jeudi 29 mars 2007, avignon les prestataires de services logistiques
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jeudi 29 mars 2007, avignon les prestataires de services logistiques
1ERE JOURNEE DE RECHERCHE RELATIONS ENTRE INDUSTRIE ET GRANDE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE JEUDI 29 MARS 2007, AVIGNON LES PRESTATAIRES DE SERVICES LOGISTIQUES DANS LES RELATIONS INDUSTRIE – DISTRIBUTION : VERS L’EMERGENCE D’UN VERITABLE ACTEUR ? Christelle CAMMAN Maître de Conférences en Sciences de Gestion Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II CRET-LOG Laurent LIVOLSI Maître de Conférences en Sciences de Gestion Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II CRET-LOG [email protected] Résumé Le secteur de la grande distribution alimentaire est sans nul doute l’un des plus turbulents et des plus concurrentiels. La complexité croissante de l’environnement (modifications du contexte réglementaire, crises alimentaires, questions éthiques liées au commerce équitable…) contribue à modifier les règles concurrentielles. Si la concurrence horizontale est toujours une réalité, nous assistons depuis quelques années, dans le cadre du développement de l’Efficient Costumer Response (ECR), à un accroissement des démarches collaboratives au sein du canal de distribution alimentaire. L’optimisation de la performance logistique sur l’ensemble du canal de distribution, qui est un des quatre axes de réflexion de l’ECR, s’est ainsi traduit par le développement des démarches conjointes de cross-docking, de Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA) et, plus récemment, de Gestion Mutualisée des Approvisionnements (GMA). Cette démarche dans laquelle plusieurs industriels s’engagent à livrer ensemble, à partir d’un même site logistique (entrepôt ou plate-forme), un ou plusieurs distributeurs, a pour objectif l’optimisation des coûts de stockage (réduction du nombre de lieux de stockage sur la chaîne) et de transport (taux de remplissage des véhicules et nombre de rotations). Si l’on a pu considérer qu’il s’agissait au départ d’une démarche de plus dans les relations industriels-distributeurs, à la fois le succès du modèle britannique incarné par Tesco et sa réelle dimension inter-organisationnelle laissent la place à la considération de la GMA comme véritable innovation. Dans ce contexte de supply chain, la question de la place des prestataires de services logistiques (PSL) est régulièrement posée. Ils restent en effet cantonnés dans la réalisation des opérations et, même si la durée réelle des contrats tend à augmenter, les chargeurs (industriels et distributeurs) continuent de fonctionner majoritairement sur une logique de substituabilité entre les prestataires. Dans ce cadre, cette communication s’intéresse aux opportunités que représente la GMA pour les PSL. Elle est en effet, pour ces entreprises, l’occasion de prendre la responsabilité d’entrepôts multi-fournisseurs aujourd’hui (et peut-être demain multi-distributeurs) qui nécessitent non seulement une grande maîtrise des opérations mais aussi la capacité à piloter et contrôler les activités réalisées. En ce sens, la GMA leur confère un rôle majeur (et durable) dans le pilotage des flux entre les industriels et les distributeurs impliqués. Pour les prestataires, la stabilisation des relations avec leurs clients actuels (majoritairement des grandes entreprises) est ainsi un premier enjeu de ces démarches. Un autre enjeu réside dans le développement d’une offre dédiée (logistique et gestion de la relation client) aux nombreux industriels de taille moyenne qui n’ont pas individuellement les ressources pour conduire une telle démarche mais qui constituent, collectivement, un relais de croissance important. Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Le secteur de la grande distribution alimentaire est sans nul doute l’un des plus turbulents et des plus concurrentiels. En effet, si la turbulence de l’environnement est souvent évoquée pour caractériser un secteur d’activité, force est de constater qu’elle est, dans ce cas, une réalité. Les crises alimentaires, les questions éthiques liées au commerce équitable ainsi que les modifications récurrentes du contexte réglementaire obligent les acteurs de ce secteur à des adaptations permanentes. Cette complexité croissante de l’environnement contribue à modifier les règles concurrentielles. Si la concurrence horizontale est encore largement une réalité, nous assistons depuis quelques années à un accroissement des démarches collaboratives au sein du canal de distribution alimentaire. Dans ce contexte de supply chain, la question de la place des prestataires de services logistiques est régulièrement posée. Les démarches de recentrage sur les « core competencies » ont conduit les chargeurs (industriels et distributeurs) à externaliser leurs activités logistiques de façon croissante auprès de prestataires dont l’expertise grandissante suscite et entretient ces démarches. Ils occupent désormais une place centrale dans la conduite des opérations logistiques, et élargissent leur offre, aussi bien vers des activités plus industrielles que vers de l’ingénierie organisationnelle. Pour autant, cette acceptation d’une expertise opérationnelle ne se traduit pas dans leur reconnaissance stratégique au sein de la supply chain, et ce particulièrement dans le canal de distribution alimentaire. Ils restent cantonnés dans la réalisation des opérations et, même si la durée réelle des contrats tend à augmenter, les chargeurs (industriels et distributeurs) continuent de fonctionner majoritairement sur une logique de substituabilité entre les prestataires. Un tel constat ne peut qu’interroger, au regard de la dialectique traditionnelle entre conflits et coopérations qui anime le canal de distribution, sur l’existence d’une volonté délibérée des chargeurs de cantonner les prestataires de services logistiques (PSL) dans la conduite des opérations ou sur une relative incapacité de ces prestataires à saisir les opportunités. L’apparition récente, en France, de la Gestion Mutualisée des Approvisionnements (GMA) est alors l’occasion d’observer les manœuvres stratégiques au sein du canal de distribution. La GMA s’inscrit dans la continuité des démarches d’Efficient Costumer Response (ECR) initiées, en France, depuis le début des années 90 essentiellement. Si l’on a pu considérer qu’il s’agissait au départ d’une démarche de plus dans les relations industriels-distributeurs, à la fois le succès du modèle britannique incarné par Tesco et sa réelle dimension inter organisationnelle laissent la place à la considération de la GMA comme véritable innovation. La GMA est en effet définie comme un « mode de gestion des approvisionnements dans lequel plusieurs industriels s’engagent à livrer ensemble, à partir d’un même site logistique (entrepôt ou plate-forme), un ou plusieurs distributeurs afin notamment d’optimiser les coûts de stockage (réduction du nombre de lieux de stockage dans la chaîne industrielsdistributeurs) et de transport (taux de remplissage des véhicules et nombre de rotations) » (Livolsi, Camman, Roussat, 2006). Pour les distributeurs, les enjeux résident non seulement dans la capacité à réduire les coûts de la supply chain en éliminant donc un lieu d’entreposage et en augmentant le taux de remplissage des camions, mais aussi dans la possibilité de piloter les approvisionnements en provenance des nombreux industriels de taille moyenne. Du côté des industriels, et sans entrer dans une distinction entre les PME et les grandes entreprises, l’enjeu est d’améliorer la visibilité sur le marché et, également, de réduire les stocks en espérant que des solutions multi distributeurs voient, à terme, le jour à l’instar de ce qui se pratique outre-manche. Enfin, pour les prestataires de services logistiques, la GMA est l’occasion de prendre la responsabilité d’entrepôts multi-fournisseurs aujourd’hui (et peut-être demain multi-distributeurs) qui nécessitent non seulement une grande maîtrise des opérations mais aussi la capacité à piloter et contrôler les activités réalisées. En ce sens, de tels dossiers 1 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon placent potentiellement les prestataires au centre de ces démarches et leur confèrent un rôle majeur (et durable) dans le pilotage des flux entre les industriels et les distributeurs impliqués. L’objet de cette communication est donc d’observer les manœuvres stratégiques au sein du canal de distribution dans le cadre des démarches de GMA actuellement développées en France. Notre attention sera, dans le cadre de cette communication, exclusivement portée sur les prestataires de services logistiques qui ont, selon nous, une occasion à saisir dans une telle démarche. Cette recherche, qui est à ce stade très exploratoire, s’appuie sur plusieurs études de cas représentées par les pilotes actuellement développés sur le marché français. Dans une première partie, nous revenons sur l’évolution observée des relations industriels – distributeurs depuis une quinzaine d’années, en montrant que les prestataires logistiques ont surtout accompagné les démarches développées. La deuxième partie est alors consacrée à la présentation détaillée de la GMA au travers des pilotes observés en mettant en exergue le rôle des prestataires. Enfin, la troisième partie est réservée aux enjeux stratégiques de la GMA pour ces prestataires. 1. Les PSL, de simples accompagnateurs dans les relations industrie – distribution ? L’objet de cette première partie est de présenter la place des prestataires de services logistiques au sein du canal de distribution en s’intéressant d’abord à leur rôle dans les démarches logistiques initiées conjointement par les industriels et les distributeurs dans le cadre des stratégies ECR (1.1), puis en étudiant plus précisément leurs démarches stratégiques (1.2). 1.1. Les PSL dans les relations industrie – distribution Initiée au milieu des années 80 aux Etats-Unis par le Food Marketing Institute, l’Efficient Costumer Response (ECR) vise à instituer durablement des démarches partenariales entre industriels et distributeurs afin d’optimiser la performance globale de la chaîne d’approvisionnement. Il s’agit d’améliorer la création de valeur pour le consommateur final tout en réduisant les coûts sur l’ensemble du canal de distribution. L’ECR comprend quatre principaux axes de réflexion stratégique : la gestion de l’assortiment qui s’est concrètement traduit par le développement des démarches conjointes de Category Management, la gestion des promotions et l’introduction de nouveaux produits qui ont conduit industriels et distributeurs à collaborer dans le cadre des démarches de Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment (CPFR) et l’optimisation de la performance logistique sur l’ensemble de la chaîne de distribution (ECR Report, 1997). La volonté d’améliorer la satisfaction du consommateur implique la conception d’une Supply Chain pilotée par la demande finale. La performance de ce système se fonde alors sur la réduction du temps de réponse au consommateur en minimisant les niveaux de stocks et en préservant la profitabilité des différents partenaires de la chaîne (Paché et Colin, 2001). Ce triple objectif s’est traduit dans les faits par le développement des démarches conjointes de cross-docking et de Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA) reposant sur un principe identique d’accélération des rythmes d’approvisionnement. Le cross-docking correspond à une gestion des approvisionnements en flux tendus, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une « démarche de réduction des stocks, préservant la disponibilité du produit en linéaire, passant par l’éclatement des lots sur la plate-forme du distributeur ou la constitution de conditionnements magasins par l’industriel avant une re-consolidation par magasin » (Livolsi, Camman, Roussat, 2006). Pour les produits qui ne fonctionnent pas sur un schéma de cross- 2 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon docking réservé aux produits frais, la GPA est développée. Dans ce cas, le distributeur transmet à ses fournisseurs soit l’inventaire de ses stocks (magasins, centre de distribution et encours de commandes) dans le cas d’une « GPA entrepôt », soit ses ventes en magasins dans le cas d’une « GPA magasin », uniquement développée en France pour les Marques de Distributeurs (MDD). A partir de ces informations et de ses propres prévisions de vente, l’industriel effectue une proposition de réapprovisionnement du centre de distribution en optimisant ses paramètres logistiques, de production et en respectant le nombre de jours de couverture des ventes contractuellement fixé par le distributeur. Cette proposition est ensuite validée ou réajustée par le distributeur. Idéalement piloté par la demande des magasins, ce système de réapprovisionnement partagé permet de réduire les niveaux de stocks chez le distributeur compte tenu de l’accélération des rythmes d’approvisionnement et chez l’industriel en autorisant un meilleur lissage de la production. Ces deux démarches reposent fondamentalement sur un partage d’informations permanent et transparent entre les partenaires, qui représente, pour certaines enseignes, le principal frein à leur développement (Paché et Colin, 2001). Outre le partage d’informations qui renvoie à la question du pouvoir au sein du canal de distribution, le pilotage de ces démarches implique le déploiement, par tous les acteurs de la chaîne, y compris les prestataires de services logistiques, de technologies appropriées pour communiquer (EDI, WebEDI…), synchroniser les flux de marchandises (Efficient Warehouse Replenishment) et accélérer leur traitement en centre de distribution et/ou sur les plate-formes d’éclatement (technologie RFID). Situés à l’interface entre distributeurs et industriels, les prestataires de services logistiques subissent, puisqu’ils ne participent quasiment jamais à la conception de ces démarches, les mutations actuelles de la logistique au sein du canal de distribution alimentaire. La place qui leur est dévolue reste clairement celle de la conduite des activités logistiques, de la réalisation concrète des opérations. En témoigne la lente évolution des activités confiées au prestataire, même dans le cadre de ces démarches. Si ces derniers prennent de plus en plus souvent en charge des activités à caractère commercial (co-packing, conditionnement à façon), les activités classiques d’entreposage et de préparation des commandes restent encore celles qui sont le plus fréquemment externalisées. Les activités de pilotage comme la gestion des stocks ou l’optimisation transport, au cœur de la GPA et du cross-docking, ne sont que très rarement confiées au prestataire. Les résultats d’une enquête réalisée auprès des principaux prestataires logistiques européens (Lieb et Bentz, 2004) mettent en exergue les difficultés liées aux exigences accrues des industriels et des distributeurs dans le cadre de ces nouvelles démarches. Ainsi, le déploiement des nouvelles technologies nécessaires à l’intégration de la supply chain ou à l’accélération du traitement des opérations physiques est généralement considéré comme faisant partie intégrante de l’offre de service de base et à ce titre peu rémunéré par les industriels et/ou les distributeurs. Les auteurs précisent alors que le coût élevé de ces technologies, de leur personnalisation et leur faible retour sur investissement deviennent véritablement problématiques pour les prestataires. Par ailleurs, la pression accrue sur les prix, la qualité de service et les délais de réalisation des opérations dans le cadre de ces stratégies time-based exacerbent des problèmes de gestion des ressources humaines qui ont un impact direct sur la rentabilité des dossiers, à peine située autour de 3%, et sur les capacités d’adaptation et d’innovation des prestataires (Camman-Lédi et Livolsi, 2004). La tension croissante des flux et les changements fréquents d’organisations logistiques font cependant de la compétence opérationnelle et de la flexibilité stratégique des prestataires un facteur clé de succès des démarches initiées par les industriels et/ou les distributeurs. Paradoxalement, afin 3 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon de se prémunir contre les risques traditionnellement évoqués dans le cadre d’opérations d’externalisation (Quinn et Hilmer, 1994), notamment la perte de contrôle direct sur la réalisation des opérations, ces derniers ont tendance à exercer un contrôle fort sur la prestation c’est-à-dire aussi bien sur les méthodes et les règles que sur les résultats obtenus. Ce contrôle renforce les difficultés évoquées précédemment et limite toute capacité d’innovation de la part des prestataires. De nombreuses recherches se sont intéressées à cette situation des prestataires au sein du canal de distribution alimentaire (par exemple Sauvage,1997 ; Paché, 1998) en mobilisant très souvent le cadre conceptuel de la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976) et/ou de la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975, 1985, 1996). En substance, il s’agit de considérer qu’il existe une relation d’agence entre l’industriel et/ou le distributeur (le principal) et le prestataire (l’agent), c’est-à-dire, selon la définition de Jensen et Meckling, un « contrat selon lequel le principal engage l’agent pour accomplir une action en son nom, ce qui nécessite une délégation de l’autorité de décision à l’agent ». Or, selon les fondements même de la théorie de l’agence, ce contrat ne peut prévoir toutes les éventualités et, compte tenu des asymétries d’information qui existent, ne peut donc empêcher tout comportement opportuniste de la part de l’agent. L’opportunisme est défini par Williamson (1985), qui y voit là l’origine de la significativité des coûts de transaction, comme la retenue ou la distorsion de l’information à son propre avantage ; ce que Girin (1995) considère comme un comportement déloyal de tricherie, de tromperie, et Donaldson (1995) comme le fondement d’une théorie « anti-managériale ». Dans le cas de la prestation de services logistiques, les donneurs d’ordre ont donc la volonté de formaliser de façon très précise le cahier des charges avec, outre les objectifs à réaliser (coûts, qualité, délais), la définition précise des processus et procédures à mettre en œuvre pour y parvenir (procédures de coordination, systèmes d’information et technologies à développer, procédures et taux de contrôle, indicateurs de performance à mesurer…) c’est-àdire la détermination des systèmes de gestion des prestataires. La volonté est donc patente d’optimiser les contrats afin non seulement de contraindre les prestataires mais aussi de réduire l’asymétrie d’information, dans une perspective finalement très normative de la théorie de l’agence. La durée des contrats, et cela même si la durée réelle peut être plus longue (Sauvage, 1998 ; Roques et Michrafy, 2003), devient alors également un instrument de réduction de l’opportunisme potentiel des prestataires. Si, dans le canal alimentaire, la durée moyenne était de trois années, il devient de plus en plus fréquent de constater la signature de contrats annuels. Ce cadrage des contrats, ainsi que leurs durées, permet de développer une logique de substituabilité entre les prestataires, et par la même de réduire encore l’opportunisme de ceux-ci. Finalement, dans le cadre de ces démarches interorganisationnelles dyadiques (industriels – distributeurs) où opèrent déjà les notions de coûts de transaction et les risques associés d’opportunisme, tout concours à limiter les risques en contrôlant de façon drastique le troisième acteur (third party logistics). S’il convient de s’interroger sur l’efficience de telles organisations dans le cadre de l’essor du supply chain management et finalement sur leur caractère potentiellement anti-managérial au sens de Donaldson (1995), l’objet du paragraphe suivant est de présenter la démarche stratégique entreprise par les prestataires dans un tel contexte concurrentiel. 1.2. Les manœuvres stratégiques des prestataires logistiques L’évolution des relations entre les industriels et les distributeurs atteste que si les prestataires de services logistiques ont toute leur place dans la mise en acte de ces stratégies inter 4 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon organisationnelles, ils pâtissent incontestablement d’un manque de reconnaissance stratégique. En effet, malgré leur volonté de développer des nouvelles solutions organisationnelles, dans la lignée d’une évolution (selon la terminologie anglo-saxonne) des 3PL vers les 4PL (assembleurs ou brokers) ou les 5PL (ingénierie), les prestataires logistiques sont sélectionnés sur leur capacité à mettre en œuvre les solutions développées par les industriels et les distributeurs c’est-à-dire sur leur capacité à conduire les opérations. Dans le cadre d’activités dont la rentabilité avoisine uniquement les 3%, la question se pose alors de la démarche stratégique entreprise par ces prestataires. L’observation des stratégies conduites par les prestataires depuis plus d’une dizaine d’années montre que trois principaux axes sont développés : la diversification, l’internationalisation et, comme corollaire des deux premiers, l’accroissement de la taille. Avant de présenter ces trois axes, il convient de souligner que ceux-ci correspondent aux prestataires généralistes (Kuehne+Nagel, FM Logistic, ND Logistics, ID Logistics…) qui sont positionnés sur le marché de la grande distribution alimentaire et ne reflètent pas la diversité des prestataires dont les stratégies de niche, d’intégration verticale au travers des activités de pré et postmanufacturing sont régulièrement évoquées (Paché et Fulconis, 2005 ; Camman-Lédi et Livolsi, 2004 ; …). Le premier axe stratégique concerne donc la diversification. Présents sur le marché de la grande distribution, ces prestataires ont bénéficié de l’externalisation importante de la logistique réalisée aussi bien par les industriels que par les distributeurs. Cette externalisation a soutenu leur développement mais a eu comme corollaire de développer une dépendance importante vis-à-vis d’un petit nombre de donneurs d’ordre. A titre d’exemple, un prestataire comme Hays Logistics (devenu ensuite ACR Logistics puis Kuehne+Nagel au gré des rachats successifs respectivement par Platinum Equity, fonds d’investissement américain, puis par le groupe suisso-germanique) réalisait, au début des années 2000, près de 60 % de son chiffre d’affaires avec le seul groupe Carrefour. Si les prestataires ont développé, pour ces clients, quelques activités plus rémunératrices comme le co-packing, ils ont surtout cherché à se diversifier en pénétrant d’autres secteurs d’activités (informatique, téléphonie, …) afin d’équilibrer leur portefeuille clients. Le deuxième axe stratégique est cependant lié à ces clients traditionnels. L’expansion internationale des distributeurs a nécessité le déploiement d’organisations logistiques capables d’accompagner un modèle de distribution parfois qualifié d’universaliste (Paché et Crespo de Carvalho, 2002). Dans le cadre de ce développement, les distributeurs, dans un souci de minimisation des coûts de transaction au sens de Williamson, ont demandé à leurs prestataires traditionnels de les accompagner dans cette démarche. A ce titre, les prestataires n’ont pas fait réellement preuve de pro-activité, et ils apparaissent une nouvelle fois aujourd’hui comme très substituables une fois la phase d’implantation initiale terminée. Le troisième axe stratégique concerne la croissance de la taille des prestataires. Celle-ci est à la fois le corollaire des deux axes précédents qui nécessitent des investissements de la part des prestataires (nouveaux sites en France, création de filiales à l’étranger…) mais aussi le résultat d’une démarche délibérée au travers d’opérations de croissance externe. Le secteur de la prestation de services logistiques connaît en effet depuis une dizaine d’années des opérations de fusion-acquisition qui contribuent à une concentration croissante et font émerger des grands opérateurs de taille européenne voire mondiale (Carbone, 2004 ; Carbone et Stone, 2005 ; Lieb et Bentz, 2004). De façon plus récente, et compte tenu des tensions sur les différents marchés du transport (routier, maritime, aérien), ces prestataires sont également 5 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon en train de reconquérir une offre transport élargie au travers d’opérations de croissance externe qui n’en sont qu’à leur début. Ainsi, aux stratégies volumiques traditionnelles représentées par les deux premiers axes, les prestataires sont progressivement en train de substituer une stratégie de développement d’une offre globale (logistique, transport). Dans un marché en concentration croissante, les grands prestataires (évoqués précédemment) sont désormais en mesure, compte tenu de leur taille, de négocier davantage, voire même de refuser (cas récent de Kuehne+Nagel avec Carrefour en Espagne), les dossiers des distributeurs. Cependant, si le pouvoir des industriels et des distributeurs vis-à-vis des prestataires est en train de se ré-équilibrer, les prestataires n’ont pour l’instant pas de démarches stratégiques afin d’exercer un rôle d’acteur véritable au sein du canal de distribution. Ils peuvent, dans une certaine mesure tout de même, refuser certains dossiers mais, lorsqu’ils les acceptent, sont réduits au statut d’agent conduisant les opérations logistiques sans réelle autonomie comme a pu l’illustrer Van Hoek (2000). La GMA apparaît, dans ce contexte, comme une opportunité stratégique pour les prestataires afin d’ancrer davantage leur position auprès des donneurs d’ordre traditionnels, mais surtout pour développer des relais de croissance au niveau des nombreux industriels de taille moyenne qui n’ont pas encore externalisé leur logistique et pourraient être tentés de le faire compte tenu de la pression exercée par les distributeurs. 2. La GMA : observation des pratiques et rôles des prestataires de services logistiques Après avoir rapidement rappelé le cadre méthodologique dans lequel s’inscrit cette recherche (2.1), nous présentons le contexte et les facteurs explicatifs du développement de cette démarche ainsi que les dossiers pilotes de GMA développés en France (2.2). Leur mode de fonctionnement et leurs difficultés de mise en œuvre sont évoqués dans un troisième paragraphe (2.3) qui privilégie l’étude des prestataires de services logistiques. 2.1. Méthodologie Afin de mieux cerner les enjeux stratégiques de la GMA pour les prestataires de services logistiques, ainsi que le processus de conception et de déploiement de ces démarches, nous nous appuyons sur la présentation de trois études de cas correspondant aux seuls pilotes actuellement en cours en France (Sara Lee et Cadbury avec ILS ; Bénédicta, Nutrimaine et Lustucru avec FM Logistic ; HeCoRe avec Kuehne+Nagel). Une recherche documentaire dans la presse professionnelle spécialisée (logistique, distribution) nous a permis de cerner leur périmètre, leur fonctionnement et d’identifier les logiques d’acteurs sous-jacentes. Cette première étape a alors été approfondie au travers d’entretiens réalisés auprès des responsables de projet GMA des prestataires de services logistiques qui ont notamment permis de mieux cerner le rôle qu’ils jouent actuellement dans la conception et le pilotage de ces démarches. Un des pilotes identifiés est l’objet d’un suivi régulier en collaboration avec le responsable GMA en charge de la conception et du déploiement de cette démarche. Ainsi, deux principales sources d’évidence au sens de Yin (1994) ont été mobilisées. Les études de cas et le suivi régulier par le biais de sources d’informations secondaires de l’avancement de ces projets et du développement de la GMA sur le marché français (presse professionnelle, rapports d’études internes et externes…) nous ont progressivement permis d’appréhender les enjeux stratégiques de ces démarches pour les prestataires, ainsi que les compétences à promouvoir pour développer une offre pertinente compte tenu des attentes des industriels et distributeurs. 6 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon 2.2. Présentation des études de cas La GMA trouve son origine dans les limites de la GPA, notamment pour les petits industriels dont les volumes ne permettent pas d’optimiser les taux de remplissage des véhicules générant alors une augmentation des coûts de transport. Afin de palier cette augmentation du coût de transport, diverses organisations ont progressivement été développées à l’initiative des industriels ou des distributeurs. Le multipick et/ou multidrop consiste à consolider, respectivement en amont ou en aval du centre de distribution, les flux de marchandises de plusieurs industriels dont les volumes ne sont pas suffisants pour rentabiliser un fonctionnement en GPA. Le principe repose sur le calcul d’une proposition de commandes mutualisée optimisant le taux de remplissage des véhicules à destination des centres de distribution. Cette activité de « pooling » (selon la terminologie anglo-saxonne) est généralement réalisée par un prestataire de services logistiques qui se doit de respecter les contraintes du distributeur (nombre de jours de couverture des ventes) et celles des industriels (respect des règles établies entre les partenaires concernant la répartition des moyens, l’optimisation du taux de remplissage, la gestion des reliquats…) dans un principe d’équité. C’est le cas pour Sara Lee et Cadbury (voir encadré n°1) qui ont confié cette activité à Influe Logistics Service qui agit, en la matière, comme coordonnateur dans un modèle « non asset based ». Pilote N°1 – Sara Lee et Cadbury / Influe Logistics Service. En 2004, Sara Lee (chocolats) et Cadbury décident, afin d’optimiser leurs livraisons à destination des plates-formes de distribution, de mutualiser leurs flux de transport. Disposant d’un entrepôt distant de 40 kilomètres, les deux industriels fonctionnent en GPA classique, mais optimisent leur livraison par le biais d’une organisation en multidrop en consolidant leurs livraisons sur un des deux sites. Le « pooling » est confié à Influe Logistics Service (ILS) qui calcule un approvisionnement optimal via la GPA de chaque industriel en respectant les règles de partage des moyens et de gestion des excédents. ILS organise ensuite les livraisons, en collaboration avec le distributeur, en affrétant des transporteurs qu’il pilote pour le compte des deux industriels. A terme, Sara Lee et Cadbury envisagent de consolider leurs produits sur le même site, à condition de trouver d’autres industriels pour augmenter les volumes traités et optimiser le taux de remplissage des véhicules. Cette organisation a déjà été initiée et développée en 2004 par Bénédicta et Nutrimaine, et depuis peu Lustucru en collaboration avec FM Logistic (voir encadré n°2) et Hecore (Henkel, Colgate et Reckitt) avec Kuehne+Nagel (voir encadré n°3) depuis Octobre 2006. La consolidation des flux industriels sur le même site permet de réduire encore les délais de livraison et de massifier les flux en amont et en aval de l’entrepôt partagé. Pilote N°2 – Bénédicta, Nutrimaine et Lustucru / FM Logistic. A la fin de l’année 2004, Bénédicta décide de lancer un pilote GMA en collaboration avec Nutrimaine. FM Logictic est impliqué dès la phase de conception du projet et réalise aujourd’hui, pour le compte des deux industriels, l’approvisionnement de certains entrepôts du groupe Carrefour. Les flux des deux industriels, cohérents en termes de saisonnalité, sont consolidés sur une plate-forme multiclients de FM Logistic. Les propositions d’approvisionnement mutualisées sont effectuées par Bénédicta et FM Logistic, ce dernier fixe ensuite avec Carrefour une date de livraison commune aux deux industriels et organise le transport. Les résultats annoncés par les deux entreprises, six mois après le déploiement de la démarche, font apparaître une augmentation de la fréquence de livraison de 12%, une baisse moyenne de la couverture des stocks de 10,5% et un taux de service maintenu à 99,6%. Le 7 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon projet prévoit un déploiement de ce mode d’approvisionnement à l’ensemble des centres de distribution du groupe Carrefour. Lustucru, dont les coûts de transport ont fortement augmenté en mettant en pratique la GPA, est entré dans la démarche fin 2006. L’augmentation des volumes traités permet aux trois industriels d’améliorer encore le taux de remplissage des véhicules et d’envisager un fonctionnement en cross-dock. Pilote N°3 – Henkel, Colgate, Reckitt / Kuehne+Nagel. Cette démarche initiée par Reckitt a pour origine l’objectif de réduction de 10 jours de stocks demandé par Carrefour à ses fournisseurs qui se serait concrètement traduit pour l’entreprise par une augmentation du coût logistique de 35% (+10% en picking et +25% en transport). Ainsi, au mois de Mars 2005, Henkel, Reckitt et Colgate Palmolive lancent un appel d’offre conjoint pour trouver le prestataire de services logistiques qui assurera la gestion des flux physiques dans le cadre d’une démarche de GMA. Le prestataire de services logistiques choisi est Kuehne+Nagel qui travaille depuis février 2005, à l’instar de FM Logistic, au développement d’une offre globale de GMA intégrant l’optimisation du transport, la consolidation des flux industriels et les opérations logistiques afférentes (stockage, préparation…), ainsi que le pilotage des approvisionnements en relation avec le client à partir des données GPA des industriels. Comme dans le cas précédent, les flux des industriels sont regroupés sur un site multi-clients de K+N. 100 références par industriel sont concernées. Concernant la répartition des moyens, les trois fournisseurs se sont entendus sur le nombre de palettes et de camions à prévoir pour livrer les plates-formes du groupe Carrefour. Cette répartition est réactualisée chaque trimestre à partir d’un suivi statistique des ventes réalisé par K+N. En accord avec Carrefour qui voit ses stocks diminuer d’environ 14%, les jours de livraison sont fixes. L’organisation du transport par les fournisseurs en est facilitée et le taux de service amélioré. K+N a pour mission de réaliser les opérations logistiques pour le compte des différents partenaires (stockage, préparation, co-packing et transport) et l’optimisation du transport en coopération avec Hecore. A terme, une offre globale intégrant l’élaboration des propositions de commandes mutualisées pour les trois industriels devrait être proposée. Elle repose cependant sur le déploiement d’outils informatiques dédiés en cours de développement chez K+N. Le pilotage de cette démarche de GMA est réalisé par une équipe composée des responsables clients des fournisseurs, d’un responsable client GMA (K+N) et d’un responsable Systèmes d’Information GMA (K+N). Cette équipe a pour objectif de calculer les propositions d’approvisionnements pour Carrefour, de gérer les anomalies en respectant les règles définies par les industriels (gestion des reliquats, répartition des moyens) et de réaliser le reporting (suivi des activités réalisées pour les différents partenaires, taux de remplissage des camions, taux de service logistique…). Compte tenu des volumes traités par les trois industriels, leur consolidation devrait permettre de livrer les plates-formes de distribution une fois par jour et de réduire ainsi les stocks de sécurité des enseignes par 3, tout en réduisant leurs coûts logistiques et en améliorant leur qualité de service par le biais d’une meilleure organisation du transport. Afin de se rapprocher de leurs clients, les trois industriels ont décidé de créer un second entrepôt partagé dans la région lyonnaise pour approvisionner les centres de distribution du Sud de la France. Ce dédoublement de site devrait permettre de passer d’un taux de remplissage de 75% à 100%, de réduire de 20% le nombre de véhicules nécessaires et d’économiser 1,2 millions de litres de gasoil. Côté distributeur, cette organisation devrait leur permettre de réduire leur stock jusqu’à 20% et d’être livrés quotidiennement (pour 30% des entrepôts desservis à partir de chaque site). 8 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon 2.3. Difficultés de mise en œuvre de ces démarches et place du prestataire de services logistiques. Quel que soit le schéma logistique choisi par les partenaires, les études de cas réalisées font apparaître certaines difficultés qui sont d’ailleurs autant de raisons de recourir à un prestataire de services logistiques tant en termes de compétences logistiques que d’assurance d’un principe d’égalité de traitement entre les partenaires. Les contraintes physiques constituent une première limite au déploiement des démarches de GMA. Outre les questions de compatibilité des produits, les volumes des industriels doivent être suffisants et cohérents en termes de saisonnalité pour que l’optimisation du transport soit effective. A cette contrainte de volume s’ajoute une contrainte géographique. Ces contraintes ont, par exemple, conduit Influe Logistics Service à développer une base de données facilitant la reconnaissance d’opportunités de mutualisation. Des contraintes de synchronisation des flux sont aussi à prendre en compte. Les démarches de GMA impliquent une adaptation des modes de fonctionnement traditionnels des distributeurs notamment au niveau de la passation des commandes et des réceptions en entrepôt. Les dates et heures de livraison des différents industriels doivent en effet être communes et si possible fixes pour optimiser le transport. Des règles sont aussi à fixer avec le distributeur pour gérer les excédents. La mutualisation des moyens est au cœur de la GMA. Une des étapes clés dans la conception de ces démarches réside en effet dans la répartition des moyens entre les fournisseurs partenaires compte tenu de leurs volumes respectifs, de leur saisonnalité et de la complexité de traitement de leurs flux. Cette définition des règles de partage s’appuie, dans les premières phases du projet, sur une analyse précise des flux des différents industriels et implique aussi les distributeurs notamment dans les décisions concernant la gestion des excédents en cas de forte demande. Les promotions et le lancement de nouveaux produits ne sont d’ailleurs pas concernés compte tenu de leur caractère aléatoire. La confidentialité entre les partenaires est aussi une question qui peut freiner considérablement le processus de conception et de déploiement de ces démarches, notamment lorsqu’elles concernent des entreprises concurrentes comme dans le cas du projet Hecore / K+N. Il a fallu près de six mois aux responsables Supply Chain de Reckitt et Henkel pour définir l’organisation à mettre en place et ses règles de fonctionnement. Le même temps a été nécessaire pour faire accepter ce projet par leurs directions respectives. La fixation de seuils de confidentialité a été un élément déterminant, notamment sur les promotions et les opérations commerciales (une zone de copacking à accès contrôlé a par exemple été prévue). Plus généralement, ces seuils de confidentialité concernent la volumétrie des palettes en instance d’expédition et le détail des références par palette qui permettrait aux entreprises de connaître avec précision les ventes par produit, région et enseignes de leurs concurrents. Ces dernières contraintes mettent en avant un des rôles essentiels du prestataire de services logistiques dans le cadre de ces démarches. Sa neutralité est censée garantir une égalité de traitement dans le respect des règles fixées par les partenaires en matière de répartition des moyens, de gestion des reliquats et de seuils de confidentialité. Les pilotes étudiés nous permettent d’identifier les activités prises en charge par le prestataire de services logistiques. Ce dernier n’intervient pas dans la phase de conception de la démarche, à moins qu’il ne soit déjà en contrat avec l’initiateur du projet (Cas de FM Logistics avec Bénédicta). Lorsque les industriels et/ou le distributeur ont conçu l’organisation logistique sous-jacente à la démarche de GMA, ils recherchent le prestataire capable de mettre en œuvre les ressources nécessaires à la réalisation des opérations en 9 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon respectant les règles établies par les partenaires. Ce dernier intervient alors juste avant la phase de déploiement pour fixer définitivement, en connaissance des flux à traiter et des contraintes de chacun, les différentes règles évoquées précédemment. Il intervient par ailleurs dans la conception et le déploiement du système d’information (échanges de données, calcul des propositions de commandes mutualisées, optimisation transport, pilotage des activités…) sous-jacent à la démarche. Par la suite, sa mission principale, en dehors de la réalisation proprement dite des opérations logistiques, consiste à calculer les propositions de commandes mutualisées pour le compte des industriels en prenant en compte leurs contraintes respectives et celles du distributeur, en optimisant les paramètres logistiques (notamment le transport) et en appliquant les règles de partage des ressources définies et, le cas échéant, les règles de gestion des excédents. Trois critères fondent ainsi la performance du prestataire : sa capacité à optimiser les paramètres logistiques (réduction du coût des activités), la réalisation du niveau de qualité de service attendu par les industriels et/ou le distributeur en respectant les règles établies, la mise en place d’un reporting permettant effectivement aux différents industriels de contrôler le respect des règles définies (notamment les règles de partage des ressources) et de suivre la performance de la démarche. Ce reporting permet par ailleurs de réajuster ces règles en fonction des évolutions des ventes de chaque industriel. Ainsi, afin de réduire au maximum les risques d’opportunisme, c’est encore une logique de contrôle fort vis-à-vis du prestataire qui prévaut. Pour autant, comme nous l’évoquons dans la partie suivante, la place occupée par le prestataire de services logistiques dans le pilotage de ces démarches interorganisationnelles, à l’interface entre les industriels d’une part et entre industriels et distributeurs d’autre part, représente une réelle opportunité stratégique. 3. Les enjeux stratégiques de la GMA pour les prestataires de services logistiques. La GMA est en effet l’occasion pour les prestataires de renforcer leur position auprès des grandes entreprises (3.1) en développant, dans le même temps, une offre dédiée aux PME afin de diversifier leur clientèle et stabiliser ainsi leur activité (3.2). 3.1. La GMA, un moyen pour les PSL d’affirmer leur position auprès des grandes entreprises. Dans le secteur de la grande distribution alimentaire, aucune offre spécifique ou compétence particulière ne permet de différencier vraiment les prestataires. Compte tenu de la rentabilité moyenne des dossiers, la marge de manœuvre pour conduire une stratégie de domination par le prix est aussi extrêmement réduite, même si certains comme ID Logistics semblent avoir ce positionnement. La pression sur les prix reste une tendance majeure (Lieb et Bentz, 2004) renforcée par le fait que les prestataires opérant sur le secteur de la distribution alimentaire se partagent finalement un nombre restreint de grandes entreprises. Deux principales raisons expliquent ce phénomène. Tout d’abord, les stratégies d’externalisation concernent essentiellement les grandes entreprises qui ont progressivement confié la réalisation de leurs opérations logistiques pour se concentrer sur les activités de conception et de pilotage des démarches de Supply Chain Management. Par ailleurs, les prestataires ont eux-mêmes constamment privilégié les grandes entreprises qui représentent aujourd’hui la majeure partie de leur chiffre d’affaires. Pourtant, comme nous l’évoquions dans la première partie, afin de maintenir leur pression sur les prix et se prémunir contre les risques d’opportunisme, ces grandes entreprises ont tendance à maintenir un fort degré de substituabilité entre prestataires. Cette substituabilité, renforcée par l’indifférenciation de l’offre des prestataires sur ce secteur, génère, pour ces derniers, une instabilité croissante qui pose de nombreux problèmes (sociaux lors des fermetures de site, financiers en termes de retour sur investissement, par exemple en 10 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon matière de systèmes d’informations ou, tout simplement, de rentabilité des dossiers compte tenu de la pression sur les prix…). Dans un tel contexte, les démarches de GMA représentent une opportunité pour les PSL de stabiliser leurs relations avec leurs clients. Même si le prestataire n’est pas impliqué dans la phase de conception de l’organisation logistique sousjacente à la GMA, la complexité des processus opérationnels liée aux contraintes de synchronisation des flux des industriels et des distributeurs limite sa substituabilité. La conception des démarches de GMA entre industriels et distributeurs est déjà un processus long et difficile compte tenu des enjeux liés à la maîtrise des flux logistiques au sein du canal de distribution. Cette maîtrise est souvent un moyen pour le distributeur de faire supporter aux industriels la majeure partie du coût logistique et d’absorber les gains de productivité réalisés (Bonet, 2000). Les freins au développement de ces démarches collaboratives sont aussi nombreux du point de vue des industriels, notamment lorsque ces derniers sont directement concurrents (cas du projet initié par HeCore avec Kuehne+Nagel). Le processus d’externalisation est aussi une étape délicate. Les différents partenaires (industriels et/ou distributeur) doivent d’abord se mettre d’accord sur le choix du prestataire. Or, la prestation de service logistique se caractérise par l’impossibilité d’évaluer a priori son résultat compte tenu des facteurs susceptibles de l’influencer (Roques, 2003). Elle est le résultat d’un processus de co-conception entre le prestataire et le chargeur. Les modes d’organisation et de pilotage mis en oeuvre entre les partenaires vont ainsi avoir une influence sur son résultat. Dans le cadre des démarches de GMA, la conception de la prestation peut s’avérer particulièrement complexe compte tenu des spécificités et des attentes de chaque partenaire. Enfin, le déploiement de la démarche et son pilotage reposent essentiellement sur la compétence du prestataire, tant d’un point de vue opérationnel que relationnel. Compte tenu des missions qui lui sont confiées, il joue effectivement un rôle essentiel dans la gestion des interfaces entre les différents acteurs de la supply chain. Leur implication dans les démarches de GPA et de cross-docking a permis aux prestataires d’améliorer leurs compétences en matière de synchronisation des flux de marchandises. Ainsi, dans le cadre des démarches de GMA, c’est au prestataire qu’est confiée la conception et le déploiement des systèmes d’information inter-organisationnels sous-jacents à l’intégration de la supply chain. Pour autant, ces démarches impliquent le développement d’autres compétences, notamment relationnelles, qui se concrétisent par exemple par la mise en place de gestionnaires client en charge de la relation avec chaque partenaire (ce qu’a fait FM Logistic), d’équipes dédiées pour piloter chaque projet de GMA en collaboration avec les responsables des industriels (cas de l’organisation mise en place chez Kuehne+Nagel dans le cadre du projet HeCore). Cette compétence relationnelle, qui se fonde aussi sur la capacité du prestataire à effectuer un reporting rigoureux pour attester auprès des différents partenaires d’un comportement loyal, est aussi le gage d’un apprentissage collectif nécessaire compte tenu de la complexité des processus et de leur contenu technologique (Paché, 2007). Ainsi, ces démarches qui s’inscrivent dans la durée compte tenu, à la fois de leur coût de conception et des investissements qu’elles impliquent pour les partenaires tant financiers que relationnels, contribuent à réduire le degré de substituabilité du prestataire. On peut même penser que plus le nombre d’industriels inséré dans la démarche sera important, moindre sera son degré de substituabilité compte tenu de la complexité des flux à traiter et donc, de la complexité du processus d’externalisation. Ainsi s’inscrire dans ces démarches de GMA est une opportunité pour les prestataires de stabiliser leur portefeuille en renforçant leur position auprès des grandes entreprises. Même si ils ne sont pas effectivement les « pilotes » de ces démarches car ils restent fondamentalement sous contrôle, leur implication ne peut pas être 11 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon qu’opérationnelle compte tenu de la position qu’ils occupent sur la chaîne. Ces démarches sont alors l’occasion pour les prestataires de développer leurs compétences en matière de pilotage de chaînes logistiques multi-acteurs. Ces compétences permettront aux « pionniers » de bénéficier d’un avantage relatif sur les autres prestataires, et surtout d’être en mesure de rapidement répliquer ces modèles en les adaptant pour le compte d’entreprises de taille moyenne qui représentent aujourd’hui un véritable levier de croissance. 3.2. La GMA, un levier de croissance auprès des PME. Les PME sont incitées, à l’instar des grandes entreprises, à s’inscrire dans des démarches de GPA qui génèrent une augmentation de leur coût logistique. Elles sont donc contraintes pour répondre aux attentes de la grande distribution en matière de réduction des niveaux de stocks, de promouvoir ces logiques de mutualisation (GMA), d’autant que beaucoup d’entre elles ne disposent pas des compétences logistiques et des ressources financières nécessaires pour s’inscrire dans ces démarches classiques de GPA. Elles risquent alors à terme de se voir refuser l’accès à ce circuit de distribution ou de voir leur logistique de distribution prise en charge par les distributeurs avec les inconvénients évoqués dans la partie précédente. Dans un tel contexte, les prestataires logistiques pourraient devenir de véritables partenaires en concevant une offre adaptée à ces entreprises de taille moyenne et répondant aux attentes de la grande distribution. A l’instar des modèles développés actuellement par les distributeurs pour leurs marques (MDD), les flux de ces petits industriels pourraient être massifiés sur des plates-formes régionales à destination des magasins pour les produits à forte rotation supprimant ainsi un lieu de stockage sur la chaîne ou d’entrepôts secondaires d’une ou plusieurs enseignes pour les produits à faible rotation. Cette massification permettrait en outre une optimisant du transport en amont (multipick) et aval (multidrop) des plates-formes. Se positionner sur le marché des PME en leur proposant une offre globale de GMA renvoie nécessairement aux compétences requises pour assurer la gestion des interfaces entre industriels et distributeurs. Les interfaces logistiques tout d’abord qui requièrent néanmoins des compétences d’ingénierie (conception des organisations sous-jacentes et de leurs modes de fonctionnement en collaboration avec les industriels impliqués en prenant en compte leurs attentes particulières – co-packing, conditionnement…), des compétences techniques (conception des systèmes d’information inter-organisationnels) et des compétences de pilotage (conception des systèmes de contrôle pour assurer la traçabilité des activités et donc des coûts imputables à chaque partenaire, choix des opérateurs dans le cas où certaines activités, notamment le transport, seraient déléguées et contrôle de leurs activités…). Les interfaces relationnelles ensuite qui requièrent des compétences en matière de gestion de la relation client (dans ce cas, industriels et distributeurs). Même si l’offre de base est standardisée, le prestataire doit être capable de répondre aux attentes spécifiques de chaque client en fonction de sa stratégie commerciale (co-packing pour les offres promotionnelles dans le cadre d’opérations de trade marketing, conditionnement à façon…). Il est aussi, compte tenu de sa position et de son rôle dans le pilotage des flux, force de proposition dans l’amélioration et/ou la redéfinition des systèmes d’approvisionnement pour ses clients et pour les enseignes de distribution. Ce rôle de médiateur et de conseil repose en outre sur sa capacité à concevoir un système de contrôle de gestion permettant de tracer effectivement les coûts sur l’ensemble de la chaîne pour être à même d’envisager l’impact de telle ou telle action sur leur évolution. Cette traçabilité est aussi le gage pour les industriels d’une véritable maîtrise des coûts et, toujours, un moyen de s’assurer de la loyauté et de l’efficacité du PSL dans la mobilisation des ressources pour le compte de chaque industriel, c’est à dire l’assurance de sa capacité à gérer les interfaces sans opportunisme (Paché, 2007). 12 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Ainsi, dans ce cadre, les démarches globale de GMA représentent l’occasion pour les prestataires de développer de véritables collaborations avec des industriels de taille moyenne, contraints de s’inscrire dans ces démarches de mutualisation. Ces collaborations auraient effectivement pour effet d’améliorer leur position relative et d’aménager le contexte de leur action (Koenig,1996). Ils occuperaient effectivement le rôle de pilote de la supply chain en définissant les ressources à mobiliser pour les différents partenaires, distributeurs et industriels. Ces derniers devenant alors potentiellement substituables. Au delà de la réalisation des activités physiques et de leur optimisation, le service rendu par le prestataire concerne aussi, et peut-être avant tout dans certains cas, la mise en relation de ces PME avec les distributeurs. Cette offre pourrait ainsi permettre à de petites entreprises locales ou régionales, sans aucune expertise logistique, d’accéder au circuit de la grande distribution à la recherche de produits locaux dans le cadre des stratégies de géo-marketing. Ainsi, le développement de cette offre globale de GMA en collaboration avec les PME leur permettrait de réduire considérablement leur substituabilité. Si les grandes entreprises peuvent se permettre collectivement de changer de prestataire, il n’en est pas de même pour les PME au regard des coûts de sortie et des coûts de changement générés. Par ailleurs, compte tenu des actifs relationnels développés par le PSL dans le cadre de ces démarches, notamment avec la ou les enseignes de distribution, il devient quasiment impossible pour ces PME de sortir de la démarche sans risquer de perdre l’accès à un ou plusieurs de leurs clients. L’expertise alors acquise dans la gestion des interfaces entre industriels et distributeurs peut permettre aux prestataires de services logistiques de développer une plus grande visibilité stratégique, c’est à dire d’être considérés progressivement comme de véritables acteurs dans le cadre des démarches de Supply Chain Management, et non plus uniquement comme ceux à qui l’on confie uniquement la conduite opérationnelle des activités. Conclusion L’étude du canal de distribution montre l’essor des pratiques collaboratives entre industriels et distributeurs. Dans ce cadre, s’ils apparaissent comme des partenaires importants sur le plan de la conduite des opérations, les prestataires font l’objet d’un contrôle croissant afin de limiter tout risque d’opportunisme de leur part. A partir de l’étude des pilotes de GMA conduits en France, l’objet de cette recherche était de montrer les manœuvres stratégiques des différents acteurs et les opportunités potentielles pour les prestataires. Ces études de cas ont permis d’illustrer non seulement les opportunités immédiates (coûts logistiques, de transport, niveau de service...) sous réserve de la maîtrise d’un certain nombre de paramètres, mais surtout d’identifier les enjeux de la GMA pour les prestataires. En effet, à l’inverse des démarches précédentes potentiellement plus éphémères, la GMA apparaît comme durablement structurante compte tenu des coûts de mise en oeuvre et des coûts de sortie. Cette caractéristique des démarches de GMA profite aux prestataires en stabilisant ainsi leurs relations avec leurs clients, notamment les grandes entreprises qui avaient tendance à maintenir un fort degré de substituabilité. Pour les prestataires, il s’agit cependant de développer une compétence distinctive afin de gérer, sans doute plus durablement, de tels dossiers. Cette compétence leur permet surtout de proposer une offre dédiée (logistique et gestion de la relation client) aux nombreux industriels de taille moyenne qui n’ont pas individuellement les ressources pour conduire une telle démarche mais qui constituent, collectivement, un relais de croissance important. Le suivi de ces pilotes, et des autres, permettra d’entériner les succès et échecs de ces manœuvres stratégiques. 13 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Bibliographie Bonet D. (2000), « Conflit et cooperation dans le canal de distribution: une analyse du discours des acteurs » in P. 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