02-August MACKE-Autoportrait au chapeau-1909

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02-August MACKE-Autoportrait au chapeau-1909
Macke et Marc, une amitié d'artiste par D. Dupuis-Labbé
Exposition du Lenbachhaus Munich
Après Bonn cet automne, l’exposition est présentée à la Lenbachhaus à Munich. Cette exposition nous présente deux artistes parmi les
plus éminents de l’expressionnisme allemand qui entretinrent une amitié étroite à partir de 1910, amitié qui eut des répercussions sur
leurs travaux respectifs et les amena à reconsidérer leur art. Une amitié fort brève malheureusement puisque l’un et l’autre trouvèrent la
mort pendant la Première guerre mondiale (Macke avait 27 ans et Marc 36) privant l’art de leur temps de leurs esprits décisifs à un
moment où l’abstraction représentait un nouveau défi et un objectif à atteindre pour ceux qui s’intéressaient à la question de la peinture
pure.
August Macke (1887-1914)
01-ANONYME-August Macke vers 1904 (17 ans) Macke choisit de quitter ses études traditionnelles pour suivre les cours du peintre
allemand Alfred Maennchen à l’académie des Beaux-Arts de Düsseldorf jusqu’en 1906. Macke est une des personnalités les plus fortes
de la scène artistique allemande du début du siècle.
02-August MACKE-Autoportrait au chapeau-1909-huile sur bois-41x32,5-Bonn, Kunstmuseum, dépôt d'une CP. Il n’a que 22 ans et
déjà une histoire étonnante derrière lui. Il nait le 3 janvier 1887 à Meschede en Westphalie. Son père est ingénieur et dessinateur
industriel ; sa mère est d’origine rurale et a grandi dans une ferme auberge. La famille déménage à Bonn et sa mère en raison de
difficultés financières de la famille doit tenir une maison d’hôtes. C’est une opportunité pour Macke car la maison ayant bonne
réputation reçoit notamment des artistes. Le père choisit pour lui des études scientifiques au Gymnasium de la ville.
03-August MACKE-Femme de l'artiste au chapeau-1909-49,7x34-Münster, Museum fur Kunst und Kulur C’est en 1903 qu’il rencontre
celle qui allait devenir le grand amour de sa vie, Elisabeth Gerhardt (1888-1978). Il a 16 ans et elle 15. Ils se marieront le 5 octobre 1909
04-August MACKE-Elisabeth et le petit Walter-1912-88x70-Bonn, Kunstmuseum un garçon Walter nait le 13 avril 1910 (+ 1927).
L’enfant suggère des motifs pittoresques à son père.
Des thématiques communes avant de se connaitre
05-August MACKE-Les Jouets du petit Walter-1912-50x60-Francfort, Städel Museum
06-Franz MARC-Le Petit cheval bleu, peinture d'enfant-1912-57,7x73,3-Saarbrücken, Saarlandmuseum
07-Franz MARC-Cheval vert et blanc (carte postale à Elisabeth Macke)-1913-tempera sur carte postale-14x9-CP envoi à Elisabeth mais
certainement aussi au petit Walter.
Les dates expliquent ici des rapprochements possibles mais il est intéressant aussi de constater que sans se connaître et donc avant leur
rencontre de 1910, les deux peintres manifestent de l’intérêt pour certains sujets.
08-August MACKE-Etudes de chat-1909-16,2x21,7--Collection particulière
09-Franz MARC-Deux chats gris-1909-40x52,5-Collection particulière
010-August MACKE- L'Esprit de la maison, nature morte avec chat-1910-69x74-Städtische Galerie im Lenbachhaus jeu de couleur, et
connaissance/influence de Cézanne sont présents.
011-Franz MARC-deux chats-affiche pour l'exposition personnelle chez Joseph Brakl-février 1910-lithographie couleurs-91,9x63,3Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus pour son expo personnelle chez Brakl (expo que verra Macke).
012-August MACKE-Les Deux chats de Marc le peintre-1911-fusain-25x32,3-Hage, Osthaus Museum ce sont de vrais dessinateurs,
tous les avant-gardes ont alors une éducation artistique profonde. Connaissant la tradition, ils peuvent la dépasser.
013-Franz MARC-Trois chats-1913-72x102-Dusseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen harmonie et antagonisme des formes et
de la couleur seront développées comme Kandinsky le ferra.
Macke avant 1910
014-August MACKE-Nature morte avec pot à lait et fleurs-1910-39,5x43,5-Kochel, Franz Marc Museum August Macke s’essaie à tous
les genres, peut-être n’a-t-il pas encore une idée précise quant à sa thématique, en revanche, il manifeste un souci réel de composition ;
il élabore une peinture solide et puissante qui est consécutive au voyage entrepris avec Elisabeth à Paris en juillet 1908. Il y est déjà venu
en juin 1907, mais le second voyage est vraiment décisif. Chez Bernheim-Jeune, Vollard, Durand-Ruel, il voit Pissarro, Monet, Degas,
Renoir, Seurat et Cézanne. A son retour, il suit les cours de Lovis Corinth à Berlin avant de s’installer en Bavière à Tegernsee.
015-August MACKE-Trois nus sur fond bleu-1910-72x59-Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus. En quelques mois, il simplifie
sa ligne et fait référence à la couleur fauve.
016-August MACKE-Femme jouant du luth-1910-91x66,5-Paris, musée national d'art moderne Sa personnalité et son originalité éclatent
dans cette œuvre de la même année. Très décorative, cette œuvre pose la connaissance de l’art de Matisse et de Gauguin et prouve que
Macke n’est pas un expressionniste comme les autres pour autant que l’on puisse utiliser ce terme en parlant de son œuvre. Il est serein
et le plus éloigné des angoisses, des déchirements et des préoccupations extra picturales propres aux artistes de die Brücke et dont les
membres du Blau Reiter ne sont pas exempts. Il y a une sensibilité chaleureuse, un goût pour les couleurs manifestes, une simplicité
non dénuée de grandeur ; il n’est pas non plus précisément un rebelle à l’ordre social. Il aspire à une harmonie du monde, des
hommes et de la nature, qui se traduit dans sa peinture par une recherche d’une harmonie des formes et des couleurs. C’est sans nul
doute ce qui va faire naitre cette amitié sincère entre les deux peintres, car l’idéal de Marc n’est pas loin de celui de Macke, même si
Marc est sans doute le plus préoccupé de cette génération par ces questions sur un plan intellectuel et philosophique.
Franz Marc (1880-1916)
017-ANONYME-Franz Marc vers 1913 il est né le 8 février 1880. Après des études de philosophie à l’université de Munich qu’il ne
mène pas jusqu’au bout car il doit faire son service militaire durant un an. En 1900, il décide de devenir artiste et s’inscrit à l’Académie
d’art de Munich, puis visite l’Italie (Padoue, Venise, Vérone) en 1900-1902. En 1903, Marc effectue un premier voyage en France, à
Paris, où il voit le Louvre et les impressionnistes.
018-Franz MARC-Autoportrait en costume breton-1904-100,5x62,5-Darmstadt, Städtische Kunstsammlung, Institut Mathildenhöhe
Puis il part pour la Bretagne, ce qui va laisser un souvenir de son œuvre.
019-Franz MARC-Tête de femme (Maria Franck)-1906- craie rouge fusain avec rehauts de blanc-33,3x26,3-Munich, Staatliche
Graphische Sammlung München Après un 1 mariage raté, il épouse Maria Frank en 1913, il la connait depuis 1905.
er
020-Franz MARC-Meules de roseaux-1909-65,5x89,5-Münster, Museum fur Kunst und Kultur Très tôt, grâce à la découverte de van
Gogh, il s’intéresse à la couleur et la découverte des impressionnistes l’entraine à la simplification, la schématisation.
021-Franz MARC-Meules dans la neige-1911-79,5x100-Kochel, Franz Marc Museum il a découvert l’impressionnisme et le conjugue.
Mont et van Gogh ne sont pas très loin. Mais il va simplifier sa peinture pour livrer des œuvres étonnantes.
022-August MACKE-Champs de légumes-1911-47,5x64-Bonn, Kunstmuseum
023-Franz MARC-Scène alpine, meules de foin-1912-110x80,5-Kochel, Franz Marc Museum
Lors d’un séjour en 1908 en Bavière à Lengsies (alpes bavaroises), les représentations animalières prennent plus d’importance et
provoque un bannissement quasi complet dans la représentation humaine dans son œuvre. Mais il n’est pas un artiste animalier au sens
strict du terme.
Une production animalière
Il associe à l’animal des qualités (le bon, le vierge, le beau et le vrai) qu’il ne rencontre pas chez l’homme.
024-Franz MARC-Lièvre-1909-huile sur jute-61,5x100,5-Darmstadt, Städtische Kunstsammlung, Institut Mathildenhöhe Les animaux
(Chiens, chevreuils, cerfs, chevaux…) vont incarner le pur, le vrai et le beau qu’il ne parvient pas à trouver dans la nature humaine. Dans
une lettre à Maria Frank, il écrit « dans l’ensemble, l’instinct ne m’a pas mal guidé jusqu’à maintenant… surtout l’instinct qui m’a guidé
de la joie de vivre pour l’homme vers le sentiment pour ce qui est animal, vers les animaux purs. L’être humain, si peu pieux, qui
m’entourait (surtout l’être masculin) n’éveillait pas mes vrais sentiments, alors que la pure joie de vivre de l’animal faisait résonner tout
ce qu’il y avait de positif en moi » Il réalise alors que l’atmosphère de base de tous les arts ne doit pas être liée à l’aspect extérieur mais
aller plus au fond et essayer de représenter l’être absolu. Il a la volonté de lier l’homme, lui Macke, à la nature et au Cosmos (et en cela
il est proche de die Brücke.
025-Franz MARC-Chevaux au pâtutage-1910-64x94-Bonn, Kunstmuseum
026-Franz MARC-Cheval dans un paysage-1910-85x112-Essen, Folkwang Museum
En 1909, il quitte Munich pour s’installer à Sindelsdorf en Haute-Bavière vers le monde sauvage.
En janvier 1910, il reçoit la visite d’August Macke et du fils du collectionneur et mécène très engagé, Bernhard Koehler. Elisabeth
Macke – Gerhardt est une nièce de Koehler, qui financera les travaux de son époux.
Par hasard, à Munich, ils découvrent les travaux de Marc à la galerie munichoise Franz-Joseph Brakl et vont faire sa connaissance.
Une amitié
027-August MACKE-Portrait de Franz Marc-1910-50x39-Berlin, Nationalgalerie Les intérêts communs vont permettre le
développement d’une amitié profonde dont témoigne ce portrait. Autre élément important, en ce début de l’année 1910, Macke voit
également à Munich des peintures de Matisse à la galerie Tannhäuser.
Ce qui est intéressant à partir de 1910, c’est le paradoxe de l’amitié Marc/Macke et d’une certaine distance de Macke vis-à-vis de la
Nouvelle association des artistes munichois (NKVM) sous la houlette de W. Kandinsky que rejoint Marc à la fin de 1910 et dont il
devient membre le 5 février 1911. Macke a des réticences quant à la NKVD. «Ils luttent pour la forme me semble-t-il » Que veut-il dire
par là ?
028- Wassily KANDINSKY-Improvisation XIV-1910-74x125,5-Paris, MNAM Kandinsky va passer à l’abstraction en épurant la
représentation figurative. Il définit ainsi trois niveaux en fonction de la référence à la nature :
les Impressions, restituant immédiatement les sensations
les Improvisations, qui appartiennent plus au domaine de l’imagination et des contes (comme ici)
les compositions (peu nombreuses), tableaux construits.
Marc, sans aller aussi loin à cette date (1911) s’engage dans cette voie. La couleur arbitraire va permettre de se déconnecter de la réalité
029-Franz MARC-Le cheval bleu I-1911-112x84,5-Münich, Städtische Galerie im Lenbachhaus
030- Franz MARC-La Vache jaune-1911-140,5x189,2-New York, The Solomon R.Guggenheim Museum
Il souhaite éviter tout hasard dans la composition et se concentre sur le langage des formes de façon à ce qu’on ne puisse « enlever,
déplacer ou rajouter la moindre ligne » sans détruire l’ordre et l’expression de la composition. Ceci va entrainer la simplification des
formes et des couleurs. Une modification dans son art apparait à la suite des travaux effectués avec Macke, son hôte à Sindelsdorf de
juin à Novembre 1910, et de sa visite de l’exposition de la NKVM à la galerie Tannhäuser à Munich où il voit aussi des œuvres de
Derain et Vlaminck. Il lui faut se défaire du ton local et utiliser la couleur de façon autonome en tant que moyen de composition.
Ces œuvres le font réfléchir sur la division de l’espace, du rythme et la théorie des couleurs. Ses couleurs se modifient dès lors et il
passe de la couleur de l’apparence à celle de l’expression, qu’il juge plus conforme à la réalité.
031-Franz MARC-Chevreuil dans la forêt-1911-129,5x100,5-Emde, Kunsthalle, dépôt d'une CP est l’un des premiers exemples des
modifications de Marc vis-à-vis de la couleur. Le cheval se substitue à l’homme pour une contemplation méditative et mélancolique du
paysage (comme Friedrich). A partir de 1910, il définit aussi la théorie de contraste complémentaire qu’il présente en détail dans une
lettre adressée à Macke. Marc y attribuait à chaque couleur primaire des qualités caractéristiques ; le bleu représentait pour lui « le
principe masculin, austère et spirituel » auquel il opposait le jaune en tant que principe féminin, doux, gai, sensuel. Le rouge incarnait la
matière « violemment et durement » combattu par les deux autres couleurs pour être surmonté. Ainsi, un mélange de ces couleurs
conduit à une interpénétration de leurs caractéristiques attribuées. « Si tu mélange du rouge et du jaune pour obtenir de l’orange »,
explique-t-il à Macke « tu donnes au jaune passif et féminin une puissance sensuelle de ‘mégère’, de sorte que le bleu froid, spirituel
devient indispensable à son tour, l’homme, et ainsi, le bleu se place automatiquement à côté de l’orange, les couleurs s’aiment. »
Marc composa ses surfaces de toiles à l’aide de cette théorie de psychologie des couleurs, celle (comme il le dira à Macke) qui « te
parait tout aussi peu ‘catholique’ que mon visage ». Reconnaissant que les toiles peintes d’après une telle théorie ne conduisent pas
automatiquement au chef d’œuvre réussi, cette théorie l’aida cependant à atteindre dans ses tableaux « un caractère plastique spatial,
une sécurité de l’effet et une richesse de couleurs » Ainsi d’après les idées exprimées dans sa lettre, les chevaux bleus incarnent le
principe masculin. Austères et spirituels.
032-Franz MARC-Le Tigre-1912-111,5x101,5-Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus
033-Franz MARC-Taureau couché-1913-tempera sur papier-40x26-Essen, Folkwang Museum
034-Franz MARC-Chevreuils dans la forêt II-1914-110,5x100,5-Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle
Il purifie les lignes, le paysage disparait au profit d’aplats colorés, il libère la couleur et simplifie géométriquement les formes.
035- Franz MARC-Formes combattantes-1914-91x131,5-Munich,Städtiche Galerie im Lenbachhaus
Que fait Macke qui regarde cette aventure avec non pas méfiance mais doute? Son installation à Bonn en novembre 1911, lui permet de
prendre une distance même s’il reste lié à Marc et aux autres artistes munichois. Il participe aux expositions du Blau Reiter, sa peinture
est représentée dans l’Almanach. Tout en exprimant à Marc que « l’amour de soi, l’héroïsme pantouflard et l’aveuglement jouent un
grand rôle dans le Blau Reiter. Les grands mots sur le début du grand spiritualisme me résonnent continuellement aux oreilles » Bref,
W. Kandinsky ne fascine pas A Macke et il conclut « Je te conseille seulement, travaille, sans trop penser au cavalier bleu ni aux
chevaux bleus »
036-August MACKE- Paysage du soir avec trois jeunes filles-1911-huile sur carton-55,5x63,5-Wuppertal, Van der Heydt Museum
037-August MACKE-Jardin zoologique I-1912-58,5x98-Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus
038-August MACKE-Baigneuses-1913-59,5x73,5-Ludwigshafen, Wilhelm-Hack Museum
Fin 1912 début 19113, Macke connait l’orphisme de Delaunay. Mais aussi le futurisme italien. Il voit des œuvres de Boccioni, Severini,
Carrà en octobre 1912 à la grande exposition futuriste de Cologne. Fasciné il écrit « la peinture moderne peut encore moins échapper à
ces idées qu’à Picasso » Il avait vu des œuvres de Picasso à la seconde exposition de la NKVM en 1910. C’est ainsi plus par le
futurisme que la réduction des formes cubiques ou prismatiques apparait.
039-August MACKE-Composition en couleur-1913-pastel et gouache- 29x44-Bonn, Kunstmuseum
040-August MACKE-Formes colorées II-1913-53,1x38,5-Münster, Museum fur Kunst und Kultur
Les inspirations provenant du cubisme et du futurisme permirent à Macke d’attribuer à ses propres représentations une construction
tectonique plus rigide, d’intégrer davantage la surface dans un système de forme classificateur, et de donner ainsi à la composition plus
de stabilité. Ainsi ils puisent tous les deux aux sources que sont Fauvisme, Cubisme, Futurisme et Abstraction
041-August MACKE-Composition avec formes colorées-1914-53,5x44,5-dépôt de collection privée à Vienne, Albertina
042-Franz MARC-Composition abstraite-1912-1913-gouache-10x16,9-Collection particulière
043-Franz MARC-Petite composition I-1913-46,5x41,5-Collection particulière.
044-August MACKE-Paysage avec vaches, bateaux et figures-1914-52x51-Saint Louis Art Museum
Mais l’aventure sera brève car la grande guerre les fauche. Macke meurt le 26 septembre 1914 en champagne à Perthes-lès-Hurlus
(Marne) et Marc le 4 mars 1916 lors d’une reconnaissance près de Verdun….

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