province Sud.
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Dans la collection
Classiques
& Contemporains
1. Mary Higgins Clark, La Nuit du renard
15. Honoré de Balzac, Sarrasine
2. Victor Hugo, Claude Gueux
16. Amélie Nothomb, Le Sabotage amoureux
3. Stephen King, La Cadillac de Dolan
17. Alfred Jarry, Ubu roi
4. Pierre Loti, Le Roman d’un enfant
18. Claude Klotz, Killer Kid
5. Christian Jacq, La Fiancée du Nil
19. Molière, George Dandin
6. Jules Renard, Poil de Carotte (comédie en un acte),
suivi de La Bigote (comédie en deux actes)
20. Didier Daeninckx, Cannibale
7. Nicole Ciravégna, Les Tambours de la nuit
8. Sir Arthur Conan Doyle, Le Monde perdu
9. Poe, Gautier, Maupassant, Gogol, Nouvelles fantastiques
10. Philippe Delerm, L’Envol
11. La Farce de Maître Pierre Pathelin
12. Bruce Lowery, La Cicatrice
21. Prosper Mérimée, Tamango
22. Roger Vercel, Capitaine Conan
23. Alexandre Dumas, Le Bagnard de l’Opéra
24. Albert t’Serstevens, Taïa
25. Gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune
26. Éric Boisset, Le Grimoire d’Arkandias
13. Alphonse Daudet, Contes choisis
27. Robert Louis Stevenson,
Le Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde
14. Didier van Cauwelaert, Cheyenne
28. Vercors, Le Silence de la mer
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