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Lundi 17 octobre 2016 SUD OUEST
Santé/Bien-être
L’autophagie, ce
processus cannibale
RECHERCHE On en parle beaucoup depuis l’attribution du Nobel de médecine 2016.
Sait-on qu’à Bordeaux des chercheurs travaillent sur ce phénomène cellulaire ?
ISABELLE CASTÉRA
[email protected]
e Club francophone de l’autophagie s’est réuni cette semaine à Talence. Des chercheurs venus de toute la France ont
échangé des vues sur ce phénomène biologique devenu très à la
mode depuis l’attribution du prix
Nobel au Japonais Yoshinori Ohsumi. Un mot dont on va pouvoir
user dans les dîners mondains. Effet garanti. À Bordeaux, des équipes
de biologistes qui pratiquent la recherche fondamentale concentrent leurs efforts autour de ce processus cannibale.
Mojgan Djavaheri-Mergny est
biologiste cellulaire spécialiste du
cancer à l’Inserm, au cœur de l’institut de lutte contre le cancer de Bergonié, à Bordeaux. Elle a coorganisé
ce congrès à Talence avec Nadine
Camougrand, biochimiste au
CNRS, chercheuse spécialiste des
mitochondries. Il faut beaucoup les
écouter pour décrypter les messages scientifiques qu’elles commentent. Ces deux chercheuses pratiquent un langage
qui
échappe au
« La cellule
commun des
cannibale fait
mortels.
le ménage,
L’autophagie,
qu’est-ce
elle en mange
que c’est ? « Un
d’autres.
processus de
dégradation
Elle nettoie
cellulaire paren fait ce qui
mi d’autres. La
est mauvais »
cellule cannibale fait le ménage, elle en mange d’autres. Elle
nettoie en fait ce qui est mauvais,
les virus, les protéines toxiques, les
mitochondries…,
commente
Mojgan. En revanche, si la cellule est
carencée, par exemple par un
jeûne, elle s’adapte pour la faire survivre dans des conditions de stress. »
L
Bonne et mauvaise autophagie
Christian de Duve, docteur en médecine belge qui a découvert le premier le processus d’autophagie, en
1955, a lui aussi reçu un prix Nobel,
mais en 1974. Ohsumi, le Nobel
2016, lui, a découvert le mécanisme
de l’autophagie (lire ci-contre). Un
pas de plus. « Oui, assure Nadine Camougrand, grâce à lui on comprend le rôle de l’autophagie dans
la physiologie des cellules et leur dérégulation, avec ses conséquences
dans le développement du vieillisse-
LA CAMPAGNE
L’ostéoporose, un mal sournois
Àl’occasiondelaJournéemondiale
de l’ostéoporose, le jeudi 20 octobre,l’Associationfrançaisedelutte
antirhumatismale(Aflar)semobilise pour faire toute la lumière sur
une maladie trop ignorée. L’Aflar a
besoin de
volontaires
pour répondreàsagrande
enquête sur
l’ostéoporose, publiée
sur son site
Internet
(www.aflar.org),quiapourobjectif
de réaliser un état des lieux des
besoinsetdesattentesdespatients.
Entermesdesantépublique,l’ostéoporoseestunvraiparadoxe:elletoucheunefemmesurtrois.Or,saprise
enchargemédicaledemeureinsuffisante, comme le démontrent les
donnéesdel’Assurance-maladiede
2013. Les causes : désinformation,
remboursement complexe, mauvaiseperceptiondelamaladie…
LE LAURÉAT
Un chercheur bordelais,
lauréat d’Espoir en tête
Les chercheurs bordelais de l’Inserm et du CNRS, à Talence. PHOTO THIERRY DAVID
ment, de certains cancers, mais aussi des maladies neurodégénératives de type Alzheimer ou Parkinson. »
Nadine Camougrand travaille
sur les mitochondries, soit l’usine
énergétique de la cellule. « Je cherche
à comprendre comment ces mitochondries peuvent être dégradées
par le processus d’autophagie, puisque l’autophagie n’a pas seulement
une fonction vertueuse. La dégradation des mitochondries ou leur
défaillance provoquent dans la cellule des dysfonctionnements, qui
sont à l’origine de l’installation de
maladies neurodégénératives. Il
faut savoir que l’autophagie a un
rôle de régulateur des mitochondries, puisque a priori elle élimine les
défaillantes. Quand tout va bien. »
Idem pour le cancer. Si « le ménage » n’est pas correctement fait
par l’autophagie, les cellules accumulent des dommages qui induisent des mutations, lesquelles sont
à l’origine des cancers. Pas que.
« L’autophagie a un rôle antitumoral dans l’absolu, précise Mojgan
Mergny, mais les cellules cancéreuses sont vicieuses et elles détournent l’autophagie à leur avantage, elles se nourrissent dessus et progressent. On travaille donc à bloquer ce
Yoshinori Ohsumi, prix Nobel
Le biologiste japonais Yoshinori Ohsumi, 71 ans, s’est vu décerner le
prix Nobel de médecine, le 3 octobre, pour avoir élucidé les mécanismes de l’autophagie, processus de dégradation et de recyclage des
composants des cellules. Ce professeur à l’Institut de technologie à
Tokyo est le sixième Japonais à remporter le prix Nobel de médecine.
Il s’est impliqué dans ce champ de recherches à partir de la fin des années 1980. Il a d’abord travaillé sur des levures, chez lesquelles il a démontré l’existence de mécanismes d’autophagie en les affamant.
Ensuite, par des milliers d’expériences, toujours chez les levures, il a
mis en évidence les 15 gènes clés impliqués dans ces processus. Les
résultats de cette percée scientifique ont été publiés en 1992. Le biologiste a ensuite poursuivi ses travaux et montré que des mécanismes sophistiqués comparables sont à l’œuvre dans les cellules humaines. La Bordelaise Nadine Camougrand, biologiste du CNRS, est
très fière que la recherche fondamentale à partir de levures soit ainsi
reconnue. « On travaille beaucoup dans l’ombre », avoue-t-elle.
fonctionnement pervers mais aussi à favoriser l’autophagie vertueuse. »
Un espoir contre le cancer ?
Sur la paillasse, la recherche avance,
même si les financements rament
un peu. Pourtant, les oncologues
commencent déjà à traiter certains
patients avec de nouvelles thérapies
s’appuyant sur le principe de l’autophagie.
« En recherche fondamentale,
nous travaillons pour comprendre
les subtilités de ce processus et pour
trouver toutes les adaptations possibles, précisent les chercheuses. Il
reste beaucoup de chemin, mais
nous espérons que le prix Nobel
nous fera gagner de la crédibilité. »
La chloroquine, inhibiteur d’autophagie, est utilisée dans certains
essais cliniques contre le cancer,
tandis que d’autres thérapies sont en
test avec des activateurs d’autophagie. « C’est très prometteur aussi, assurent les chercheuses. Mais il va falloir encore de la patience. »
La saison 11 de l’action nationale
Espoir en tête Rotary-FRC (Fédération pour la recherche sur le cerveau),aveclaprojectiondufilmde
Disney« LeLivredelajungle »dans
plus de 500 salles de cinéma en
France,apermisderécolter1,078milliond’euros. Six projets,sélectionnésparleconseilscientifiquedela
FRC,vontpouvoirêtrefinancésdans
le cadre de l’appel d’offres exceptionnel Espoir en tête. Les six lauréatsviennentderecevoirleursdotations. Andreas Frick, chercheur
bordelaisauNeurocampus,enfait
partie:ils’estvuoctroyerunesubvention de 171 450 euros pour l’acquisitiond’unmicroscopeUlaserpour
imageriemultiphotoniqueinvivo.
Ilestainsilecinquièmechercheur
bordelais à être lauréat de l’action
Espoirenentête,organiséedepuis
dixansparleRotaryetlaFRC.
LE LIVRE
« Bien dormir sans médicaments »
ClémencePeix-Lavallée,sophrologue,chroniqueuseauHuffington
Post,conférencière,expertdusommeil, propose une
nouvelle méthode
efficacepourretrouver un sommeil de
qualité,sanspasser
parlacasedesmédicaments hypnotiques. Elle présente
pasmoinsde25 pratiques,validéespardesétudesscientifiques,quiconviennentàchaque
profildemauvaisdormeur(stressé,
anxieux,hyperactif,adulte,enfant
étudiant,senior).Encomplément
dulivre:unCDpouraideràseglisser
dans les bras de Morphée.
« Biendormir »,deClémencePeix-Lavallée,éd.OdileJacob,23,90 €.

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