Résolution 3/2014 Comité sur le droit du patrimoine culturel

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Résolution 3/2014 Comité sur le droit du patrimoine culturel
Résolution 3/2014 Comité sur le droit du patrimoine culturel
La 76ème Conférence de l'Association de droit international, tenue à Washington DC,
États-Unis d'Amérique, du 7 au 11 avril 2014 :
Ayant examiné le rapport du Comité sur le droit du patrimoine culturel et observant
que le projet de convention sur l'immunité contre les poursuites et les saisies de biens
culturels en situation de prêt temporairement situés à l'étranger à des fins culturelles,
éducatives ou scientifiques reproduit en annexe codifie une pratique de plus en plus
courante et contribue au développement progressif du droit international ;
Considérant le projet de convention comme le produit du travail du Comité adopté lors
de la 75ème Conférence de l'Association de droit international (ILA), qui s'est tenue à
Sofia en Bulgarie en août 2012, tel que revu lors d'une réunion intersessions du Comité à
Herlufsholm (Næstved) au Danemark en juin 2013;
Reconnaissant l'importance d'établir un mécanisme pour protéger l'intégrité des prêts
internationaux à des fins culturelles et scientifiques, conformément aux dispositions du
projet de Convention;
Adopte le projet de convention tel qu'il est intégré dans le rapport et annexé à la
présente résolution;
Prie le Secrétaire général de l'Association de droit international de transmettre une
copie du rapport final et de la présente résolution au Secrétaire général des Nations
Unies, au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture, à la Conférence de La Haye de droit international privé, au groupe
de travail sur le droit international du Conseil de l’Union européenne (COJUR), au
Comité des conseillers juridiques sur le droit international du Conseil de l'Europe
(CADHI) et à toutes autres organisations internationales et régionales concernées ; et de
la diffuser largement auprès de la communauté des juristes internationaux, en
particulier les organes d'experts travaillant sur le droit du patrimoine culturel.
Projet de convention sur l’immunité juridictionnelle et
l’insaisissabilité des biens culturels temporairement situés à
l'étranger à des fins culturelles, éducatives ou scientifiques
Les Etats parties à la présente Convention,
1) Reconnaissant que l'échange et la circulation de biens culturels entre nations à des
fins scientifiques, culturelles ou éducatives approfondit la connaissance des différentes
civilisations et améliore la compréhension mutuelle des peuples, inspirant le respect et
la prise en compte de la diversité culturelle.
2) Considérant que l'échange culturel contribue à l'enrichissement des cultures fondé
sur la bonne compréhension de leurs caractères distinctifs ;
3) Convaincus que la mobilité des biens culturels contribue à la croissance économique
et au tourisme, qu’elle est un outil éducatif important et qu’elle est essentielle pour les
expositions et les activités des musées ;
4) Se référant à l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, selon lequel les États parties au Pacte reconnaissent à chacun le
droit (a) de participer à la vie culturelle ; (b) de bénéficier du progrès scientifique et de
ses applications ; (c) de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels
découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il (elle) est
l'auteur ;
5) Se référant également à l'article IX de la Déclaration de l'UNESCO des principes de la
coopération culturelle internationale de 1966, indiquant que la coopération culturelle
contribue à établir entre les peuples des rapports stables et durables échappant aux
tensions qui viendraient à se produire dans les relations internationales ;
6) Convaincus dès lors que les objets culturels, en raison de leur importance
particulière, devraient être traités différemment des autres biens en droit international.
7) Résolus à promouvoir le partage des valeurs culturelles à travers la mobilité des
biens culturels, y compris les prêts internationaux de biens culturels destinés à des
présentations publiques, notamment des expositions ;
8) Considérant en outre que la protection des biens culturels temporairement situés à
l’étranger ne peut être efficace que si elle est organisée à l'échelle nationale et
internationale entre les États travaillant en étroite coopération ;
9) Convaincus que l’insaisissabilité peut éviter que des biens culturels temporairement
situés à l'étranger à des fins culturelles, éducatives ou scientifiques soient l'objet
d'échanges, de transferts de propriété ou autres situations conflictuelles, que
l’insaisissabilité facilite la mobilité des biens culturels et qu’elle permet de vaincre la
réticence des prêteurs à expédier leurs biens culturels dans un pays étranger où ils
pourraient être soumis à des procédures de saisies judiciaires.
10) Soulignant que l'immunité de saisie ne devrait suspendre la possibilité pour le
demandeur d’exercer des recours que pour une durée strictement limitée ;
11) Convaincus que l'octroi de l’immunité en vertu de la présente Convention ne doit
pas faciliter la circulation transfrontalière des biens culturels qui peuvent avoir été
volés, pillés, exportés illégalement, ou autrement acquis de manière illicite, au regard de
la Convention de l'UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et
empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens
culturels ; en conséquence, toute personne organisant le transfert temporaire d'un bien
culturel devrait vérifier, avec toute la diligence requise, la provenance de l'objet avant le
transfert du bien.
12) Cherchant à éviter le risque que la présence temporaire à l'étranger à des fins
culturelles, éducatives ou scientifiques de biens culturels serve de chef de compétence
d’une juridiction aux fins de revendication du bien.
Sont convenus de ce qui suit :
Article 1er : Champ d'application
Sans préjudice de l'article 5, la présente Convention prévoit l’insaisissabilité des biens
culturels qui se trouvent temporairement dans un Etat à des fins culturelles, éducatives
ou scientifiques, à moins que :
a) le bien culturel soit mis en vente ou destiné à être mis en vente ; ou (que)
b) l’Etat de réception ou une personne physique ou morale résidant dans cet Etat
détienne la propriété, soit en possession ou exerce une autre forme de contrôle sur le
bien culturel.
Article 2 : Définitions
Aux fins de la présente Convention,
1 La notion de « bien culturel » désigne un objet qui, à titre religieux ou profane, est
désigné par un Etat comme étant d'importance pour l'archéologie, la préhistoire,
l'histoire, la littérature, l'art ou la science, et qui appartient à l’une des catégories
suivantes :
(a) collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et
d'anatomie; objets présentant un intérêt paléontologique ;
(b) les biens concernant l'histoire, y compris l'histoire des sciences et des techniques,
l'histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes
nationaux, et les événements d'importance nationale ;
(c) le produit des fouilles archéologiques (régulières et clandestines) et des découvertes
archéologiques ;
(d) les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques
et des sites archéologiques ;
(e) objets d'antiquité ayant plus de cent ans d'âge, tels qu'inscriptions, monnaies et
sceaux gravés ;
(f) le matériel ethnologique ;
(g) les biens d'intérêt artistique tels que :
(i) tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main sur tout support et
en toutes matières (à l'exclusion des dessins industriels et des articles
manufacturés à la main) ;
(ii) productions originales de l'art statuaire et de la sculpture, en toutes matières ;
(iii) gravures, estampes et lithographies originales ;
(iv) assemblages et montages artistiques originaux, en toutes matières ;
(h) manuscrits rares et incunables, livres, documents et publications anciens d'intérêt
spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections ;
(i) timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections ;
(j) archives, y compris
cinématographiques ;
les
archives
phonographiques,
photographiques
et
(k) objets d'ameublement ayant plus de cent ans d'âge et instruments de musique
anciens.
2. L'expression « saisie » désigne toute procédure juridique qui
temporairement ou définitivement le retour du bien culturel à l'Etat d'envoi.
empêche
3. L'expression « insaisissabilité » désigne la garantie légale que les biens culturels qui
sont temporairement dans l'Etat de réception à des fins culturelles, éducatives ou
scientifiques sont protégés contre toute forme de saisie durant leur présence sur le
territoire de cet État.
4. Les termes « temporaire » et « temporairement » désignent une période de temps
limitée, n'excédant pas cinq ans, à partir de la date à laquelle l'Etat de réception reçoit le
bien culturel concerné.
5. L'expression «Etat d'envoi» désigne l'État Partie où le bien culturel en question est
généralement situé de façon permanente.
6. L'expression « Etat de réception » désigne l'Etat Partie sur le territoire duquel le bien
culturel concerné est temporairement présent à des fins culturelles, éducatives ou
scientifiques.
Article 3 : Insaisissabilité

Sans préjudice de l'article 5, les biens culturels qui sont temporairement sur le territoire
d’un Etat qui les reçoit à des fins culturelles, éducatives ou scientifiques jouissent d’une
immunité contre toute saisie dans cet Etat. Aucune mesure qui empêcherait ou pourrait
empêcher le retour de l'objet culturel à l'Etat d'envoi ne doit être ordonnée dans l'Etat
de réception.
Article 4 : Immunité juridictionnelle
1. Sans préjudice de l'article 5, la présence temporaire des objets culturels dans l'Etat de
réception à des fins culturelles, éducatives ou scientifiques ne peut servir de chef de
compétence dans l'Etat de réception.
2. Un jugement ou une sentence rendue par une juridiction (cour ou tribunal) dans l'Etat
de réception en violation du paragraphe 1er ne sera pas reconnu et ne pourra produire
effet dans aucun État Partie.
3. Tout État Partie peut, au moment de la signature, de la ratification, de l’acceptation, de
l'approbation ou de l'adhésion à la présente Convention, déclarer qu'il ne se considère
pas lié par le paragraphe 1er ou 2 du présent article.
4. Tout État Partie qui a fait une déclaration conformément au paragraphe 3 peut à tout
moment retirer cette déclaration par une notification adressée au dépositaire.
Article 5 : Exception à l’insaisissabilité et à l'immunité juridictionnelle
L’immunité de saisie ou de juridiction ne s'applique pas dans les cas où l'Etat de
réception est tenu par des obligations contraires en vertu du droit international ou du
droit régional.
Article 6 : Règlement des différends
1. Les États Parties s'efforcent de régler les différends concernant l'interprétation
ou l'application de la présente Convention par voie de négociation.
2. Tout différend entre deux ou plusieurs Etats Parties concernant l'interprétation
ou l'application de la présente Convention qui ne peut être réglé par voie de
négociation dans les six mois peut, à la demande de l'un des Etats Parties
concernés, être soumis à l'arbitrage. Si, six mois après la date de la demande
d'arbitrage, les États Parties concernés ne parviennent pas à s'entendre sur
l'organisation de l'arbitrage, l'un des Etats Parties concernés peut soumettre le
différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête
conformément au statut de la Cour.
3. Chaque État Partie peut, au moment de la signature, de la ratification, de
l'acceptation ou approbation ou de l'adhésion à la présente Convention, déclarer
qu'il ne se considère pas lié par le paragraphe 2. Les autres Etats parties ne
seront pas liés par le paragraphe 2 à l’égard de tout État Partie ayant fait une telle
déclaration.
4. Tout État Partie qui a fait une déclaration conformément au paragraphe 3 peut à
tout moment retirer cette déclaration par une notification adressée au
dépositaire.
Article 7 : Diligence requise
Avant l’envoi de biens culturels dans l'Etat de réception à des fins culturelles, éducatives
ou scientifiques, l'Etat de réception et l'Etat d'envoi doivent, conjointement ou
séparément, veiller à ce que la provenance de l’objet ait été déterminée ou confirmée
avec toute la diligence requise, en respectant a minima les normes fixées par le Conseil
international des musées (ICOM).
Article 8 : Mesures supplémentaires au niveau national
Les États Parties ont le droit de prendre des mesures supplémentaire, conformément à
leur droit interne, pour assurer la mise en œuvre effective de la Convention dans leurs
ordres juridiques respectifs, à condition que ces mesures soient compatibles avec les
dispositions de la présente Convention.
Article 9 : Disposition transitoire
La présente Convention s'applique uniquement aux biens culturels qui se trouvent
temporairement et à des fins culturelles, éducatives ou scientifiques dans l'Etat de
réception après que la Convention est entrée en vigueur dans cet Etat.
Article 10: Signature, ratification et adhésion
1. La présente Convention est ouverte à la signature jusqu'au [date].
2. La présente Convention est soumise à ratification, acceptation ou approbation par les
Etats qui l'ont signée.
3. La présente Convention est ouverte à l'adhésion de tous les États qui ne sont pas les
Etats signataires à partir de la date à laquelle elle est ouverte à la signature.
4. La ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion sont soumises au dépôt d'un
instrument formel à cet effet auprès du dépositaire.
5. Aux fins de la présente Convention [....] remplit les fonctions de dépositaire.
Article 11 : Entrée en vigueur
1. La présente Convention entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la
date du dépôt du cinquième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou
d'adhésion.
2. Pour chaque État qui ratifie, accepte, approuve ou y adhère, après l’entrée en vigueur
du cinquième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, la
Convention entre en vigueur à l'égard de cet Etat le premier jour du troisième mois
suivant la date du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation
ou d'adhésion.
Article 12: Relations entre les États Parties
Tout État Partie peut conclure des accords avec un ou plusieurs autres États Parties, en
vue d'améliorer l'application de la présente Convention dans leurs relations mutuelles.
Les Etats qui ont conclu de tels accords doivent en transmettre une copie au dépositaire.
Article 13: Réserves
Un Etat peut, au moment de signer, de ratifier, accepter, approuver ou adhérer à un
traité, formuler une réserve, à moins que la réserve ne soit incompatible avec l'objet et
le but de la présente Convention.
Article 14: Dénonciation
1. La présente Convention peut être dénoncée par tout Etat Partie, à tout moment après
la date à laquelle il entre en vigueur pour cet État, par le dépôt d'un instrument à cet
effet auprès du dépositaire.
2. La dénonciation prend effet le premier jour du sixième mois suivant le dépôt de
l'instrument de dénonciation auprès du dépositaire.
3. Nonobstant une telle dénonciation, la présente Convention continue de s'appliquer
aux biens culturels qui étaient déjà présents dans l'Etat de résidence avant l'entrée en
vigueur de la dénonciation.