Lolenga Mock retour sur le ring

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Lolenga Mock retour sur le ring
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parcours | D’ici et d’ailleurs
p « Le sport va de pair avec la politique. Pour l’heure, l’État congolais n’existe pas », soutient l’athlète.
Lolenga Mock retour sur le ring
Le 4 décembre 2015, le boxeur congolais a battu l’italien
alessandro sinacore, à copenhague. Quelques jours
auparavant, il n’avait aucun doute sur l’issue du combat.
Q
uelques jours avant son comeback, Mokili Lolenga nous ouvre
sa porte. À Aarhus, sur la côte
est de la péninsule danoise. Ce
soir de fin d’automne, la température
avoisine 0 °C. Le matin, les premières
neiges sont tombées. Il fait froid, très
froid. Notre hôte est en tee-shirt, affalé
sur son long canapé de cuir, les yeux
sur un énorme écran de télévision. Des
images d’un combat de boxe défilent. Il
apprécie. Chaque déplacement est
décrypté, chaque esquive, chaque coup
commenté. Dans quelques jours, Lolenga
remontera sur le ring après trois années
d’absence. « Je suis prêt », dit-il. Et ce
ne sont pas les seize combats sans défaite
de son adversaire, l’Italien Alessandro
Sinacore, qui le feront douter. « Il va
s’écrouler! » jure celui que tout le monde
appelle Mock. À 43 ans, il est resté le
même: taquin et sûr de lui.
n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
Une confiance inébranlable, « fruit du
travail et de la discipline », confie le
boxeur d’origine congolaise, fils d’un
ancien lutteur. « Je ne fume pas, je ne
bois pas non plus », affirme-t-il. Son
père, cadre à la Regideso, régie de distribution d’eau en RD Congo, fut l’un
des pionniers du catch congolais à
Kisangani, dans le nord-est du pays.
Petit, Mock s’essaie à la lutte gréco-latine
pour « marcher sur les traces du papa ».
Puis, parallèlement à sa formation en
électricité, il s’adonne au catch. Et y
prend goût. Deux ou trois fois par
semaine, avec ses camarades, il se rend
dans une enceinte de l’ex-Athénée royal
pour s’entraîner. « C’est seulement là-bas
qu’on pouvait trouver une salle de sport
bien équipée », se rappelle-t-il.
Très vite, le jeune homme se tourne
vers la boxe. « Dans le 11-15 de laTshopo,
le quartier où j’ai grandi à Kisangani,
j’étais le premier à m’orienter vers cette
discipline », soutient-il. Ce qui lui vaut
le respect et surtout le soutien des « kadhafis », les vendeurs locaux de carburant.
Ces derniers se cotisent et organisent
des carnavals chaque fois que leur poussin monte sur le ring. La boxe, pourtant,
ne nourrit pas son homme. Une fois son
diplôme décroché, Mock décide de faire
une pause. Bêche à la main, il se rend à
Lolima, dans le nord-est du pays, pour
« creuser le diamant ».
Fort de sa renommée, Mock n’est pas
considéré comme les autres « creuseurs ».
Il est nommé ranger de Pikolo, le boss
du chantier. Un statut de garde du corps
qui lui accorde avantages et privilèges,
notamment le droit d’extraire le diamant
sans payer de taxe. Quelques mois et
quelques carats plus tard, il regagne
Kisangani pour vendre ses pierres précieuses et s’envole, en 1994, pour le Kenya,
où il établit son « QG ». Là-bas, le
« Zaïrois » reprend la boxe et ne perd pas
une seconde pour se faire remarquer en
battant un champion local. Sa carrière
professionnelle redémarre, les sponsors
jeune afriQue
Europe, Amériques, Asie
Avec ce promoteur, Mock enchaîne
les titres: champion duWBA en 2004,
champion du WBO intercontinental
en 2005 et trois fois champion d’Europe d’EBU-UE. Une vitrine remplie
de ces trophées est fièrement exposée
au fond de son salon. Après avoir
infligé début décembre 2015 à
Alessandro Sinacore sa première
défaite, Lolenga Mock voudrait bien
revivre de nouveau ces grands
moments, malgré son âge. « Roy
Jones Jr [46 ans] et Evander Holyfield
[53 ans] boxent encore », argue le
super-moyen du haut de son 1,80 m,
pour 76 kg. Des combats sont déjà
programmés en 2016 pour confirmer
le retour du champion.
Père de trois enfants nés au
Danemark, sa nouvelle patrie, Mock
n’a pas oublié la RD Congo. Même si
cette dénomination n’est pas du goût
du boxeur, qui lui préfère celle de
Zaïre. « Des massacres ont été perpétrés dans le pays chaque fois qu’il
a porté ce nom porte-malheur de
Congo », avance-t-il. Il attend donc
« le bon moment » pour donner un
coup de pouce à la boxe congolaise.
Surtout aux jeunes orphelins de la
“guerre de six jours” [affrontements
entre l’armée rwandaise et celle de
l’Ouganda en juin 2000] à Kisangani
qui s’intéressent à la discipline. »
Rings, gants et autres équipements
sportifs sont déjà stockés, mais pas
question de les expédier, pour l’instant.
« Le sport va de pair avec la politique,
explique-t-il. Pour l’heure, l’État
n’existe pas. Il n’est donc pas question
d’y aller pour voir ses projets destinés
à la jeunesse être confisqués par des
politiciens assoiffés d’argent. » Si son
come-back est acté sur le ring, il faudra
encore attendre avant de voir le champion fouler le sol de ses ancêtres. ●
Trésor Kibangula,
envoyé spécial au Danemark
Photo : ©aurélie bazzara pour J.A.
jeune afrique
coulisses
©Denis ALLARD/ReA
se l’arrachent, les combats se succèdent
entre Nairobi et les grandes villes
d’Afrique du Sud. En 2002, il est repéré
par un manager allemand et pose ses
valises dans son pays. Pas pour longtemps, puisque deux ans plus tard un
accord de transfert est conclu entre
son mentor – que Mock considère
comme un « grand frère » – et Mogens
Palle, le « Don King danois ».
cuBA LA FRANcE à L’AvANt-gARdE
La visite de Raúl Castro à Paris (ci-dessus, le 1er février) était
la première d’un chef de l’État cubain depuis 1995, à la fin de
l’ère Mitterrand. Il s’agissait à l’époque de Fidel, qui, en 2006,
abandonna les rênes du pouvoir à son frère. François Hollande
a quant à lui été le premier chef d’État occidental à se rendre
en visite officielle à Cuba depuis la révolution (1959). C’était
en mai 2015, juste après l’annonce du dégel des relations
américano-cubaines… À La Havane, il avait plaidé pour la levée
de l’embargo contre l’île caribéenne, position qu’il a réitérée
lors de la visite de Raúl. Le président français a par ailleurs
annoncé la conclusion d’un accord sur la dette cubaine et la
création d’un fonds doté de 200 millions d’euros destiné à
« accélérer les investissements de la France à Cuba ». Une
demi-douzaine de contrats ont été signés dans les secteurs du
tourisme, du transport ferroviaire et du commerce équitable. ●
BIRMANIE LA REvANchE
d’AuNg SAN Suu KyI
Après un demi-siècle de
domination militaire, la LND,
le parti prodémocratie d’Aung
San Suu Kyi (Prix Nobel de
la paix), a fait son entrée au
Parlement, le 1er février. Dans
un premier temps, les nouveaux
élus vont devoir constituer un
gouvernement qui, au mois de
mars, choisira le président de
la République. Cette transition
délicate est entourée du plus
grand secret : rien ne filtre du
programme de la LND, si ce n’est
qu’il sera placé sous le signe de
la réconciliation nationale. Une
opacité destinée à éviter tout
conflit avec les militaires, à qui
un quart des sièges au Parlement
sont réservés d’office.
vIEtNAM touR dE vIS
« Un pays sans discipline, livré
au chaos et à l’instabilité, ne
peut se développer. Démocratie
et discipline doivent aller de
pair. » Dès le lendemain de
sa réélection pour cinq ans
à la tête du PC vietnamien,
Nguyen Phu Trong a donné
le ton. La confirmation à la
direction du parti unique de cet
apparatchik conservateur de
71 ans sonne le glas des espoirs
de son grand rival, l’ancien
Premier ministre Nguyen Tan
Dung, sur qui les Occidentaux
comptaient pour engager des
réformes d’inspiration libérale.
Désormais, les observateurs
s’attendent à l’inverse à un
serrage de vis en bonne et due
forme.
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