August Macke « Monsieur couleur » ou l

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August Macke « Monsieur couleur » ou l
August Macke
« Monsieur couleur » ou l’expressionnisme de la lumière
Une œuvre d'art est une parabole, c'est la pensée de l'homme, une idée
personnelle d'un artiste, une chanson sur la beauté des choses: une
œuvre d'art est l'expression noble et particulière de l'homme qui est
capable de plus que de dire simplement: «N'est-ce pas
magnifique? ». August Macke.
Franz Marc appelait son ami August Macke « Monsieur Couleur », tant
celui-ci n’était qu’émotions en couleurs. Mais bref, infiniment bref, fut son
passage terrestre. Sorte de Rimbaud de l’expressionnisme, il laisse
pourtant une peinture certes encore en devenir, mais déjà d’une grande
profondeur et totalement unique.
Qu’aurait-il exploré comme nouvelles illuminations, s’il n’avait pas été ce
peintre visionnaire fauché avant les blés ne soient hauts.
On est donc sérieux quand on meurt à 27 ans, broyé par la bouche
immonde de la guerre, dans un champ d’horreur dans la Marne, lors de
la période la plus meurtrière de cette guerre, son début.
August Macke venait juste d’entreprendre un voyage lumineux avec son
ami Paul Klee, où il avait fait provision de vie, de soleil, d’aquarelles et
de photos qui devaient servir à de futurs tableaux.
Toute cette lumière emmagasinée ne servira pourtant pas à aveugler
l’abîme noir de la mort, et dans son ultime tableau l’Adieu perce déjà de
façon prémonitoire son adieu à lui, qui s’était jeté comme Franz Marc
dans la guerre fraîche et joyeuse, et qui deux mois après son
déclenchement, sera tué dans une embuscade en Champagne.
La course du Cavalier Bleu s’est brisée, comme le rêve profond, dans la
boue de la guerre, dans les tranchées du réel.
Il était la face lumineuse de l’expressionnisme allemand, alliant formes et
couleurs dans une recherche sereine d’harmonie. Il n’était pas enfermé
dans le nationalisme étroit d’une école allemande comme les peintres de
Die Brücke, mais voulait aller à l’universel avec une grande ouverture
d’esprit, et pourtant il est parti fleur au fusil se faire tuer dans les
tranchées, pour lutter contre la France, alors que les peintres français
comme Delaunay, Manet étaient son bréviaire, mais il croyait à une sorte
de « purification » de la société par la guerre, il aspirait à une apocalypse
bienfaitrice.
Ce jeune homme, éternellement jeune homme, n’avait pas comme son
ami Franz Marc, trop d’inquiétudes sous-jacentes, ni une vision
pessimiste du monde ; il semblait avoir « une vision du paradis », et ses
personnages se promènent à Berlin dans des parcs pleins de soleil et de
couleurs : tout est calme, luxe et volupté.
Aussi plus que dans cet expressionnisme soit nord-allemand avec le
courant Die Brücke, Le pont, où même celui du Blaue Reiter, dont il fut
une cheville ouvrière avant de s’en détacher, il faudrait imaginer un autre
courant pour August Macke, celui « de l’expressionnisme rhénan », plus
apaisé et plus porté vers les recherches plastiques.
Ce n’est plus une révolte picturale contre la société, attentive aux réalités
politiques et sociales, mais une description paradisiaque d’un monde
apaisé où de belles dames en robes à la mode, des messieurs en
costumes, tous oisifs ou en promenade dominicale, déambulent ou se
reposent dans un univers urbain sans violence, avant-goût d’un jardin
d’Eden.
En fait tout ce que vomissaient majoritairement les expressionnistes.
Étranges donc sont les chemins ensoleillés de Macke pour ses
contemporains. Inactuel, il reste encore plus présent que les autres.
Sans doute pressé par le sablier du destin, il traverse à toute allure
toutes les étapes de la vie d’un peintre. En moins de six années de
travail forcené, il dévore et assimile les influences les plus diverses :
l’impressionnisme, le futurisme, le cubisme et l’expressionnisme. Et de
toutes ses fleurs il fait son miel unique. Forte tête il refuse tout
assujettissement à une doctrine ou un maître, aussi malgré son
admiration fraternelle pour Franz Marc, il rompt brutalement avec le
mouvement Blaue Reiter en 1912, ne supportant plus l’autorité tatillonne
de Vassily Kandinsky, qui voulait lui imposer ses vues sur la spiritualité
dans l’art, et aussi sa domination.
Macke, à 25 ans, est déjà singulier et libre, cheval sauvage parcourant
ses propres domaines. Moins marqué « par le déclin de l’Occident » que
ses collègues, il se concentre non pas sur la décadence des choses,
plutôt sur leur harmonie, et sur le rapport entre les formes et les
couleurs. Il va peindre surtout en intégrant les influences de Delaunay et
des cubistes des scènes urbaines de la vie quotidienne : promenades,
jardins, loisirs, belles dames en ballade…). Peintre voyant, fiévreux,
August Macke aura parcouru toutes les tendances picturales de son
temps, en les magnifiant toutes.
Loin de tout en fermement dans une doctrine il dépasse
l'expressionnisme allemand, car ce n’est pas la théorie qui le guide, mais
la contemplation du réel. Pour le rendre vivant tous les outils à sa portée
seront utilisés et les débats sur les temps modernes à représenter, ou
sur le beau et le laid ne l’intéressent pas, pas plus que les artifices de la
nature, autant de débats qui parcouraient l’expressionnisme.
Comme le disait Kirchner, il voulait mettre en avant « le besoin pur et
naïf de réunir harmonieusement l’art et la vie. »
Il n’aimait pas « les aventures désespérées et chaotiques » des artistes
allemands qui se cherchaient, pas plus que les sermons sur la spiritualité
dans l’art, du gourou Vassily Kandinsky, avec qui il se fâchera bien vite,
ne supportant pas son autoritarisme. Il le raillait en le nommant Le Grand
Spirituel.
Il le caricaturera en cavalier montant son cheval, Franz Marc. Pour lui
« trop de théorie finit par tuer l’art. »
Et il suivra son chemin dès 1912, solitaire, avec sa liberté insolente, sa
fraîcheur. Il ne brisera pas les formes, comme le fera Schönberg, son
collègue au Blaue Reiter, avec la musique atonale, mais peu à peu
l’attirance vers l’abstraction émergera, trop tard hélas.
August Macke était la face claire et pure de l’expressionnisme.
Brève fut sa vie, brève fut sa carrière artistique, et pourtant au bord de
l’abstraction, il avait trouvé son style et son amour de la lumière pourra
éclater une dernière fois dans ses 38 aquarelles et ses 110 dessins, du
court voyage à Tunis au printemps 1914.
La couleur, la couleur pure, fut sa quête, sa recherche de l’azur, son
illumination :
« J'ai mis maintenant tout mon salut dans la recherche de la couleur
pure ».
La couleur et lui ne feront plus qu’un. Il était devenu « Monsieur
Couleur ».
La face claire et pure de l’expressionnisme
La trajectoire d’August Macke fut brève, mais lumineuse, et ses noces
avec la couleur et la lumière l’ont illuminé.
August Robert Ludwig Macke est né le 3 janvier 1887 à Meschede
(Rhénanie-Du-Nord-Westphalie) où son père, August Friedrich
Hermann, exerce les fonctions d'ingénieur des Ponts et Chaussées.
Macke avait deux sœurs ainées.
Peu après sa naissance, la famille s'installe à Cologne, où August sera
élève au Kreuzgymnasium .
En 1900, la famille emménage à Bonn, où Macke poursuivra sa
scolarité.
En 1903 il rencontre d'Élisabeth Gerhardt, âgée de 15 ans, et qui sera,
toute sa courte vie, sa fidèle compagne.
Contre la volonté de ses parents, il quitte prématurément le lycée, sans
diplôme, en 1904.
De 1904 à 1906, il suit les cours de l'Académie des Beaux-arts de
Düsseldorf et simultanément les cours du soir de l'École des Arts
décoratifs afin de ne pas se limiter aux sujets les plus académiques qui
l’ennuient. Il se lasse de dessiner que des «mannequins en plâtre."
Il se sent étranger, déplacé dans ces formes d’enseignement. Il se
voudra autodidacte, sauvage.
Lors d'un voyage à Bâle en 1900, August découvre au Kunstmuseum la
peinture de Böcklin, le célèbre peintre symboliste de l’Ile des morts, qui
inspira magnifiquement aussi Rachmaninoff. Il fait de Böcklin son
modèle.
En 1905, il crée des décors et des costumes au Schauspielhaus de
Dusseldorf. En avril, il effectue son premier voyage en Italie avec Walter
Gerhardt et déjà la rencontre avec la lumière le marque. Il visite à
nouveau une exposition d’Arnold Böcklin à Heidelberg.
En Juillet 1906 il voyage en Hollande et en Belgique. Et il poursuit son
voyage à Londres où il visite le British Museum.
Macke quittera l'Académie en novembre, déçu par l’académisme de
l’enseignement, pour suivre des études indépendantes.
À l'été 1907, il se rend pour la première fois à Paris où il découvre
l'impressionnisme à travers les œuvres de Manet, Degas, Seurat, Monet
Pissarro, Renoir et Toulouse-Lautrec.
Sa première rencontre avec l'impressionnisme français sera
déterminante et indélébile. Il découvre également la joyeuse vie
parisienne sur les boulevards, dans les parcs et les cabarets. Il réalise
de nombreuses esquisses pour saisir ses impressions spontanées. Il va
transposer ses impressions dans les tableaux des promeneurs de Berlin.
Et il décide aussi de travailler non plus en atelier mais en plein air.
Il refuse « la peinture des pensées » pour suivre celle de la « forme et
couleur » de la peinture française.
Macke fera ensuite un séjour de six mois dans l'atelier d'études de Lovis
Corinth à Berlin, pour se perfectionner. Il y rencontre Bernard Koehler,
grand collectionneur et futur mécène du Cavalier bleu. Il voyage ensuite
en Italie (1908) et en France, pour acquérir quelques œuvres pour la
collection Koehler. Bernard Koehler est l'oncle de sa future femme,
Elizabeth Gerhardt. Il travaille intensivement sur des dessins de grands
chefs-d'œuvre de la Renaissance italienne.
De 1908 à 1909, il effectue son service militaire d’un an.
Le 5 Octobre 1909, Macke et Elisabeth Gerhardt se marient.
Le voyage de noces se déroule à Paris où August Macke peint
l'Autoportrait au chapeau.
Macke étudie les peintures de Honoré Daumier et pour la première fois
voit les œuvres des futuristes italiens. Il se rend au Salon d'Automne, se
familiarise avec l'art des Fauves français,
De retour en Allemagne, le couple s'installe à Tegernsee, à cinquante
kilomètres de Munich, fuyant la vie mondaine, et où Macke peindra, dans
une grande fièvre créatrice, une très grande quantité de tableaux,
environ deux cents.
Il sort de son isolement en 1910, grâce à la rencontre avec Franz Marc
le 6 janvier 1910, dont il admire les tableaux vus à Munich, et qu’il veut
rencontrer. Ils deviendront amis pour la vie, malgré des divergences
esthétiques, et Franz Marc sera effondré à l’annonce de la mort de son
ami.
La visite de l’exposition Matisse à la Galerie Thannhauser à Munich, en
février 1910, est un choc, surtout les tableaux La musique et la Danse,
avec leurs couleurs rouges, la négation de toute perspective, la
représentation symbolique des personnages. Cela va l’influencer
durablement et il rend tout son pouvoir aux taches de couleur intenses,
violentes et déposées en aplats.
Le fait de se confronter à des peintres bien plus âgés que lui, va
précipiter son évolution et le faire grandir en tant que peintre. Il va passer
d’un certain impressionnisme, à une fusion des couleurs et des formes.
Son fils Walter naît le 13 avril 1910.
August Macke, profondément citadin, décide de s'installer à Bonn en
novembre 1910, dans un nouvel atelier, car une nouvelle période de sa
peinture est en cours.
À la fin de l'été, il voyage à Kandern et à Thoune (Suisse) et fait la
connaissance de Paul Klee.
Macke se rapproche de Franz Marc et de Vassily Kandinsky qui lui
apporte une nouvelle impulsion artistique, mais il garde sa propre
conception artistique et ne se plie pas aux injonctions de Kandinsky sur
l’art.
Il va participer de façon très active à l'élaboration de l'Almanach de
Cavalier bleu (1912) qui malgré sa brièveté va fixer les cadres de
l'expressionnisme allemand. Il se charge de réunir les images de la
partie ethnographique de l’album et il étudie dans son essai « Les
Masques », les masques africains et où il établit la correspondance entre
l’art des peuples primitifs et celui de l’Europe moderne, avant que cette
idée soit reprise par tous.
En févier 1912, Macke participe à la première exposition du Cavalier
Bleu à la Galerie Thannhauser, à Munich avec 3 tableaux, dont l’Orage
de 1910..
En 1912, il parvient à exposer à Moscou , Cologne , Munich et Iéna,
ainsi que des expositions itinérantes du Blaue Reiter, et il voyage en
Hollande au printemps.
Avec 16 dessins, il participera à la seconde exposition du "Cavalier Bleu"
chez Tannhäuser, à Munich, mais cette exposition le déçoit. Il s'éloigne
alors de Kandinsky et du Cavalier bleu et peindra même en 1913 une
caricature féroce du Cavalier bleu qu’il trouve trop influencé par
Kandinsky.
Il collabore à l'Exposition internationale à Cologne où Il fait la
connaissance d’Ernst Ludwig Kirchner et des autres artistes Die Brücke .
Le 21 janvier 1913, il reçoit la visite de Robert Delaunay et de Guillaume
Apollinaire à Bonn.
Son fils Wolfgang nait le 8 février. En mars, il visitera l'exposition
Delaunay à Cologne. La peinture de Delaunay, l’orphisme, va l‘amener
vers l’abstraction, et il est aussi fasciné par les peintres italiens du
futurisme, sans souscrire à leur pathos verbal. D’ailleurs Macke se sera
méfié toute sa vie des idéologies artistiques.
Il est l’organisateur de l'exposition « Expressionnistes Rhénans » au
Salon d'art de Friedrich Cohen à Bonn. Et il collabore au Premier Salon
d'Automne Allemand à Berlin.
Il déménage en Suisse à l’automne 1913, pour s'éloigner de la scène
artistique trop turbulente et surtout trouver du temps pour son
développement artistique propre. Il vit à Hilterfingen, au bord du Lac de
Thoune (Suisse), d'où il partira pour un voyage à Marseille en avril 1914.
Entre-temps, avec son ami suisse le peintre Louis Moillet, il se livre à
d’intenses séances de travail commun.
Dans cette période intensive de création, il élabore quelques-uns de ses
ouvrages les plus importants.
De Marseille, il part le 6 avril vers Tunis avec Klee et Moilliet en passant
par Palerme et Rome. Il y peint de nombreuses aquarelles et prend de
nombreuses photos. Ensemble, ils travaillent dans le quartier arabe et
dans le port de Tunis.
Là enfin il « voit » la lumière du Sud, intense, généreuse, alors qu’il ne
l’appréhendait que par des sources littéraires.
De retour en Allemagne il va peindre 36 toiles en transposant les motifs
du voyage à Tunis.
Mais brusquement la guerre éclata.
Le 8 août 1914, Macke est mobilisé.
Le 26 septembre, August Macke est tué dans une escarmouche à
Perthes-les-Hurlus, en Champagne. Ses restes sont inhumés au
cimetière militaire de Souain.
Il avait 27 ans.
Le tableau l’Adieu peint en 1914 est son requiem. Cette dernière œuvre
d’August Macke revêt une dimension prophétique. En effet, la Première
Guerre Mondiale vient d’éclater et il pressent que son enthousiasme
pour la guerre va se flétrir.
Dans ce tableau Auguste Macke montre l’angoisse qui l’étreint à
l’approche de son départ pour le front et ce tableau s’oppose donc aux
affiches de propagande qui se multipliaient à cette époque. Pourtant
Macke, engagé volontaire, croyait en la guerre fraiche et joyeuse qui
devait purifier le monde. Déjà les doutes l’assaillent, et lui l’étoile filante
de l’expressionnisme, encore gorgé du soleil de Tunis, va vers sa mort
dans les tranchées glauques.
« À la guerre nous sommes tous égaux. Mais parmi mille braves, une
balle en a atteint un irremplaçable. Sa mort, c’est l ‘amputation d’une
main de la culture d’un peuple ;, l’aveuglement de l’un de ses
yeux…Nous autres peintres, nous savons bien qu’avec la disparition de
ses harmonies, la couleur de l’art allemand devra pâlir de plusieurs
suites de sons, et revêtira une sonorité plus sèche, assourdie. Il a, avant
nous tous, donné à la couleur la sonorité la plus claire et la plus pure qui
soit, aussi vive et claire que l’était tout son être. » (Franz Marc).
Les couleurs se meuvent et scintillent
« Ce que j’ai trouvé de plus neuf dans la peinture est cela : Il existe des
couleurs mises ensemble qui résonnent, ainsi par exemple un rouge et
vert particulier, qui quand on les regarde se meuvent et scintillent…
Maintenant, si tu peins quelque chose plein d’espace, alors le son de la
couleur qui scintille, devient effet de couleur et espace (...) trouver cette
énergie de la couleur créatrice de l'espace, plutôt que de se contenter de
restituer un clair-obscur mort, ceci est notre objectif le plus beau. "(À .
Macke lettre:).
Contrairement à Franz Marc qui se défiait de l’espèce humaine qu’il
trouvait laide et corrompue, pour ne peindre finalement que des
animaux, August Macke aura pour thème principal l’humanité : belles
dames élégantes, hommes lisant dans les parcs, magasins de mode
hauts en couleurs, promenades dans les parcs ou les allées ensoleillées.
Mais les visages, les caractères des gens, disparaissent derrière des
taches de couleur. Ces couleurs vibrent, la lumière surgit des contrastes,
la beauté du monde étincelle.
Sur un seul plan, sans perspective, ses personnages glissent dans un
univers étale, heureux, où passe une simple brise de bonheur, des
nappes d’harmonie. Il prend souvent sa famille comme modèle dans son
œuvre. Il sera calmement, presque insolemment, un des grands
précurseurs de l’art moderne.
Lui-même décide très tôt de quitter le conformisme et les sentiers battus
de l’art allemand. Il trouve une source d’inspiration fondamentale dans
les mouvements artistiques en France, impressionnisme, cubisme, et
surtout auprès de Robert Delaunay et de son approche des formes et
des couleurs.
Mais Macke, lui qui se veut profondément indépendant fera de ses
influences une nouvelle approche des couleurs et des formes.
Tout déborde de couleurs éclatantes et de formes lumineuses.
Ses peintures se concentrent principalement sur l'expression des
sentiments et des émotions plutôt que de la reproduction de la réalité
objective. Pour cela il n’hésite pas à distordre la couleur et la forme.
De grands aplats, venus de l’influence cubiste, structurent ses tableaux.
Il aime opposer les contrastes des couleurs complémentaires, comme le
rouge et le vert, souvent présent dans ses tableaux.
Fasciné par les valeurs chromatiques, il les inscrit dans des formes
simples, et se concentre sur les rapports entre les problèmes des
couleurs et des formes.
Peu marqué par les recherches spirituelles de Marc ou Kandinsky, il se
plonge dans les recherches plastiques, plus déterminantes pour lui, car
plus proches des émotions spontanées. Avec son physique robuste, son
faux air de garçon de ferme, il est ancré dans la nature, mais aussi par la
fascination de la ville et ses tentations de personnages éclatants de
couleurs dans des scènes quotidiennes. Il contemple le réel, plus qu’il ne
l’interprète. Sans spéculation métaphysique, il rend hommage à la
nature, presque joyeusement. Il ne veut pas chercher « une nouvelle
réalité » comme Delaunay, mais simplement transcrire par la métaphore
de la peinture sa beauté lumineuse.
Il suit ses calmes promeneurs dans les parcs, dans le zoo, sur les
berges des rivières, ou devant les vitrines des magasins de mode, ainsi
qu’au cirque.
Comme des méandres calmes de vie, il peint l’absence de précipitation
de ses personnes, aussi lentes que le cours du fleuve.
Point de violences de couleurs, mais un équilibre qui place Macke dans
une position très isolé dans l’expressionnisme allemand, toujours tenté
par l’apocalypse. Lui simple et direct il trace son chemin de joie, empli de
poésie visuelle. Il ne recherchait point la puissance, mais l’amplitude
Et en deux ans seulement il atteint sa pleine maturité, exploitant autant
la leçon analytique du Cubisme que le chromatisme lumineux de
Delaunay, les couleurs fortes du fauvisme, les apports du Cavalier Bleu,
les élans de Matisse, la force de Manet, son grand inspirateur.
Mais il est avant tout August Macke, unique, original, vivant et lumineux.
Tout est modulation chromatique, et va de variations en variations
subtiles ou fortes.
Serein, il semble avoir tendu une corde au-dessus des couleurs et il
danse.
Ses citadins déambulent et se promènent dans les parcs, au bord des
lacs, dans leurs habits chamarrés.
Mais son apothéose semble se trouver dans ses 38 aquarelles du
voyage en Tunisie. Et l’aquarelle le libère par la rapidité d’exécution et la
matière, des formes lourdes héritées du cubisme qui parsèment ses
toiles. Tout est suggéré d’un simple coup de pinceau, simplifié à son
essence.
Tout devient lyrique, instantané, immédiatement saisissable, comme
autant d’émotions immédiates.
Tout est sensations et force de vivre. La couleur est émotion à elle seule.
Elle est puissance de vie et c’est elle, qui crée l’espace et les formes.
Chez August Macke la lumière jaillit du tableau même.
Le jour est partout présent dans ses toiles, il se glisse, se niche dans la
toile. Et dans ses longs dimanches à la campagne, passe un parfum de
« jardin paradisiaque ».
« Créer des couleurs vivantes et découvrir l’espace définissant les
énergies de couleur ... c'est notre but le plus achevé. » Macke.
La hantise des couleurs est au cœur de sa vie picturale et quand il sent
que celle-ci peut s’effondrer il peint l’un de ses derniers tableaux, l’Adieu,
qui représente le départ des hommes pour le front, pour le début de la
Première Guerre Mondiale, en teintes tristes et prémonitoires de sa
propre mort. Et lui, en tant que peintre expressionniste cultivant avant
tout l’art de l’émotion, s’est attaché à décrire le monde extérieur dans un
langage purement émotionnel.
Son esprit créatif bouillonnant laisse une œuvre importante, malgré sa
courte vie.
L’or pur de la couleur pure fut son Graal, son obsession, son paradis
perdu et retrouvé.
La couleur lui fut ôtée au fond des tranchées en Champagne à 27 ans,
au moment des vendanges. Sa mort n’était pas encore mûre en lui, et
c’est comme un fruit vert qu’il partit, mais « son ombre repose sur les
cadrans solaires du monde et il détache les vents sur les plaines ».
Bibliographie
August Macke Gemalde, Helderich Ursula, Hatje Cantz, 2008
August Macke: 1887-1914, Anne Mesewre, Taschen, 2000
Die Tunisreise: Aquarelle u. Zeichnungen von August Macke. Prestel,
1989
August Macke. Gemälde, Aquarelle, Zeichnungen, GeraNova
Bruckmann , 1986
Gil Pressnitzer
Sources :
Sites
AugustMacke. de

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