Axe 1 : La progression dramatique du poème.

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Axe 1 : La progression dramatique du poème.
Nuit Rhénane
Ce poème appartient à la suite des Rhénanes. Ce sont neuf poèmes inspirés par le séjour d’Apollinaire au bord du
Rhin et, de manière allusive, par son amour pour Annie Playden. La spécificité de « Nuit rhénane » tient à sa mise en
œuvre des figures empruntées à la mythologie germanique, les Ondines. Elles ont une séduction certaine et un
pouvoir maléfique qui entraîne le poète dans un univers surnaturel inquiétant.
Nous étudierons tout d’abord la progression dramatique de ce poème puis nous analyserons l’expression des
diverses manifestations du surnaturel. Enfin nous nous attacherons, à la puissance magique du poème.
Axe 1 : La progression dramatique du poème.
Strophe 1
Nuit rhénane
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Evocation d’une scène paisible dans un cabaret
Invitation à partager les impressions du protagoniste
Qui contemple son verre.
Le conteur célèbre l’apparition de «sept femmes »
Ce sont les Ondines (mythologie germanique) elles
vivent dans un palais de cristal au fond des fleuves où
elles attirent et gardent prisonniers pêcheurs et
chevaliers
Strophe 2
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Effroi du protagoniste. Le chant du batelier lui fait peur
et il invite tout le monde à conjurer la puissance
maléfique des ondines en s’entourant de jeunes filles
ordinaires (réelles), inexpressives et sages
Strophe 3
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Progression dans l’ordre de l’étrange et de l’inquiétant
L’homme découvre l’ivresse du fleuve lui-même. Et la
répétition souligne son étonnement ainsi que celui du
ciel et des étoiles.
Au chant est associé le thème de la mort et on découvre
le vrai visage des Ondines : des sorcières jeteuses de
sorts.
Strophe 4
Mon/ ver/re /s'est/ bri/sé/ com/m(e) un/ é/clat/ de/ rire()
1
2
3 4
5 6
7
8
9 10 11 12
Alexandrin, 1 seul vers pour évoquer un verre !
Contraste par sa brièveté. Eclatement inattendu sous
l’effet dus sorts jetés par les Ondines ?
Stupeur du protagoniste atterré par le triomphe du
surnaturel. Fin abrupte qui laisse le lecteur partager
l’incrédulité de l’homme
Le poème est lyrique car le pète utilise la 1ère personne du singulier, interpelle le lecteur ou les autres
consommateurs et exprime son sentiment de frayeur.
Axe 2 L’expression du Surnaturel
Au registre lyrique se mêle aussi le registre fantastique
ID1 Dans la chanson (strophe 1 et 3)
Le chant est présenté comme un témoignage : « Qui raconte avoir vu » v3
Le contexte évoque tout de suite le caractère des ensorceleuses « sous la lune » v.3, elles sont « sept » nombre
magique et elles ont « leurs cheveux verts » V.4 qui sont imprégnés par le fleuve d’où l’obligation de les « tordre »
On note une opposition entre ces Ondines et les femmes ordinaires : « leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs
pieds » / toutes les filles blondes […] aux nattes repliées.
De plus le poète associe ces Ondines à la mort « en râle-mourir » et il emploie un vb vieilli « incantent » pour
nommer leur activité surnaturelle
ID2 Dans le paysage (strophe 3)
-L’expression du regard
V9 « Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent » se mirer = se regarder
La postposition de la relative « où les vignes se mirent » met cette subordonnée en relief et suggère que cette
ivresse un lien de cause à effet.
De même, le vers 10 « Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter » reprend l’image du miroir en lui associant
celle d’une chute.
On comprend mieux la toute-puissance du regard et la raison pour laquelle, le protagoniste appelle les jeunes filles
blondes au « regard immobile » v.8
-Le tremblement
On le voit v10 « Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter » mais il apparaissait déjà au vers 1 comme
annonciateur de la fin puisque le verre finit par se briser.
Axe 3 La puissance magique du poème.
ID1 Le poème est composé en boucle
Il se commence et se termine par le verre. L’image de la ronde est donnée au vers 5. Elle est censée le protéger des
ondines. Le poème Nuit rhénane est donc une ronde (un antidote) qui protège ces fées tout en les célébrant.
Les thèmes eux-mêmes se succèdent et reviennent comme une ronde.
La musicalité est bien entendu présente dans le fait que le batelier chante mais on peut aussi l’entendre dans les
rimes, allitérations et assonances.
Ce sont des alexandrins en rimes croisées la rime B revient quasiment dans les trois strophes et ces rimes sont
suffisantes, sauf le dernière qui est riche Mourir/rire. (angoissant ! )
Musicalité importante par la rime [e] mais pas seulement :
Le Rhin le Rhin est ivre // où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe // en tremblant s’y refléter
ID2 Les correspondances
Les images consacrées au verre de vin v.1 trouvent leur correspondant dans celles qui décrivent la nature
« Le verre est plein de vin » / « le Rhin est ivre »
« un vin trembleur » / « tout l’or des nuits […]en tremblant »
« comme une flamme »/ « tout l’or des nuits » (analogie par le couleur)
Il en est de même pour le batelier : c’est pour les avoir vu qu’il est contraint de les chanter v.3, mais il est ensuite
réduit à « la voix chant toujours en un râle-mourir »v11
Apollinaire suggère un univers où les frontières entre le réel et l’irréel s’effacent. Effet de l’ivresse ou de la magie ?
OU simplement effet de la poésie !
ID3 Les mots rares
Ils sont associés
au vin « trembleur »v1 = c’est assez compréhensible
au chant « râle mourir » v11 = association du râle au chant et connotation morbide
à la magie « incantent »v.12. = c’est plus subtil on y retrouve la racine latine cantare qui signifie chanter. Or le verbe
et le mot chant se trouvent dans le poème. Apollinaire mêle habilement le chant à l’enchantement. C’est la magie de
la poésie, de l’invention verbale propre aux poètes.
Conclusion
« Nuit rhénane est en fait un poème très complexe : il entraîne le lecteur dans une série d'interprétations que
remettent en cause, à chaque fois, le bris du verre qui le clôt. Mais plus encore, ce poème célèbre l'action magique
par excellence, la création poétique qui renouvelle le monde. En ce sens, le bris du verre symbolise l'irruption de la
poésie dans la réalité banale qu'elle fait voler en éclats.

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