activation des chômeurs

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activation des chômeurs
LETTRE
MENSUELLE
SOCIO-ÉCONOMIQUE
N°170 - 31/ 05 / 2011
CCE Conseil Central de l’Économie
NUMER0 170 - mai 2011
ACTIVATION DES CHÔMEURS
Une étude d’évaluation
Le point de vue de Bruno Van der Linden
3
10
R&D ET INNOVATION
Le brevet européen
15
MOBILITÉ
Indemnisation des déplacements domicile-lieu de travail
19
La réaction du secrétaire du MORA
31
ACTUALITÉS
Conseil central de l’Économie
33
Comité économique et social européen
35
• Comité d’accompagnement: Andy Assez, Kris Degroote, Luc Denayer, Tasso Fachantidis,
Ton Harding, Paul Henriet, Jean-Pierre Tillieux, Siska Vandecandelaere
• Rédaction: Jean-Paul Denayer, Hendrik Nevejan, Michèle Pans, Michael Rusinek, Siska
Vandecandelaere
• Secrétariat de rédaction: Alain Cabaux
• Traduction: Bernadette Hamende
• Mise en page: Simonne Loison
• Assemblage: José Marquez Y Sanchez
• Site Web: www.ccecrb.fgov.be
• Éditeur responsable: Ton Harding, Avenue de la Joyeuse Entrée 17-21, 1040 Bruxelles
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 3
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Une étude d’évaluation
Le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs, introduit en juillet 2004, implique notamment un
contrôle des efforts de recherche d’emploi des chômeurs assorti de sanctions quand ceux-ci sont jugés
insuffisants. Une évaluation de ce plan réalisée par une équipe de l’UCL a été présentée lors d’une
journée d’étude au cours de laquelle des représentants des sphères académiques, socio-économiques
et politiques se sont exprimés1. Le secrétariat du CCE, qui faisait partie du comité d’accompagnement
de l’étude d’évaluation, était présent. Dans cet article, nous présentons les principales conclusions de
cette journée d’étude. Nous y ajoutons les réflexions de Bruno Van der Linden, professeur à l’UCL et coauteur de l’étude d’évaluation, sur les améliorations qui pourraient être apportées au plan d’activation
ainsi que, d’un point de vue plus général, sur l’assurance-chômage en Belgique.
LE PLAN D’ACCOMPAGNEMENT ET DE SUIVI DES CHÔMEURS
Introduit en juillet 2004, le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs (PAS) a apporté un
certain nombre de changements majeurs dans le cadre du système d’assurance chômage et de
l’accompagnement des chômeurs en Belgique. Le PAS contient trois composantes :
Premièrement, la fin au droit des allocations de chômage après une certaine durée d’inoccupation pour
la catégorie des cohabitants2 (article 80) a été suspendue. De ce fait, la durée des allocations est à
présent illimitée pour toutes les catégories de chômeurs.
Deuxièmement, les services régionaux et communautaires de l’emploi et de la formation (VDAB,
FOREM, Actiris et ADG) ont renforcé l’accompagnement des chômeurs par une série de politiques
actives : entretiens individuels de diagnostic, parcours d’insertion, aides à la recherche d’emploi,
formations, etc.
Enfin, et c’est la composante la plus controversée de la réforme, outre le contrôle de la disponibilité
« passive » des chômeurs3, l’ONEM se voit à présent également confier la tâche de contrôler
l’intensité de leurs efforts en matière de recherche d’emploi. C’est sur ce volet, appelé « activation
du comportement de recherche d’emploi » (ACR) que l’étude de l’UCL s’est concentrée de manière
spécifique. Concrètement, le chômeur reçoit une lettre d’avertissement 13 mois après son entrée
en chômage (7 mois pour les moins de 25 ans) qui l’informe que ses efforts de recherche d’emploi
seront évalués lors d’un entretien avec un « facilitateur » de l’ONEM 8 mois plus tard. Si, lors de ce
premier entretien, les efforts sont jugés insuffisants (tout en tenant compte, en principe, de la situation
personnelle du chômeur, notamment son âge, sa situation familiale, etc.), le chômeur doit signer un
contrat, en principe adapté à sa situation personnelle, dans lequel il s’engage à mener des actions telles
1
L’ensemble des contributions présentées lors de la journée d’étude est accessible sur le site http://www.uclouvain.be/
en-356120.html.
2
Introduit en 1991, l’article 80 stipulait que les allocations de chômage étaient limitées dans le temps pour les cohabitants
dont le revenu était supérieur à un certain seuil.
3
Pour percevoir des allocations de chômage, un chômeur doit être disposé à travailler. Ceci signifie qu’il encourt une sanction
si, par exemple, il refuse un emploi convenable.
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Une étude d’évaluation
que s’inscrire auprès d’agences d’intérim, envoyer des candidatures spontanées, etc. Un deuxième
entretien a lieu 4 mois plus tard pour évaluer si le chômeur a respecté son contrat. Si ça n’est pas
le cas, il encourt temporairement soit une réduction du montant de l’allocation de chômage, soit une
suspension du paiement de ses allocations. En outre, le chômeur doit signer un nouveau contrat qui
sera évalué dans un troisième entretien 4 mois plus tard. Si le chômeur n’a pas respecté ce nouveau
contrat, il est exclu définitivement du bénéfice des allocations. En cas d’évaluation positive lors de
chaque entretien, une nouvelle procédure démarre : un nouvel entretien a lieu 16 mois plus tard et un
nouvel avertissement est envoyé au chômeur au plus tard 6 mois avant l’entretien.
UNE RUPTURE AVEC LE PASSÉ ?
Pour ses détracteurs, l’activation du comportement de recherche d’emploi des chômeurs introduit une
rupture par rapport à la philosophie originelle du système belge d’assurance chômage: l’indemnisation du
chômage ne serait plus un droit fondamental obtenu du fait de la perte d’un emploi, mais serait à présent
conditionnée au fait de rechercher activement un emploi. Lors de son exposé, le Professeur Daniel
Dumont (ULB) s’est inscrit en faux face à cette opinion. Celui-ci rappelle que le droit aux allocations de
chômage n’a jamais été inconditionnel en Belgique. En effet, le risque pris en charge par l’assurance
chômage est le chômage involontaire, et non la seule absence d’emploi en elle-même. Jusque dans les
années 80, le système reposait sur des allocations de chômage illimitées dans le temps, ce qui sousentend qu’une fois le chômeur admis au bénéfice des allocations, la prolongation de son chômage était
présumée involontaire. Toutefois, en cas de chômage d’une durée ou d’une fréquence « anormale »,
le chômeur était tenu de démontrer le caractère involontaire de son chômage, notamment, déjà à cette
époque, en fournissant des preuves qu’il recherchait activement un emploi. En outre, afin de l’épauler
dans cette recherche d’emploi, le chômeur bénéficiait de l’aide des services publics de l’emploi.
Au cours des années 1980 et 1990, une série de mesures a profondément modifié le système. A la
place d’un contrôle des efforts de recherche d’emploi de tous les chômeurs après une certaine durée
de chômage, une catégorie bien précise de chômeurs (les cohabitants de moins de 50 ans dont les
revenus du ménage sont supérieurs à un certain seuil) a vu la durée de ses allocations chômage limitée
dans le temps (il s’agit du fameux article 80). En pratique, ces exclusions du chômage concernaient
essentiellement des femmes. Ainsi, au cours de ces années, l’on a basculé d’un système dans lequel
les allocations étaient accordées a priori aussi longtemps que le chômage se prolonge, mais où, en
échange, tous les chômeurs étaient tenus d’accomplir des démarches pour trouver du travail, à un
système dans lequel plus aucune proactivité ne leur est demandée mais où, en contrepartie, certains
sont mécaniquement déchus de leurs allocations en raison du simple écoulement du temps – sans que
l’on ne cherche plus à établir le caractère « anormal », et donc présumé volontaire, de leur maintien
en chômage4. De plus, submergés face à l’explosion du nombre de chômeurs, les services publics
chargés du placement et de la formation professionnelle ont peu à peu cessé de prendre en charge les
chômeurs qui ne retrouvaient pas un emploi dans les semaines qui suivent leur inscription au chômage
pour concentrer leurs efforts sur les chômeurs les plus proches du marché du travail. De ce fait, après
six mois sans travail, le chômeur était pratiquement assuré d’être définitivement oublié5.
Pour Daniel Dumont, si le PAS de 2004 introduit bien une rupture, c’est par rapport au système qui était
en vigueur depuis les années 1980, et non par rapport aux fondements historiques du système belge
4
Dumont, D. (2010), «Pour ou contre l’activation des chômeurs ? Une analyse critique du débat», Tijdschrift voor sociaal
recht/Revue de droit social, n° 2010/3, p. 363.
5
Idem.
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Une étude d’évaluation
d’assurance chômage. Le PAS réintroduit en effet le principe de la durée illimitée des allocations de
chômage pour tous les chômeurs (via la suspension de l’article 80) et, dans le même temps, l’obligation
de rechercher activement un emploi. Si c’est la première fois que cette obligation est explicitement
stipulée dans le Code du chômage, elle était déjà présente en pratique dans la jurisprudence avant qu’il
y soit mis fin au milieu des années 1980. De plus, outre ce volet fédéral de « suivi » des chômeurs, le
PAS contient également un volet régional et communautaire d’ « accompagnement » des chômeurs. Les
services régionaux et communautaires de l’emploi et de la formation (Forem, VDAB, Actiris et ADG) se
sont en effet engagés à fournir à tous les demandeurs d’emploi (et non plus uniquement à une minorité
comme c’était le cas depuis les années 1980) un accompagnement beaucoup plus systématique
qu’auparavant. Daniel Dumont conclut ainsi que loin de rompre avec la philosophie originelle de notre
système d’assurance chômage, le plan d’activation renoue à maints égards avec celle-ci, dont il avait
lentement mais sûrement dérivé au cours des années 1980 et 19906.
UNE MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DE FAIBLE AMPLEUR…
Si la réforme est importante sur le plan des principes, elle est revanche de relativement faible ampleur
tant du point de vue du nombre de chômeurs concernés que du point de vue budgétaire.
En 2009, par mois en moyenne, seulement 2,5% des chômeurs complets indemnisés recevait la lettre
d’avertissement dans le cadre de la procédure d’ACR7. Ce faible nombre s’explique notamment par le
fait que seuls les chômeurs de longue durée (plus de 13 mois de chômage –plus de 7 pour les moins
de 25 ans-) ayant moins de 50 ans sont concernés par la mesure.
Compte tenu de la durée prévue entre les différentes étapes de l’ACR (au moins 8 mois entre la lettre
et le premier entretien, et 4 moins entre les entretiens ultérieurs), beaucoup de chômeurs ont déjà quitté
le chômage indemnisé avant de participer aux entretiens. Ainsi, parmi les chômeurs avertis (en 2009
ou avant), un peu plus de la moitié participent au premier entretien d’évaluation, et seulement 9,4% et
2,1% respectivement au deuxième et au troisième entretien.
Toujours en 2009, près de 13 millions d’euros ont été dépensés dans le cadre de la procédure
d’ACR, dont la plus grande partie (81%) a servi à rémunérer ou former les facilitateurs de l’ONEM.
Ces dépenses ne représentaient que 0,2% du montant total des allocations attribués aux chômeurs
complets indemnisés en 20098.
…ET PEU ADAPTÉE À LA SITUATION PARTICULIÈRE DE CHAQUE CHÔMEUR
Si on se penche à présent sur la manière dont se déroulent les entretiens, on s’aperçoit que ceux-ci ne
correspondent pas tout à fait à ce qui était prévu au départ sur le papier. En principe, les facilitateurs de
l’ONEM doivent tenir compte de la situation personnelle du chômeur (âge, situation familiale, niveau de
formation, possibilités de déplacement, …) tant dans l’évaluation des efforts fournis par les chômeurs
6
Idem, p.376.
7
Ceci ne signifie cependant pas que seuls 2,5% des chômeurs complets indemnisés étaient concernés par la procédure
d’ACR. Un grand nombre de chômeurs avait en effet déjà reçu la lettre d’avertissement au cours des années antérieures
et se trouvaient, en 2009, dans une phase ultérieure du processus.
8
Cockx, B., M. Dejemeppe et B. Van der Linden (2011), op. citem.
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Une étude d’évaluation
pour trouver un emploi que dans le choix des démarches à accomplir qui sont consignées dans le
contrat qui fait suite à une évaluation négative. Selon Daniel Dumont, la jurisprudence et les témoignages
de terrain laissent cependant apparaître que, par manque de temps et de formation, les facilitateurs
passent régulièrement outre ces différents aspects personnels. Les entretiens sont en effet souvent
réduits à quelques minutes et les chômeurs évalués négativement son amenés à signer des formulaires
préimprimés contenant une série de clauses stéréotypées non négociées, telles que : envoyer dix CV,
consulter douze offres d’emploi sur internet, s’inscrire dans quatre agences d’interim, etc.
Au stade ultérieur de l’évaluation du contrat (lors des deuxième et troisième entretiens), on observe que
le non respect à la lettre des différentes démarches prescrites peut mener à la suppression, temporaire
puis définitive, des allocations. Daniel Dumont donne pour exemple un chômeur à qui il a été demandé
d’envoyer seize candidatures spontanées, à raison de quatre par mois, et qui a été sanctionné pour
en avoir envoyé une vingtaine, mais sans avoir respecté scrupuleusement la fréquence mensuelle
imposée. Les facilitateurs de l’ONEM ont en outre tendance à n’accepter que des preuves écrites de
recherche d’emploi alors que les déclarations sur l’honneur sont en principe également recevables, ce
qui incite les chômeurs à se constituer d’épaisses fardes de preuves écrites.
Daniel Dumont conclut que : A l’heure actuelle, le chômeur qui se contente de respecter à la virgule
près les quelques engagements-types décontextualisés qui lui ont été prescrits d’autorité par l’ONEM,
fussent ces engagements inadéquats ou sans grande utilité, est bien plus assuré de conserver ses
allocations que le chômeur qui, sans trop s’en tenir au « contrat » qui lui a été imposé et dont il ne
perçoit guère le sens, accomplit avec les moyens dont il dispose diverses démarches dont l’efficacité
peut pourtant s’avérer supérieure à moyen terme9.
Notons toutefois que, selon les chiffres de l’ONEM présentés lors de la journée d’étude, seuls 2,2% des
chômeurs ayant subi une évaluation négative ont introduit un recours judiciaire, et 78% de ceux-ci ont
été favorables à l’ONEM.
UNE FORTE AUGMENTATION DES SANCTIONS MAIS NON ATTRIBUABLE À L’ACR
Quelles sont les conséquences du plan d’activation en termes de sanctions ? Les données de l’ONEM10
révèlent qu’à l’issue du deuxième entretien, la proportion de chômeurs subissant une sanction pour
non-respect du contrat est en moyenne un peu plus d’un tiers11. Cette proportion augmente fortement
au terme du troisième entretien où c’est plus des deux-tiers des chômeurs convoqués qui sont évalués
négativement et qui sont dès lors exclus des allocations de chômage.
La proportion élevée d’évaluations négatives lors des entretiens n’a cependant pas mené à une explosion
du nombre d’exclusions des allocations et ce, en raison du très faible nombre de demandeurs d’emploi
qui participent à ces entretiens (voir plus haut). Si, entre 2003 et 2008, la fréquence des sanctions
(c’est-à-dire le nombre de sanctions par demandeur d’emploi indemnisé) a quasi triplé, il s’agit pour
l’essentiel de sanctions temporaires. De plus, la contribution de l’ACR à l’augmentation de ces sanctions
9
D. Dumont (2010), op. citem, p. 381.
10 ONEM, Rapport annuel 2010.
11 Le calcul de cette proportion ne comprend pas les « sanctions révocables », qui sont infligées en cas de non présentation
à un entretien, et qui sont levées avec effet rétroactif si le chômeur se présente au bureau de chômage dans les trente
jours ouvrables. Dans la suite du texte, lorsqu’on évoquera les sanctions subies dans le cadre de l’ACR, ce sera toujours
hors sanctions révocables.
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Une étude d’évaluation
reste limitée. En 2009, les sanctions dans le cadre de l’ACR représentaient 23% du total des sanctions
administrées par l’ONEM. La plus grande partie de l’augmentation de la fréquence des sanctions est
en réalité attribuable aux échanges d’informations (relatives aux refus d’emploi, de participation à des
politiques régionales, etc.) plus systématiques entre les services régionaux de l’emploi, suite à l’accord
de coopération de 2004 duquel fait partie le PAS, ainsi qu’à l’exploitation par l’ONEM de données
disponibles dans les diverses banques de donnée de la Sécurité Sociale. Notons également qu’en
2009, l’ACR engendrait un peu moins d’exclusions que l’article 80, qu’il a remplacé et qui déterminait la
fin de droit pour les seul(e)s cohabitant(e)s12.
UN IMPACT POSITIF SUR LA REPRISE D’EMPLOI…
L’efficacité d’une mesure telle que l’ACR doit être évaluée en fonction de ses effets sur l’emploi. L’ACR
parvient-il à améliorer le retour à l’emploi des chômeurs ? D’après l’évaluation de l’UCL13, c’est le cas.
Elle confirme en cela les résultats présentés par Muriel Fonder (IWEPS) et Bernard Lejeune (Ulg) lors
de la journée d’étude, qui portaient spécifiquement sur le plan d’accompagnement des chômeurs en
région wallonne14.
Selon l’étude de l’UCL, le fait même de recevoir la lettre d’avertissement (qui, rappelons-le, informe le
chômeur que sa recherche d’emploi sera contrôlée) augmente le taux d’emploi des chômeurs avertis
de 9,9 points de pourcent en Flandre (de 35,1% à 45,0%), de 6,2 points de pourcent en Wallonie
(de 28,4% à 34,6%) et de 4,7 points de pourcent à Bruxelles (de 23,3% à 28,0%), ceci 8 mois après
avoir reçu l’avertissement de l’ONEM15. En Flandre, seule région où l’effet des entretiens d’évaluation
a pu être estimé, chaque évaluation négative des efforts de recherche provoque une augmentation
supplémentaire du taux d’embauche des chômeurs. L’essentiel de l’effet intervient cependant avant
même que ces personnes ne soient sanctionnées. L’étude conclut dés lors que la réforme produit ses
effets sur l’embauche plutôt par la menace d’exclusion que par l’exclusion elle-même16.
Le fait que l’impact de la lettre d’avertissement soit plus important en Flandre qu’en Wallonie et à
Bruxelles indique qu’un système de contrôle de recherche d’emploi est plus efficace dans un marché
du travail où les offres d’emploi sont plus abondantes, comme c’est le cas en Flandre. En Wallonie,
l’avertissement ne génère d’ailleurs un effet positif que pour les chômeurs les plus scolarisés et surtout
dans les arrondissements où le chômage est plus faible qu’ailleurs. En Flandre, par contre, l’effet est
positif pour tous les niveaux de diplôme, mais plus encore pour les moins qualifiés. L’étude en conclut
que la perspective d’un contrôle de la recherche affecte davantage le taux d’embauche des non-qualifiés si et
seulement si les offres d’emploi appropriées sont disponibles en suffisance17.
Quel a été l’impact de l’ACR sur le plan macroéconomique ? Entre 2004 et 2008, le nombre de demandeurs
d’emploi inoccupés de moins de 50 ans a diminué de 23%. Toutefois, à l’inverse de l’étude de l’ONEM
également présentée lors de la journée d’étude, les chercheurs de l’UCL montrent que c’est principalement
12
Cockx, B., M. Dejemeppe et B. Van der Linden (2011), op. citem.
13
Idem.
14 FOREM (2007), « Evaluation de la deuxième phase du Plan d’Accompagnement des Chômeurs (PAC). Analyse descriptive et évaluation de l’efficacité ».
15 Soit juste avant le premier entretien.
16
Cockx, B., M. Dejemeppe et B. Van der Linden (2011), op. Citem, p.5.
17 Idem, p. 4.
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Une étude d’évaluation
l’amélioration de la conjoncture qui explique cette baisse du chômage. Le rôle limité de l’ACR dans l’évolution
macroéconomique du chômage, en dépit de l’impact positif sur l’emploi décelé par l’étude, s’explique par le
nombre relativement faible de chômeurs concernés par la mesure.
…ET SUR LES FINANCES PUBLIQUES…
Du point de vue des comptes de l’Etat, la procédure d’ACR engendre un gain net de revenu. Pour arriver
à cette conclusion, les chercheurs de l’UCL prennent en compte le coût de la mesure (principalement les
salaires des facilitateurs) mais également ses gains (les diminutions d’allocation, mais aussi le fait qu’en
cas de reprise d’emploi, l’Etat ne paie plus d’allocations de chômage, et collecte des taxes et des cotisations
sociales). En raison de la taille relativement faible du groupe de chômeurs couverts par la mesure, le gain
de revenu pour l’Etat est cependant minime en regard des dépenses que consacre l’ONEM aux allocations
de chômage.
…AU PRIX CEPENDANT D’UNE BAISSE DES PERSPECTIVES DE REVENU
L’amélioration par l’ACR de la reprise d’emploi se fait cependant au détriment de la qualité de ces emplois.
Les chômeurs sont en effet prêts à accepter des emplois moins bien rémunérés afin d’éviter les risques
de sanction. Cette baisse des salaires à l’embauche augmente au cours de la procédure, à mesure que le
spectre de l’exclusion se rapproche, mais reste cependant limitée : la perte est de 5 euros par mois avant le
premier entretien, 20 euros entre le premier et le deuxième entretien, et 30 euros pour les chômeurs ayant été
évalués négativement lors du deuxième entretien. Ces montants représentent respectivement 0,4%, 1,5% et
2,2% du salaire mensuel net moyen. Au final, malgré cette baisse du salaire à l’embauche, un chômeur qui
passe d’une allocation de chômage à un revenu salarié voit néanmoins son revenu augmenter.
Si les chômeurs qui trouvent un emploi bénéficient au total d’une hausse de leur revenu, tous ne sont
cependant pas dans ce cas. Ceux qui restent au chômage voient au contraire leur revenu diminuer car ils
subissent les coûts de recherche d’emploi (déplacements, appels téléphoniques, etc.) et, le cas échéant, des
diminutions d’allocations ainsi que des exclusions temporaires et définitives en cas d’évaluation négatives
de leur contrat. En tenant compte du fait que l’ACR améliore la probabilité de retrouver un emploi, mais
également du fait que cet emploi est moins bien rémunéré et qu’en cas de non reprise d’emploi le chômeur
voit ses perspectives de revenu diminuer, la procédure d’ACR engendre au total une baisse des perspectives
de revenu pour les chômeurs, par rapport à une situation sans ACR18.
L’étude de Joost Bollens et Vicky Heylen (K.U.Leuven), présentée lors de la journée d’étude, montre
d’ailleurs qu’à peu près un tiers des chômeurs ayant subi une sanction dans le cadre de l’ACR émargeaient
au CPAS dans le trimestre suivant la sanction en 2007. Fort logiquement, cette proportion diminue au fil
du temps en ce qui concerne les sanctions temporaires, mais ce n’est pas le cas pour les exclusions
définitives. Toutes sanctions confondues, la proportion des chômeurs sanctionnés allant vers les CPAS
est néanmoins similaire à ce qu’elle était avant l’introduction de l’ACR (environ 11%) et ce, en raison
du poids relativement faible des sanctions infligées dans le cadre de cette mesure dans le total des
sanctions. Toutefois, étant donné l’augmentation considérable du nombre de sanctions, engendrée on
l’a dit par l’accès accru de l’ONEM aux informations concernant les chômeurs, les flux du chômage vers
les CPAS ont, en valeur absolue, fortement augmenté19.
18 Dans ce calcul, les auteurs font l’hypothèse qu’en l’absence de l’ACR, il n’y aurait pas non plus l’article 80 qui met fin au droit
aux allocations de chômage pour les cohabitants après une certaine durée de chômage. Si on fait l’hypothèse qu’en l’absence
de l’ACR, l’article 80 serait appliqué, l’ACR augmente légèrement les perspectives de revenus.
19 Heylen, V., Bollens, J., Ceniccola, P. et A. Vanheerswynghels (2009), « Flux potentiels des sanctionnés vers les CPAS.
Le plan d’activation du comportement de recherche », Recherche effectuée à la demande du SPP Intégration Sociale.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 9
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Une étude d’évaluation
QU’EN RETENIR ?
La Plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs de 2004 opère un retour vers la philosophie
originelle du système d’assurance chômage belge basée sur une durée illimitée des allocations de
chômage à condition de rechercher activement un emploi, et sur un accompagnement des chômeurs
dans cette recherche d’emploi.
D’après l’évaluation menée par l’UCL, la réforme semble porter ses fruits : L’activation du comportement
de recherche d’emploi parvient, par le biais de la menace des sanctions, à augmenter le retour à l’emploi
des chômeurs. Qui plus est, ceci se fait sans coût pour les pouvoirs publics. Au contraire, lorsque l’on
tient compte de ses coûts et bénéfices, la mesure rapporte même légèrement. Ces constats positifs
doivent néanmoins être nuancés par les remarques suivantes :
Sur le plan de la mise en œuvre de la réforme, la définition des contrats qui contiennent les démarches
à effectuer par les chômeurs est souvent déconnectée de la situation personnelle dans laquelle ils
se trouvent et ce, en dépit de ce que stipule la législation. De plus, l’évaluation de ces contrats paraît
souvent assez rigide, ce qui incite les chômeurs à adopter un comportement trop formaliste aux dépens
d’initiatives personnelles qui peuvent pourtant parfois s’avérer plus efficaces pour retrouver un emploi.
Sur le plan des effets, la réforme semble affecter la qualité des emplois acceptés par les chômeurs.
Sous la menace des sanctions, les chômeurs ont en effet tendance à accepter des emplois moins bien
rémunérés. Cette baisse du salaire à l’embauche est cependant relativement faible, et un chômeur qui
retrouve un emploi voit au final son revenu augmenter.
Enfin, au niveau macroéconomique, la réforme a eu peu d’impact sur le taux de chômage. Ceci est
du au fait que le public concerné par la mesure est relativement restreint : il s’agit des chômeurs de
longue durée âgés de moins de 50 ans. De plus, le contrôle de la recherche d’emploi se montre surtout
efficace là où les offres d’emploi sont abondantes. En agissant exclusivement sur l’offre de travail20,
cette mesure n’est donc qu’une des composantes de la politique de lutte contre le chômage et doit être
complétée par des politiques qui affectent la demande de travail émanant des entreprises.
Michael Rusinek ([email protected])
Hendrik Nevejean ([email protected])
20 Ceci est valable à court terme. A long terme, une intensification des efforts de recherche d’emploi devrait contribuer à
augmenter le nombre de poste de travail déclarés vacants par les entreprises.
page 10 > Lettre Mensuelle Socio-économique
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Le point de vue de Bruno Van der Linden
L’évaluation de l’activation du comportement de recherche d’emploi a montré l’utilité de contrôler plus
étroitement les chômeurs et de les sanctionner si les efforts fournis étaient insuffisants. Ces mesures
favorisent une remise à l’emploi plus rapide. Néanmoins, il ressort des résultats de l’étude et des
commentaires formulés lors de la journée d’étude que plusieurs améliorations pourraient être apportées
à la procédure de suivi. Nous avons abordé les principales d’entre elles, ainsi que quelques autres
réflexions sur l’assurance-chômage belge, avec le professeur Bruno Van der Linden, co-auteur de
l’étude1.
Le professeur Bruno Van der Linden est directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales
(IRES) de l’Université catholique de Louvain (UCL), au sein de laquelle il enseigne également l’économie
du travail. Dès le début des années 90, il s’est intéressé à l’évaluation de la politique du marché du
travail, et notamment à l’impact sur l’emploi des réductions des cotisations patronales.
INTERVIEW2
Le chômage de longue durée est un « vieux fléau » du marché du travail belge. Introduit en 2004, le
plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs paraît y répondre. Les résultats enregistrés sont-ils
suffisants pour que l’on puisse parler d’une avancée importante dans la lutte contre le chômage de
longue durée, ou le chemin est-il encore long ? Par exemple, comment se comporte la Belgique, par
comparaison internationale, en termes de passage du chômage au travail ?
Bruno Van der Linden (B.V.) : Dans une perspective internationale, nous pouvons dire que, globalement,
le marché du travail belge est caractérisé à la fois par un faible taux d’entrée dans le chômage et par
un faible taux de sortie du chômage. Le risque de devenir chômeur est plus faible en Belgique, mais le
risque de rester au chômage n’en est que plus élevé. Il existe toutefois des différences considérables
en fonction des qualifications du chômeur, de son âge, etc.
Pour faire face au chômage de longue durée, il est indispensable d’assurer un suivi minutieux
des chômeurs, mais c’est insuffisant en soi. Ce n’est pas un remède miracle. Il faut une politique
multidirectionnelle équilibrée qui ne se concentre pas uniquement sur l’offre, mais aussi sur la demande
de travail.
Ainsi, les différences régionales dans les résultats montrent que la procédure de suivi est plus efficace
lorsqu’il y a suffisamment d’offres d’emploi sur le marché du travail. Autrement dit, le côté de la demande
du marché du travail ne doit pas être négligé. Du côté de l’offre, la formation, dans le sens large du
terme, est en outre également importante, non seulement pour les connaissances et les compétences
du chômeur, mais aussi pour son attitude et son comportement. À plus long terme, une intensification
des efforts de recherche du chômeur, couplée à d’autres initiatives politiques axée sur l’offre, devrait
1 Cette étude a été financée par la Politique scientifique fédérale. Pour de plus amples informations, consultez le site suivant :
http://www.belspo.be/belspo/fedra/proj.asp?l=fr&COD=AP/04
2 L’interview a été réalisée en français, puis transcrite en néerlandais.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 11
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Le point de vue de Bruno Van der Linden
entraîner une augmentation du nombre d’offres d’emploi. En effet, la création d’emploi est plus probable
dans un environnement où les chômeurs sont motivés à retrouver du travail et disposent en outre des
compétences adéquates.
À l’heure actuelle, la procédure de suivi ne démarre qu’à un stade tardif : la plupart des chômeurs, à savoir
les plus de 25 ans, ne reçoivent un « avertissement » qu’après 13 mois de chômage, éventuellement
suivi d’un entretien d’évaluation 8 mois plus tard. Est-ce utile de modifier ce « timing » et d’avancer le
suivi ? Peut-on accélérer la reprise du travail en intervenant plus rapidement ?
B.V. : Tout d’abord, les résultats de l’étude indiquent effectivement que le suivi comporte un avantage
sociétal qui pourrait être plus grand si le contrôle avait lieu plus tôt. En effet, il fait prendre conscience
au chômeur de ses obligations et permet par conséquent de répercuter les avantages du système sur
un plus grand groupe de chômeurs.
Force est toutefois de constater que, pour certains groupes de chômeurs, la procédure de suivi ne
fonctionne tout simplement pas. Il s’agit des chômeurs qui sont éloignés du marché du travail, font face
à d’énormes problèmes et, parfois, n’ont peut-être même pas leur place au chômage. Il peut dès lors
être souhaitable de suspendre la procédure de suivi pour ces groupes. La question est de savoir quels
critères utiliser pour identifier ces groupes et combien de temps la suspension doit durer précisément.
Plus fondamentalement, on peut s’interroger sur le statut social à accorder à ce groupe et sur les
moyens à utiliser pour garantir une vie décente à ces personnes. Des réflexions étaient en cours au
niveau régional ainsi qu’au niveau fédéral, jusqu’à la chute du gouvernement.
Au-delà de la question de savoir si le « timing » de la procédure de suivi doit être adapté, les modalités
de calcul de la durée de chômage – qui sont à la base de ce « timing » – ne sont pas adéquates.
Actuellement, le compteur de la durée de chômage n’est remis à zéro qu’après une reprise de travail à
temps plein pendant 12 mois au moins au cours d’une période de 15 mois. Cela signifie que le compteur
continue à tourner même lorsque le chômage est interrompu par des périodes d’emploi relativement
longues. La procédure de suivi est donc lancée non seulement pour les chômeurs avec une durée
d’inoccupation longue et ininterrompue, mais aussi pour les chômeurs présentant une trajectoire
professionnelle instable qui peuvent quitter le chômage par leurs propres moyens. Cela contribue à
l’inefficacité.
Des témoignages issus du terrain, mais aussi la jurisprudence3, font apparaître que les entretiens
d’évaluation se déroulent de manière trop formelle et que les plans d’action mis en place lors d’une
évaluation négative sont trop stéréotypés ; bref, que la procédure de suivi est trop peu adaptée à
chaque situation individuelle. Êtes-vous d’accord avec cette analyse et, dans l’affirmative, quelle serait
votre stratégie concrète en la matière ?
B.V.: Concernant les exemples issus de la jurisprudence, il convient de dire qu’ils portent sur un
échantillon très particulier d’entretiens d’évaluation, lorsque le chômeur introduit un recours devant
le tribunal du travail. Cela fausse un peu la donne. En outre, il ressort des chiffres de l’ONEM, qui ont
également été présentés lors de la journée d’étude, que les voies de recours existantes ne sont pas si
souvent utilisées dans la pratique.
Cela ne signifie cependant pas que les entretiens d’évaluation se déroulent de manière idéale. Évaluer
des efforts de recherche reste un exercice difficile, car on ne mesure pas facilement les efforts de
3
Les exemples issus de la jurisprudence ont été présentés par Daniel Dumont, orateur lors de la journée d’étude et professeur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et aux Facultés universitaires Saint-Louis (FUSL).
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Le point de vue de Bruno Van der Linden
recherche fournis par le chômeur. Il y aura toujours des erreurs d’évaluation. C’est pourquoi les voies de
recours existantes sont importantes. Il est toutefois possible de réduire encore les risques d’évaluation
« erronée ».
Ainsi pourrait-on sans aucun doute améliorer les instruments dont disposent les facilitateurs pour
évaluer le comportement de recherche. Il est essentiel que le facilitateur dispose de balises claires sur
la nature des preuves reconnues comme acceptables, sur les exigences imposées dans une situation
ordinaire et sur la manière d’évaluer les efforts réalisés. Idéalement, les facilitateurs devraient disposer
d’une grille leur permettant d’ajuster ces balises en fonction d’indicateurs objectifs, comme le taux de
chômage local et certaines caractéristiques individuelles (charge d’enfants, maladie, niveau d’étude).
Ils devraient également pouvoir s’écarter de ces balises, par exemple lorsque le chômeur est dans une
situation particulière, pour autant que ces écarts soient justifiés par écrit et périodiquement contrôlés.
Il est donc possible de renforcer l’objectivité des entretiens d’évaluation, même si une certaine subjectivité
est inévitable. C’est pourquoi il me semble préférable, lorsqu’une décision doit être prise dans des cas
délicats, c’est-à-dire lorsque l’évaluation peut conduire à une exclusion du droit aux allocations, de
requérir l’avis d’un second facilitateur.
Le groupe cible de la procédure de suivi actuelle est la catégorie des moins de 50 ans. Est-il indiqué
selon vous d’élargir le groupe cible aux plus de 50 ans ?
B.V.: À ma connaissance, il n’y a pas aujourd’hui la moindre preuve – ni dans notre étude, ni dans
d’autres – que le suivi serait également efficace pour les plus de 50 ans. Il est dès lors particulièrement
difficile de formuler des recommandations politiques en la matière. J’ai pourtant le sentiment que
l’élargissement éventuel du groupe cible de la procédure de suivi aux plus de 50 ans devrait se faire
dans un cadre politique plus large qui prenne en compte tous les obstacles possibles qui sont à la base
du faible taux d’emploi de cette catégorie d’âge, même ceux qui se situent du côté de la demande de
travail, par exemple les barèmes salariaux liés à l’âge [NDR : qui peuvent inciter les employeurs à
considérer que les travailleurs plus âgés sont trop chers].
Actuellement, c’est l’ONEM qui est responsable du contrôle des efforts de recherche des chômeurs.
L’ONEM évalue ensuite la disponibilité des chômeurs à l’égard du marché du travail sur la base des
informations transmises par les services publics régionaux de l’emploi concernant les refus d’offres
d’emploi « convenable ». Est-il opportun d’octroyer davantage de compétences aux Régions dans le
suivi des chômeurs, par exemple dans l’élaboration des plans d’action individuels ? Les services publics
régionaux de l’emploi, qui se chargent déjà de l’accompagnement des chômeurs, ne sont-ils pas mieux
placés pour déterminer les actions concrètes que l’on peut attendre du chômeur ?
B.V.: Il serait positif en soi que les services publics régionaux de l’emploi établissent le plan d’action.
L’avantage dont ils disposent en matière d’information leur permet de définir un plan d’action conforme
au profil du chômeur, en prenant en compte ses besoins et ceux du marché du travail. Logiquement, les
Régions devraient donc être associées à l’évaluation des plans d’action destinée à vérifier si le contrat
conclu avec le chômeur a été respecté. Cela soulève toutefois plusieurs questions. À combien s’élèverait
la hausse des coûts de personnel ? Quelle est la probabilité qu’un conflit éclate entre les conseillers
de l’ONEM et ceux des services publics régionaux de l’emploi ? Mais il est encore plus important de
se demander dans quelle mesure ce serait en fait les Régions, via leurs nouvelles compétences, qui
détermineraient la durée d’octroi de l’allocation de chômage et, par la même occasion, les dépenses
fédérales au titre de l’assurance-chômage. Si des différences régionales émergent au fil du temps,
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 13
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Le point de vue de Bruno Van der Linden
un débat en profondeur pourrait être engagé sur l’opportunité ou non de régionaliser l’ensemble du
financement de l’assurance-chômage, dans le but de rendre les Régions responsables des conséquences
de leur politique pour les dépenses de chômage. Il est important d’en avoir conscience dans le cadre de
la réflexion sur la régionalisation, à quelque degré que ce soit, de la procédure de suivi des chômeurs.
Au-delà de l’amélioration du suivi et de l’accompagnement des chômeurs, la stratégie « Rendre le travail
rémunérateur » (en anglais « Making work pay ») occupe également une place centrale, ces dernières
décennies, dans le discours politique sur la problématique du chômage de longue durée. Cette stratégie
politique vise à accroître l’écart de revenu entre le « travail » et le « chômage » afin de stimuler le
chômeur à reprendre le travail. En la matière également, la Belgique a pris des initiatives, notamment
via le « bonus à l’emploi », qui consiste en une réduction des cotisations sociales personnelles pour les
bas salaires. Quel est à votre point de vue en la matière ? Est-ce que cela incite les chômeurs à trouver
plus rapidement du travail ? Estimez-vous que les mesures sont suffisantes, ou faut-il aller plus loin ?
B.V.: La stratégie politique « Rendre le travail rémunérateur » est surtout importante lorsque le « travail » a
peu de valeur intrinsèque en dehors du salaire. Dans les pays scandinaves, par exemple, c’est pourtant
le cas dans une large mesure. Le travail y détermine largement l’identité sociale et le statut social de
l’individu. C’est une donnée culturelle qui n’est pas sans importance.
Pour rendre le travail financièrement plus attrayant aux chômeurs belges, les options ne sont pas
nombreuses. Étant donné que la générosité des allocations de chômage n’est pas particulièrement
grande, il n’est pas très judicieux d’intervenir à ce niveau-là en abaissant les allocations. La marge
d’augmentation des bas salaires est également limitée. Relever le salaire minimum interprofessionnel
ne servirait à rien, puisqu’il existe souvent au niveau sectoriel des salaires minimum plus élevés qui
sont relativement généreux. Cela pourrait en outre dégrader la demande de travail. La seule option
disponible, c’est de continuer à baisser la fiscalité et la parafiscalité sur les salaires les plus bas, une
option qui a déjà été utilisée à plusieurs reprises en Belgique par le passé4.
Même si la possibilité de rendre le travail plus rémunérateur existe, on peut se demander si c’est pertinent
dans la mesure où l’on contrôle les efforts de recherche des chômeurs. Les résultats de notre étude
montrent que la probabilité qu’un jeune Flamand de 25 à 30 ans accepte l’emploi proposé augmente
d’environ 90 % à presque 100 % en raison de la procédure de suivi. Rendre le travail financièrement
plus attrayant n’a donc plus beaucoup de sens. Les résultats sont identiques pour les Régions où l’offre
de travail est peu favorable.
Différents commentateurs suggèrent déjà de poursuivre dans cette voie et proposent des modifications
radicales de l’assurance-chômage belge, par exemple la limitation dans le temps des allocations. Ils
avancent à cet effet divers arguments : certains chômeurs (qui effectuent peu de recherches effectives
ou refusent des offres d’emploi convenable) échappent à la procédure de suivi ; le coût du suivi plus
étroit des chômeurs,… Qu’en pensez-vous ?
B.V.: Il faut rompre le tabou de la « fin de droit ». On pourrait ainsi avoir un débat sérieux qui n’est pas
trop unilatéralement « pour » ou « contre ». Dans le débat sur la responsabilisation des chômeurs, on
peut considérer le suivi des chômeurs, d’une part, et la limitation dans le temps des allocations, d’autre
part, comme des alternatives, même si les deux sont combinées dans certains pays.
4
Le gouvernement en affaires courantes a du reste récemment décidé de poursuivre dans cette voie en renforçant le « bonus à l’emploi ». Ainsi, les cotisations sociales personnelles disparaissent totalement pour les salaires minimum.
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ACTIVATION DES CHÔMEURS
Le point de vue de Bruno Van der Linden
Limiter les allocations dans le temps comporte en effet une série d’avantages. C’est facile à réaliser et
plus simple à comprendre pour le chômeur. En outre, le coût de cette mesure est faible car le contrôle
de l’effort de recherche et de la disponibilité est moins nécessaire.
Si la politique du marché du travail a pour seul objectif de restreindre au minimum le nombre de
chômeurs, la limitation dans le temps du droit aux allocations est très efficace. L’assurance-chômage
a toutefois été mise en place pour couvrir le risque de perte de revenus en cas de chômage. Limiter
dans le temps le droit aux allocations a donc pour principal inconvénient de toucher à cette couverture
du risque. Un chômeur qui met tout en œuvre pour trouver un emploi mais n’a toujours pas de travail
au moment de l’exclusion perd subitement son droit à une allocation de chômage. Cet inconvénient
disparaît si on récompense les efforts de recherche plutôt que de sanctionner le fait de ne pas avoir
trouvé un emploi. En effet, la fin de droit n’est pas inévitable dans le cadre de la procédure de suivi.
Selon que le facilitateur estime que les efforts du chômeur sont suffisants ou non, elle peut être reportée.
C’est un incitant important à la recherche et à l’acceptation d’un emploi. Selon notre étude, cet incitant
est parfois plus grand que lorsque la fin de droit est une perspective inévitable.
Le conflit entre deux objectifs politiques est inhérent à ce débat : d’une part la garantie d’une protection
adéquate des revenus en cas de chômage et, d’autre part, la prévision d’incitants financiers suffisants
pour promouvoir la reprise du travail. Vous semblez suggérer que le suivi du chômeur, assorti d’un
contrôle plus étroit de ses efforts de recherche, résout ce dilemme.
B.V.: Le suivi permet en effet à la fois de ne pas toucher à la couverture du risque de l’assurancechômage et de stimuler la reprise du travail, même si tout cela a un coût. Le plan d’accompagnement
et de suivi des chômeurs, qui améliore également le contrôle de la disponibilité des chômeurs à l’égard
du marché du travail5, répond assurément à ces besoins, bien qu’il semble encore exister une certaine
tension entre les deux objectifs.
Dans ce contexte, la piste du renforcement de la dégressivité des allocations est également intéressante.
Elle prévoit une baisse plus rapide des allocations au fur et à mesure de la durée d’inoccupation. En
augmentant les allocations octroyées en début de chômage, on renforce le principe de l’assurance
tout en stimulant la reprise du travail. De la sorte, le chômeur ne doit pas immédiatement, ou dans une
moindre mesure, adapter son niveau de vie, par exemple en cherchant un logement moins cher, et il
peut investir toute son énergie dans la recherche d’un emploi. Cette piste politique permet peut-être
aussi d’ouvrir le débat complexe sur la réforme de la protection contre le licenciement en garantissant
au travailleur une plus grande sécurité de revenu en début de chômage.
Interview recueillie par
Hendrik Nevejan ([email protected])
et Michael Rusinek ([email protected])
5 Outre le plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs, l’accord de coopération entre l’autorité fédérale, les Communautés et les Régions de 2004 prévoit en effet également un échange électronique d’informations concernant les refus
d’emploi ou d’actions, les absences à une convocation, etc. Les informations transmises à l’ONEM par les services publics
régionaux de l’emploi permettent à celui-ci de mieux juger de la disponibilité du chômeur à l’égard du marché du travail.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 15
CCE Conseil Central de l’Économie
R&D ET INNOVATION
Le brevet européen
Dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne, le CCE et les conseils économiques
et sociaux régionaux (CESRW, CESRBC et SERV) ont élaboré une note conjointe formulant des
recommandations aux autorités européennes en matière de politique de la recherche, du développement
et de l’innovation. Cette note a été présentée lors de la conférence « Innovation et Entreprise : le rôle
des acteurs socio-économiques » du 2 juillet 2010.
Le 28 mars 2011, le CESRW et le CESRBC ont organisé une nouvelle conférence en vue d’assurer
le suivi de la présidence belge dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation.
Parmi les orateurs de cette conférence figurait Monsieur Jérôme Debrulle, conseiller général du Service
public fédéral Économie. Il a présenté un exposé intéressant sur le chemin parcouru et la situation
actuelle du brevet de l’UE (qui était appelé « brevet communautaire » avant l’entrée en vigueur du traité
de Lisbonne).
Moins cher, plus simple et gage d’une plus grande sécurité juridique que le système actuel, le brevet de
l’UE est une priorité des partenaires sociaux. Fin 2007, ces derniers ont émis un avis à ce sujet au sein
du CCE (« Œuvrer à un brevet communautaire et à une culture de brevets plus forte en Belgique »).
Cette question a également été abordée dans la note conjointe des conseils du 2 juillet.
Le système actuel de brevet européen comporte une série d’inconvénients. Une fois le brevet délivré
par l’Office européen des brevets (OEB), il doit être validé séparément dans chaque pays dans lequel le
titulaire souhaite bénéficier de la protection. Ceci implique que des taxes doivent en principe être payées
dans chaque pays et que le brevet doit être traduit dans son intégralité dans les langues officielles du
pays où la protection est demandée. Des taxes de maintien en vigueur du brevet doivent également
être payées chaque année. Les conditions de validation du brevet (par exemple le coût, les règles
administratives …) sont fixées par les États nationaux. Lorsqu’un litige survient, on se heurte à un
éparpillement des compétences : en cas de contrefaçon, la juridiction compétente est celle du pays du
contrefacteur présumé ou du lieu des activités de contrefaçon ; en cas de demande d’annulation, c’est
la juridiction du pays où le brevet a été validé qui doit se prononcer. Ce système perturbe le marché,
complique la lutte contre la contrefaçon et crée de l’insécurité juridique.
Ce sont surtout les exigences de traduction et les taxes de maintien en vigueur qui sont à l’origine des
coûts prohibitifs du système des brevets actuel. Introduire un brevet dans 13 États membres coûte
environ 12 000 euros. Aux États-Unis, c’est dix fois moins cher. Même si on se limite à 5 États membres,
les coûts oscillent encore entre 3 000 et 4 500 euros.
Pour pallier ces inconvénients, l’Union s’attache depuis longtemps à développer un brevet de l’UE. Il
s’agit d’un brevet qui serait délivré par l’Office européen des brevets (OEB), qui serait automatiquement
valable sur l’ensemble du territoire de l’UE, dont toutes les taxes et redevances seraient acquittées
de manière centralisée à l’OEB et dont le régime de traduction serait simplifié. En outre, l’UE souhaite
mettre en place une juridiction unifiée pour les litiges en matière de brevets, et ce tant pour le brevet
européen que pour le brevet de l’UE.
page 16 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
R&D ET INNOVATION
Le brevet européen
Plusieurs avantages évidents devraient en résulter :
-
l’harmonisation de la protection ;
la réduction des coûts ;
la réduction des charges administratives ;
le renforcement de la compétitivité des entreprises européennes ;
la création d’un marché interne pour les inventions brevetées ;
l’intensification de la lutte contre la contrefaçon ;
le renforcement de la sécurité juridique.
Pendant sa présidence de l’UE, la Belgique n’a pas ménagé ses efforts pour concrétiser ce brevet de
l’UE. La Belgique s’est appuyée à cet égard sur les propositions existantes. En décembre 2009, le Conseil
« Compétitivité » avait adopté une proposition d’amélioration du système des brevets (« Conclusions
on an enhanced patent system in Europe »). En ce qui concerne les exigences de traduction, la CE
a soumis une proposition au Conseil le 2 juillet 2010. Selon cette proposition, le demandeur aurait la
possibilité de choisir entre le brevet de l’UE et l’actuel brevet européen (faisceau de brevets nationaux).
S’il opte pour le brevet de l’UE, celui-ci pourrait être délivré dans l’une des trois langues officielles de
l’OEB. Quant aux réclamations, le demandeur devrait uniquement les faire traduire dans les deux autres
langues de l’OEB.
La proposition de la CE comportait néanmoins une série de mesures d’accompagnement :
- la disponibilité, à titre purement informatif (donc sans valeur juridique), de traductions automatiques
par machine dans toutes les langues de l’UE ;
- le remboursement des frais de traduction d’une demande de brevet de l’UE dans une langue de
procédure de l’OEB (allemand, anglais, français) ;
- en cas de litige, la traduction du texte du brevet de l’UE dans la langue du contrefacteur présumé.
Ces propositions n’ont pas été acceptées par tous les pays. Une série d’éléments ont par conséquent été
avancés pendant la présidence belge afin de faciliter un compromis. Nous les énumérons ci-dessous :
- une procédure unique serait applicable pour les demandes de brevet auprès de l’OEB. Ce n’est qu’à
la fin de la procédure que le demandeur opterait pour un brevet de l’UE ou un brevet européen.
- pendant une période transitoire, les brevets seraient accompagnés d’une traduction complémentaire :
un brevet délivré en allemand ou en français devrait obligatoirement être traduit en anglais tandis
qu’un brevet délivré en anglais devrait obligatoirement être traduit dans une autre langue officielle
de l’UE, au choix du demandeur. Il s’agirait ici de traductions « humaines » complémentaires. Elles
n’auraient aucune valeur juridique. Elles pourraient à terme être remplacées par des traductions par
machine, en fonction de l’évolution future de la qualité des traductions automatiques par machine.
- la qualité, le financement et l’évaluation des traductions automatiques seraient garantis.
- un système de compensation serait mis en place pour les coûts de traduction d’une demande de
brevet dans une des langues de procédure de l’OEB.
- les tiers qui agissent de bonne foi seraient protégés : en cas de litige concernant une demande de
dommages-intérêts, la juridiction saisie tiendrait compte du fait qu’avant de recevoir une traduction
dans sa langue, le contrefacteur présumé a pu agir de bonne foi, sans savoir ou sans avoir de motif
raisonnable de penser qu’il portait atteinte au brevet.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 17
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R&D ET INNOVATION
Le brevet européen
À l’occasion de la concertation ministérielle des 10 et 25 novembre 2010, la présidence belge a constaté
l’impossibilité d’aboutir à un processus décisionnel unanime concernant le cadre linguistique du brevet
de l’UE.
Cette concertation a permis de révéler que 25 des 27 États membres de l’UE adopteraient ces
propositions. C’est une option possible, car le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permet
de recourir à la procédure de « coopération renforcée », dans le cadre de laquelle un groupe de pays de
l’UE peuvent créer de nouvelles règles communautaires lorsque les propositions ne sont pas soutenues
par tous les États membres de l’UE. Ce brevet de l’UE serait donc uniquement applicable sur le territoire
des États membres participants. D’autres États membres pourraient toutefois s’y rallier à tout moment.
Le recours à cette procédure a été autorisé par le Conseil « Compétitivité » du 10 mars 2011, le
Parlement européen ayant déjà donné son approbation le 15 février.
Suite à l’approbation du recours à la procédure de coopération renforcée, la Commission a
introduit le 13 avril 2011, dans le cadre de l’Acte pour le marché unique, deux propositions
législatives visant à alléger considérablement le coût d’obtention d’un brevet au sein de
l’UE.
Grâce aux nouvelles propositions, le coût d’un brevet européen ayant un effet unitaire dans
25 États membres ne serait plus à terme que de 680 euros, après une période transitoire
durant laquelle ce coût baisserait déjà jusqu’à moins de 2 500 euros.
Les mesures proposées par la Commission sont les suivantes :
- les titulaires de brevets européens pourraient demander à l’OEB une protection par brevet
unitaire pour le territoire des 25 États membres. Ce brevet garantirait à leurs inventions le
même niveau de protection dans ces 25 pays.
- les demandes de brevet pourraient être déposées dans n’importe quelle langue, mais l’OEB
continuerait d’examiner les demandes et de délivrer les brevets en anglais, en français ou
en allemand (les langues officielles de l’OEB). Les demandeurs résidant dans l’UE qui
soumettraient leur demande de brevet dans une langue autre que les trois langues de
l’OEB recevraient une compensation pour leurs frais de traduction dans l’une des langues
officielles de l’OEB. Enfin, après la délivrance du brevet, les revendications, qui définissent
la portée de la protection, devraient être traduites dans les deux autres langues officielles
de l’OEB.
- durant une période de transition de 12 ans maximum, les brevets européens à effet unitaire
délivrés en français ou en allemand devraient encore être traduits en anglais. Les brevets
délivrés en anglais devraient être traduits dans une autre langue officielle de l’UE, au
choix du demandeur. Ces traductions seraient obligatoires jusqu’à la mise à disposition
d’un système de traduction automatique de grande qualité garantissant l’accessibilité des
informations concernant les brevets. Les traductions supplémentaires fournies durant la
période de transition serviraient directement à mettre au point un système de traduction
automatique de grande qualité.
Les projets de règlement sont actuellement soumis à l’examen du Conseil et du Parlement
européen.
page 18 > Lettre Mensuelle Socio-économique
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R&D ET INNOVATION
Le brevet européen
Dans l’intervalle, la Cour de justice européenne s’est exprimée sur la proposition de créer une juridiction
séparée pour le règlement des litiges relatifs à des brevets européens ou de l’UE. La Cour estime que
cette option n’est pas compatible avec le droit européen. La Commission a désormais la possibilité
d’élaborer une proposition qui réponde aux exigences de la Cour.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 19
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MOBILITÉ
Indemnisation des déplacements domicile-lieu de travail
Le 25 mars 2011, la cellule de réflexion interdisciplinaire Metaforum Leuven1 de la K.U. Leuven a
présenté son texte conceptuel “Personenmobiliteit in Vlaanderen”2 0 (la mobilité des personnes en
Flandre) portant des propositions pour réduire le problème des embouteillages en Flandre (Belgique).
L’une des pistes que propose la cellule de réflexion à cette fin consiste à supprimer les indemnités pour
les déplacements domicile-lieu de travail et à utiliser l’argent ainsi économisé à rendre les logements
(plus coûteux) en ville plus abordables. Afin d’aider à avancer sur cette piste de réflexion et à poursuivre
le développement des contacts du Conseil central de l’économie (CCE) avec le monde académique, le
secrétariat du CCE a posé une série de questions en la matière au prof. dr. Stef Proost, le coordinateur
du texte conceptuel précité. Stef Proost est responsable du groupe de recherches Energie, Transport en
Milieu (Energie, Transport et Environnement) de la K.U.L. et professeur ordinaire à la faculté Economie
en Bedrijfswetenschappen (faculté des sciences économiques et des sciences de l’entreprise) de la
K.U. Leuven.
DONNER DES SUBSIDES: CRÉER UNE IDÉE FAUSSE DES PRIX
D’où vient l’idée de supprimer les indemnités pour les déplacements domicile-lieu de travail?
Stef Proost (S.P.): En premier lieu, de nombreux déplacements (y compris donc les déplacements
domicile-lieu de travail) – qu’ils soient effectués en voiture ou en transports en commun – se font
en dessous de leur coût pour la société. En raison de ce subventionnement, qui prend différentes
formes (voitures de société, gratuité des transports en commun, tarifs sociaux pour les étudiants et les
seniors…), les navetteurs ont une idée fausse des prix et ne sont pas suffisamment stimulés à éviter les
routes et les trains saturés aux heures de pointe. Tant que les coûts externes de transport3 ne seront
pas internalisés, en d’autres termes tant que les navetteurs ne seront pas confrontés aux dégâts pour
la société (pollution de l’air, embouteillages, bruit…) que provoque leur choix de transport, ils ne seront
pas encouragés à ramener leurs déplacements motorisés à un niveau correct. Ils sont donc tout aussi
peu encouragés à préférer pour chaque déplacement le(s) mode(s) de transport qui consomme(nt) le
moins d’énergie et provoque(nt) le moins d’émissions de gaz à effet de serre et/ou est(sont) bon(s) pour
leur santé (comme la marche ou le vélo).
En second lieu, le subventionnement des frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail incite
les gens à aller habiter n’importe où. Cette incitation induit des déplacements domicile-lieu de travail
(plus) longs, augmente la consommation d’énergie par logement ainsi que l’utilisation de la voiture.”
1
La cellule de réflexion interdisciplinaire Metaforum Leuven entend renforcer la participation de la K.U.Leuven au débat de
la société. À cette fin, Metaforum Leuven soutient les groupes de réflexion qui rassemblent le savoir-faire scientifique et
amènent les chercheurs de différentes disciplines à discuter de problèmes sociétaux pertinents.
2
Le texte conceptuel “Personenmobiliteit in Vlaanderen” est disponible sur http://www.kuleuven.be/metaforum/docs/pdf/
wg_7_n.pdf
3
Les personnes qui se déplacent provoquent des coûts pour la société qu’ils ne prennent pas en charge, comme les problèmes de santé résultant de la pollution de l’air et des nuisances sonores, les effets sur le climat des émissions de gaz à
effet de serre, la perte de temps pour les autres voyageurs, etc. On appelle ces coûts les coûts externes de transport.
page 20 > Lettre Mensuelle Socio-économique
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MOBILITÉ
Indemnisation des déplacements domicile-lieu de travail
La suppression des indemnités pour les déplacements domicile-lieu de travail permettrait à la fois aux
autorités et aux employeurs d’économiser de l’argent. Les autorités ne devraient par exemple plus
réserver de fonds pour l’exonération fiscale des indemnités que les employeurs octroient à leurs
travailleurs pour les déplacements domicile-lieu de travail (voir l’encadré), elles ne devraient plus
octroyer de déduction fiscale spéciale aux travailleurs dont le domicile est éloigné du lieu de travail (voir
l’encadré), etc. Les employeurs ne devraient plus intervenir dans les coûts de déplacements domicilelieu de travail de leurs travailleurs. L’ambition est-elle d’utiliser uniquement l’argent épargné par les
employeurs pour rendre les logements en ville plus abordables? Dans quel fonds devraient-ils verser
cet argent?
S.P.: Le but est de rendre les logements (plus coûteux) en ville plus abordables à l’aide de l’argent
épargné à la fois par les autorités et les employeurs grâce à la suppression des indemnités pour les
déplacements domicile-lieu de travail.
Je laisserais les employeurs libres d’affecter l’argent qu’ils économisent de cette façon comme ils
l’entendent. Ils peuvent utiliser cet argent à différentes fins, pour récompenser financièrement les
travailleurs qui viennent travailler (plus) près de leur lieu de travail, p. ex., rembourser entièrement ou
partiellement les frais de déplacement des travailleurs qu’ils ne veulent pas voir partir à la concurrence
ou attirer des personnes au profil rare, qui sont nécessaires pour permettre à l’entreprise de fonctionner
correctement.
RENDRE LES LOGEMENTS EN VILLE PLUS ABORDABLES
Par quelle(s) mesure(s) rendriez-vous les logements (plus coûteux) en ville plus abordables?
S.P.: En diminuant l’impôt des personnes physiques.
La réduction de l’impôt des personnes physiques est une mesure que je défends et ce, pour la raison
suivante. Aujourd’hui, une grande partie de notre salaire brut est surtaxée: en tant que travailleur, vous
payez sur votre salaire brut 13,07% de cotisations à la sécurité sociale et 30 à 40% d’impôts des
personnes physiques. Si cette situation persiste, la suppression des indemnités pour les déplacements
domicile-lieu de travail induit le risque de voir l’offre d’emplois régresser, alors qu’en cette période
d’assainissement budgétaire, il est précisément nécessaire de promouvoir l’offre d’emplois. En effet,
chaque nouvel emploi apporte un bénéfice à la société, sous la forme de cotisations supplémentaires à
la sécurité sociale et d’impôts supplémentaires sur les personnes physiques.
Personnellement, je ne suis pas partisan d’une prime de déménagement et ce, pour quatre raisons.
1. En octroyant une prime de déménagement en compensation des efforts consentis par les travailleurs
pour occuper un logement (plus) près de leur lieu de travail, on crée en quelque sorte un mécanisme
qui décharge les autorités de leur responsabilité de mener une politique du logement efficace (c.-à-d.
non restrictive).
2. Si le prix du transport est “juste” (c.-à-d. si les coûts externes sont internalisés), il n’est pas nécessaire
d’octroyer une prime de déménagement pour inciter les gens à venir habiter (plus) près de leur lieu
de travail.
3. habiter (plus) près de leur lieu de travail s’ils peuvent facilement perdre leur emploi du jour au
lendemain et devront probablement chercher un emploi ailleurs dans ce cas?
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4. Déménager pour occuper un logement (plus) près du lieu de travail relève souvent d’une décision
qui n’est pas individuelle, mais qui dépend de l’ensemble du ménage: beaucoup dépend du lieu de
travail de votre partenaire, de la présence d’enfants en âge scolaire, de votre réseau personnel ou
des relations sociales que vous avez développées avec le voisinage, etc.
Et quid des travailleurs qui ne peuvent pas bénéficier d’une réduction d’impôt sur les personnes
physiques parce qu’ils ne paient pas d’impôts? La réduction d’impôt pourra-t-elle être convertie pour
eux en un crédit d’impôt comme c’est déjà le cas p. ex. pour les dépenses faites en vue d’économiser
l’énergie?
S.P.: Si les travailleurs ne peuvent pas bénéficier d’une réduction d’impôt sur les personnes physiques
parce qu’ils ne paient pas d’impôts, je trouve que c’est moins grave parce que, pour eux, la différence
entre le salaire brut et le salaire net est plus petite que pour les travailleurs qui paient des impôts.
On ne peut pas comparer les dépenses faites en vue d’économiser l’énergie avec les dépenses de
transport. Les dernières sont liées au travail, pas les premières.
CENTRALISER OU DÉCENTRALISER?
La piste de réflexion que vous recommandez revient en fin de compte à récompenser ou indemniser
les travailleurs qui font des efforts pour venir habiter plus près de leur lieu de travail. Or les travailleurs
changent probablement plus souvent de lieu de travail que les entreprises de lieu d’implantation; par
conséquent, n’avons-nous pas plutôt intérêt à indemniser les employeurs lorsqu’ils adaptent leur
politique d’implantation (en ouvrant p. ex. un bureau satellite (plus) près du domicile de leurs travailleurs)
et réduisent ainsi les déplacements domicile-lieu de travail de leur personnel?
S.P.: “Notre piste de réflexion incite indirectement les employeurs à décentraliser leurs activités parce
qu’il leur est plus coûteux d’attirer des travailleurs d’autres régions. Je vous donne un exemple.
Lorsqu’un employeur de Bruxelles propose le même salaire qu’un employeur du Limbourg, quelqu’un
qui habite à Hasselt p. ex. ne viendra pas travailler à Bruxelles. Cette personne ne va l’envisager que si
l’employeur de Bruxelles lui propose un salaire plus élevé que l’employeur du Limbourg. Actuellement,
les employeurs ne sont pas du tout stimulés à décentraliser leurs activités puisque les déplacements
de leur personnel sont subventionnés en grande partie. Il est important de réfléchir à ce qui doit être
centralisé et à ce qui ne doit pas l’être. Les services publics, p. ex., peuvent parfaitement fonctionner en
dehors des villes; une mine de charbon en revanche ne peut pas être déplacée.
Par ailleurs, il faut bien faire un choix. Surtout en période d’assainissement budgétaire, il faut être sélectif
dans les subsides puisqu’il faut les financer. Je trouve que les employeurs qui veulent déménager vers
un autre endroit doivent supporter eux-mêmes les frais de ce déménagement. En octroyant une prime
aux employeurs qui créent une filiale ailleurs, vous subventionnez des employeurs qui auraient aussi
déménagé sans prime.
UNE PRIME POUR LES RICHES ?
Dans leur avis unanime du 9 juillet 2008 concernant la mobilité géographique et interrégionale des
demandeurs d’emploi, le CCE et le CNT (Conseil national du travail) ont constaté notamment que la
mobilité résidentielle (c.-à-d. consistant à déménager pour occuper un logement plus près du lieu de
travail) est surtout réservée aux catégories hautement qualifiées de la population. Les coûts de cette
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forme de mobilité peuvent en effet être d’autant plus facilement compensés que le salaire est élevé
(les travailleurs hautement qualifiés ont plus de chance d’avoir un salaire élevé que les travailleurs
peu qualifiés) et un changement de domicile offre à ces catégories de la population des garanties d’un
travail plus durable. En revanche, les catégories de la population qui éprouvent le plus de difficultés à
trouver du travail et les personnes qui sont dans une situation professionnelle précaire (ayant un contrat
de travail à durée déterminée p. ex.), sont souvent dans l’impossibilité de déménager parce que les
coûts de cette forme de mobilité ne sont pas compensés par leur salaire ou parce qu’elles ne sont pas
certaines de conserver l’emploi pour lequel elles déménagent.
Votre proposition de politique ne comporte-t-elle pas le risque que seuls (ou surtout) les
travailleurs hautement qualifiés et les travailleurs les mieux rémunérés bénéficient de la prime de
déménagement?
S.P.: L’effet que notre piste de réflexion exercera sur les habitudes en matière de mobilité et plus
spécifiquement sur les décisions de déménagement est difficile à prévoir. Le choix d’aller vivre en ville
ne dépend pas uniquement de la capacité financière et de la situation professionnelle mais aussi de
la qualité de vie en ville. La criminalité et le sentiment d’insécurité qui en découle, le type de logement
proposé en ville, l’offre d’infrastructures etc. peuvent retenir certaines personnes d’aller vivre en ville.
Aux États-Unis p. ex., nombreux sont les travailleurs peu qualifiés qui vivent dans les villes parce que la
qualité de vie y est carrément mauvaise.
Lorsque l’automobile a fait son entrée dans les années 50, à l’époque de la consommation de masse,
de nombreux ménages riches sont allés vivre en dehors des villes. Aujourd’hui, nous constatons que de
nombreux travailleurs hautement qualifiés veulent aller habiter dans les villes parce que de nombreuses
activités culturelles et autres y sont organisées, parce qu’il est de plus en plus difficile d’entrer dans les
villes en voiture, etc. Il est donc tout à fait plausible que l’application de notre piste de réflexion n’attirera
pas les travailleurs peu qualifiés dans les villes. En tout cas, si ce sont principalement des travailleurs
hautement qualifiés qui vont habiter en ville, l’offre de logements sera totalement différente que si ce
sont surtout des travailleurs peu qualifiés qui s’y installent.
NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE DU LOGEMENT (PLUS) FLEXIBLE
Le domicile que les gens choisissent est le résultat d’une pondération entre différents éléments, dont
le coût général du transport (prix + temps de déplacement), qui augmente à mesure que la distance
augmente jusqu’au centre-ville, et les coûts de logement qui diminuent au fur et à mesure que l’on
s’éloigne du centre-ville. Les travailleurs qui vont habiter plus près de leur travail percevraient un
montant en remplacement de la cotisation patronale mais ce montant serait-il suffisamment élevé pour
compenser les coûts de logement supplémentaires qui découlent du déménagement?
S.P.: Je laisse de côté la question de savoir si le montant sera suffisamment élevé. Mais que le
déménagement vers une région qui comporte plus d’activités économiques suscite des coûts de
logement supplémentaires est en grande partie lié au fait que la politique du logement dans les villes est
trop peu flexible, c.-à-d. que l’offre de logements y est trop limitée. Des études américaines démontrent
que les villes où l’offre de logements est flexible, c.-à-d. où l’on peut suffisamment étendre l’offre de
logements, connaissent une croissance plus forte que d’autres villes précisément parce qu’il est plus
aisé d’émigrer vers ces villes et d’y déployer des activités économiques.
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Notre capitale compte de nombreuses entreprises et administrations (nationales, régionales et
internationales), qui proposent de nombreux emplois. De ce fait, la grande majorité des navettes se
concentrent sur Bruxelles. Si en raison de votre piste de réflexion un plus grand nombre de personnes
vont habiter (plus) près de leur lieu de travail (c.-à-d. dans les villes, et surtout à Bruxelles), les
logements en ville deviendront encore plus coûteux qu’aujourd’hui, sauf si les autorités augmentent
l’offre de logements dans les villes. Est-il réaliste, d’un point de vue financier et spatial, d’élargir l’offre
de logements dans les villes?
S.P.: “Le but de notre piste de réflexion est en effet que le plus grand nombre possible de personnes qui
travaillent à Bruxelles viennent aussi y habiter. Le plus grand nombre possible parce qu’il est illusoire
de penser que tous les travailleurs qui viennent quotidiennement à Bruxelles viendront également s’y
établir: toute la population ne peut pas être logée au même endroit.
Si la demande de logements (maisons et appartements) augmente, le prix n’augmentera pas si l’on
construit de façon plus compacte ou si l’offre de logements s’élargit. En construisant de façon plus
compacte (des immeubles d’appartements comptant 10 étages p. ex. au lieu de 6), la superficie habitée
reste inchangée et le prix du logement au m² diminue. Élargir l’offre de logements autour de Bruxelles
vaut certainement la peine d’après moi.
EXAMINER D’UN ŒIL CRITIQUE LE PRINCIPE DU SUBSIDE
En exécution des accords interprofessionnels (AIP) successifs qui sont conclus au niveau intersectoriel,
l’intervention des employeurs dans le prix des transports publics a été progressivement augmentée et le
plafond salarial pour cette intervention a été supprimé. La CCT n° 19 octies du 20 février 2009 a porté
l’intervention des employeurs dans le prix des transports publics (abonnements de train, tram, métro
ou de bus) pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail de 60% en moyenne à 75% en
moyenne depuis le 1er février 2009.
Dans leur avis unanime du 14 juillet 2009 relatif au cadre juridique de l’intervention des employeurs
dans les frais de déplacement des travailleurs, le CCE et le CNT ont plaidé pour le maintien du principe
de l’intervention des employeurs dans les frais de déplacement de leurs membres du personnel qui
ont recours aux transports publics pour effectuer leurs déplacements domicile-travail. Le motif qu’ils
invoquent pour étayer leur plaidoyer est le suivant. Le coût des déplacements domicile-lieu de travail ne
peut: 1) décourager les travailleurs à faire la navette entre leur domicile et leur lieu de travail; 2) amener
les travailleurs à renoncer à un emploi qui correspond à leur profil; 3) constituer pour aucun demandeur
d’emploi un obstacle à l’acceptation d’un emploi ou à la reprise du travail. Si nous vous comprenons
bien, la piste de réflexion que vous proposez implique de laisser tomber le principe de l’intervention des
employeurs dans le coût des transports publics. Que proposez-vous pour éviter que ce coût n’aggrave
les trois problèmes précités?
S.P.: Tout comme les partenaires sociaux, je trouve que ces problèmes doivent être traités, mais
quant à la façon de le faire, nous sommes d’un avis différent. Je suis convaincu que l’on aide à créer
ces problèmes en subventionnant les déplacements domicile-lieu de travail. En effet, à cause de ces
subsides, les travailleurs se font une idée fausse du prix et sont pour ainsi dire encouragés à aller
habiter n’importe où, donc aussi dans des endroits qui ne sont pas ou peu accessibles en transports en
commun et à des endroits où la capacité des transports publics atteint ses limites. Ce n’est qu’à partir
du moment où les travailleurs auront une idée correcte du prix et qu’ils devront payer les coûts pour la
société engendrés par leurs déplacements, que l’on pourra maîtriser les trois problèmes précités.
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POURQUOI LES DÉPLACEMENTS DEVIENNENT-ILS DE PLUS EN PLUS LONGS?
L’intervention des employeurs n’est pas le seul facteur de l’augmentation croissante des distances entre
le domicile et le lieu de travail. D’autres facteurs interviennent:
Il y a d’abord la politique d’aménagement du territoire. Pendant des années, la politique d’aménagement
du territoire dans notre pays a marginalisé les alternatives à la voiture: des zones d’activités économiques
ont été aménagées sans réflexion préalable quant aux conséquences sur la mobilité; de ce fait, de
nombreuses entreprises sont actuellement établies dans des zonings qui ne sont accessibles qu’en
voiture (camion) et qui n’ont pas de (bonne) connexion avec les transports en commun. De plus, en
raison des prix sans cesse croissants de l’immobilier et des terrains à bâtir dans les centres-villes et en
raison des besoins de posséder sa propre maison avec jardin, une part considérable de la population
est allée s’installer en dehors des centres-villes, dans de grandes maisons individuelles, souvent mal
isolées, qui ne sont pas ou peu accessibles en transports en commun;
Il y a ensuite la situation économique. Les distances parcourues entre le domicile et le lieu de travail
augmentent le plus en Wallonie. Cette évolution découle de la situation économique et de la pénurie
d’emplois dans le sud du pays, nécessitant de parcourir de plus longues distances pour trouver du
travail.
Ne vaut-il pas mieux aborder tous les facteurs qui ont augmenté les distances entre le domicile et le lieu
de travail, au lieu de se focaliser sur un seul d’entre eux?
S.P.: Il est vrai que l’intervention des employeurs n’est pas le seul facteur de l’allongement croissant
des déplacements entre le domicile et le lieu de travail. C’est un fait que la politique d’aménagement du
territoire du passé a engendré un “aménagement chaotique”; concrètement, elle a généré des zones
d’activités économiques aux dimensions excessives (dans le sens où une trop grande marge d’extension
est prévue pour chaque entreprise), un allongement des déplacements domicile-lieu de travail, une
augmentation de la consommation énergétique par habitation, un usage accru de la voiture, etc. Il y a
deux raisons pour lesquelles nous ne nous sommes pas concentrés sur la politique d’aménagement
du territoire.
En premier lieu, nous sommes conscients qu’infléchir les développements du passé en matière
d’aménagement du territoire n’est pas une tâche à court terme mais un changement structurel
impossible à réaliser en un an. À court terme, il est plus simple d’adapter les habitudes de déplacement
des individus que de changer l’implantation des lieux de travail, des écoles, des crèches, etc.
En second lieu, il n’est pas évident de décider où aménager les zones d’activités économiques parce
qu’il est difficile d’évaluer où les entreprises veulent s’établir. Ce n’est pas parce que vous aménagez
une zone d’activités économiques que des entreprises viendront nécessairement s’y installer. Il en
faut plus pour cela. Il faut réfléchir de façon critique à la demande et à l’utilisation de zones d’activités
économiques.
RÉDUIRE LE COÛT DES TRANSACTIONS IMMOBILIÈRES
Outre les facteurs qui encouragent les gens à aller habiter loin de leur lieu de travail, il y a également
des facteurs qui les fait hésiter à venir s’établir (plus) près de leur lieu de travail, comme les prix sans
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cesse croissants de l’immobilier et des terrains à bâtir, les coûts des transactions immobilières (droits
d’enregistrement, frais de notaire, frais de crédit…), l’insécurité d’emploi, la situation familiale, le degré
d’attachement à son environnement de vie, la crainte de changer d’environnement de vie, etc.
Les mesures auxquelles vous songez pour rendre les logements en ville plus abordables sont-elles
également centrées sur la réduction du coût des transactions immobilières et des prix de l’immobilier et
des terrains à bâtir?
S.P.: Si l’on veut augmenter la mobilité résidentielle (c.-à-d. consistant à déménager pour occuper un
logement plus près du lieu de travail), je pense qu’il faut réduire le coût des transactions immobilières.
En ce qui concerne les prix de l’immobilier et des terrains à bâtir, je laisserais jouer le marché parce que
les autorités ont peu d’emprise là-dessus. Ce que les autorités peuvent faire en revanche, c’est veiller
à ce qu’il y ait suffisamment de zones d’extension d’habitat, en convertissant p. ex. les zones agricoles
en zones d’extension d’habitat.
SUPPRIMER LE SYSTÈME DU TIERS PAYANT DE LA SNCB?
Dans un avis unanime que le CCE a émis le 30 mai 2007 sur un projet d’AR modifiant l’AR du 28 juillet
1962 fixant le montant et les modalités du paiement de l’intervention des employeurs dans la perte
subie par la SNCB par l’émission d’abonnements pour ouvriers et employés, le Conseil a demandé
notamment: 1) de prolonger les CCT qui prévoient le système du tiers payant (la règle 80/20)4 de la
SNCB et 2) de rendre ce système durable.
La piste de réflexion que vous suggérez implique-t-elle aussi de supprimer le système du tiers payant
de la SNCB grâce auquel de nombreux travailleurs peuvent bénéficier de la gratuité des déplacements
entre leur domicile et leur lieu de travail?
S.P.: Oui, parce qu’avec le système du tiers payant, les autorités subventionnent l’usage des transports
en commun pour se rendre au travail deux fois. En premier lieu, elles paient les 20% du prix de la
carte train que l’employeur ne prend pas en charge. En second lieu, le prix de la carte train que la
SNCB facture à l’employeur est un prix fortement subventionné. Les subsides donnent aux usagers des
transports une idée fausse du prix et doivent bien être financés par quelqu’un, c.-à-d. nous, les citoyens
et les contribuables. Un voyage en train aux heures de pointe coûte très cher. Lorsque le train est déjà
plein, du matériel et du personnel supplémentaires sont nécessaires alors qu’ils ne sont utilisés qu’une
fois par matinée et que le coût dépasse le prix plein d’un billet en première classe.
QUID DU RÉGIME FISCAL DE FAVEUR POUR LES VOITURES DE SOCIÉTÉ?
Les travailleurs qui disposent d’une voiture de société possèdent (presque) gratuitement un véhicule.
Avec leur voiture de société, ils peuvent effectuer à leur gré des déplacements à des fins privées,
4
La règle 80/20: en intervenant au minimum à 80% dans le prix de la carte train et en concluant avec la SNCB une “Convention Tiers Payant”, les employeurs peuvent assurer à leurs travailleurs la gratuité des déplacements entre leur domicile et
leur lieu de travail en transports en commun. La “Convention Tiers Payant” est une convention par laquelle l’employeur prend
en charge au moins 80% du prix de la carte train, l’État prenant à sa charge le pourcentage restant du prix. La SNCB facture
l’intervention patronale dans le prix de la carte train à l’employeur qui a conclu une “Convention Tiers Payant” avec elle (c.à-d. son cocontractant) et reçoit de l’État la partie du prix que l’employeur ne prend pas en charge. La SNCB fournit les billets
de validation aux titulaires des cartes train (c.-à-d. les travailleurs de son cocontractant) sans leur facturer quoi que ce soit.
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professionnelles ou pour effectuer leurs déplacements domicile-lieu de travail sans être vraiment
confrontés au coût de leur voiture de société: les seuls coûts qu’ils doivent en général supporter euxmêmes sont les amendes et les franchises. Si les employeurs remboursent presque totalement les
coûts des voitures de société qu’ils fournissent, c’est indubitablement parce qu’ils peuvent déduire de
leurs impôts la majeure partie voire la totalité de ces coûts.
La piste de réflexion que vous suggérez implique-t-elle aussi que le régime fiscal de faveur pour les
voitures de société (voir l’encadré) soit supprimé?
S.P.: Je trouve qu’il faut aussi revoir le régime fiscal de faveur pour les voitures de société parce
qu’effectivement, la voiture de société est une forme de possession (presque) gratuite d’un véhicule qui
induit un usage accru de la voiture.
Mais attention, même si l’on supprime le régime fiscal de faveur pour les voitures de société, il y aura
toujours des entreprises qui utiliseront ce système parce que le régime fiscal de faveur n’est pas la seule
raison pour laquelle des employeurs tiennent à proposer une voiture de société à leur(s) travailleur(s). Ils
veulent aussi, de cette manière, attirer des travailleurs et/ou les lier à l’entreprise. Bref, si l’on supprime
le régime fiscal de faveur pour les voitures de société, il faut réfléchir sérieusement à d’autres incitants
permettant d’attirer des travailleurs ou de les lier à l’entreprise.
Il faut en outre bien comprendre que les entreprises belges n’envisageront d’apporter de profondes
modifications à leur politique concernant les voitures de société que si la pression fiscale sur le travail
dans notre pays est réduite au point qu’il devienne fiscalement plus avantageux pour eux de verser
un salaire supplémentaire aux travailleurs que de mettre une voiture de société à leur disposition.
Aujourd’hui, c’est l’inverse qui prévaut: lorsqu’un employeur veut payer un salaire supplémentaire à
ses travailleurs, outre une augmentation du salaire brut, il doit aussi tenir compte d’une hausse des
cotisations de sécurité sociale, du pécule de vacances, de la prime de fin d’année, etc.
Il faut aussi tenir compte du fait que les personnes qui exercent une fonction de manager ou
d’administrateur, qui ont plus de chance d’avoir une voiture de société, ne relèvent pas, en général, du
régime classique de l’impôt des personnes physiques et ne peuvent donc pas bénéficier de la réduction
d’impôts que nous proposons. Les personnes qui s’enregistrent comme dirigeants d’entreprise p. ex.
paient un impôt sur les sociétés et non des impôts en tant que personnes physiques.
ENCOURAGER L’OFFRE D’EMPLOIS
Dans un avis unanime qui a été approuvé le 9 juillet 2008, le CCE et le CNT ont formulé une série de
recommandations politiques susceptibles, selon eux, de lever les obstacles à la mobilité géographique
et interrégionale des demandeurs d’emploi. L’une de ces mesures est d’octroyer une prime de mobilité
aux chômeurs qui sont engagés dans un emploi répondant à l’un des critères suivants: une distance d’au
moins 75 km entre le domicile et le lieu de travail ; au moins 3 heures de déplacement par jour ; au moins
11 heures d’absence du domicile. La piste de réflexion que vous recommandez est-elle compatible avec
les mesures visant à augmenter la mobilité géographique et interrégionale des travailleurs?
S.P.: Non, notre piste de réflexion va à l’encontre de ces mesures mais a toutefois le mérite de stimuler
(via une réduction de l’impôt des personnes physiques) une augmentation de l’offre d’emplois qui, tout
comme un accroissement de la mobilité géographique, peut contribuer à un meilleur fonctionnement du
marché de l’emploi.”
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 27
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Dans leur avis unanime du 9 juillet 2008 concernant la mobilité géographique et interrégionale des
demandeurs d’emploi, le CCE et le CNT ont constaté notamment qu’un plus grand nombre de chômeurs
vivent dans les communes urbaines qui sont bien desservies par les transports en commun que dans
les communes rurales qui ont une moins bonne, voire une mauvaise connexion avec les transports
publics. Souvent, les chômeurs disposent donc bel et bien d’une offre de transports publics à proximité
de leur domicile, mais le problème, c’est que les emplois disponibles qui répondent à leur profil ne
sont souvent accessibles qu’en voiture. Concrètement, nous pensons à cet égard aux chômeurs peu
qualifiés qui habitent en ville mais pour qui les zonings implantés en dehors de la ville (qui proposent des
fonctions peu qualifiées) ne sont pas ou insuffisamment accessibles par transports en commun.
La piste de réflexion que vous suggérez risque d’augmenter le coût de l’utilisation de la voiture, à ce
point même qu’il devienne impayable pour certains chômeurs. Peut-on accepter que des chômeurs
susceptibles d’être parfaitement compétents mais qui présentent comme lacune de ne pas être
“motorisés” doivent automatiquement refuser les offres d’emploi pour lesquelles ils ont besoin d’une
voiture?
S.P.: Je tiens d’abord à préciser que la piste de réflexion que nous suggérons a pour conséquence
l’augmentation du coût du transport en général (et donc pas uniquement de l’utilisation de la voiture).
Mais parce que l’on déduit de l’impôt des personnes physiques l’argent épargné par la suppression des
subsides pour les déplacements domicile-lieu de travail, la différence entre le salaire brut et le salaire
net est plus petite (le piège à l’emploi diminue) et il devient financièrement plus intéressant pour les
chômeurs en général d’aller travailler plutôt que de rester au chômage. Grâce à notre piste de réflexion,
nous stimulons l’offre d’emplois en général. On peut se demander si cela vaut la peine d’encourager
plus spécifiquement l’offre d’emplois des personnes dont le domicile est fort éloigné des lieux au degré
élevé d’activités économiques et d’emploi.
Selon la réglementation fédérale du chômage5, un chômeur en Belgique n’est pas obligé d’accepter
un emploi dont le revenu, après déduction des coûts de mobilité, est inférieur ou égal au montant de
l’allocation de chômage. La piste de réflexion que vous recommandez ne risque-t-elle pas d’engendrer
une hausse du chômage dans la mesure où un plus grand nombre de chômeurs refuseront de ce fait
un emploi?
S.P.: Si les coûts supplémentaires de la mobilité sont compensés par la réduction de l’impôt des
personnes physiques, un emploi donné rapportera un revenu qui, après déduction des coûts de la
mobilité, ne différera pas plus du montant de l’allocation de chômage, et donc ce risque n’existera pas.
LES ASPECTS PRIX ET TEMPS, ET LE CHOIX DU MODE DE TRANSPORT
Dans son avis diagnostic du 30 janvier 2007 sur les déplacements des travailleurs entre leur domicile et
leur lieu d’activité professionnelle, le CCE a formulé les constats suivants:
- Les facteurs dont les travailleurs tiennent le plus compte dans le choix du moyen de transport
avec lequel ils réalisent leurs déplacements domicile-lieu de travail sont la réglementation pour le
remboursement des frais de transport qui est d’application dans l’entreprise et le temps dont ils ont
besoin pour accomplir le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail.
5
Plus précisément conformément à l’article 26 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, qui porte sur les critères de
l’emploi convenable.
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- Les Bruxellois qui travaillent à Bruxelles se déplacent autant en voiture que les non-Bruxellois qui
travaillent à Bruxelles. Ils utilisent également moins les transports publics pour aller travailler que les
Flamands et les Wallons qui travaillent à Bruxelles.
- Plus les travailleurs habitent loin de leur lieu de travail, plus ils utilisent les transports en commun
pour effectuer leurs déplacements domicile-lieu de travail.
La suppression des indemnités pour les déplacements domicile-lieu de travail que vous préconisez
sera-t-elle une bonne chose pour l’environnement de vie, compte tenu des constats précités?
S.P.: Je tiens d’abord et avant tout à souligner que le transport n’est pas la principale cause de nombreux
problèmes environnementaux et que la taxe sur le CO2 des voitures est nettement plus élevée que
celle perçue sur n’importe quelle autre forme de consommation d’énergie: le carburant utilisé pour les
véhicules est deux à trois fois plus cher que les combustibles de chauffage.
Il est vrai que le prix et le temps sont deux aspects déterminants dans le choix du mode de transport.
Je ne dis pas que les autorités doivent cesser complètement de subventionner les transports publics
mais qu’il convient de réfléchir à la justification de ces subventions. En effet, lorsque vous subventionnez
l’usage des transports publics, vous réussissez à augmenter le nombre d’usagers des transports en
commun, mais - et de nombreuses analyses et études négligent cet aspect - des problèmes de capacité
surgissent aussi (trains, bus, trams et métros bondés, personnes qui ne parviennent pas à monter dans
le train/tram/bus/métro), qui requièrent l’achat de nouveau matériel roulant comportant un plus grand
nombre de places assises, et l’extension de la capacité du réseau des transports en commun. Ce que
beaucoup de personnes ignorent, c’est que les transports publics sont très coûteux aux heures de
pointe parce que du matériel roulant supplémentaire est acheté qui n’est utilisé que durant les heures
de pointe et qui est à l’arrêt aux heures creuses. Il est important de réfléchir et de déterminer s’il est
réellement nécessaire d’acheter du matériel roulant supplémentaire qui ne serve qu’à transporter un
grand nombre de voyageurs aux heures de pointe. Si l’on maintient les non-actifs6 en dehors des heures
de pointe, les sociétés de transport en commun ne devront peut-être pas faire ces investissements.
Pour se rendre à leur travail, les travailleurs choisissent le mode de transport qui leur permettra d’effectuer
le plus rapidement le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail. Pour permettre aux personnes qui
commencent à travailler le matin entre 7 et 9 heures d’accéder aisément à leur lieu de travail, il est
important de décharger l’axe nord-sud et de maintenir les non-actifs (étudiants, pensionnés, etc.) en
dehors des heures de pointe. On essaie déjà de décourager les pensionnés d’utiliser les transports
publics durant les heures de pointe en leur permettant de voyager à moindre coût en dehors des heures
de pointe (après 9 heures du matin), mais pas encore les étudiants. On pourrait maintenir les étudiants
en dehors des heures de pointe en cessant de faire coïncider les heures de cours avec les heures de
travail. Les automobilistes qui ne doivent pas se rendre à leur travail, on les verrait beaucoup moins
rouler pendant les heures de pointe si on leur imposait une taxe d’heure de pointe.
Le diagnostic fédéral déplacements domicile-travail 2008 révèle que 68% des travailleurs (dont 4%
font du covoiturage) utilisent la voiture pour aller travailler et 16,6% les transports en commun (10,3%
prennent le train, 6,3% le tram/bus/métro). Je ne sais pas si notre piste de réflexion va modifier la part
6
Les actifs représentent un tiers des personnes qui se déplacent aux heures de pointe, les non-actifs deux tiers.
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EXONÉRATIONS FISCALES
Les montants octroyés par les employeurs à leurs travailleurs en indemnisation ou remboursement
de leurs frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail sont en principe imposables, mais
peuvent faire l’objet d’une exonération fiscale dans certaines conditions.
Les travailleurs qui, dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques, optent pour la déduction
des frais professionnels forfaitaires, peuvent bénéficier, lorsqu’ils utilisent pour leurs déplacements
domicile-travail:
- un moyen de transport public, d’une exonération fiscale du montant total de l’intervention patronale
dans le coût des transports publics à condition qu’elle ne soit pas supérieure au coût réel;
- un moyen de transport collectif organisé par l’employeur ou par un groupe d’employeurs1, d’une
exonération fiscale de l’intervention patronale à concurrence maximale du montant du prix d’un
abonnement de train en première classe pour la distance parcourue.
- un autre moyen de transport qu’un transport public ou transport collectif organisé par l’employeur
ou par un groupe d’employeurs, d’une exonération fiscale de l’intervention patronale à concurrence
d’un montant de 350 €.
L’indemnité de bicyclette prévue par une CCT, par un règlement de travail ou par l’usage n’est pas
soumise aux cotisations sociales ni aux impôts, à condition qu’elle ne dépasse pas le montant de 0,21
euro par kilomètre.
DÉDUCTION FISCALE SPÉCIALE
Les travailleurs qui résident loin de leur lieu de travail et qui optent dans leur déclaration à l’impôt des
personnes physiques pour la déduction des frais professionnels forfaitaires peuvent bénéficier d’une
déduction fiscale spéciale à concurrence d’un montant de : 75 euros pour une distance de 75 à 100 km,
125 euros pour une distance de 101 à 125 km et 175 euros pour une distance supérieure à 125 km.
RÉGIME FISCAL DE FAVEUR POUR LES VOITURES DE SOCIÉTÉ
Jusqu’au 1er avril 2007, les coûts des voitures de société (à l’exception du carburant) – coûts d’achat,
de location, de réparation et d’entretien – étaient fiscalement déductibles à 75%. Selon la nouvelle
réglementation qui s’applique depuis le 1er avril 2007 aux nouvelles voitures de société et depuis le 1er
avril 2008 à toutes les voitures de société, les coûts des voitures de société qui produisent une émission
moyenne de CO22 ne sont plus fiscalement déductibles qu’à 70%. Les coûts des voitures de société qui
polluent plus ne sont plus déductibles qu’à 60%. Pour les voitures de société présentant une émission
de CO2 inférieure à la moyenne, les coûts sont fiscalement déductibles à 75, 80 voire 90%3. Par ailleurs,
les entreprises peuvent déduire à 100% les coûts des cartes de carburant.
1
On entend par “transport collectif organisé”, le transport en commun de membres du personnel au moyen de tout véhicule susceptible de
permettre le transport d’au moins deux personnes (autocar, minibus, voiture mixte, jeep,…). Cette définition figure dans la circulaire n°
CI.RH.241/550.265 (AFER 20/2002) du 18 juillet 2002.
2 L’émission moyenne de CO2 est de 145 à 175 g/km pour les moteurs diesel et 160 à 190 g/km pour les moteurs à essence.
3
Les coûts des voitures de société équipées d’un moteur diesel, qui produisent des émissions de 115 à 150 g/km de CO2 sont déductibles à
75% ; de 105 à 115 g/km, la déductibilité est de 80% et pour les émissions inférieures à 105 g/km, de 90%.
page 30 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
MOBILITÉ
Indemnisation des déplacements domicile-lieu de travail
respective de la voiture et des transports publics dans les déplacements domicile-lieu de travail parce
que lorsqu’on associera à l’utilisation de la voiture et des transports publics un prix correct, ce ne sera
pas uniquement le coût de l’utilisation de la voiture qui augmentera, mais également celui des transports
publics.
Si les parts restent quasiment inchangées et que la part de la voiture dans les déplacements domicilelieu de travail reste donc supérieure à celle des transports publics, il s’agira d’encourager les travailleurs
à utiliser des véhicules “propres” pour aller travailler. Je dis sciemment “propres” et non pas “peu
énergivores” car selon moi les véhicules actuels sont déjà suffisamment peu énergivores.
Interview réalisée par Michèle Pans
([email protected])
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 31
CCE Conseil Central de l’Économie
MOBILITÉ
La réaction du secrétaire du MORA
Le secrétariat du Conseil central de l’économie a demandé à Monsieur Frank Van Thillo de commenter,
en sa qualité de Secrétaire du Mobiliteitsraad van Vlaanderen (MORA - Conseil de la mobilité de la
Flandre), la note prospective « La mobilité des personnes en Flandre » (voir supra) que le groupe de
réflexion interdisciplinaire Metaforum Leuven1 de la K.U. Leuven a présenté le 25 mars 2011 au grand
public. Le MORA est un conseil consultatif qui adresse des avis au Gouvernement flamand et au
Parlement flamand au sujet des lignes de force de la politique de la mobilité et des travaux publics en
Flandre. Ci-dessous figure sa contribution au débat que le texte prospectif « La mobilité des personnes
en Flandre » a suscité.
POSITION DU SECRÉTAIRE DU MORA
Une lecture approfondie montre que la note prospective « La mobilité des personnes en Flandre » n’est
pas le point final de la réflexion.
Les propositions de suppression du remboursement des frais de déplacements entre le domicile et le
lieu de travail ne s’insèrent, en effet, nullement dans le contexte politique et sociétal actuel dans lequel
diverses actions tendent à amener les travailleurs à effectuer leurs déplacements liés au travail selon
des modalités (plus) durables.
En outre, la proposition renferme un certain nombre d’assertions douteuses :
- les choix individuels ou sociétaux pourraient être simplement convertis en termes monétaires ;
- un modèle de calcul performant permettrait de faire une estimation de l’effet combiné des choix
individuels et d’en définir au préalable l’optimum ;
- la technologie permettrait de résoudre les problèmes sociétaux (par exemple la congestion
routière).
Il me paraît déraisonnable d’admettre sans esprit critique l’efficacité et l’équité des incitants monétaires
proposés.
Il conviendrait au préalable de chercher à savoir si la suppression de l’exonération fiscale des
déplacements entre le domicile et le lieu de travail pourrait impliquer une réduction significative des
impôts, quels en seraient les effets dans le cas des couples à deux revenus et des autres grands
groupes cibles dans lesquels les déplacements ne sont en général pas déterminés par des aspects
monétaires mais bien par des facteurs tels les destinations secondaires, la disponibilité du transport
public, le travail en équipe, etc, facteurs qui dictent le choix du mode de transport.
1
Le groupe de réflexion interdisciplinaire Metaforum Leuven veut renforcer la participation de la K.U. Leuven au débat sociétal. Pour ce faire, Metaforum Leuven soutient des groupes de réflexion qui rassemblent l’expertise scientifique et suscite le dialogue entre les chercheurs de diverses disciplines au sujet de problèmes sociétaux pertinents.
page 32 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
MOBILITÉ
La réaction du MORA
Différents projets pilote lancés sur le marché du travail ont déjà montré que la mobilité est un seuil non
financier important qui peut décourager les chômeurs d’accepter un emploi. Augmenter les frais de
déplacements renforcera très certainement cet effet négatif.
L’efficacité de la mesure est également loin d’être évidente au niveau de la lutte contre la congestion
routière. Une part importante de la congestion routière actuelle résulte en effet des déplacements des
travailleurs provenant de la périphérie qui habitent d’ores et déjà plus « près » de leur lieu de travail mais
dont le choix du mode de transport est guidé par des éléments autres que des incitants monétaires.
Bien entendu, les propositions politiques sont également loin d’être équitables. Il n’est pas sérieux de
ne pas s’attarder sur les effets régressifs de la mesure.
J’estime, en outre, très dérangeant de voir que l’on attribue le choix du lieu d’implantation de l’entreprise
ou de l’utilisation de voitures de société par les chefs d’entreprise et les managers à un processus
rationnel, tandis que les travailleurs « stupides » n’ont qu’à être pénalisés financièrement en raison de
leur comportement sociétalement indésirable en matière de mobilité.
Il est regrettable que les auteurs de la note prospective « La mobilité des personnes en Flandre »
passent aussi rapidement à des recommandations politiques sans avoir soumis au préalable leur
analyse à un bon débat sociétal.
Leur contribution au sujet du choix du véhicule et de la santé, de l’utilisation plus efficace de l’infrastructure
ou de l’aménagement du territoire serait une bonne base de discussion avec les acteurs sociétaux tels
que les partenaires sociaux et les associations centrées sur la mobilité.
Les propositions politiques de Metaforum Leuven risquent de rester lettre morte en pratique si elles sont
perçues comme étant déphasées et académiquement stériles.
Le processus participatif est, en particulier au niveau de la politique de la mobilité, une étape indispensable
de la préparation de la stratégie. Il est en effet impossible d’aboutir à un bon plan politique intégré sans
la participation et le soutien des principales parties telles que les partenaires sociaux et d’aller au-delà
d’une accumulation d’études et de projets pilote.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 33
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Conseil central de l’Économie
POLITIQUE DE L’ENVIRONNEMENT
Par sa lettre du 22 février 2011, Madame Sabine Laruelle, Ministre de l’Agriculture, a saisi Monsieur
Robert Tollet, Président du Conseil central de l’économie, d’une demande d’avis concernant deux
projets d’arrêtés royaux visant la transposition en droit belge de la directive 2009/128/CE du Parlement
européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir
à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. La sous-commission
« Politique de l’environnement », en charge du dossier, a rédigé un projet d’avis qui a été approuvé lors
de la séance plénière du Conseil du 25 mai 2011.
FRAUDE SOCIALE ET FISCALE
La sous-commission mixte « Fraude sociale et fiscale » a entendu deux experts lors de l’audition du
25 mai 2011. Monsieur Frank Philipsen, administrateur général de l’ISI, a présenté un exposé sur le
nouveau plan de lutte contre la fraude fiscale en Belgique ainsi que sur le « return on investment » des
mesures qui ont déjà été prises à cette fin. Monsieur Ph. Bogaert, chef du service Comptes nationaux
et régionaux et conjoncture de la Banque nationale de Belgique (BNB), a présenté l’étude de la BNB
intitulée « L’économie au noir dans les comptes nationaux de la Belgique. Chiffres de 2007 et évaluation
des estimations plus élevées suggérées par d’autres études ».
Lors de la réunion de la sous-commission mixte « Fraude sociale et fiscale » du 30 mai 2011, Monsieur
Cédric Visart de Bocarmé, procureur général auprès de la Cour d’appel de Liège, a expliqué les
différentes formes de fraude sociale auxquelles sa juridiction est confrontée ainsi que l’approche
défendue par le Parquet en la matière.
COUVERTURE DÉCÈS DANS LES ASSURANCES GROUPE
Lors de la réunion du 29 avril, les membres de la sous-commission mixte ont examiné l’avant-projet
d’avis. Sur la base des remarques des membres, le secrétariat y a apporté les dernières modifications.
Le projet d’avis a été approuvé lors de la séance plénière commune du 25 mai.
SYSTÈME COMPTABLE
L’assemblée plénière du CCE a décidé le 27 avril de reporter provisoirement l’approbation du projet
d’avis concernant la transposition dans la loi belge de la directive 2009/49/CE et d’organiser une
nouvelle réunion de la sous-commission. Cette réunion a eu lieu le 20 mai. Les membres ont apporté à
cette occasion les dernières modifications au projet d’avis, qui a été approuvé lors de la séance plénière
du 25 mai.
page 34 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Conseil central de l’Économie
CONCURRENCE
La Commission de la Concurrence a marqué son accord, au terme d’une procédure écrite, avec le projet
d’avis relatif au rapport annuel 2010 de la Direction générale de la Concurrence du SPF Économie.
Dans cet avis, la Commission constate avec satisfaction que, malgré des moyens relativement limités,
l’autorité de la concurrence belge soutient relativement bien la comparaison avec d’autres autorités de
la concurrence en ce qui concerne le nombre de décisions avec constat d’infraction. La Commission
estime que le rabaissement de la longueur des procédures doit rester prioritaire dans la politique
de l’autorité de la concurrence belge. La Commission est toutefois bien consciente que, si l’on veut
préserver le droit de la défense et la qualité de l’enquête, des limites doivent être posées à la réduction
de la durée moyenne des procédures.
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 35
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Comité économique et social européen
Au cours de son assemblée plénière des 15 et 16 mars 2011, le Comité économique et social européen
a notamment émis les avis suivants, dont nous vous proposons la synthèse.
ACTE POUR LE MARCHÉ UNIQUE1
Le CESE salue l’initiative de la Commission de relancer et de renforcer le marché unique, mais constate
qu’elle n’est pas parvenue à faire une synthèse appropriée des rapports Monti, Lamassoure, Gonzalez,
Grech et Herzog de telle sorte à mettre effectivement le marché unique au service des consommateurs
et des citoyens, conformément à la demande formulée par le PE dans sa résolution du 10 mai 2010.
Le Comité économique et social européen (CESE) a suivi de manière très attentive l’évolution du marché
unique grâce à son Observatoire du marché unique (OMU) et demande à la Commission européenne
d’associer l’observatoire à des initiatives telles que le Forum sur le marché unique, en qualité d’acteur
de premier plan.
L’acte pour le marché unique n’est que le début d’un processus à long terme visant à revitaliser le
marché unique. Le CESE a mis en évidence le caractère lacunaire de cet acte, où un certain nombre de
mesures font défaut. Il formulera ses recommandations en temps voulu.
Dans cet avis, le CESE ne propose pas une étude approfondie de toutes les propositions que contient
l’Acte pour le marché unique. Certaines d’entre elles ont déjà fait l’objet d’avis antérieurs de sa part.
Le Comité élaborera des positions plus détaillées lorsque la Commission européenne publiera des
propositions qui découleront de la communication, notamment celles relatives aux initiatives phares
de la stratégie Europe 2020. Le CESE insiste sur la nécessité d’adopter une approche globale qui aille
au-delà de l’articulation artificielle de l’Acte pour le marché unique autour de trois piliers. Le Comité
entend pallier le caractère éclectique des propositions en recommandant davantage de cohérence et
d’interdépendance entre les diverses mesures.
Le marché unique est un élément central de l’intégration européenne et de sa stratégie Europe 2020. Le
suivi, la gestion et l’application de la législation sur le marché unique sont essentiels. Pour les mener à
bien, la Commission européenne devrait coopérer étroitement avec les États membres en utilisant plus
efficacement le tableau d’affichage du marché unique.
EXAMEN ANNUEL DE LA CROISSANCE2
Concernant l’assainissement budgétaire, le Comité regrette que les propositions d’assainissement
soient exclusivement axées sur les dépenses. Le Comité aurait attendu une série de propositions visant
à obtenir l’aide du secteur financier pour contribuer à ramener les budgets publics sur la voie de la
1
COM(2010) 608 final – CESE 525/2011
2
COM(2011) 11 final - CESE 544/2011
page 36 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Comité économique et social européen
durabilité. Des propositions concrètes et ambitieuses visant à contrôler les marchés financiers sont une
condition préalable à l’instauration de la confiance et à la prévention d’autres turbulences.
Il conviendrait d’accorder beaucoup plus d’attention aux moteurs de croissance qui permettront aux
États membres d’assainir les budgets tout en empruntant la voie d’une croissance durable. Les États
membres ayant des balances courantes excédentaires devraient être encouragés à maintenir une
politique d’expansion et à remédier à l’insuffisance de la demande intérieure.
Une approche des marchés du travail, des réformes des pensions, du chômage et de la flexicurité
tournée vers l’avenir reposera sur la création d’emplois durables et d’opportunités d’emplois, en
exploitant le potentiel des nouveaux secteurs économiques et de l’énergie propre. Le Comité insiste sur
le fait que les propositions de la Commission concernant les États membres qui interfèrent clairement
avec leurs systèmes de négociations collectives et leurs pratiques en matière de sécurité du travail sont
absolument hors de propos.
Le CESE estime que la Commission européenne doit clarifier sa position concernant les quotas et
affiliations obligatoires qui pèsent sur les secteurs professionnels. En ce qui concerne les réglementations
sur le commerce, il faut aussi bien étudier toutes leurs conséquences en matière d’emploi pour le secteur
et appliquer le principe de subsidiarité pour des questions telles que le zonage ou les heures d’ouverture
qui doivent relever essentiellement de conditions locales, culturelles, climatiques ou autres.
Le Comité estime que l’examen annuel de la croissance ne consacre pas suffisamment d’attention au
potentiel de croissance européen du marché unique, dans la mesure où il ne fait que mentionner l’Acte
pour le marché unique qui est décisif et où il ne développe pas certains de ses aspects clés qui favorisent
la croissance intelligente, durable et inclusive, tels que les brevets européens, la «carte professionnelle»
européenne, les projets européens en matière d’infrastructure, les prêts transfrontaliers, les marchés
hypothécaires intégrés, l’entrepreneuriat social et les fonds d’investissement à finalité sociale.
UNION DE L’INNOVATION3
Les innovations requièrent une approche européenne et un marché unique européen qui accordent un
rôle clé à l’Espace européen de la recherche et à un puissant programme cadre de R&D.
Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission et se félicite que l’innovation soit
comprise et définie dans une perspective d’ensemble et au sein d’un réseau, et qu’elle concerne dès
lors la recherche, la technologie et les produits, mais aussi toutes les relations et formes d’organisation
interpersonnelles, comme les prestations sociales, le fonctionnement de l’entreprise, les modèles
d’entreprise, le design, les stratégies de marque, les processus de production et les services ainsi que
leurs multiples interactions.
La tâche politique essentielle consiste à créer, au niveau européen, un environnement et des conditionscadres fiables, propices à l’innovation et suffisamment souples pour libérer les inventeurs potentiels et
les processus d’innovation de la charge que représentent la fragmentation et la surcharge actuelles
des cadres réglementaires et des formalités administratives différents des 27 États membres et de la
Commission.
3
COM(2010) 546 final – CESE 524/2011
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 37
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Comité économique et social européen
Le Comité recommande de consentir davantage d’efforts pour supprimer tous les obstacles qui entravent
la mise en œuvre rapide des innovations et la création d’une Union de l’innovation.
DES LIEUX DE TRAVAIL INNOVANTS4
Le Comité estime qu’il appartient à l’Union européenne de soutenir tous les États membres et les
entreprises dans les efforts qu’ils déploient pour accroître l’innovation sur le lieu de travail. L’innovation
sur le lieu de travail s’efforce de remodeler les activités organisationnelles d’une manière durable tout
en améliorant tant la productivité que la qualité du travail.
Dans le but d’améliorer l’équilibre de la stratégie Europe 2020, le CESE recommande de lancer un projet
pilote sur les lieux de travail innovants dans le cadre de l’initiative phare «Une Union pour l’innovation».
L’idée maîtresse du projet devrait être l’amélioration de la qualité de la vie professionnelle. Le CESE
estime qu’il convient de lancer sans tarder des études supplémentaires sur le rapport entre la qualité
de la vie professionnelle, la capacité d’innovation et la productivité, et qu’il faudrait développer un index
européen qui mesure la qualité du travail et ses effets sur la capacité d’innovation et la productivité.
Le CESE est préoccupé par le fait que l’’UE consacre des financements considérables aux technologies
de pointe et à l’innovation des produits et que l’importance de l’innovation sur le lieu de travail ne
soit pas suffisamment reconnue. Il est d’avis que la politique de l’innovation devrait mettre davantage
l’accent sur les moyens d’améliorer la collaboration des différents partenaires en vue de promouvoir les
lieux de travail innovants et d’améliorer ainsi la compétitivité et le bien-être au sein de l’UE.
Le CESE invite la Commission et les États membres à se demander sérieusement quelles sont les
politiques et les méthodes d’organisation qui ont prouvé leur efficacité pour ce qui est d’améliorer la
capacité d’innovation en investissant dans les compétences.
Le CESE note que les gouvernements des États membres ont un rôle stratégique à jouer dans ce
domaine: les investissements dans les projets d’innovation et les différentes incitations économiques
sont essentiels. L’utilisation efficace des financements pour promouvoir l’innovation doit s’appuyer sur
une perspective à long terme, une approche méthodique et une assistance sous forme de conseils et
d’orientations en vue d’initier et mener à bien des projets de développement. À cet égard, les partenaires
sociaux assument une responsabilité importante pour ce qui est de l’élaboration, de la conduite et de
l’évaluation des projets. Il convient également de renforcer le rôle de la société civile organisée dans la
mise en place des formations et la diffusion des meilleures pratiques.
Le CESE doit jouer un rôle essentiel en sensibilisant davantage les partenaires sociaux, la société
civile organisée et les responsables politiques en général à la nécessité de développer des politiques
qui encouragent l’innovation sur le lieu de travail. Sa mission consiste à promouvoir la prise en compte
de l’innovation, aussi bien dans ses propres documents que, de manière plus générale, dans les textes
politiques de l’UE, notamment en présentant ses points de vue sur la politique de l’innovation dans ses
avis sur des questions de politique économique, de politique de l’emploi ou de l’innovation et en utilisant
ses relations étroites avec les conseils économiques et sociaux des États membres.
4
Avis d’initiative – CESE 543/2011
page 38 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Comité économique et social européen
APPROVISIONNEMENT ÉNERGÉTIQUE5
Les États membres de l’UE et les pays couverts par la politique européenne de voisinage (PEV) sont
très fortement dépendants des fournitures assurées par les pays tiers.
Le Comité économique et social européen appelle de ses vœux le renforcement rapide et graduel d’une
politique extérieure commune de l’Union européenne en matière d’énergie; il s’agit de mettre un terme
à l’unilatéralisme énergétique, qui sape les bases mêmes du principe de la solidarité entre les États
membres et expose en outre ceux qui ne disposent pas d’un poids contractuel adéquat à de sérieuses
difficultés pour s’approvisionner à des prix équitables et supportables.
Il est donc nécessaire d’instaurer une nouvelle communauté de l’énergie dotée d’une mission spécifique
d’appui au développement de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, de l’interconnexion
des réseaux et de leur interopérabilité.
Le Comité demande également le pourvoi du poste de haut représentant aux politiques énergétiques,
dont le titulaire seconderait le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Il convient d’intensifier la coopération énergétique dans le cadre de la PEV, et d’associer davantage les
pays relevant de la PEV aux politiques communes, tout en veillant à ce que les règles démocratiques et
les droits de l’homme soient respectés.
Le CESE demande à être pleinement associé aux travaux de la plateforme thématique 3 (sécurité
énergétique) du Partenariat oriental; il s’efforce également de mettre en place une Assemblée des
conseils économiques et sociaux de la région méditerranéenne, qui pourrait constituer une enceinte
vitale pour des échanges de la société civile sur la politique énergétique.
INTEGRITÉ ET TRANSPARENCE DU MARCHÉ DE L’ÉNERGIE6
Le Comité économique et social européen:
- soutient et se félicite de la proposition la Commission visant à favoriser des mesures destinées à
lutter contre les manipulations des marchés de gros de l’énergie et à les rendre plus transparents;
- prend en considération le choix de l’instrument qu’est le règlement, sur la base juridique de l’art. 194
du TFUE;
- souscrit à la décision d’avoir recours à des actes délégués;
- demande à ce que soit mise au point dans un laps de temps relativement bref une procédure de
contrôle de la garantie effectivement donnée par les États membres aux autorités nationales de
pouvoir disposer de compétences efficaces d’inspection et d’enquête;
- recommande à la Commission de surveiller l’application du règlement par les États membres;
- juge indispensable de renforcer la coopération et la coordination des gestionnaires des systèmes de
transmission;
5
Avis exploratoire – CESE 541/2011
6
COM(2010) 726 final – 2010/0363 COD – CESE 542/2011
Lettre Mensuelle Socio-économique > page 39
CCE Conseil Central de l’Économie
ACTUALITÉS
Comité économique et social européen
- estime utile que le règlement à l’examen soit coordonné avec la procédure de révision de la directive
sur les abus de marché (DAM); souhaite que les principes qui ont inspiré la proposition de nouvelle
directive soient inscrits dans le texte final du règlement à l’examen.
FUTUR DE LA PAC7
Le CESE évalue positivement le document de la Commission et les propositions présentées et note
qu’un grand nombre des observations émises par le Comité dans de précédents avis ont été prises en
compte dans la communication. Il demande à la Commission de faire en sorte de mieux clarifier les liens
existant entre les objectifs, les instruments et les ressources financières de la PAC d’après 2013.
La mission prioritaire de la PAC consiste à valoriser le rôle des agriculteurs en tant que producteurs
de denrées alimentaires. Par ailleurs, l’agriculture et la sylviculture doivent renforcer leur contribution
importante à la gestion durable des ressources naturelles en permettant de répondre de manière concrète
aux grands défis de la lutte contre le changement climatique, de l’urgence en matière de ressources
hydriques, de la protection de l’environnement et de la biodiversité , ainsi que du développement
territorial.
Le CESE approuve la proposition de renoncer à la référence historique pour la détermination du montant
de l’aide et souligne l’importance que les paiements directs au titre de la politique agricole commune
revêtent pour la préservation du modèle agricole européen. Ils jouent le rôle, tout à fait essentiel, de
compensation versée pour le respect des normes élevées qui sont exigées par la société dans l’UE et
de dédommagement remboursant les services rendus par l’agriculture qui ne sont pas rémunérés par
le marché.
Le CESE considère aussi qu’il est essentiel que ce processus de révision ne bouleverse pas les
objectifs et les mécanismes de la PAC visant à soutenir les opérateurs des filières agricole, alimentaire
et environnementale dans le cadre de leur programmation à long et à moyen termes. Le CESE juge à
cet égard souhaitable de prévoir une période transitoire suffisante et cohérente par rapport à la durée
de la nouvelle période de programmation.
7
COM(2010) 672 final – CESE 531/2011
page 40 > Lettre Mensuelle Socio-économique
CCE Conseil Central de l’Économie
SECRÉTARIAT CCE
Une mission d’étude et de documentation
Le Conseil central de l’économie, institué en 1948, rassemble les interlocuteurs sociaux. Son objectif
est d’associer les représentants de la politique économique. Sa compétence s’étend à tous les
problèmes relatifs à l’économie; elle est uniquement consultative. Son apport spécifique est de susciter
la confrontation des vues et le dialogue entre ses membres.
Le Conseil est donc à la fois, d’une part, un carrefour d’idées où se confrontent les opinions et où
s’élaborent des propositions communes où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers et,
d’autre part, un rouage de la politique économique, le Conseil traduisant ses propositions sous forme
de synthèses à l’intention des responsables de la politique économique.
Le secrétariat du Conseil a la double mission d’assurer les services de greffe et d’économat et de réunir
la documentation relative aux travaux du Conseil. Au fil des ans, il a développé cette seconde fonction.
Ses études détaillées ont trait aux problèmes soumis à l’examen du Conseil, mais également à des
sujets sur lesquels il estime qu’il faut attirer l’attention des interlocuteurs sociaux et des responsables
politiques. De plus, le secrétariat publie régulièrement des notes d’information générale et des dossiers
statistiques divers. Dans ce cadre, le secrétariat tire profit des relations privilégiées qu’il entretient avec
les services d’études des institutions économiques nationales et internationales.
La Lettre mensuelle socio-économique s’inscrit dans la mission d’étude et de documentation du
secrétariat. Celui-ci est seul responsable de son contenu.
Robert Tollet
Président
Luc Denayer
Secrétaire
Ton Harding
Secrétaire adjoint

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