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Culture et politique, Le cas du Front National
Kim Loan Nguyen,
Maîtrise de conception et mise en œuvre de projets culturels,
Université Paris I, 1998.
Depuis quelques années, alors que l'extrême droite semblait délaisser
la question culturelle, le Front National a placé celle-ci au centre de
ses préoccupations. En juin 1996, Jean-Marie Le Pen appelle ainsi
ses militants à un “combat idéologique” destiné à “gouverner les
esprits par la culture”.
Cette idée du pouvoir culturel rendant possible le pouvoir politique
a été théorisée, dès les années 60, par les clubs de pensée de la
Nouvelle Droite, les “ancêtres intellectuels” du Front National qui
ont formé les dirigeants frontistes tels que Bruno Mégret ou JeanYves Le Gallou.
Fort de cette stratégie, le Front National entend mettre en place
une culture alternative. Mais celle-ci est bâtie sur une dénonciation
de l'art moderne, des “grandes machines culturelles parisiennes” ou
encore du Ministère de la culture, et sur des récupérations artistiques
et idéologiques. La question est alors de savoir s'il s'agit d'une
nouvelle culture ou plutôt d'une contre-culture.
Pour le Front National, la “dégénérescence” morale et artistique,
ainsi que le “métissage culturel”, ont entraîné une véritable guerre.
La culture proposée par le parti est une “culture de résistance”
contre la “pollution spirituelle”, contre “ceux qui veulent nous
voler notre culture”, selon les mots de Pierre Vial, grande figure
intellectuelle de l'extrême droite.
La gestion des villes Front National a montré le danger d'une telle
idéologie. Bibliothèques, théâtres, associations... les élus frontistes
ont plongé la vie culturelle de leur ville dans une véritable crise. On
voit là toute l'ambiguïté du Front National. La culture, qui inspire au
parti un véritable mépris, est néanmoins le pilier stratégique de sa
politique.
Mais, au-delà de leurs incohérences, les dirigeants frontistes ont su
engager le débat dans un domaine trop consensuel, en dénonçant
une culture élitiste, souvent incomprise par le peuple et coupée de
ses traditions. Il est vrai que le monde de la culture, parfois replié
sur lui-même, ne semble plus capable de rassembler les Français
autour de valeurs communes. C'est en ce sens que les attaques
répétées du Front National contre la culture apparaissent la marque
d'une défaite des milieux culturels. L'opposition au Front National
devra se redéfinir par rapport à ce constat.
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Les parcs d'attractions
Christophe Ramin,
Maîtrise INFOCOM, Université Paris VIII, 1998.
Les parcs d'attraction occupent une place privilégiée à l'intérieur
d'une galaxie des loisirs aux frontières toujours plus vastes et
difficiles à cerner. Ils en sont à la fois l'illustration la plus flagrante
mais, quand on s'y intéresse de plus près, aussi le révélateur de la
complexité du phénomène.
De par leur passé, les parcs d'attraction, à la fois héritiers des foires
marchandes du Moyen-Age, de la fête foraine et du cirque mais
aussi des expositions universelles, sont au point de rencontre de
trois univers : le ludique, le pédagogique et le commercial. Espaces
physiquement clos, apparemment isolés de l'environnement, leur
rôle est à l'image de celui de la ville, à laquelle ils empruntent de
nombreuses caractéristiques. Lieux populaires, de passage, de
mélange, leur rôle est éminemment social. Lieux d'anonymat, de
détente et d'oubli de soi et de son cadre de vie mais aussi
paradoxalement, de recherche de reconnaissance, d'activités en tous
genres, de regard sur notre société, les parcs sont des condensés des
contradictions et des aspirations de l'Homme moderne. A travers le
prisme des loisirs et des bulles d'hédonisme, c'est la recherche de
repères, de valeurs de communauté qui transparaît.
Trois exemples, abordés sous d'apparentes différences, le
Futuroscope, le Parc Astérix et Disneyland Paris, viennent illustrer
finalement un même “trait de caractère”. Dans l'esprit des grands
magasins, où l'on peut goûter le plaisir de consommer à sa guise,
“sans limites”, selon une mise en scène parfaitement rodée, nous
retrouvons une nouvelle liberté lorsque nous leur laissons le soin de
nous “raconter des histoires”. Mais déléguer à un petit nombre
l'immense pouvoir de produire ces histoires auxquelles nous voulons
tellement croire, de les faire si terriblement vraies et si
universellement compréhensibles, n'est-ce pas finalement se voiler
les yeux sur ce qu'elles peuvent dissimuler ?
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