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25 juin 2006
Institut du Renseignement
Centre d’Etudes du Terrorisme
Terrorisme et humour : une émission satirique critiquant
le Hezbollah a été diffusée sur la chaîne libanaise LBC,
vilipendant les tirs de Katyusha, le pseudo “équilibre de
dissuasion” avec Israël prôné par le Hezbollah, et les
tentatives de “libération” des Fermes de Shebaa. Suite
aux manifestations des Chiites libanais, l’émission a
rapidement été déprogrammée.
“Hassan Nasrallah” (à droite) interviewé par un homme déguisé en femmeUne roquette “orpheline”
tirée en Israël : aucune organisation terroriste n’en revendique la responsabilité ( images de LBCTV, 1er juin).
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Le 1er juin 2006, la chaîne de télévision libanaise LBC (proche des forces chrétiennes
libanaises) a diffusé une émission satirique critiquant la politique et la stratégie du
Hezbollah. Les principaux thèmes de l’émission étaient les suivants :
•
• L’affirmation de Hassan Nasrallah que le Hezbollah peut maintenir un
“équilibre de dissuasion” avec Israël ;
•
•
L’affirmation du Hezbollah qu’il œuvre à “libérer” les Fermes de Shebaa
n’est qu’un prétexte visant à dissimuler ses objectifs à long terme; et les attaques
du Hezbollah avec des roquettes Katyusha ou le fait de permettre aux
organisations terroristes palestiniennes d’attaquer Israël sont ridicules et
irresponsables.
Cliquer ici pour voir des scènes de l’émission
http://www.terrorisminfo.org.il/malam_multimedia/Hebrew/heb_n/video/Bas_Mat_Watan_H.wmv
Il est rarissime qu’une émission critiquant le Hezbollah, son dirigeant et ses stratégies
soit diffusée à la télévision libanaise. Cette émission a d’ailleurs provoqué des
manifestations parmi les fidèles chiites du Hezbollah (notamment à Beyrouth). Les
manifestations ont été modérées par le Hezbollah, de crainte d’une détérioration de la
situation et d’une perte de contrôle. La diffusion de l’émission a rapidement cessé, sous
le prétexte d’une programmation saturée en raison de la Coupe du Monde de football.
Cette affaire est une nouvelle manifestation des tensions sectaires qui caractérisent le
Liban. Elle a aussi servi à creuser les fissures déjà existantes au sein des centres de
pouvoir libanais quant à la nature et à l'identité du Hezbollah. La coalition antisyrienne (les Forces du 14 Mars, qui soutiennent le Nouvel Ordre libanais) exige le
démantèlement du Hezbollah. Toutefois, ce dernier justifie son existence comme
organisation armée en affirmant "défendre" le Liban, en œuvrant à "libérer" les Fermes
de Shebaa, et en maintenant un pseudo "équilibre de dissuasion" avec Israël. Ces sujets,
qui ont été traités par l'émission, sont toujours sources de divergence au sein de la
population libanaise.1
1
Pour plus d’informations voir l’article (en anglais) “Hezbollah leader Hassan Nasrallah boasts of the organization’s
ability to maintain a balance of deterrence with Israel…,” à l’adresse
http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/English/eng_n/pdf/hezbollah_e0506.pdf.
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Le Hezbollah a été critiqué dans l’émission Bas Mat Watan (jeu de mots en arabe
signifiant soit "la patrie est morte" soit "la patrie sourit"), émission de satire politique
et sociale, produite et réalisée par Charbel Khalil. Ces dix dernières années, selon
Khalil, l'émission a été diffusée chaque jeudi.
Charbel Khalil, producteur et réalisateur de l’émission "la patrie est morte" (ou, "la patrie sourit")
(Site Internet Al-Ilaf, 10 juin).
Dans l'émission du 1er juin, un acteur représentant le dirigeant du Hezbollah Hassan
Nasrallah était "interviewé" par un homme déguisé en femme. Les points principaux de
"l'interview" étaient les suivants :
•
• L’affirmation de Nasrallah selon laquelle son organisation peut prétendre à
un équilibre de dissuasion avec Israël :2
L’interviewer: “chaque fois que vous apparaissez dans les médias, vous déclarez : nous
leur couperons les mains [à Israël], leur briserons le cou, leur arracherons le foie.”
“Nasrallah:” “C’est une tactique [utilisée] dans l’équilibre de dissuasion [avec
Israël]… Croyez-vous [vraiment] que nous avons ouvert une boucherie et que nous
vendons de la viande à hamburger ?...”
2
Il s’agit de la revendication fondamentale "justifiant" la poursuite de l’existence du Hezbollah comme organisation
armée [grâce aux armes généreusement fournies par l’Iran]. Voir le précédent article cité plus haut.
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“Do you believe we have opened a butcher
shop and are selling hamburger meat?...”
•
•
“Croyez-vous que nous avons ouvert une
boucherie et que nous vendons de la viande à
hamburger ?...”
L’habitude d’attaquer Israël avec des roquettes [Katyusha] et de ne pas
en revendiquer la responsabilité :
L’interviewer : “Il y a quatre ou cinq jours, des roquettes ont été tirées sur le Nord
d’Israël et personne n’en a revendiqué la responsabilité. Intéressant…comment ont-elles
été tirées ?”3
“Nasrallah:” Ce sont des roquettes sauvages, déchaînées. Vous savez que nous
possédons des roquettes, et que nos frères palestiniens possèdent des roquettes et que les
mouvements du jihad [mondial?] possèdent des roquettes, et apparemment, alors que
personne ne regardait, elles se sont reproduites et des roquettes illégitimes sont
nées… [Ce sont] des roquettes incontrôlables… [Ce sont] des roquettes bâtardes et
d'habitude, c'est le Ministère de la Santé qui s'occupe des bâtards.”
3
Référence aux tirs de huit roquettes Katyushas de 122 mm tirées le 28 mai 2006 sur le Mont Meiron au Nord d’Israël.
Le Jihad Islamique Palestinien a revendiqué la responsabilité avant de se rétracter. Le Hezbollah a démenti toute
implication dans l’incident. Pour plus de détails, voir l’article “Des tirs de roquettes Katyusha en Galilée provoquent
une journée d’échanges d’artillerie lourde entre Tsahal et le Hezbollah…,” à l’adresse http://www.terrorisminfo.org.il/malam_multimedia/fr_n/pdf/hezbollah_bf0506.pdf
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“Ce sont des
déchaînées…”
roquettes
“… et lorsque personne ne regardait, elles
se sont reproduites et des roquettes
illégitimes sont nées…”
sauvages,
Après "l'interview", une courte parodie impliquant une "roquette pleureuse" a été
diffusée : l’engin a reçu l’ordre "d'aller en Israël" sans avoir été adopté et il "ne sait pas
comment y aller seul". Il essaie donc de trouver quelqu'un qui lui montre comment y
arriver. Il implore "la résistance" [cf., les organisations terroristes] de le conduire en
Israël, ainsi que "Jibril" [référence à Ahmad Jibril, le chef du FPLP-CG, organisation
terroriste palestinienne travaillant en collaboration avec le Hezbollah] et le JIP
[organisation terroriste palestinienne travaillant aussi en collaboration avec Hezbollah],
mais ceux-ci refusent de le conduire en Israël [référence au fait qu'aucune organisation
terroriste n’est prête à revendiquer la responsabilité des attaques]. Finalement, la roquette
fait appel à un individu en uniforme [possible allusion au gouvernement libanais] et
demande à être "adoptée", mais l’homme refuse d’endosser la paternité ("Que tes parents
te tirent.")
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“Ils m’ont laissé seule et m’ont dit, Va en Israël.
Je ne sais pas comment y aller seule…”
•
•
“Je pleure parce que personne ne veut
m’adopter.”
L’affirmation du Hezbollah selon laquelle son objectif est de
“libérer” les Fermes de Shebaa :
L’interviewer : Sayyid [Hassan] Nasrallah, si les Fermes de Shebaa étaient libérées,
auriez-vous l’intention de remettre vos armes [au gouvernement central libanais]?
“Nasrallah:” Nous ne possédons pas des armes parce que nous aimons les armes, mais
plutôt afin de réaliser notre droit [revendication fréquente de Nasrallah] … Après [la
libération des] Fermes de Shebaa, nous libérerons le jardin d'Abu Hassan à Détroit,
aux Etats-Unis…” [cf., l’affirmation du Hezbollah selon laquelle ses activités sont un
moyen de “libérer” les Fermes de Shebaa n’est qu’un prétexte, qui sera suivi d’autres
prétextes, aussi absurdes …]
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“Sayyid Nasrallah, si les Fermes de Shebaa
étaient libérées, auriez-vous l'intention de
rendre les armes ? ”
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“Après les Fermes de Shebaa, nous
libérerons le jardin d'Abu Hassan à Détroit,
aux Etats-Unis”
L’interviewer: “Et après… rendrez-vous les armes?”
“Nasrallah:” “Non. Nous aurons encore à nous débarrasser des satellites américains
impérialistes sionistes qui tournent au-dessus de nous, envahissent notre espace aérien et
empiètent sur notre souveraineté …”
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L'émission a provoqué des émeutes dans les quartiers chiites de Beyrouth. "Une foule
en colère" de partisans du Hezbollah, pour la plupart chiites, a envahi les rues afin de
protester contre l’émission. Les manifestants ont bloqué les artères principales et ont
brûlé des pneus. Les manifestations se sont étendues à d'autres villes du Sud-Liban
(Télévision Al-Manar, 1er juin).
Des partisans du Hezbollah brûlent des pneus dans les rues (Télévision Al-Manar, 1er juin)
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Le Secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et d'autres dirigeants de
l'organisation ont rapidement tenté de désamorcer la situation et ont appelé les
manifestants à se disperser. Des personnalités publiques libanaises comme le Général
Michel Aoun, le Mufti sunnite et des membres du Parlement libanais ont exprimé leur
soutien à Nasrallah et ont souligné qu'un symbole libanais national et religieux ne
devait pas être offensé. Cependant, les Forces du 14 mars, la coalition soutenant le
Nouvel Ordre du Liban, ont vivement critiques les émeutes, affirmant que le Hezbollah
violait la liberté d’expression.
Le dirigeant du Hezbollah Hassan Nasrallah lors d’une conférence de presse : en faveur de
l’humour, mais pas “aux dépends des autres…” (Télévision Al-Manar, 5 juin)
Suite à la vague de protestation, Hassan Nasrallah a convoqué une conférence de
presse. Il a déclaré que les manifestations avaient été spontanées, mais a néanmoins
revendiqué la responsabilité des événements. Il a affirmé que lorsqu’il a appris la tenue
des manifestations, il a appelé les activistes du Hezbollah à descendre dans la rue afin de
désamorcer la situation. Il a critiqué les forces du Nouvel Ordre, qui, selon lui, essaient
de "mettre fin à la résistance" [cf., les activités terroristes du Hezbollah]. Il a déclaré que
son organisation soutenait la liberté d'expression et l'humour et a ajouté qu'il recourait
parfois à des plaisanteries dans ses discours, mais jamais "aux dépends des autres"
(Télévision Al-Manar, 5 juin).
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Charbel Khalil, réalisateur et producteur de l’émission, a été convoqué pour
interrogatoire par les forces libanaises de sécurité (Al-Mustaqbal, 3 juin). Il a ensuite
publié des excuses, affirmant respecter Hassan Nasrallah et n’avoir eu aucune intention
de l’offenser (Daily Star, 3 juin). Toutefois, l’émission a été annulée, sous le prétexte de
changement de programmation en raison du Mondial. Khalil a quitté le Liban pour la
France, apparemment après avoir reçu des menaces de mort.
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