Chapitre III – L`administration des biens

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Chapitre III – L`administration des biens
Chapitre III – L’administration des biens1
1) Les principes généraux
A) Notion d’administration. « Par administration au sens propre, il faut entendre, en droit
canonique, l’ensemble des actes orientés à la conservation et à l’amélioration du patrimoine
ecclésiastique et à la perception et à l’emploi de ses revenus et de ses fruits »2.
Le patrimoine ecclésiastique proprement dit est constitué par les biens qui appartiennent à
l’Église et à toutes les personnes juridiques publiques qui existent et agissent en elle.
L’administration des biens ecclésiastiques « répond à deux principes apparemment
contradictoires : d’une part, le canon 1279 § 1 établit que l’administration des biens
ecclésiastiques revient à celui qui gouverne de façon immédiate la personne à laquelle ces
biens appartiennent, ce qui est la conséquence directe du principe fixé au canon 1256. D’autre
part, dû sans doute à la nature ecclésiale des biens mentionnés, leur gestion doit se soumettre
à certains contrôles qui garantissent le fonctionnement correct de leur administration : Pontife
romain (c. 1273) et ordinaire du lieu (c. 1277) »3.
Quels sont les principes généraux qui président au bon emploi des biens temporels dans
l’Église ? Nous pouvons en énumérer six :
a) le principe de la confiance envers les administrateurs, qui ne sont pas propriétaires des
biens qu’ils gèrent ;
b) le respect des intentions des donateurs ;
c) le respect des principes de comptabilité ;
d) la reconnaissance de la nécessité de rechercher des conseils avant d’engager des
transactions majeures ;
e) le respect de la loi particulière ;
e) le respect de la législation civile applicable sur place4.
« Le Souverain Pontife donna à la Commission deux principes qui devaient guider tout le
travail (de révision du code). En premier lieu, il ne s’agissait pas, comme cela avait été le cas
dans l’élaboration du code pio-bénédictin, de faire seulement une nouvelle disposition des
lois, mais aussi et surtout de réformer les règles pour les adapter aux nouvelles façons de
penser et aux nécessités nouvelles, même si le droit ancien devait en fournir les bases.
Ensuite, dans ce travail de révision, il fallait avoir constamment à l’esprit l’ensemble des
décrets et des actes du concile Vatican II, car c’est en eux que l’on trouverait les traits propres
de la nouvelle législation, soit parce que les règles avaient déjà été édictées qui concernaient
directement les institutions nouvelles et la discipline ecclésiastique ou encore, parce que les
richesses doctrinales de ce concile, qui avaient beaucoup contribué à la pastorale, devaient
trouver aussi leurs effets et leur complément nécessaire dans la législation canonique »
(Préface du CIC). Ces éléments sont particulièrement présents dans le titre II du Livre V sur
l’administration des biens temporels de l’Église.
B) Acquisition et administration
L’administration est distincte de l’acquisition. L’acquisition est l’acte par lequel des biens
passent d’un propriétaire à un autre, ce qui n’est pas un acte d’administration.
1
Cf. F. Grazian, La nozione di amministrazione e di alienazione nel Codice di diritto canonico, Rome, Editrice
Pontificia Università Gregoriana, Tesi Gregoriana Serie Diritto Canonico, n° 55, 2002.
2
L. Chiappetta, “Amministrazione del beni ecclesiastici”, Prontuario di diritto canonico et concordatario,
Rome, Edizione Dehoniane, 1994, p. 33.
3
F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 173.
4
Cf. F. G. Morrisey, O.M.I., « Acquiring Temporal Goods for the Church’s Mission », StCan 56 (1996), p. 590.
L’administration est un acte qui porte sur des biens déjà acquis qui peuvent être utilisés par
des sujets, acte qui diffère également de l’aliénation.
De fait cependant, l’acquisition peut être considéré comme un acte d’administration
extraordinaire, surtout quand elle va au-delà de certaines limites. L’administration est un acte
de gouvernement des choses en rapport avec le gouvernement des personnes. Le Livre V tout
entier a trait à la fonction de gouvernement et, dans la partie spécifique des instituts religieux,
l’administration des biens temporels est comprise dans le chapitre sur « le gouvernement des
instituts » (c. 634-640 CIC 83).
C) Gestion administrative des biens ecclésiastiques
Il faut distinguer une notion économique de l’administration d’un patrimoine qui concerne sa
gestion en vue d’obtenir les meilleurs résultats et une notion juridique qui considère les divers
actes juridiques de l’activité économique. « L’activité économico-administrative de gestion
comprend donc des actes de nature économique, financière, juridique, comptable et
juridictionnelle réunis afin d’obtenir une planification optimale et un profit, une productivité
et un emploi les meilleurs des biens et des rentes au service des fins établies par la personne
juridique qui en est le titulaire »5.
D) Le contenu de l’acte d’administration
Si nous nous en tenons à sa nature juridique, l’acte d’administration ne porte que sur les actes
qui ont pour objet l’usage, la conservation des biens et la disposition de leurs fruits et revenus.
Mais la loi est pragmatique et confère aux administrateurs des facultés qui dépassent la simple
administration, afin de faciliter leur gestion. Ceci a pu en conduire certains à qualifier d’actes
d’administration tout ce qui est de la compétence de l’administrateur, alors que les lois ont
accordé à celui-ci des facultés pour procéder, dans des cas très limités et concrets, à des
aliénations à côté des actes propres à l’administration. Étant considérés par la loi comme des
actes d’administration simple, ils échappent à tout contrôle et aux conditions requises par le
code pour l’aliénation.
E) Caractéristiques de l’administration
Les dispositions sur l’administration des biens se ressentent des enseignements conciliaires en
la matière. Le système d’administration dessiné par le concile et par le code présente les
caractéristiques suivantes :
a) le système des bénéfices doit être progressivement supprimé, comme nous l’avons vu ;
b) l’esprit évangélique de charité et de pauvreté doit prévaloir, ce qui conduit à ce que les
fidèles contribuent aux besoins de l’Église, à venir en aide aux nécessiteux, à établir une
coopération et la solidarité entre les différentes Églises particulières ;
c) le respect de l’autonomie de chaque Église particulière, l’intervention des conférences des
évêques ayant été limitée à cet effet ;
d) la large place faite au principe de subsidiarité ;
e) le renvoi fréquent à la législation civile en la matière.
L’administration des biens temporels n’est pas simple. Nous sommes face à divers modes que
nous étudierons dans ce chapitre et dans le suivant sur l’aliénation des biens ecclésiastiques.
L’ensemble donne un cadre quadrilobé : a) actes d’administration ordinaire ; b) actes
d’administration extraordinaire ; c) actes d’aliénation ou assimilés ; d) et actes considérés
comme plus importants.
5
M. López Alarcón, « La administración de los bienes eclesiásticos », IC 24 (1984), p. 89.
F) L’administration ordinaire6
Par actes d’administration ordinaire, il faut entendre les actes qui visent à la conservation des
biens patrimoniaux et à leur gestion normale. C’est le cas, par exemple :
- de la reddition de comptes
- de la vente des récoltes d’une propriété
- de la location d’immeubles d’une valeur commune pour une période ne dépassant pas neuf
ans
- des actes permettant cultiver directement une propriété
- du paiement des impôts
- de l’assurance contre des dangers et les calamités
- des réparations normales des immeubles, etc.
G) L’administration extraordinaire
Nous reviendrons sur la notion d’administration extraordinaire. Donnons-en, à titre indicatif,
quelques exemples :
- l’acquisition, l’aliénation et la modification des biens immobiliers
- l’acquisition ou l’aliénation de biens mobiliers d’une valeur importante
- l’aliénation de biens mobiliers constituant le patrimoine stable d’une personne juridique
publique
- l’aliénation de choses précieuses (c. 1292 § 2 CIC ; c. 1036 § 4 CCEO)
- la renonciation à un héritage ou à une donation consistant en un bien immobilier ou en un
bien mobilier de valeur, surtout s’il est soumis à des conditions, et son acceptation
- la construction de bâtiments
- les réparations extraordinaires d’immeubles
- la location de biens immeubles à long terme (en général pour une durée supérieure à neuf
ans) ou de biens d’une consistance notable
- contracter des dettes
- constituer des hypothèques
- prendre part à des procès actifs et passifs (c. 1288 CIC83 ; c. 1032).
H) Le patrimoine stable
Avant de nous engager dans l’étude de l’administration et de l’aliénation des biens temporels
de l’Église, il nous faut préciser un concept qui fait son apparition dans le CIC 83, celui de
« patrimoine stable », dont il a déjà été question à plusieurs reprises. Il est présent aux canons
1285 et 1291 (c. 1029 et 1035 § 1, 1° CCEO).
En l’absence de définition de la notion, nous pouvons extraire du canon 1291 deux éléments
déterminants. Le patrimoine stable est composé de biens : a) qui ont fait l’objet d’une
attribution légitime et b) dont l’aliénation requiert une autorisation de l’autorité compétente
selon le droit.
Le cœtus De bonis Ecclesiæ temporalibus a introduit la notion de patrimoine stable avec
l'intention de préciser, dans le contexte actuel, les « biens ecclésiastiques immobiliers et
mobiliers qui peuvent être sauvegardés par leur préservation », y compris de l’argent (qui est
un bien mobilier). L'intention n'était pas de rendre impossible l’aliénation de patrimoine
stable, mais d’éviter l’aliénation faite imprudemment et de manière irresponsable par les
administrateurs. Le patrimoine stable n’est pas destiné pour la consommation ou pour
l’aliénation, mais pour la préservation. L’analyse des travaux de codification font ressortir :
1) que la notion de patrimoine stable a été introduite pour clarifier les notions de biens
6
Les exemples suivants sont tirés de L. Chiappetta, “Amministrazione ordinaria e straordinaria”, Prontuario di
dirtito canonico et concordatario, Rome, Edizione Dehoniane, 1994, p. 36-37.
immobiliers et mobiliers, argent y compris ; 2) la nécessité qu’une autorité compétente
détermine, par un acte d’administration extraordinaire, ce qui appartient au patrimoine stable ;
3) le besoin d’observer des règles précises en cas d’aliénation pour un montant dépassant
celui fixé par la loi ; 4) l’établissement d’un inventaire des biens, qui doit être régulièrement
mis à jour7.
L’on a donné pour définition du patrimoine stable « l’ensemble des biens d’une personne
juridique publique qui, au moyen d’une désignation légitime, constitue le minimum nécessaire
pour la subsistance économique de l’entité et la réalisation effective de ses finalités à al
lumière de ses circonstances particulières, et qui bénéficient donc d’une protection spéciale au
moment de leur aliénation »8.
Par définition, les biens composant le patrimoine stable jouissent d’une certaine immutabilité,
ce qui ne veut pas dire qu’ils ne puissent jamais être aliénés. Mais le législateur entend leur
accorder une protection particulière. Tout acte les affectant relèvera de l’administration
extraordinaire. Nous pouvons caractériser le patrimoine stable comme suit :
« 1) Chaque personne juridique doit avoir la capacité de posséder un patrimoine
stable.
2) Le patrimoine stable vient à l'existence par la désignation légitime.
3) L’autorité compétente pour désigner le patrimoine stable légitimement doit être
identifiée.
4) Les biens qui se rapportent au patrimoine stable doivent être identifiés
régulièrement dans les inventaires.
5) Le patrimoine stable peut être aliéné.
6) Le patrimoine stable doit être protégé dans les contrats qui peuvent le menacer.
7) Le patrimoine stable peut être converti en patrimoine non-stable.
8) Les biens qui appartiennent au patrimoine stable peuvent être transformés de
biens immobiles à biens mobiles, et vice versa.
9) Les offrandes destinées par leurs donateurs à faire partie du patrimoine stable
portent une condition ou une obligation modale ; par conséquent, l’administrateur doit avoir
l'autorisation de l'ordinaire, avant qu’elles soient acceptées.
10) Les administrateurs ne peuvent pas faire des dons du patrimoine stable.
11) Le patrimoine stable n’est pas soumis à l’impôt diocésain.
En principe, toute personne juridique possède un patrimoine stable, bien qu’aucune obligation
ne s’impose à elles en ce sens. La seule condition que le code pose est l’autorité ecclésiastique
ne doit accorder la personnalité juridique qu’aux ensembles de personnes ou de choses qui
possèdent les moyens suffisants pour atteindre la fin qu’ils se proposent (c. 114 § 3 CIC 83 ;
c. 921§ 3 CCEO).
Nous examinerons successivement les deux points suivants :
1. Les principes fondamentaux, comprenant :
a) La Pontife romain, administrateur universel
b) Les organismes de la curie romaine
c) La conférence des évêques
d) La province ecclésiastique
e) Les ordinaires du lieu et les autres ordinaires
1. Les principes fondamentaux quant à l’administration des biens
7
Cf. J. A. Renken, « The Stable Patrimony of Public Juridic Persons », J 70 (2010), p. 143.
D. Zalbidea, El control de las enajenaciones de bienes eclesiásticos : El patrimonio estable, Pampelune, Eunsa,
2008, p. 109.
8
A) Le Pontife romain, administrateur universel9
a) L’administrateur suprême. Le canon 1273 (c. 1008 § 1 CCEO), qui est une nouveauté du
CIC 83, établit un principe général, qui aurait pu figurer dans les canons préliminaires du
Livre V, à savoir que « le Pontife romain, en vertu de sa primauté de gouvernement, est le
suprême administrateur et dispensateur de tous les biens ecclésiastiques ». Ce canon se relie
directement au principe général du canon 1254 (c. 1007 CCEO) sur le droit inné de l’Église à
posséder des biens temporels et fournit le fondement juridique et théologique des normes
relatives à l’administration des biens ecclésiastiques.
1) Suprême. Le qualificatif « suprême » a été ajouté lors des travaux de révision du code,
parce qu’il « appartient au Pontife romain de régler, par des lois générales, l’administration
des biens ecclésiastiques et de réserver à son jugement les causes plus importantes »10.
Administrateur et dispensateur sont des termes voisins, pratiquement équivalents.
« L’administrateur est celui qui est appelé à l’aide pour la gérance des biens ; le dispensateur
est l’intendant qui partage, distribue l’argent selon les besoins. Celui-là manifeste un rôle actif
de premier plan, en soulignant l’ordre qui doit présider à son action ; celui-ci met en valeur le
service à remplir, l’aspect « diaconal » de la charge »11.
2) Son rôle. Le Pontife romain, « en tant qu’administrateur suprême : a) donne des normes ;
b) supervise les actes extraordinaires ; c) est informé, tous les cinq ans, par les évêques (à
l’occasion de la visite ad limina) et les supérieurs généraux (rapports quinquennaux), de la
marche de leur administration respective. En tant que dispensateur, il exerce une fonction
d’unification de la grande diversité de patrimoines que suppose une abondance de titularités,
en décidant des transferts entre certains d’entre eux et, dans des circonstances extraordinaires,
en venant à rectifier des appropriations indûment faites, de manière publique ou a for de la
conscience (par le biais de la Pénitencerie apostolique) »12.
3) La propriété des biens. Le Pontife romain n’est pas le propriétaire des biens
ecclésiastiques, pas même de ceux du Siège apostolique, ce que saint Thomas affirmait déjà :
« Le Souverain Pontife est le dispensateur principal des biens de l’Église, mais ils ne lui
appartiennent pas comme à leur propriétaire et authentique possesseur.13 » La notion même de
biens ecclésiastiques ne permet pas, nous l’avons vu, qu’une personne physique en soit le
dominus14. L’intervention du Pontife vise à orienter l’utilisation des biens aux fins propres de
l’Église15. Qu’il soit dispensator ne peut être reconduit aux schémas du droit privé. Étant
donné qu’il n’est pas le propriétaire des biens ecclésiastiques, ce terme doit être compris à
partir des paramètres du droit public. C’est bien ce que le canon 1273 (c. 1008 § 1 CCEO)
laisse entendre quand il précise « en vertu de sa primauté de gouvernement ». Le conseil
pontifical des textes législatifs explique en ce sens que « quand le canon 1273 qualifie le
Pontife romain d’administrateur suprême des biens ecclésiastiques, il fait référence au pouvoir
9
Cf. F. Salerno, « I beni temporali della Chiesa ed il potere primaziale del Romano Pontefice », I beni temporali
della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999, p. 103-139.
10
Comm 5 (1973), p. 97.
11
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 130.
12
L. de Echeverria, sub c. 1273, CIC, traduction de Salamanque.
13
Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique II-II, q. 100, a. 1 ad 7.
14
Cf. en sens contraire, cf. Y Sugawara, « Amministrazione dei beni temporali comme atto di governo », La
Funzione amministrativa nell’ordinamento canonico. Congresso Internazionale di Diritto Canonico, Varsavia,
14-18 settembre 2011, J. Wrocenski-M.Stoklosa dir., Varsovie, Uniwersytet Kardynala Stefana Wyszynskiego,
2012, p. 633-644.
15
Cf. Comm 12 (1980), p. 412-413.
de juridiction du pape sur l’Église et partant sur les biens des personnes juridiques publiques
destinés aux fins propres de l’Église, ainsi qu’à une fonction administrative, de type
économique ou fondée sur le pouvoir de dominium des biens »16.
b) Le dispensateur suprême. Le Pontife romain est aussi qualifié de dispensator suprême.
Cette qualification apporterait à la notion d’administrateur celle de la capacité d’intervention
immédiate du pape, c’est-à-dire à la possibilité de poser des actes administratifs, soit sous
forme d’actes de gouvernement soit sous celle d’interventions économiques directes.
Le pape préside à la charité. Il exerce ce rôle en établissant des lois générales, par une
fonction de surveillance ou de vigilance, en rassemblant des biens en vue d’une répartition
équitable entre les plus nécessiteux. Il est intéressant de souligner que « plus que par des dons
directs d’une Église à une autre – qui pourraient engendrer une dépendance des Églises
pauvres envers celles plus aisées – le passage par Rome des offrandes rend plus effective la
communion hiérarchique propre à l’Église, avec et sous l’autorité du Pontife romain (c. 331,
333, 336, 375 § 217) »18.
Notons que cette fonction d’administrateur suprême de tous les biens temporels de l’Église ne
fait pas du pape leur propriétaire19. Elle découle du pouvoir de gouvernement du Pontife
romain, qui lui est propre en tant qu’autorité suprême de l’Église, pouvoir qui vise, en
l’espèce, à garantir que les biens sont utilisés conformément à leur finalité. Par suite, le
Pontife romain « n’est pas tenu de répondre des conséquences des actes d’administration
financière posés par les administrateurs immédiats des biens des diverses personnes
juridiques, précisément parce qu’il n’en est pas l’administrateur eu sens du droit privé, mais
qu’il ne l’est qu’en vertu du primatus regiminis, en raison de sa situation publique dans
l’Église »20.
c) Les visites ad limina. Le Pontife romain exerce sa fonction de coordination normative et
de haut contrôle administratif par la surveillance des biens temporels de l’Église à l’occasion
des visites ad limina que les évêques diocésains et ceux qui leur sont équiparés en droit
doivent effectuer tous les cinq ans, et au cours de laquelle ils doivent soumettre au Pontife
romain « un rapport sur l’état du diocèse » (c. 399 § 121), rapport qui comporte un volet
financier. De façon semblable, pour favoriser le mieux possible la communion des instituts
(religieux) avec le Siège apostolique, chaque modérateur suprême lui enverra […] un bref
aperçu sur l’état et la vie de l’institut » (c. 592 § 122). Cette disposition s’applique aussi aux
sociétés de vie apostolique (c. 732), ainsi qu’aux associations publiques universelles et
internationales (c. 319 § 1 CIC 83 ; c. 582 CCEO). La vigilance s’exerce encore pour
l’aliénation de biens d’une certaine valeur (c. 1292 § 2 CIC 83 ; c. 1036 § 4 CCEO) et pour
« toute affaire à la situation patrimoniale de la personne juridique pourrait être amoindrie 23 »
(c. 1295 CIC 83 ; c. 1042 CCEO).
16
Conseil pontifical des Textes législatifs, « Note. La fonction de l’autorité ecclésiastique sur les biens
ecclésiastiques », 12 février 2004, 26, n° 4, Comm 36 (2004), p. 24-32.
17
Cf. c. 43, 45 et 49 CCEO.
18
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 130.
19
Cf. Comm 12 (1980), p.412-413.
20
Note “La funzione delle autorità ecclesiastiche sui beni ecclesiastici”, 12 février 2004, Comm 36 (2004), p.
24-32, citée dans CB, p. 1273.
21
C’est au patriarche que les évêques éparchiaux doivent remettre ce rapport quinquennal : c. 206 § 1 CCEO.
22
En droit oriental, le rapport est envoyé tous les cinq ans à l’autorité dont le monastère ou la congrégation
dépend directement. Un exemplaire est envoyé au Siège apostolique dans le cas d’instituts de droit éparchial ou
patriarcal (c. 419 CCEO).
23
« Peut empirer », dit la norme orientale.
d) La gérance des biens. Le Pontife romain intervient de façon directe dans la gérance des
biens pour la réduction des charges de messes (c. 1308 § 1 CIC 83 ; c. 1052 § 1 CCEO), pour
la réduction, la modération et la commutation de certaines volontés pieuses (c. 1310 § 3 CIC
83 ; c. 1054 § 3 CCEO), dans les cas de litiges entre un diocèse et une autre personne
juridique qui n’a pas de supérieur en dessous du Pontife romain (c. 1405 § 3, 3° CIC 83 ; c.
1061 CCEO).
Dans le cas où les administrateurs immédiats des biens ecclésiastiques s’écarteraient des
limites de leur mandat, il reviendrait au Pontife romain et à l’ordinaire de corriger
l’administration erronée, mais ils n’auraient pas de responsabilité « civile » pour les
dommages éventuellement causés par l’administrateur. Leur responsabilité est une
responsabilité de gouvernement, non une responsabilité financière. Ceci n’empêche pas que le
Pontife romain, en tant que Pasteur suprême de l’Église, puisse considérer opportun, pour le
bien des fidèles ou pour d’autres considérations caritatives, d’indemniser sur les biens du
saint-siège les personnes qui auraient été lésées, sans que l’on puisse y voir une obligation de
justice. Cette indemnisation pourrait rentrer dans le cadre des finalités des biens
ecclésiastiques, concrètement celle « d’œuvres de charité », surtout si la personne lésée peut
être considérée comme faisant partie du groupe social des plus pauvres (c. 1254 § 2 CIC
83)24.
Nous verrons la gestion du patrimoine du Siège apostolique au chapitre V.
B) Les organismes de la curie romaine
Le Pontife romain exerce cette fonction de « suprême administrateur et dispensateur » des
autres biens ecclésiastiques est exercée par le biais des différentes congrégations romaines,
selon ce que disposent la constitution apostolique Pastor Bonus, le Règlement général de la
Curie romaine et l’Ordo servandus de chaque dicastère.
a) La congrégation pour le Clergé « s’occupe de tout ce qui regarde le saint-siège pour
l’administration des biens ecclésiastiques, et spécialement l’administration droite de ces biens,
et elle concède les approbations et reconnaissances nécessaires ; en outre, elle veille à ce que
soit assurées la subsistance et la prévoyance sociale des clercs » (PB 98). Elle traite aussi
« des honoraires des messes, ainsi que des volontés pieuses en général et des fondations
pieuses » (PB 97, 2°).
b) La commission pontificale pour les biens culturels de l’Église assure la protection de ces
biens. Cette commission a remplacé, en 1993, la commission pontificale pour la conservation
du patrimoine artistique et historique, dont elle conserve les compétences définies par PB 99103. Son président est aussi membre du conseil pontifical de la Culture et des consultations
sont prévues avec ce conseil pour les académies ayant des activités en rapport avec les biens
culturels de l’Église.
c) La congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique est
compétente en matière d’administration des biens de ces instituts et sociétés (PB 108 § 1).
d) La congrégation pour l’Évangélisation des peuples intervient par le biais des Œuvres
pontificales missionnaires, « également au moyen d’une collecte efficace et d’une équitable
répartition des subsides » (PB 91). La congrégation n’est pas soumise à l’Administration du
patrimoine du saint-siège, mais doit rendre compte de sa gestion à la Préfecture des affaires
économiques25.
e) La congrégation pour les Églises orientales « connaît des affaires concernant les Églises
orientales, tant au sujet des personnes que des choses » (PB 56), mais la compétence
spécifique et exclusive des tribunaux de la curie romaine demeure intacte (PB 58 § 2).
24
25
Cf. J. Miñambres, « Il Romano Pontefice garante ultimo... », op. cit., p. 443.
Règlement général de la curie romaine, art. 7, note 5.
f) Les documents à adresser. Quels documents faut-il présenter au saint-siège quand un
demande d’autorisation lui est adressée ? Ce peut être notamment :
1) une explication de la juste cause (cf. c. 1293 § 1, 1°) ;
2) une estimation écrite du bien à aliéner (cf. c. 1293 § 1, 2°) ;
3) l’indication que les autres précautions prévues par la loi particulière ont été observées (cf.
c. 1293 § 2) ;
4) l’indication du consentement des organes requis26 (cf. c. 1292 § 1) ;
5) l’indication des parties à aliéner (cf. c. 1292 § 3) ;
6) si possible, l’offre d’achat (cf. c. 1294 § 1) ;
7) l’indication de l’utilisation qui sera faite du prix de l’aliénation (cf. c. 1294 § 2) ;
8) le cas échéant, l’indication que les normes civiles ont été respectées (cf. c. 1296)27.
C) La conférence des évêques
La conférence des évêques n’est pas une sorte de « troisième niveau » de l’administration des
biens. Le droit universel ne lui reconnaît pas de compétence administrative générale en la
matière, mais seulement une compétence normative et de suppléance, qui n’en est pas moins
importante pour autant. La conférence des évêques n’a pas de pouvoir législatif en la matière,
sauf pour les aspects particuliers et en vue du bien commun qu’indiquent le droit commun, un
mandat particulier du Siège apostolique donné motu proprio ou sur demande de la conférence
elle-même. Ceci se retrouve dans la fonction normative que nous allons expliciter.
Les évêques ne doivent pas penser uniquement aux besoins de leur diocèse, mais ils doivent
penser aussi aux autres Églises particulières en tant que faisant partie de l’unique Église du
Christ28.
Il sera question de cette intervention quand il y aura lieu. En guise de résumé, soulignons ici
que les principales tâches assignées à la conférence des évêques sont de deux ordres : a) une
fonction normative à l’échelon supradiocésain et b) l’administration médiate des personnes
juridiques qu’elle érige. Elle peut posséder d’autres pouvoirs en vertu du droit concordataire.
a) La fonction normative. Elle se concrétise par les tâches suivantes : a) édicter les normes
en vue de la suppression progressive des bénéfices ecclésiastiques, en concertation avec le
Siège apostolique et avec son approbation (c. 1272) ; b) veiller à l’organisation de la
prévoyance sociale en faveur du clergé (c. 1274 § 2 CIC 83 ; c. 1021 § 2 CCEO) ; c) édicter
des normes concernant les contributions demandées aux fidèles (c. 1262), l’organisation des
quêtes à des fins pieuses (c. 1265 § 2) et la location de biens ecclésiastiques (c. 1297) ;
d) déterminer les actes d’administration extraordinaire dans la gestion du patrimoine diocésain
(c. 1277 CIC 83 ; c. 263 § 4 CCEO) ; f) fixer les sommes minimale et maximale à partir
desquelles les actes de disposition sont soumis à certaines exigences de contrôle renforcé (c.
1292 sv CIC 83 ; c. 1035-1036 CCEO) ; g) fixer les normes pour la location des biens (c.
1297 CIC 83)29.
b) Les fonctions administratives. Ce sont des tâches relevant de l’administration médiate, et
l’administration immédiate des biens propres et des flux financiers. Pour ce qui concerne
l’administration médiate, la conférence des évêques doit assurer l’administration médiate des
personnes juridiques qu’elle érige et qui sont soumises à son gouvernement, associations
26
Conseil diocésain des affaires économiques, collège des consulteurs, parties intéressées ; pour les instituts
religieux et les sociétés de vie apostolique, les conseils appropriés.
27
Cf. F. G. Morrisey, O.M.I., « The Alienation of Temporal Goods in Contemporary Practice », StCan 29 (1995),
p. 298. Dans le cas des instituts religieux, s’y ajoutera une lettre de l’évêque diocésain précisant qu’il ne
s’oppose pas à la transaction.
28
Cf. LG 23 ; PO 21/b : « Cette caisse doit aussi permettre aux diocèses plus riches d'aider les plus pauvres, pour
que le superflu des uns subvienne à l'indigence des autres. »
29
Cf. J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. cit., p. 184.
publiques de fidèles y compris (c. 319 CIC 83 ; c. 582 CCEO). La conférence exerce alors les
fonctions dévolues à l’ordinaire. Pour ce qui est de l’administration immédiate, elle concerne
non seulement les biens propres mais aussi les flux financiers constitués par les moyens
destinés à d’autres personnes juridiques mais gérés provisoirement par la conférence des
évêques concernée
D) La province ecclésiastique
La province ecclésiastique est un regroupement d’Églises particulières voisines « pour mieux
promouvoir l’action pastorale commune à divers diocèses voisins (…) et pour mieux favoriser
les relations mutuelles entre les évêques diocésains » (c. 431 § 1 CIC 83).
« Le concile provincial qui réunit les diverses Églises particulières d’une même province
ecclésiastique » se réunit chaque fois que cela est nécessaire (c. 440 § 1 CIC 83). En sont
membres non seulement les évêques et les pasteurs équiparés en droit aux évêques diocésains,
mais aussi, avec voix purement consultative, toutes les autres catégories de fidèles.
Le concile particulier, tant provincial que plénier, a pour fonction de pourvoir aux besoins
pastoraux du Peuple de Dieu, c’est-à-dire de décider ce qu’il convient de faire « pour le
développement de la foi, pour conduire l’action pastorale commune, pour régler les mœurs,
pour faire observer la discipline ecclésiastique commune, la promouvoir ou la défendre » (c.
445 CIC 83). Il n’a donc pas de compétence directe en matière patrimoniale. Il lui revient
toutefois de fixer les taxes pour les actes du pouvoir exécutif ou pour l’exécution des rescrits
du Siège apostolique, ainsi que de déterminer le montant des offrandes versées à l’occasion
des sacrements et des sacramentaux (c. 1264 CIC 83) et de fixer par décret pour la province le
montant de l’offrande à donner pour la célébration et l’application de la messe (c. 952 § 1 CIC
83).
Si le concile provincial ou le concile plénier exerce le pouvoir législatif, il peut l’exercer aussi
dans le domaine économico-administratif.
E) Les ordinaires du lieu et les autres ordinaires
Nous traiterons de l’évêque diocésain à propos de la structure économique du diocèse
(chapitre VI). Examinons ici brièvement les compétences des ordinaires du lieu en général et
des autres ordinaires.
L’ordinaire du lieu peut autoriser une personne juridique, privée ou publique, à effectuer une
quête (c. 1265 § 1 CIC 83 ; c. 1015 CCEO) ; prescrire une quête spéciale dans tous les églises
et oratoires pour des projets paroissiaux (c. 1266 CIC 83 ; c. 1014 CCEO) ; recevoir les
comptes des administrateurs des personnes physiques qui lui sont soumises (c. 1287 § 1 CIC
83 ; c. 1031§ 1 CCEO ) ; être le référent pour les biens en fiducie (c. 1302 § 3 CIC 83 ; c.
1046 § 3 CCEO).
Les ordinaires en général peuvent autoriser une quête (c. 1265 § 1 CIC 83 ; c. 1015 CCEO) ;
autoriser de refuser des offrandes pour une juste cause ou d’accepter des biens grevés d’une
charge ou d’une condition (c. 1267 § 2 CIC 83 ; c. 1016 § 3 CCEO) ; veiller à l’administration
des biens des personnes juridiques qui lui sont soumises (c. 1276 § 1 CIC 83 ; c. 1022 § 1
CCEO) ; intervenir en cas de négligence de l’administrateur (c. 1279 § 1 CIC 83 ; c. 1023
CCEO) et nommer des administrateurs pour les personnes juridiques qui en seraient
dépourvues (c. 1279 § 2 CIC 83).
Leur permission est requise pour les actes d’administration extraordinaire (c. 1281 § 1 CIC
83 ; c. 1024 § 1 CCEO) ; il leur revient de recevoir le serment des administrateurs (c. 1283, 1°
CIC 83 ; c. 1025, 1° CCEO)30 ; ils doivent donner leur permission pour qu’un procès soit
engagé (c. 1288 CIC 83 ; c. 1032 CCEO). C’est à eux qu’il revient de faire exécuter les
30
Serment qui a été maintenu, malgré une certaine opposition : cf. Comm 5 (1973), p. 98 ; 12 (1980), p. 418.
pieuses volontés (c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1045 § 1 CCEO) et ils doivent être avertis de
l’acceptation des biens en fiducie (c. 1302 § 1 CIC 83 ; c. 1046 § 1 CCEO), exigeant que ces
biens soient placés de façon sûre (c. 1302 § 2 CIC 83 ; c. 1046 § 2 CCEO). Ils doivent donner
leur autorisation pour qu’une personne juridique accepte validement une fondation (c. 1304 §
1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO) et approuver le placement des biens de cette fondation (c. 1305
CIC 83 ; c. 1049 CCEO). Ils peuvent réduire les charges de messes (c. 1308 § 2 CIC 83 ; c.
1052 § 2 CCEO) et réduire, modérer ou commuer les pieuses volontés des fidèles (c. 1310 § 1
CIC 83 ; c. 1054 § 1 CCEO).
3) Les normes sur l’administration des biens
Les normes pratiques concernant l’administration des biens portent sur :
a) le rôle de l’ordinaire
b) l’administration propre au diocèse
c) l’administration des biens des personnes juridiques
d) l’administration extraordinaire
A) Les personnes juridiques dotées d’administrateurs
Même si nous y reviendrons en détail, il convient de commencer par voir quelles sont les
personnes juridiques pour lesquelles le code prévoit la présence d’administrateurs. Il s’agit :
a) pour les biens du diocèse, de l’économe que l’évêque diocésain doit nommer après avoir
entendu le collège des consulteurs et le conseil pour les affaires économiques, l’administration
extraordinaire revenant à l’évêque diocésain ;
b) l’organisme prévu par les statuts pour le fonds spécial prévu par le canon 1274 (c. 1021
CCEO) ;
c) un économe pour le séminaire, si le cas le demande (c. 239 CIC 83 ; c. 338 § 1 CCEO) ;
d) pour les biens de la paroisse, le curé en est l’administrateur aidé par le conseil paroissial
pour les affaires économiques (c. 520) ;
e) dans les instituts religieux et dans chaque province gouvernée par un supérieur majeur il
doit y avoir un économe, ainsi que dans les communautés locales quand cela est possible (c.
636) ;
f) les sociétés de vie apostolique doivent avoir un économe (c. 741) ;
g) les associations de fidèles peuvent nomme des administrateurs (c. 309, 319) ;
h) les fondations constituées en personne juridique publique sont soumises au régime
d’administration prévu par leurs statuts (c. 1300 CIC 83 ; c. 1044 CCEO) et, à défaut, sont
administrées selon les dispositions de l’ordinaire (c. 1279, 1301 CIC 83 ; c. 1023, 1045
CCEO).
B) L’administration des biens proprement dite
L’on remarquera que ni le CIC 83 ni le CCEO ne reconnaissent le droit des fidèles laïcs à
administrer les biens temporels de l’Église. Une étude des conciles locaux et œcuméniques
primitifs montre d’ailleurs qu’aucun d’entre eux ne leur reconnaît ce droit31.
a) Le rôle de l’ordinaire32
31
Cf. G. Nedungatt, S. J., « Who is to Administer Church Property ? The Answer of the Ecumenical Councils »,
Folia Canonica 4 (2001), p.117-133.
32
Cf. A. Longhitano, « L’amministrazione dei beni : la funzione di vigilanza del vescovo diocesano (cann. 12761277 CIC) », I beni temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999,
p. 83-101 ; C. Redaelli, « La responsabilità del Vescovo diocesano nei confronti dei bene ecclesiastici », QDE 4
(1991), p. 317-335.
1) Sa responsabilité directe. Le canon 1276 § 1 (c. 1022 § 1 CCEO) affirme d’abord la
responsabilité directe de l’ordinaire dans l’administration de tous les biens temporels des
personnes juridiques publique qui lui sont soumises, celles-ci agissant au nom de l’Église (c.
116 § 1). Il en est l’administrateur médiat, même si nul précepte ne lui attribue
l’administration et la dispensation supérieure de ces biens, comme le canon 1273 (c. 1008 § 1
CCEO) le fait pour le Pontife romain.
2) La vigilance. L’ordinaire exerce d’abord des tâches de vigilance, qui peuvent être assurées
par des actes relevant de l’exercice du pouvoir de gouvernement ordinaire, ce qui est le cas de
l’autorisation écrite requise pour les actes d’administration extraordinaire33, ou par des actes
ne relevant pas de ce pouvoir, comme des consultations d’ordre technique ou administratif,
l’examen des budgets et des bilans, ou une inspection administrative. Cette vigilance est
assurée d’ordinaire par l’économe diocésain (c . 1278) ou par le titulaire d’un autre office
diocésain préposé à cette tâche. Mais la désignation de l’économe pour les fonctions visées
par ce canon relève du jugement d’opportunité de l’évêque diocésain.
La vigilance de l’ordinaire s’exerce aussi sur le fonctionnement de l’administration, soit
directement pour l’évêque diocésain lors de la visite pastorale (c. 396 CIC 83 ; c. 205 CCEO),
à l’occasion de laquelle il prendra connaissance des registres de l’administration des entités
ecclésiastiques, ou lors de l’examen annuel des comptes des associations publiques (c. 319 §
1 CIC 83 ; c. 582 CCEO) ; soit indirectement, pour les paroisses, par le vicaire forain (c. 555
§ 1, 3° CIC 83 ; c. 278 § 1, 3° CCEO). Il exerce également sa vigilance en examinant les
inventaires détaillés que les administrateurs doivent lui présenter avant d’entrer dans leur
charge (cf. c. 1283, 2°), ainsi que le rapport annuel de leur administration (cf. c. 1284 § 1, 8°).
Dans certains cas, il accorde une autorisation aux administrateurs pour : a) les actes qui
dépassent les limites et les modes de l’administration ordinaire (cf. c. 1281 § 1) ; b) les actes
d’aliénation ou pouvant amoindrir le patrimoine de la personne juridique (cf. c. 1291-1292,
1295) ; c) certains contrats de location (cf. c. 1297) ; d) l’introduction d’un procès où la
réponse à une citation devant un tribunal civil au nom d’une personne juridique publique (cf.
c. 1288). L’ordinaire peut également intervenir en cas de négligence de la part de
l’administrateur de biens ecclésiastiques (cf. c. 1279 § 1) et quand une personne juridique n’a
pas d’administrateur désigné (cf. c. 1279 § 2).
La norme considérée prévoit que l’ordinaire peut posséder des « titres légitimes » lui
attribuant des « droits plus étendus » dans l’administration des biens des personnes juridiques
publiques. Ces titres découlent des statuts ou des règlements propres.
3) La compétence en matière réglementaire. En outre, l’ordinaire possède une compétence
réglementaire pour organiser l’administration des biens dans le cadre de sa juridiction (c.
1276 § 2 CIC 83 ; c. 1022 § 2 CCEO) en prenant des décrets, donnant des préceptes,
approuvant les statuts et règlements des personnes juridiques publiques, ce qui comprend les
articles relatifs à l’administration de leur patrimoine. L’ordinaire tiendra compte du droit et
des coutumes légitimes existant ainsi que des circonstances concrètes, et n’agira que dans le
cadre du droit universel et du droit particulier.
Les personnes juridiques privées n’ont à rendre compte à aucune autorité de la gestion de
leurs biens. Toutefois l’autorité ecclésiastique compétente a le droit de veiller à ce que les
biens soient employés aux fins de l’association les possédant (c. 325 § 1), et doit intervenir
pour l’administration des biens donnés ou confiés pour des causes pies (c. 325 § 2 et 1301),
ainsi que pour l’administration des monastères de droit propre dans les limites établies par les
canons 637 et 638 § 4.
33
C. 1277, 1281 § 1, 1291-1295 CIC 83 ; c. 263 § 4, 1024 § 1, 1035, 1036, 1038 CCEO.
En plus des limites générales auxquelles les instructions sont soumises (cf. c. 34), le second
paragraphe du canon 1276 reconnaît l’importance des droits acquis, des coutumes légitimes et
des circonstances particulières, droits parmi lesquels peuvent figurer les dispositions de
conventions internationales signées par le saint-siège. L’ordinaire organisera l’ensemble de
l’administration des biens ecclésiastiques par des instructions spéciales qui en tiendront
compte. Mais ces instructions respecteront le droit universel et particulier.
Il pourrait être utile de distinguer selon les biens dont il s’agit et de parler de protection des
biens ecclésiastiques, et de réserver le terme de vigilance à l’intervention auprès des
personnes juridiques privées, pour garantir l’intérêt ecclésial général34.
b) L’administration propre au diocèse
Deux points sont à envisager ici : l’intervention de l’évêque diocésain et le rôle de l’économe
diocésain.
1) L’intervention de l’évêque diocésain. Le canon 1277, qui n’est pas d’une grande clarté,
prévoit que « pour les actes d’administration plus importants », l’évêque diocésain « doit
entendre le conseil pour les affaires économiques et le collège des consulteurs ». Pour en
déterminer l’importance, il sera tenu compte « de l’état financier du diocèse ». Cette précision
a été ajoutée lors des travaux de rédaction, car, comme on l’a fait remarquer, « il peut arriver
que des affaires de moindre envergure prennent une grande importance dans un diocèse
modeste ou dont la situation économique est instable, selon le degré de risques qu’elles
comportent »35. Mais le codificateur n’a pas souhaité être plus explicite, se limitant à parler
d’actes maioris momenti36.
2) Le rôle des conseils. Le consentement du conseil pour les affaires économiques et du
collège des consulteurs est requis « pour les actes d’administration extraordinaire, outre les
cas prévus par le droit universel ou exprimés spécialement par la charte de fondation pour les
actes relevant de l’administration extraordinaire ». Si l’ordinaire ne respecte pas cette
procédure, les actes d’administration de grande importance posés par l’ordinaire seront
invalides (c. 127 § 2 CIC 83 ; c. 934 § 2, 1° CCEO). Les actes d’administration extraordinaire
seront invalides si l’ordinaire ne demande pas le consentement du conseil pour les affaires
économiques et du collège des consulteurs ou s’il agit contre leur consentement.
3) Des compétences spéciales. La nature des actes d’administration extraordinaire n’est pas
précisée. C’est à la conférence des évêque qu’il revient de préciser de quels actes il s’agit.
L’évêque diocésain peut fixer pour son diocèse des limites inférieures à celles décidées par la
conférence puisqu’il est chargé d’organiser « l’ensemble de l’administration des biens
ecclésiastiques » (c. 1276 § 2 CIC 83 ; c. 1022 § 2 CCEO).
Un renvoi au canon 1292 aurait permis de qualifier d’importants les actes concernant les biens
dont la valeur est comprise entre les limites minimale et maximale fixées par la conférence
des évêques, et d’extraordinaires ceux qui dépassent ce maximum.
Outre les facultés générales du canon 1276 (c. 1022 CCEO), que la loi, la coutume ou les
statuts peuvent élargir, et la faculté d’autoriser des actes d’administration extraordinaire (c.
1281 § 1 CIC 83 ; c. 1024 §1 CCEO), l’évêque possède une série de compétences spéciales :
a) autoriser les litiges au for civil (c. 1288 CIC 83 ; c. 1032 CCEO) ; b) recevoir la prestation
de serment des administrateurs (c. 1283, 1° CIC 83 ; c. 1025, 1° CCEO) ; c) accorder son
34
Cf. J. Miñambres, « I beni ecclesiastici : nozione, regime giuridico e potere episcopale », Collectif, I beni
temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Librería Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999, p. 19.
35
M. López Alarcón, sub c. 1277, CB, p. 1115.
36
Cf. Comm 16 (1984), p. 33.
consentement à la destination des sommes disponibles (c. 1284 § 2, 6° CIC 83 ; c. 1028 § 2,
5°) ; d) recevoir la reddition des comptes annuelle (c. 1287 § 1 CIC 83 ; c. 1031 § 1 CCEO) ;
e) accorder l’autorisation et édicter les normes concernant certaines aliénations (c. 638 § 4 et
1292 § 2 CIC 83 ; c. 1036 § 4 CCEO) ; f) décider de réclamer par la voie judiciaire suite à une
aliénation illégitime (c. 1296 CIC 83 ; c. 1040 CCEO) ; g) assurer l’exécution de toutes les
pieuses volontés (c. 1301 CIC 83 ; c. 1045 CCEO) par l’exercice de l’ensemble des facultés
que le droit lui attribue pour s’acquitter de cette tâche (c. 1299-1310 CIC83 ; c. 1043-1054
CCEO)37.
De plus, l’ordinaire peut être amené à intervenir de façon subsidiaire dans deux circonstances
précises : a) en cas de négligence de la part des administrateurs immédiats, si le droit ne
prévoit pas le règlement de ce cas (c. 1279 CIC 83 ; c. 1023 CCEO) ; b) lorsque la personne
juridique publique soumise à son gouvernement n’a pas précisé les actes d’administration
extraordinaire, l’évêque diocésain devant alors régler la question et, pour ce faire, intervenir
autant qu’il le juge opportun dans les processus de délibération de tous les actes de la
personne juridique (c. 1281 § 2 CIC 83 ; c. 1024 § 2 CCEO).
4) Le rôle de l’économe diocésain. L’évêque diocésain représente le diocèse dans toutes les
affaires juridiques du diocèse (c. 393 CIC 83), mais il ne peut pas en être l’administrateur.
C’est pourquoi il doit nommer un économe (c. 494 § 1 CIC 83 ; c. 262 § 1 CCEO), qui a pour
mission « d’administrer les biens du diocèse sous l’autorité de l’évêque » (c. 494 § 3 CIC 83 ;
c. 262 § 3 CCEO).
L’économe diocésain, qui possède les fonctions définies au canon 494 § 3 et 4 (c. 262 § 3-4
CCEO), peut se voir confier par l’évêque diocésain l’administration de toutes les personnes
juridiques publiques qui lui sont soumises (c. 1276 § 1 CIC 83) ainsi que l’administration des
biens d’une personne juridique qui n’aurait pas d’administrateur (c. 1279 § 2).
L’économe jouit d’un large espace d’autonomie, défini par l’office selon le droit, et, tout en
ayant des pouvoirs propres inhérents à l’office (c. 131 § 1 CIC 83), il est en raison de cet
office soumis au supérieur compétent, et subordonné par conséquent aux directives de celuici. Un supérieur qui poserait habituellement des actes d’administration ordinaire, qui sont de
la compétence de l’économe, se substituerait à lui et agirait donc à l’encontre de la norme.
Le pouvoir de l’économe est un pouvoir vicaire, qui ne requiert pas l’ordre sacré. C’est
pourquoi l’économe diocésain peut être laïc. Nous avons là un cas de participation de laïcs à
l’exercice du pouvoir de gouvernement dans l’Église prévu par le canon 129 § 2 (c. 979 § 2
CCEO).
c) L’administration des biens des personnes juridiques
Suivant Mgr Périsset, nous diviserons la matière en trois points : les agents de
l’administration, les devoirs de tout administrateur, la cessation dans l’office et les
conséquences personnelles d’une démission arbitraire.
1) Les agents de l’administration. Les agents de l’administration sont a nombre de deux :
l’administrateur et le conseil pour les affaires économiques38.
- L’administrateur. Quant à l’administrateur, toute personne juridique publique doit en avoir
un, de droit ou par désignation de l’ordinaire si le droit, la charte de fondation ou les statuts
n’ont pas pourvu à cette fonction : « L’administration des biens ecclésiastiques revient à celui
37
Cf. J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. cit., p. 178.
Cf. V. De Paolis, « L’amministrazione dei beni : soggetti cui è demandata in via immediata e loro funzioni (cc.
1279-1289) », I beni temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999,
p. 59-82.
38
qui dirige de façon immédiate39 la personne à qui ces biens appartiennent, à moins d’une autre
disposition du droit particulier, des statuts ou d’une coutume légitime, et restant sauf le droit
d’intervention de l’ordinaire en cas de négligence de l’administrateur » (c. 1279 § 1 CIC 83 ;
c. 1023 § 1 CCEO). Le paragraphe 2 du même canon précise que, « pour l’administration des
biens d’une personne juridique publique qui n’aurait pas d’administrateur selon le droit ou la
charte de fondation ou ses propres statuts, l’Ordinaire à qui elle est soumise désignera pour
trois ans des personnes idoines ; il peut les reconduire. » Mais l’articulation entre les deux
paragraphes n’est pas limpide. Si le supérieur de la personne juridique est ipso facto son
administrateur, l’on ne voit pas comment la possibilité envisagée par le paragraphe deuxième
peut se produire. Le principe général devrait l’emporter, selon le quel « le recteur de ces
personnes devrait en être automatiquement aussi l’administrateur ou à tout le moins
l’ordinaire devrait désigner le supérieur lui-même »40.
L’administrateur peut être distinct du représentant légal. Celui-ci est le seul à représenter la
personne juridique au regard de la loi, tant canonique que civile, et il n’a aucun rôle à jouer
quant à l’administration des biens de la personne. « La représentation légale a le caractère de
la manifestation et de la certification de la personne juridique représentée »41.
* Sa spécificité. L’administration se distingue aussi de la fonction de vigilance et de contrôle
sur les personnes juridiques et sur leurs biens. La vigilance ne concerne pas l’activité typique
de l’administration qui consiste à disposer des biens. La vigilance suppose un certain pouvoir
sur les personnes juridiques, lais pas nécessairement sur leurs biens, dont l’autorité a
seulement la tâche d’y veiller, non d’en disposer.
** Trois aspects. L’acte d’administration comporte trois aspects : a) conserver les choses
acquises ; b) les faire fructifier ; c) les utiliser au service des personnes juridiques.
L’administrateur-né de la personne juridique est celui qui la dirige : l’évêque pour le diocèse,
le curé pour la paroisse, le recteur de l’église bénie solennellement (c.1214-1222), le recteur
d’un sanctuaire légitimement érigé (c. 1232), de préférence l’économe du séminaire diocésain
(c. 239 § 1), le recteur d’une église ni paroissiale ni capitulaire ni annexe à la maison d’un
institut religieux ou d’une société de vie apostolique (c. 652), le supérieur religieux pour
l’institut religieux, le président d’une association publique, le président du chapitre des
chanoines, etc. Dans le cas des associations publiques de fidèles, l’administrateur est désigné
par les statuts propres sous la haute direction ou vigilance de l’autorité qui l’a érigée (c. 319 §
1 CIC 83 ; c. 582 CCEO). Les actes posés par les administrateurs sont du point de vue
juridique des actes de la personne juridique elle-même, pourvu qu’ils aient été posés dans les
limites du mandat reçu et selon les normes légales.
*** En l’absence d’administrateur. Dans le cas où la personne juridique publique n’a pas
d’administrateur désigné par le droit, par sa charte de fondation ou par les statuts, « l’ordinaire
à qui elle est soumise désignera pour trois ans des personnes idoines », qu’il peut reconduire
dans cette charge (c. 1279 § 2).
L’ordinaire a un droit d’intervention dans l’administration si l’administrateur néglige
d’accomplir sa fonction (c. 1279 § 1). Il s’assurera que les comptes annuels lui sont remis
ponctuellement (c. 1287 § 1 CIC 83 ; c. 1031 CCEO).
Le clerc qui est administrateur est maintenu dans ses fonctions même s’il est suspendu de son
office par une peine latæ sententiæ (c. 1333 § 3, 3°).
39
L’adverbe immediate a trait « au gouvernement de la personne, non à son administration » (V. De Paolis,
« L’amministrazione dei beni... », loc. cit., , p. 68).
40
V. De Paolis, « L’amministrazione dei beni... », loc. cit., p. 71.
41
V. Mosca, « Il ruolo della gerachia... », loc. cit., p. 396.
- Le conseil pour les affaires économiques. Une norme nouvelle, prise dans le souci d’assurer
la présence d’un conseil d’administration des personnes juridiques42, prévoit qu’elles aient
leur « conseil pour les affaires économiques ou au moins deux conseillers pour aider
l’administrateur » dans sa tâche, et ce, selon les statuts (c. 1280).
Le texte n’est pas rédigé avec rigueur, puisqu’il impose l’existence du conseil pour les affaires
économiques (habeat) tout en tempérant cette exigence par « au moins deux conseillers ».
L’administrateur ne peut pas voter avec les autres membres du conseil, selon l’interprétation
authentique donnée par la Commission d’interprétation des textes législatifs43, disposition qui
apparaît quelque peu exorbitante si l’on songe que l’administrateur est le mieux placé pour
connaître les tenants et les aboutissants de chaque affaire. Cela peut favoriser le choix de deux
conseillers aidant l’administrateur, ce qui fait disparaître tout collège et les règles y relatives
quant aux décisions à prendre.
Ce canon trouve une application directe dans l’existence du conseil diocésain et du conseil
paroissial pour les affaires économiques (c. 492-493, 537 CIC 83 ; c. 263 CCEO), ainsi que
du conseil pastoral diocésain (c. 511 CIC 83 ; ) et paroissial (c. 536 CIC83 ; ), tous conseils
pour lesquels le conseil d’administration est obligatoire.
2) Les devoirs de tout administrateur
Les canons 1281 à 1288 définissent les devoirs de tout administrateur, à savoir de respecter
les limites de l’administration ordinaire, d’accomplir ses fonctions au nom de l’Église, de
remplir certains actes avant d’entrer en fonction, d’accomplir exactement ses charges, de se
limiter dans les libéralités, d’observer les contrats de travail des employés, de dresser un bilan
annuel et de fournir une information sur l’usage des biens, et de n’agir au for civil qu’autorisé
à le faire.
a) Le respect des limites de l’administration ordinaire
* Les actes invalides. Le canon 1281 commence par établir, dans son paragraphe premier (c.
1024 § 1 CCEO), le principe suivant lequel tout administrateur pose « invalidement les actes
qui dépassent les limites et le mode de l’administration ordinaire », à moins qu’au préalable
l’ordinaire ne lui « ait donné la faculté par écrit »44. Les statuts pourraient établir qu’il n’y a
pas de limites : il y aurait pourtant toujours celles du canon 1292 sur la valeur des biens
aliénables.
L’objet de ce paragraphe est la validité des actes d’administration des biens temporels. Celleci concerne non seulement les limites, fixées par le droit universel et particulier (c. 1292 et
1277) ou par les statuts, mais aussi le mode d’administration, qui peut être prévu par le droit
universel, ce qui est le cas lorsqu’il impose à l’administrateur de consulter son conseil ou d’en
obtenir le consentement, comme pour que l’évêque diocésain aliène des biens dont la valeur
est comprise entre un montant minimal et un montant maximal (c. 1292 § 1 CIC 83 ; c. 1036 §
1 CCEO).
42
Qui suivra les normes du c. 127, quand bien même il n’a pas la personnalité juridique.
Réponse du 14 mai 1985, A.A.S. 77 (1985), p. 8771.
44
Du devoir de vigilance de l’évêque diocésain sur les associations privées (cf. c. 325 § 1) devraient être exclus
les contrôles prévus par ce c. 1281 pour poser des actes d’administration extraordinaire, sous peine de restreindre
la liberté de gestion du patrimoine de ces associations privées, sans compter l’incertitude qui pèserait quant à la
détermination des actes d’administration extraordinaire ; tout comme les contrôles organisés par les c. 12921295. Aznar Gil soutient la position contraire (« Los bienes temporales de las asociaciones de fieles en el
ordenamiento canónico », Collectif, Asociaciones canónicas de fieles, Salamanque, 1987, p. 194-203), mais il
importe de respecter le droit fondamental des associations d’agir avec la plus grande liberté possible,
conformément au c. 325 § 1 (cf. M. López Alarcón, sub c. 1257, ComEx, vol. IV, p. 63).
43
L’ordinaire peut donner par écrit de plus amples compétences à l’administrateur, qui
dépassent les limites et le mode de l’administration ordinaire. Mais il ne peut accorder aucune
dérogation aux limites financières sans le consentement du conseil pour les affaires
économiques, du collège des consulteurs et des intéressés dans les cas d’aliénation (c. 1292 §
1 CIC 83 ; c. 1036 § 1 CCEO) et pour toute affaire risquant d’appauvrir la situation
patrimoniale de la personne juridique (c. 1295 CIC 83 ; c. 1042 CCEO).
La forme écrite de la concession est requise pour la validité de la concession, comme le laisse
entendre l’emploi de la conjonction nisi, « à moins que ». En cas de litige, l’administrateur
pourra prouver, par un acte ayant pleine valeur probante (c. 1541 CIC 83 ; c. 1222 CCEO)
qu’il a respecté les normes du droit et qu’il n’est pas personnellement responsable des
dommages éventuels.
** L’administration ordinaire. Le paragraphe 2 du canon 1281 (c. 1024 § 2 CCEO) spécifie
les instances du droit particulier déterminant ce qu’il faut entendre par administration
ordinaire, étant entendu que le droit universel est inapte à le faire45 : les statuts doivent
préciser les limites et le mode de l’administration ordinaire ; s’ils se taisent sur ce point,
l’évêque diocésain détermine les actes de cette nature, après avoir entendu le conseil pour les
affaires économiques. Mais il devra tenir compte des dispositions de la conférence des
évêques déterminant les actes qui relèvent de l’administration ordinaire (c. 1277). Cette
norme ne s’oppose pas à celle du canon 1277, qui décide que la conférence des évêques
détermine les actes d’administration extraordinaire dans le cas des diocèses. Ici, il s’agit des
autres personnes juridiques dotées de statuts. Les critères donnés par la conférence des
évêques pour le diocèse peuvent inspirer la régulation statutaire.
Cette intervention de l’évêque diocésain est supplétive. Il aura intérêt à faire compléter les
statuts déficients avant de les approuver.
*** La responsabilité de la personne juridique. Le paragraphe 3 et dernier du canon 1281 (c.
1024 § 3 CCEO) dégage la responsabilité de la personne juridique dans le cas où
l’administrateur a outrepassé ses compétences. Trois cas de figure peuvent se présenter :
- l’acte posé est invalide, mais a tourné à l’avantage de la personne juridique : celle-ci le
valide tacitement en profitant de l’avantage acquis ;
- l’acte est invalide et a tourné au désavantage de la personne juridique : celle-ci n’est pas
tenue d’en répondre. Afin d’éviter des oppositions éventuelles entre le droit canonique et le
droit civil, il pourrait être opportun de faire figurer dans les contrats une clause résolutoire ou
une condition de validité canonique, telle qu’un contrat canoniquement invalide ne puisse pas
être civilement valide ;
- le code latin ajoute encore le cas de l’acte posé validement, mais de façon illégitime, et qui
peut causer un certain tort à la personne juridique : celle-ci répond de ces actes, mais peut
introduire une action d’ordre judiciaire (c. 1491 CIC 83 ; c. 1149 CCEO) ou présenter un
recours administratif (c. 1732 CIC 83 ; c. 996 CCEO) contre l’administrateur qui l’a lésée.
La responsabilité de l’administrateur peut être de nature pénale, dans le cas du canon 1377 (c.
1449 CCEO) d’aliénation sans l’autorisation requise, ou dans celui du canon 1389 (c. 1464
CCEO) d’abus de pouvoir ou d’une charge ecclésiastique. La personne lésée peut exercer une
action contentieuse au cours du procès pénal pour obtenir réparation des dommages en vertu
du canon 1729 (c. 1483 CCEO). Ce droit à réparation existe aussi quand la responsabilité
pénale de l’administrateur n’est pas engagée, car « quiconque cause illégitimement un
dommage à autrui (…) est tenu par l’obligation de réparer le dommage causé » (c. 128 CIC
83 ; c. 935 CCEO).
45
Cf. Comm 5 (1973), p. 98.
Il se pourrait qu’un acte canoniquement invalide soit valide du point de vue civil, du fait que
la législation civile ne reconnaît pas le droit canonique, auquel cas l’on suivra les dispositions
du canon 1296 (c. 1040 CCEO).
b) L’accomplissement des fonctions au nom de l’Église
Toute personne, qu’elle soit clerc ou laïc, qui « participe à un titre légitime à l’administration
des biens ecclésiastiques, est tenue d’accomplir ses fonctions au nom de l’Église, selon le
droit » (c. 1282). Cette disposition est une application de la capacité des laïcs, reconnus
idoines, à remplir des offices et des charges ecclésiastiques selon le droit, disposition figurant
au canon 228 § 1 (c. 408 § 2 CCEO) parmi les droits et les devoirs fondamentaux des fidèles.
Ces laïcs doivent se distinguer par la science, la prudence et l’honnêteté (c. 228 § 2 CIC 83 ;
c. 408 § 1 CCEO). C’est ainsi qu’il sera précisé que l’économe doit être « vraiment compétent
dans le domaine économique » outre que « remarquable par sa probité » (c. 494 § 1 CIC 83 ;
c. 262 § 1 CCEO). Cette capacité des laïcs vaut pour la fonction d’administrateur comme pour
celle de consulteur ou de membre d’un organe consultatif.
L’administrateur, comme toute personne nommée à un office ecclésiastique, doit « être dans la
communion de l’Église » (c. 149 § 1), ce qui est d’ailleurs un devoir fondamental de tout
fidèle, dans sa façon d’agir (c. 209 § 1 CIC 83 ; c. 12 § 1 CCEO).
L’administrateur agit au nom de l’Église parce qu’il gère les biens temporels d’une personne
juridique publique qui remplit sa charge précisément « au nom de l’Église » (c. 116 § 1).
Moyennant quoi, quand l’administrateur agit selon le droit, il dégage sa responsabilité et, en
cas de litige, il ne peut être personnellement tenu responsable des réparations à faire, alors que
s’il a outrepassé ses fonctions, la personne juridique, nous l’avons vu, peut se retourner contre
lui.
L’administrateur a tous les droits propres à sa fonction, tels que l’accès aux moyens matériels
et à la documentation nécessaire, ainsi qu’une autonomie suffisante, sous le contrôle de
l’autorité supérieure.
Le non-respect du droit a des conséquences pour l’administrateur, contre qui la personne
juridique lésée peut se retourner (c. 1281 § 3 CIC 83 ; c. 1024 § 3 CCEO) et qui sera puni
d’une juste peine46. Le curé pourra être révoque de son office pour ce motif47.
c) Les préalables à l’entrée en fonction
Trois conditions doivent être remplies avant l’entrée en fonction de l’administrateur, selon la
teneur du canon 1283 (c. 1025-1026 CCEO).
En premier lieu, il doit prêter serment de remplir fidèlement sa charge 48. Le serment, qui
relève de la vertu de religion (cf. c. 1200 § 1), doit être prêté devant l’ordinaire ou son
délégué, qui peut être laïc (cf. c. 228 § 1 CIC 83 ; c. 408 § 2 CCEO). ). Un exemplaire du
serment étant conservé dans les archives diocésaines. Le CIC 83, à la différence du CCEO (c.
1027), ne réclame pas que l’administrateur verse une caution, valable en droit civil, qui
pourrait être utilisée en cas de demande de dommages et intérêts dans le cadre d’une mauvaise
gestion49.
Deuxièmement, un inventaire, dont il est précisé qu’il doit être « exact et détaillé », doit être
dressé des immeubles, des meubles précieux ou présentant quelque intérêt culturel, ainsi que
des autres biens, non précisés, avec leur description et leur estimation, inventaire qui doit être
vérifié, puis signé par les administrateurs. L’estimation de la valeur des biens ne sera pas
46
C. 1377 et 1389 § 2 CIC 83 ; c. 1449 et 1464 § 2 CCEO.
C. 1389§ 1 et 1741, 5° CIC 83 ; c. 1464 § 1 et 1390, 5° CCEO.
48
Cf. Comm 12 (1980), p. 418.
49
Cf. Comm 12 (1980), p.418.
47
toujours facile, comme dans le cas de biens présentant une valeur culturelle particulière.
La mention des « autres biens » indique que l’inventaire doit être exhaustif. Pour la notion de
« biens précieux » et de « biens culturels », l’on se reportera au chapitre II. Notons cependant
que la mention des biens culturels est une nouveauté du code de 1983.
Cet inventaire présente l’avantage de permettre de distinguer clairement les biens personnels
du titulaire de l’office de ceux qui appartiennent à la personne juridique.
Enfin l’inventaire doit être versé aux archives de l’administration, une copie étant déposée
dans les archives diocésaines, ce qui correspond au devoir du canon 1284 § 2, 9° CIC 83 ; c.
1028 § 2, 8° CCEO). L’on notera sur les deux exemplaires de cet inventaire tout changement
intervenant dans le patrimoine, afin d’en assurer la conservation effective.
Notons que les biens ecclésiastiques possédant un intérêt historique, artistique ou
documentaire présentent un intérêt aussi bien pour l’Église que pour l’État, et qu’un accord en
ce domaine devra être cherché par la voie concordataire.
d) Exactitude dans l’accomplissement des charges
Le paragraphe premier du canon 1284 (c. 1028 § 1 CCEO) pose le principe d’une
administration des biens « en bon père de famille ». Il s’agit d’un critère traditionnel, qui
figure dans les ordres juridiques civils.
D’où l’énumération au paragraphe 2 d’une série de neuf devoirs.
1°. Tout d’abord veiller à ce que les biens ne subissent aucun dommage et au besoin les
assurer pour ce faire. Le contrat d’assurance vol et incendie est bien souvent obligatoire
d’ailleurs. Cette incitation à assurer les biens ne figurait pas dans le CIC 17.
2°. Pas plus que le fait de garantir la propriété des biens par des moyens valides en droit civil.
Cela suppose que l’Église à affaire à un État de droit, qui reconnaît la liberté de conscience et
la liberté de religion ainsi que le droit d’association.
3°. L’administrateur doit ensuite respecter le droit civil pour protéger les biens. Nous avons vu
que la personne juridique peut se retourner contre l’administrateur s’il s’en écarte et que, en
corolaire, il est couvert quand il a observé les lois civiles. En cas d’une aliénation sans les
formes canoniques mais civilement valable, c’est à l’autorité compétente qu’il revient
d’engager éventuellement une action (c. 1296 CIC 83 ; c. 1040 CCEO), en tenant compte de
la norme du canon1281 § 3.
4°. L’administrateur doit ensuite percevoir tous les revenus, les conserver et les employer
selon la volonté du fondateur ou les règles légitimes.
5°. Il doit veiller à payer à temps les intérêts des emprunts et des hypothèques et en
rembourser à temps le capital.
6°. Il doit employer les disponibilités aux fins de l’Église et de la personne juridique
concernée. Pour ce faire, il agira en bon père de famille (c. 1284 § 1) et veiller à ce que les
biens qu’il doit gérer « ne périssent pas et ne subissent aucun dommage » (c. 1284 § 2, 1°),
comme cela a déjà été dit. En ce sens, il doit obtenir « le consentement de l’ordinaire », lequel
aura soin de prendre l’avis de son conseil pour les affaires économiques, selon le canon 1287
§ 1.
7°. L’administrateur tiendra en ordre les livres des recettes et des dépenses50, condition sine
qua non d’une bonne administration. Le contrôle des registres relève de la vigilance de
l’ordinaire (c. 1276 § 1 CIC 83 ; c. 1022 CCEO).
8°. L’obligation suivante porte sur la présentation annuelle des comptes, c’est-à-dire du bilan.
Celle de la préparation du budget annuel aurait pu lui être associée. Le législateur a préféré lui
consacrer le paragraphe 3 de ce même canon 1284. Cette dissociation s’explique par le fait
50
Appelées « déboursés » dans la traduction, terme qui n’est pas français et dénote une certaine ignorance des
notions les plus élémentaires de comptabilité.
que le bilan est obligatoire alors que le budget n’est que recommandé par le droit universel.
Mais le droit particulier pourrait le rendre obligatoire. La confection d’un budget, prévue pour
le diocèse par le canon 493 (c. 263 § 5 CCEO), est ainsi étendue à toutes les personnes
juridiques publiques. La norme ne précise pas que le bilan doit être présenté à l’ordinaire, car
cela est clairement indiqué au canon 1287 § 1 (c. 1031 § 1 CCEO). « On pourrait souhaiter
que les conférences des évêques, sinon imposent, du moins proposent des formulaires pour la
préparation du bilan et du budget des personnes juridiques publiques, compte tenu des
circonstances locales. En effet, ces questions requièrent la collaboration d’experts en
questions économiques et juridiques, que même un diocèse n’est pas toujours à même de
trouver.51 »
9°. Enfin l’administrateur doit conserver dans des archives du siège de leur administration les
titres de propriété de l’Église ou de l’institut sur les biens et, si possible, en verser une copie
aux archives de la curie.
Cette énumération d’actes d’administration ordinaire n’est pas exhaustive. Il faut se reporter à
des critères complémentaires, tels les facteurs quantitatifs précisés aux canons 1291-1292 (c.
1035 § 1, 3° et 1036 CCEO), des normes de droit particulier, les statuts étant bien inspirés de
préciser les actes d’administration extraordinaire, ou encore des éléments de nature
empirique52. Cependant, du fait de sa description générale des obligations et des fonctions de
l’administrateur, ce canon peut servir à déterminer le domaine des fins et des modes de
l’administration ordinaire et, par suite, à préciser ce qu’il faut entendre par actes
d’administration extraordinaire53.
Dans les actes d’aliénation et assimilés, l’administrateur doit tenir compte des obligations qui
découlent des canons 1293 et 1294 (c. 1035 CCEO), à savoir : a) une cause juste ; b) la
présentation de l’estimation écrite après expertise ; c) le respect de cette estimation pour fixer
le prix minimal de l’aliénation ; d) la prise des précautions éventuellement prescrites par
l’autorité ; e) l’investissement avisé ou l’utilisation des fonds conformément à la finalité de
l’aliénation.
e) Limites à la libéralité de l’administrateur
L’administrateur peut faire des dons « pour des buts de piété ou de charité chrétienne », ce qui
correspond d’ailleurs à l’obligation fondamentale de toute personne de subvenir aux besoins
de l’ Église (c. 222 § 1 CIC 83 ; c. 25 § 1 CCEO) et aux fins propres de l’Église (c. 1254 § 1
CIC 83 ; c. 1007 CCEO). Mais le canon 1285 (c. 1029 CCEO) subordonne ces dons à trois
conditions : a) d’abord qu’il ne s’agisse que de biens mobiliers ; b) ensuite que ces biens
n’appartiennent pas au patrimoine stable de l’institution, car si les dons provenaient des biens
immobiliers, le patrimoine serait amoindri, à l’encontre du canon 1295 (c. 1042 CCEO) ; c’est
aussi un moyen de respecter la volonté des donateurs ou des fondateurs (c. 1300 CIC 83 ; c.
1044 CCEO) ; c) enfin qu’il s’agisse d’un acte d’administration ordinaire. Le canon
correspondant du CCEO (c. 1029) parle de « dons modestes selon une coutume légitime » et
demande une « cause juste » pour les faire.
Même si les limites posées par ce canon ne comportent pas la nullité de l’acte posé qui ne les
respecterait pas, mais seulement son illicéité, il semble cependant difficile, compte tenu des
51
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 180.
V. De Paolis propose les critères suivants : « La quantité, les risques de perte, l’incidence que l’acte peur avoir
sur la substance ou seulement sur les fruits ; les dangers auxquels on expose la stabilité du patrimoine ; la nature
de la chose qui fait l’objet de l’administration ou du service que l’on prête, la modalité ou la complexité de
l’opération ; la valeur de la chose ; la durée des rythmes d’exécution ; l’incertitude des résultats économiques ; la
consistance patrimoniale, économique et financière de la personne juridique elle-même ; etc. » (I beni temporali
della Chiesa, Bologne, 1995, p. 147, cité par J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. cit., p. 158).
53
Cf. Z. Combalia, sub c. 1284, ComEx, vol. IV/1, p. 137.
52
canons 1281 (c. 1024 CCEO) et 1291 et suivants (c. 1035 et suivants CCEO), que
l’administrateur puisse réaliser validement une donation qui sortirait du domaine prévu par ce
canon54.
Dans le cas d’une donation abusive, on pourra appliquer le canon 1281 § 3 (c. 1024 § 3
CCEO), qui autorise l’introduction d’un recours contre l’administrateur qui a lésé la personne
juridique par des actes juridiques valides mais illégitimes. Toutefois cette norme risque de ne
pas pouvoir s’appliquer dans les pays où la législation civile ne reçoit pas les normes
canoniques, ce qui implique qu’une aliénation ou un acte d’administration extraordinaire soit
valide en droit civil mais invalide au for canonique. La seule solution consistera alors à
demander à l’autorité suprême du Pontife romain de valider le contrat invalide55.
Il revient à l’autorité, qui n’a pas besoin pour cela de l’avis ou du consentement du conseil
pour les affaires économiques ou du collège des consulteurs, de décider :
a) s’il convient d’intenter une action réelle pour récupérer le bien invalidement aliéné, ou une
action personnelle contre l’auteur de l’aliénation, avec demande de réparation des dommages
causés (cf. c. 128) ;
b) qui doit intenter l’action, du supérieur ou de la personne juridique qui a été lésée ;
c) contre qui elle doit être intentée, c’est-à-dire contre ceux qui administrent la personne
juridique (administrateur, représentant légal, etc.) ou contre l’acquéreur ;
d) s’il faut recourir au for ecclésiastique, ce qui suppose que l’acquéreur y consente, ou au for
civil, s’il existe des éléments solides pour attaquer la validité du contrat ;
e) de punir directement le coupable de l’aliénation illégitime (cf. c. 1377) ou de renoncer à
toute action, compte tenu des circonstances de temps et de lieu56.
f) Les contrats de travail des employés
L’Église entend que sa doctrine sociale soit appliquée57. Elle demande en ce sens aux
administrateurs d’observer scrupuleusement la législation civile du travail et de la sécurité
sociale pour le personnel qu’elle emploie et que ceux qui ont un contrat de travail reçoivent
« un juste et honnête salaire » qui leur permette « de pourvoir convenablement à leurs besoins
et à ceux des leurs » (c. 1286 CIC 83 ; c. 1030 CCEO). Ceci implique naturellement que le
« salaire juste » puisse dépasser le minimum légal si ce dernier ne permet pas de subvenir
convenablement aux besoins de la famille du salarié58. Le droit à un salaire juste et honnête
est un droit naturel de la personne. Si d’aventure le droit civil ne garantissait pas
suffisamment ce droit, l’employeur canonique ne pourrait pas pour autant se considérer
exempté de ce devoir naturel. Il n’est cependant pas tenu d’appliquer des normes civiles que
l’État n’applique lui-même pas à ces employés de l’Église. L’esprit de la norme est
simplement que l’employeur ecclésiastique n’enfreigne pas les lois civiles qui s’appliquent
clairement à la situation du personnel employé.
L’alinéa premier de ce canon insère la clause « selon les principes donnés par l’Église », ce
qui pose des limites à la norme. Par exemple, si l’État impose une assurance maladie qui va
contribuer aussi à payer l’avortement, le droit canonique n’impose évidemment pas aux
catholiques d’y répondre favorablement.
Cette norme ne concerne pas les fidèles laïcs qui rendent des services spéciaux à l’Église en
vertu du canon 231 (c. 409 CCEO) qui prévoit leur rémunération propre. Elle ne concerne pas
davantage la rétribution des membres des instituts de vie consacrée, qui se fait selon d’autres
critères.
54
Cf. Z. Combalia, sub c. 1285, Ibid., p. 139.
Cf. F. Salerno, « I beni temporali della Chiesa... », loc. cit., p. 159.
56
Cf. F. Salerno, « I beni temporali della Chiesa... », loc. cit., p. 159-160.
57
Son importance a été rappelée par le pape Benoît XVI, dans l’encyclique Deus caritas est, 25 décembre 2005.
58
Cf. J. de Otaduy, « El derecho a la retribución de los laicos al servicio de la Iglesia », FI 2 (1992), p. 187-206.
55
Cette norme perd le côté paternaliste qu’elle avait dans le CIC 17 59, et n’est plus limitée aux
seuls curés ou prêtres missionnaires. Elle distingue la responsabilité légale de l’administrateur
quant au respect de la législation civile, de sa responsabilité morale quant au salaire. Ce
salaire ne doit pas uniquement tenir compte du travail fourni, le salaire dit « honnête », mais
doit être fonction des conditions personnelles de l’employé, c’est-à-dire « juste », car il doit
lui permettre, à lui et à sa famille, de vivre décemment60. L’employé, en contrepartie, possède
l’obligation fondamentale d’acquérir la formation requise nécessaire pour bien remplir sa
tâche (c. 231 § 1 CIC 83 ; c. 409 § 1 CCEO).
L’administrateur lui-même a droit à un salaire juste et honnête, conformément au droit
fondamental du canon 231§ 2 (c. 409 § 2 CCEO).
Les employés d’Église sont tenus au devoir de réserve, même si celui-ci n’est pas explicité ici.
Une cohérence entre le comportement personnel et le travail au service de l’Église est à
attendre d’eux à bon droit. Les juridictions civiles appelées à se prononcer, l’ont toujours fait
en faveur de l’employeur61.
Ils ont également le droit à s’associer et à s’organiser pour promouvoir leurs propres intérêts
dans l’Église, car la création d’associations étant « capables de poursuivre des objectifs que
les individus ne peuvent atteindre qu'en s'associant, apparaît comme un moyen absolument
indispensable pour l'exercice de la liberté et de la responsabilité de la personne humaine »62.
g) Bilan annuel et information sur l’usage des biens
Le canon 1284 § 2, 8° (c. 1228 § 2, 7° CCEO) faisait obligation à tout administrateur de
préparer les comptes annuels de sa gestion. Il est maintenant précisé à qui il doit présenter les
dits comptes.
L’administrateur, laïc ou clerc, des biens des personnes juridiques publiques soumises au
pouvoir de gouvernement de l’évêque diocésain est soumis au contrôle de l’ordinaire du lieu
auquel il doit présenter ses comptes chaque année, et à celui des fidèles auprès desquels il
rendra compte uniquement de l’usage des biens (c. 1287 CIC 83 ; c. 1031 CCEO). Mais, dans
ce dernier cas, la reddition de comptes ne porte pas sur les revenus des investissements, les
produits de la vente de biens, ou d’autres sources de revenus, dont l’origine ne provient pas
des fidèles. Il s’agit là « d’une véritable obligation, qui s’insère dans le contexte de la
coresponsabilité des fidèles à la vie financière de l’Église »63. Elle ne porte que sur les biens
donnés par les fidèles, non sur l’ensemble des biens ecclésiastiques gérés par l’administrateur.
Il revient au droit particulier de déterminer les modalités de la reddition de comptes.
Cette reddition de comptes figure déjà au nombre des devoirs de l’administrateur (c. 1284 § 2,
8° CIC 83 ; c. 1028 § 2, 7° CCEO). Cette obligation cesse si l’administrateur est légitimement
soustrait au pouvoir de gouvernement de l’évêque diocésain (c. 1287 § 1).
Cette norme ne s’impose pas aux administrateurs des personnes juridiques privées, qui sont
régies par leurs statuts, le devoir de vigilance de l’ordinaire du lieu ne portant pas
nécessairement sur la reddition de comptes (c. 325).
Des normes particulières prévoient la reddition des comptes des associations publiques
légitimement érigées, qui doivent rendre compte devant l’autorité qui les a érigées, Siège
apostolique, conférence des évêques ou évêque diocésain64, des instituts de vie consacrée, de
59
Cf. Comm 5 (1973), p. 99.
« Les pasteurs accueilleront ces laïcs avec joie et avec reconnaissance ; ils veilleront à ce que leur condition
satisfasse aussi parfaitement que possible aux exigences de la justice, de l'équité et de la charité, surtout en ce qui
concerne les ressources nécessaires à leur vie et à celle de leur famille ; ils feront en sorte que ces laïcs disposent
des moyens nécessaires de formation, de soutien et de stimulant spirituel » (AA 22/b).
61
Cf. G. Dole, Les professions ecclésiastiques, fiction juridique et réalité sociologique, Paris, 1987.
62
Jean XXIII, enc. Pacem in terris, 11 avril 1968, n° 24.
63
F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 210.
64
C. 312 § 1 et 319 CIC 83 ; c. 575 § 1 et 582 CCEO.
60
leurs provinces et maisons, qui doivent en rendre compte à l’autorité compétente65, des
monastères de droit propre, qui rendent compte à l’ordinaire du lieu (c. 637) et par les
administrateurs paroissiaux, qui le font devant le curé (c. 540 § 3 CIC 83 ; c. 299 § 3 CCEO).
Il est ainsi nécessaire d’assurer la transparence dans la gestion des biens. Une telle
transparence ne pourra être assurée « qu’à partir de l’apport professionnel et compétente des
laïcs qui garantit que tout est réalisé dans le respect des normes canoniques et civiles, en se
montrant opportunément disponibles aux contrôles et à la reddition de comptes, et en portant
la plus grande attention à ce que les biens soient effectivement destinés aux fins spirituelles de
l’Église »66.
Toute coutume contraire est réprouvée et donc considérée comme nulle et non avenue.
L’ordinaire doit soumettre ces comptes à l’examen du conseil diocésain pour les affaires
économiques, à qui il revient d’approuver les comptes des recettes et des dépenses pour le
diocèse tout entier (c. 493 CIC 83 ; c. 263 § 5 CCEO).
Le mode de contrôle des fidèles est déterminé par le droit particulier. Il y a là une obligation
pour l’administrateur. Toutefois, il ne rend compte aux fidèles que de la gestion des biens
qu’ils ont donnés, non de celle de l’ensemble des biens ecclésiastiques, bien qu’ils puissent le
faire si les conditions locales le suggèrent67. Plus que d’une reddition de comptes, il s’agit
d’une information sur l’état et l’utilisation des biens. En application du principe de
subsidiarité, la détermination concrète de ce devoir est laissée au droit particulier.
h) Autorisation pour agir au for civil
Tout administrateur a besoin de l’autorisation écrite de son ordinaire propre pour engager un
procès ou pour répondre à une citation en justice au for civil (c. 1288 CIC 83 ; c. 1032
CCEO). Par procès, « il faut entendre n’importe quelle procédure judiciaire contentieuse
pouvant affecter le patrimoine des personnes juridiques publiques, aussi bien de manière
contraire que de manière favorable. Ni les procédures administratives, ni les procédures de
juridiction volontaire ne présentent un caractère contentieux ; par contre, il ne faut pas exclure
les poursuites pénales quand la responsabilité civile risque de retomber sur lesdits
patrimoines »68.
La nécessité de l’autorisation préalable tient aux risques qu’un procès peut faire courir aux
biens ecclésiastiques. L’autorisation ne concerner que les procès engagés au for civil. Les
personnes juridiques peuvent agir au for canonique par leurs représentants légitimes, sans
nécessité d’une autorisation de leur ordinaire propre (c. 1480 CIC 83 ; c. 1138 § 1 CCEO).
Dans le cas où l’administrateur agirait sans avoir reçu cette autorisation, l’acte posé serait
illicite, mais valide, une procédure pouvant être engagée contre lui en cas de dommages
causés au patrimoine ecclésiastique (c. 1281 § 3 CIC 83 ; c. 1024 § 3 CCEO).
Cette norme limite donc la responsabilité de l’administrateur. Elle répond au devoir de
vigilance de l’ordinaire sur l’administration des biens (c. 1276 § 1 CIC 83 ; c. 1022 § 1
CCEO).
L’administrateur veillera, le cas échéant, à respecter les délais légaux pour engager une
procédure ou pour faire appel69. S’il négligeait d’engager une procédure civile pour défendre
le patrimoine dont il a la responsabilité, il pourrait être tenu de verser des dommages intérêts
(c. 128 CIC 83 ; c. 935 CCEO) et l’autorité compétente pourrait se retourner contre lui (c.
1389 § 2 CIC 83 ; c. 1464 § 2 CCEO).
Il est hautement souhaitable d’éviter d’avoir recours aux tribunaux civils et d’épuiser d’abord
65
C. 636 CIC 83 ; c. 447, 516, 558 § 2 CCEO.
L. Mistò, « Chiesa e beni temporali... » , loc. cit, note , p. 302.
67
Cf. Comm 12 (1980), p. 421.
68
M. Lopez Alarcon, sub c. 1288, CB, p. 1126.
69
Cf. c. 1465, 1635, 1637 § 3 CIC 83 ; c. 1124, 1316, 1318 § 3 CCEO.
66
les moyens d’éviter les procès des canons 1713-1716 : transaction, réconciliation, arbitrage70.
Le respect des normes des canons 1281-1288 sur les devoirs de tout administrateur est intimé
au curé pour l’administration des biens de la paroisse (c. 532). Il s’applique aussi à l’évêque
diocésain et à son conseil pour les affaires économiques à partir du moment où le canon 493
fait un renvoi explicite aux normes du Livre V, renvoi qui figure aussi pour l’administration
des biens temporels des instituts religieux (c. 635 § 1 CIC 8371), de ceux des instituts séculiers
(c. 718) et des sociétés de vie apostoliques (c. 741 § 1).
3) La cessation dans l’office et les conséquences personnelles d’une démission arbitraire. La
tâche de l’administrateur prend fin en général par l’écoulement du délai de son mandat. Elle
peut intervenir aussi par perte de l’office, par exemple parce que l’administrateur a atteint la
limite d’âge, ou par révocation ou par toute autre privation administrative ou pénale.
La dernière norme sur l’administration des biens précise que les administrateurs ne peuvent
pas abandonner leur fonction selon leur bon vouloir, ou leur caprice : ils sont tenus, en effet,
par un contrat bilatéral, au moins tacite . Certains d’entre eux ont été nommés pour une
période de trois ans (c. 1279 § 2). S’ils démissionnent arbitrairement, et si cette démission
cause un dommage à l’Église, « ils sont tenus à restitution » (c. 1289 CIC 83 ; c. 1033
CCEO),ou à réparer les dommages causés (c. 128 CIC 83 ; c. 935 CCEO), pouvant même être
punis d’une juste peine (c. 1389 § 2 CIC 83 ; c. 1464 § 2 CCEO).
Bien que la charge d’administrateur ne soit pas un office ecclésiastique au sens du canon 145
(c. 936 CCEO), il n’en reste pas moins qu’elle répond à la définition de l’office, compte tenu
des fins propres des biens qu’ils administrent, fins qui sont d’ordre spirituel (c. 1254 § 2 CIC
83 ; c. 1007 § 2 CCEO).
Au terme de sa charge l’administrateur doit accomplir certaines tâches dans l’esprit d’un bon
père de famille : rendre les comptes, transmettre les registres, livres et autres documents à son
successeur, signer l’inventaire du patrimoine, etc.
4) L’administration extraordinaire
La norme du canon 1281 définit indirectement l’acte d’administration extraordinaire comme
étant celui qui dépasse « les limites (fines) et les modes de l’administration ordinaire ». La
différence entre administration ordinaire et administration extraordinaire s’opère à partir de
deux éléments : d’une part, les « limites » imposées par les fins de l’administration ordinaire
et, d’autre part, le fait que le législateur fasse rentrer dans l’administration extraordinaire les
opérations qui, compte tenu de leurs poids financier, deviennent importantes au point d’être
considérés comme extraordinaires72.
Les actes d’aliénation entrent dans la catégorie de l’administration extraordinaire des biens,
qui font l’objet d’une protection renforcée de la part de l’autorité compétente. Toutefois cette
protection ne doit pas atteindre tous les actes d’administration extraordinaire, mais
uniquement ceux qui pourraient amoindrir la situation patrimoniale de la personne juridique
(c. 1295 CIC 83 ; c. 1042 CCEO). Il ne faut pas exclure qu’un acte d’administration
extraordinaire enrichisse le patrimoine stable de la personne juridique, par exemple s’il
consiste à accepter une libéralité non grevée d’une charge. De tels actes n’ont aucune raison
70
Le CCEO développe en détail la transaction (c. 1164-1167) et le compromis par arbitres (c. 1168-1184).
Cf. c. 425, 558 § 2, 567 § 2 CCEO.
72
Cf. V. De Paolis, « L’amministrazione dei beni... », loc. cit., p. 80. La jurisprudence rotale considère que
relève de l’administration extraordinaire tout acte « potentiellement apte à modifier la consistance patrimoniale
de la personne juridique » (Cf. F. Salerno, « I beni temporali della Chiesa ed il potere primaziale del Romano
Pontefice », Ibid., p. 150, qui cite R. R. dec. d. 26 junii 1937 c. Jullien, Ponente, vol. 29, p. 450 ; R. R. dec.
27.2.1930 c. Mannucci, pon., vol. 22, p. 121 ; R. R. dec. 30.5.1936 c. Jullien, pon., vol. 38, p. 351).
71
d’être soumis à un contrôle renforcé.
Pour les biens du diocèse et des autres personnes juridiques publiques administrées par
l’évêque diocésain, c’est la conférence des évêques qui déterminent les actes relevant de
l’administration extraordinaire (c. 1277). La conférence des évêques de France a qualifié
d’actes extraordinaires ceux « qui affectent très lourdement le patrimoine stable d’un diocèse
ou d’une personne juridique soumise à l’autorité de l’évêque diocésain, ou encore des actes
qui peuvent, par leurs conséquences, affecter l’équilibre financier du diocèse ou d’une
personne juridique soumise à l’autorité de l’évêque diocésain »73. Elle précise ensuite ce qu’il
faut entendre par « actes d’administration qui affectent très lourdement le patrimoine
stable d’un diocèse » et, à titre d’exemples, ce qu’il faut entendre par « actes qui peuvent, par
leurs conséquences, affecter l’équilibre financier d’un diocèse ».
Pour les biens des autres personnes juridiques soumises au gouvernement de l’évêque
diocésain mais non administrées par lui, cette détermination revient aux statuts (c. 1281 CIC
83 ; c. 1024 CCEO).
5) L’administration des biens des associations. L’administration des biens des associations
d’Église soulève un certain nombre de questions en France, du fait que le droit civil ignore le
droit canonique. Les associations ecclésiales doivent donc être conformes à l’un et l’autre
droit. Quelles sont les caractéristiques du droit civil des associations ? Trois aspects peuvent
être mentionnés : a) d’abord le statut constitutionnel de la liberté d’association figurant dans
la Constitution de la République74 ; b) le caractère privé de ces associations, le droit civil
ignorant les associations publiques75 ; c) le système de direction des associations est
démocratique, et est assuré par l’assemblée générale, alors que le droit canonique renvoie aux
statuts pour organiser le mode de gouvernement des associations (c. 321). Les associations
diocésaines constituent une exception à ce principe général.
En réalité, tout se passe en France « comme si l’idée d’une personnalité juridique canonique
était quasiment tombée en désuétude face au modèle civil libéral de la loi centenaire du 1er
juillet 1901 »76. Cela peut sans soute simplifier la gestion du patrimoine de ces associations,
mais deux écueils sont à éviter. Le premier découle de la gestion « démocratique » des
associations : « Quelle garantie y a-t-il que ses instance se conforment toujours aux
dispositions du droit canonique, en particulier l’autorité suprême du Pontife romain quant aux
biens, et à la vigilance de l’autorité ecclésiastique compétente ? » Le professeur Échappé, qui
formule cette question, relève « qu’en France le patrimoine immobilier des écoles catholiques
est entre les mains d’associations, constituées à la hâte au lendemain de la séparation et de la
spoliation77 de 1905, qui n’ont aucun statut canonique, alors même que leur objet (et la
justification de leur existence) est bien d’enseigner la doctrine chrétienne au nom de l’Église,
ce qui, canoniquement, leur imprime le caractère public et fait dès lors de leurs biens des
biens ecclésiastiques ».
Le second écueil est qu’un recours au seul droit civil risque d’être réducteur, de créer un
« déficit ecclésial », en gommant la particularité des associations d’Église qui répondent à des
finalités précises que la loi de 1901 ne prend pas en compte78.
6) Une remarque finale. « Compte tenu des scandales récents impliquant malversation
financière, et conscient qu’un coupable de malversation financière ne peut être renvoyé de son
73
Cf. Bulletin officiel de la conférence des évêques de France, n° 50, 1er janvier 2002, CB 1900-1902.
Préambule de la Constitution de 1946, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution de 1958.
75
Il reconnaît « l’utilité publique » de certaines associations.
76
O. Échappé, « Les « biens » des associations d’Église », AC 47 (2005), p. 51-62 (cit. p. 58).
77
L’on peut s’interroger sur la pertinence de ce terme.
78
Cf. O. Échappé, loc. cit., p. 58-59.
74
office qu’administrativement, l’autorité ecclésiastique compétente peut souhaiter considérer
l’opportunité de l’établissement d’une loi pénale sur la malversation financière qui
permettrait, dans les cas graves, aussi le renvoi d’office pénalement (et non seulement
administrativement) pour des actes de malversation financière. Les législateurs chargés de la
vigilance sur l’administration des biens ecclésiastiques (c. 1276, § 1) peuvent le trouver utile,
dans les limites strictes de ces canons, d’établir par la loi particulière des peines pénales pour
les actions liées à la malversation financière, y compris la privation de l’office »79.
« Le Code permet à l'évêque diocésain d’écarter librement un vicaire général ou un vicaire
épiscopal (c. 477, § 1). Le vicaire judiciaire, le vicaire judiciaire adjoint, et les autres juges,
qui sont nommés pour un temps déterminé, peuvent être écartés de ses fonctions « pour une
cause légitime et grave » (c. 1422). Le chancelier, le vice-chancelier, les notaires, et des autres
peuvent être révoqués d’office pour « des causes graves » (c. 193, § 1 ; cf. c. 193, § 2, 194,
195). L’économe diocésain peut être révoqué « pour une cause grave estimée telle par
l’Évêque après qu’il ait entendu le collège des consulteurs et le conseil pour les affaires
économiques » (c. 494, § 2) ; c’est clair que la malversation financière effectuée par
l’économe, qui administre les biens diocésains sous l'autorité de l'évêque diocésain (cf. c. 494,
§ 3), est une raison la plus évidente de révocation. Un curé, qui est l’administrateur des biens
ecclésiastiques de la paroisse (cf. c. 532), peut être révoqué d’office administrativement pour
plusieurs raisons qui se rapportent à la malversation financière : une manière d’agir qui cause
un grave détriment ou un trouble grave dans la communion ecclésiale; la perte de la bonne
estime chez les paroissiens probes et sérieux ou l’aversion envers le curé, dont on prévoit
qu’elle ne cessera pas rapidement ; une grave négligence ou la violation de ses devoirs de curé
persistant après une monition ; et une mauvaise administration des biens temporels entraînant
un grave dommage pour l’Église, chaque fois qu’aucun autre remède ne peut être apporté à ce
mal (c. 1741). Les vicaires forains, les recteurs d'églises, les aumôniers et les vicaires
paroissiaux peuvent être révoqués « pour une juste cause » (c. 554, § 3, 563, 572, 552) »80.
79
80
J. A. Renken, « Questions récentes… », loc. cit.
Cf. Ibid.