Commentaires et traduction du CD et du concert "De Bach à Ravel"

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Commentaires et traduction du CD et du concert "De Bach à Ravel"
COMMENTAIRES et TRADUCTIONS Concert chant et orgue DISQUE De Bach à Ravel 1 -­‐ Toccata et fugue en ré mineur BWV 565/ Johann Sébastien BACH (1685/ 1750) (orgue seul) Nombre de musicologues pensent que la pièce la plus populaire de Bach n'est certainement pas de sa main ! Ecrite dans les années 1705, dans le style fantasticus, une façon descriptive et exubérante d'écrire la musique au cours de l'époque baroque. Cette pièce, tel un grand point d'interrogation en son départ, suivi par de grandes tirades et enfin des échos déclamés entre les différents claviers, permettra à l'organiste, tant de tester la virilité de l’instrument, que d'éveiller les oreilles de l'auditoire ! La fugue quant à elle, fut certainement écrite pour violon, (instrument que jouait Bach) son sujet (thème) revêt un caractère typiquement bariolé à la manière du violoniste jouant avec plusieurs cordes. Elle reprend en sa fin les contours théâtraux de la toccata dans un style libre et puissant. 2 -­‐ Barcaiolo/ Domenico DONIZETTI (1797-­‐ 1848) Au XIX ème siècle, l’opéra sort de son cadre institutionnel pour s’introduire dans les salons. A partir des thèmes tels l’amour et la mort, les protagonistes se font plus proches de nous. Il est ici question d’un marin, de la mer calme et souriante, tumultueuse, à l’image des sentiments amoureux. Le Passeur Vogue, vogue, le vent se tait, L’onde est pure, le ciel serein, Seul un souffle paisible semble réjouir le ciel et la mer ; Vogue, vogue, ô passeur. Maintenant que tout nous sourit en ces instants si tendres, Je veux abandonner mon âme à I’ ivresse du bonheur, vogue, vogue, ô passeur. Vogue, vogue, le vent se tait, l’onde est pure, le ciel serein, Seul un souffle paisible semble réjouir le ciel et la mer. Car si la tempête se déchaîne, et nous entraîne tous deux dans la mort, Mon sort sera bienheureux, car je veux expirer à tes côtés : Vogue, vogue, ô passeur. 3-­‐ Chi il bel sogno di Doretta/Giacomo PUCCINI (1858-­‐ 1924) La canzonetta di Doretta (La Rondine) Puccini nous a laissé un opéra où l’on revit une de ces séances lors desquelles « le grand monde » du XIX (l’action se situe en 1830) se désennuie en imaginant des mœurs nouvelles. Ainsi le compositeur Prunier y est-­‐il invité à faire entendre les élans d’une héroïne romantique. N’ayant pas encore achevé sa partition, c’est Magda, la maîtresse de maison, qui improvisera toute la fin, avouant ainsi combien elle abandonnerait volontiers son banquier de « protecteur » pour un étudiant, impécunieux mais pétri d’idéal… Magda rêve d’un amour absolu et improvise une chanson, l’un des airs les plus câpiteux de toute la carrière de Puccini. Le beau rêve de Doretta Qui pourrait deviner le beau rêve de Doretta? Pourquoi son mystère a pris fin Un jour, un étudiant a embrassée sur la bouche Et ce baiser fut la révélation: Il était la passion! Amour fou! Bonheur fou! Qui pourra jamais à nouveau Décrire la caresse légère D'un baiser si brûlant? Oh! Mon rêve! Oh! Ma vie! Qui se soucie de la richesse Si enfin le bonheur fleurit! Oh rêve doré Pour être capable d'aimer de cette façon! 4 -­‐ Signore ascolta /Giacomo PUCCINI (1858-­‐ 1924) (Turandot) Turandot, l’héroïne de l’opéra, est dépeinte comme une vierge hystérique rendue humaine par une blessure dont l'origine la précède et la rend prisonnière d'une sorte de malédiction perpétuée malgré elle. Sa crainte des hommes et sa volonté de décapiter chaque nouveau prétendant provient de ce que, pour Turandot, la jouissance sexuelle apporte la mort. En contrepoint au portrait sadique de la princesse, s'affirme également, dans la conception puccinienne, la bonté et la générosité de l'esclave Liù, pur amour qui à l'inverse, n'hésite pas à faire don de sa vie, pour sauver l'homme qu'elle aime. Seigneur, écoute-­‐moi ! LIÙ (s’approche du Prince en pleurant.) Seigneur, écoute-­‐moi ! Ah ! Seigneur, écoute ! Liù ne se soutient plus ! Son cœur se brise ! Hélas ! Hélas ! Quel long chemin parcouru Avec ton nom dans le cœur, Avec ton nom sur les lèvres ! Mais si ton destin Demain doit se briser, Nous mourrons sur la route de l’exil ! Lui perdra son fils... Moi... l’ombre d’un sourire ! Liù ne se soutient plus ! Ah ! Pitié ! 05 – Choral « Allein Gott in der Höh sei Ehr » BWV 663 (Gloria)/ Johann Sébastien BACH (1685/ 1750) (orgue seul) « Allein Gott in der Hö sei Herr » BWV 663 A 2 Clav. e Pedale. Canto fermo in Tenore « Les dix-­‐huit chorals de Leipzig » recueil aussi appelé « Autographe de Leipzig » A la fin de sa vie, autour de l'année 1744, Bach rassemble un recueil de chorals écrits une trentaine d'années auparavant. Il mène ce travail jusqu'à la fin de sa vie en 1750; l'ordre des 18 pièces et leur nombre ne nous sont pas connus à ce jour. Nous savons que nombre d'entre eux ont fait l'objet d'élaborations successives de la part de leur auteur, et que deux d’entre eux ont été recopiés de la main de Altnikol, disciple et gendre de Bach. Ce choral, le second des trois Gloria offre la singularité de présenter la mélodie du choral (cantus firmus) à la voix de ténor. Bach déploie des trésors d’inventivité dans le développement mélodique, dignes de roucoulades capables de quasiment dissimuler la mélodie initiale… Le choral se développe simultanément de deux façons : d’une part, chaque phrase du choral (période) énoncée en valeur lente fait l’objet d’un travail contrapuntique savant (parties accompagnantes) et d’autre part, la mélodie ornée (ténor) paraphrase cette dernière en figuralismes qui dialoguent avec le tissu contrapuntique. Puis, de façon soudaine, le tempo s’interrompt, la mélodie telle un récitatif cadentiel s’échappe en un discours jaillissant, lyrique et très libre… puis, peu à peu le cours des évènements antérieurs reprend, pulsation et voix accompagnantes recouvrent leurs rôles. Une façon de dire pour Bach la Gloire de Dieu ? 06 -­‐ Après un rêve/ Gabriel FAURE (1845-­‐1924) Dans un sommeil que charmait ton image Je rêvais le bonheur, ardent mirage Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore, Tu rayonnais comme un ciel éclairé par l'aurore; Tu m'appelais et je quittais la terre Pour m'enfuir avec toi vers la lumière, Les cieux pour nous entr'ouvraient leurs nues Splendeurs inconnues, lueurs divines entre vues Hélas! Hélas, triste réveil des songes Je t'appelle, ô nuit, rends-­‐moi tes mensonges, Reviens, reviens radieuse, Reviens, ô nuit mystérieuse! 07-­‐ L'heure exquise/ Reynaldo HAHN (1874-­‐ 1947 ) La lune blanche Luit dans les bois ; De chaque branche Part une voix Sous la ramée. Ô bien-­‐aimée. L'étang reflète Profond miroir, La silhouette Du saule noir Où le vent pleure. Rêvons, c'est l'heure, Un vaste et tendre Apaisement Semble descendre Du firmament Que l'astre irise. C'est l'heure exquise. 08 -­‐ Widmung/ Robert SCHUMANN (1810-­‐1856) Dans l’été 1840, Schumann vient d’obtenir du tribunal le droit d’épouser Clara Wieck (l’histoire d’un père qui s’opposait au mariage de sa fille) Toute une floraison de Lieder est composée sur des poèmes choisis avec un goût très sûr, et un plaisir neuf : « Écrire pour le chant, quelle félicité ! J’en ai été privé si longtemps ! C’est une toute autre musique que celle qui ne passe pas seulement au travers des doigts, c’est tellement plus direct et mélodieux. » RS Dédicace Toi mon âme, toi mon coeur, Toi ma joie de vivre, toi ma peine, Toi mon monde, dans lequel je vis, Mon ciel c'est toi, auquel je suis suspendu, Ô toi mon tombeau, dans lequel Je déposerai pour toujours mon chagrin. Tu es la tranquillité, tu es la paix, Tu es le ciel qui m'est échu. Que tu m'aimes, me rend digne, Ton regard est la lumière de mes yeux, Ton amour m'élève au-­‐dessus de moi-­‐même, Mon bon esprit, mon meilleur moi ! 09 – Kaddish, a cappella / Maurice RAVEL (1875-­‐1937) Maurice Ravel compte de nombreux juifs parmi ses amis et affectionne particulièrement leur culture. En 1914 il composa les deux mélodies hébraïques dont le Kaddish, qui est ici une prière des morts écrite en araméen. Elle est interprétée ici a cappella. Que le nom du Très-­‐Haut soit exalté et sanctifié dans le monde qu’il a crée selon sa volonté. Que son règne soit proclamé de nos jours et du vivant de la maison d’Israël, Dans un temps prochain. (amen) Que le nom de l’Eternel soit béni à jamais et dans toute l’éternité. Béni, célébré, honoré, exalté, vénéré, admiré et glorifié Soit le nom du dieu Très-­‐Saint au-­‐dessus De toutes les bénédictions, de tous les cantiques Et hymnes de louanges qui peuvent être proférés dans ce monde. (amen) 10 – Andante (final de la 6ème sonate)/ Félix MENDELSSOHN (1809-­‐ 1847) (orgue seul) C’est l’ultime moment de la sonate : un mouvement d'une extrême douceur clôt une série de variations sur le thème choral du « Notre-­‐Père ». L’ambiance toujours « choral » rappelle le thème initial dans une couleur majeure et une allure ternaire. Le compositeur offre une page claire et expressive auréolée d'une plénitude céleste. Les jeux du clavier de récit sont choisis ici pour créer un fonds d’orgue doux et coloré. 11 -­‐ Chanson hébraïque/ Maurice RAVEL (1875-­‐1937) C’est une conversation socratique entre l’enfant et son père (ou l’élève et son maitre) chantée en yiddish. Orienté par son père, l’enfant avance sur le chemin de la connaissance à travers le jeu des questions/réponses. Pour caractériser les deux personnages et suggérer leur âge, j’ai choisi de les différencier par le truchement de deux timbres vocaux. 1) Mayerke, mon fils Devant qui te trouves-­‐tu là ? -­‐ Devant Lui, Roi des Rois et seul Roi, père mien 2) Mayerke, mon fils Et que lui demandes-­‐tu là ? -­‐ Des enfants, longue vie et mon pain, père mien 3) Mayerke, mon fils Mais dis-­‐moi, pourquoi des enfants ? -­‐ Aux enfants on apprend la Torah, père mien 4) Mayerke, mon fils Mais dis-­‐moi, pourquoi longue vie ? -­‐ Ce qui vit chante gloire au seigneur, père mien 5) Mayerke, mon fils Mais tu veux encore du pain ? -­‐ Prends ce pain, nourris-­‐toi, bénis-­‐le, père mien 12 -­‐ Měsíčku Na Nebi Hlubokém/Anton Dvorak (1841-­‐ 1904) (Russalka) Op.114 Composé en 1904, Russalka relate l’amour passionné, malheureux, dénaturé d’une fée des eaux, pour un homme, un prince. Ici le personnage de Russalka s’adresse à la lune et la mandate d’un message : lui trouver son prince et lui communiquer sa présence. Air de la lune Petite lune si haute dans le ciel, Ta lumière transperce le lointain, Tu vas de par le vaste monde, Tu vas jusque chez les humains. Arrête-­‐toi un instant, Dis-­‐moi, où est mon amour ? Dis-­‐lui, lune argentée, Que pour moi tu l'entoures de tes bras, Tu luis pour qu'au moins un instant, Il se souvienne de moi en songe. Et dis-­‐lui que je l'attends, Éclaire-­‐le là-­‐bas, très loin, Et si j'apparais en songe à cette âme humaine, Fasse qu'elle s'éveille avec ce souvenir, Lune, ne te cache pas, ne te cache pas, Lune, ne te cache pas ! 13 – Let bright the seraphin/ Georg Friedrich HAENDEL (1685-­‐ 1759) (Samson) Il y avait à Tsorea un homme qui s'appelait Manoa. Il était désespéré car sa femme était stérile et n'enfantait pas. Un jour, un ange envoyé par l'Eternel apparut à la femme et lui dit : « tu n'as pas d'enfant, mais désormais prends soin de toi. Tu vas devenir enceinte, tu enfanteras un fils. Jamais le rasoir ne passera sur sa tête. Cet enfant est consacré par Dieu dès le ventre de sa mère et il commencera à délivrer Israël de la main des Philistins.» Elle enfanta un fils, et lui donna le nom de Samson. L'enfant grandit et l'Eternel le bénit. Samson fut juge en Israël, au temps des Philistins pendant 20 ans. Sa force sera jalousée et les philistins par l’intermédiaire de Dalida auront raison de son secret pour le faire tomber. A la fin de l’acte III une femme israelite chante L’aria Let bright the seraphin pour accompagner la sortie du corps mort de Samson. Une femme israelite Laissez les séraphins éblouissants, en rang flamboyant, Jouer de leurs puissantes trompettes d’ange. Laissez les chérubins, en chœurs mélodieux, Caresser leurs harpes immortelles aux cordes d’or.. 14 -­‐ Bist du bei mir BWV 508/ Gottfried Heinrich STÖLZEL (1690-­‐ 1749) (livre d'anna magdalena bach) Un petit bijou mélodique, sans doute pas de la main de Bach mais de celle de Stölzel, recopié dans le Cahier d’Anna Magdalena Bach, sorte de livre d’or tenu par la maitresse de maison dans lequel les invités écrivaient une musique en guise de remerciement. Le texte dit sa confiance en Dieu au moment de la mort : « Bist du bei mir, gehe mit Freude zum sterben und zu meine Ruh » Si tu es avec moi, je vais avec joie vers la mort et vers mon repos. Si tu restes avec moi Si tu restes avec moi, alors j'irai en joie Vers ma mort et mon doux repos. Ah ! Comme elle serait heureuse, ma fin, Tes jolies mains fermant mes yeux fidèles ! 15 -­‐ Anagramme Michel ALLEYSSON (1966-­‐) Création 2015 Et si pour s’envoler il fallait un voilier Je choisirais un arbre et lequel, s’il vous plaît ? Jetez d’une main ferme les lettres de « voilier », Regardez-­‐les entre elles à nouveau s’assembler Et vous lisez soudain de vos yeux étonnés