Lycée Claude Nougaro - Sciences Po Toulouse

Lycée C.Nougaro
CAUSSADE
Colloque Dispo des lycéens de première: édition 2015
Thème: L'ENGAGEMENT
L'engagement d'un individu est l'attitude qui consiste à prendre parti par son action et ses
discours sur des questions politiques, culturelles ou sociales. Il peut prendre différentes
formes de revendication. Cette définition, que nous avons élaborée après avoir consulté
plusieurs dictionnaires et encyclopédie, nous a conduits à rechercher dans l'actualité des
événements dans lesquels s'exprimaient des revendications qui pouvaient nous intéresser.
Nous avons retenu l'affaire de Ferguson comme objet d'étude car elle met en jeu plusieurs
formes d'engagement.
Rappel des faits: le 9 août 2014, Darren Wilson, un policier blanc, abat Michael Brown un
jeune noir âgé de 18 ans dans la ville de Ferguson, Missouri aux États-Unis d'Amériques
(cf :carte, annexe). Les versions qu'en donnent les différents témoins divergent quant aux
circonstances du drame. Selon la police, Wilson a agi en état de légitime défense alors que
pour d'autres témoins de la scène, Michael Brown a été abattu injustement : il avait les
mains en l'air. Suite à cet événement, de violentes émeutes ont éclaté parmi la
communauté noire de Ferguson. Celle-ci assimile la mort de Michael Brown à un crime
raciste. Le 25 Novembre 2014, le Grand Jury de Ferguson relaxe Darren Wilson, les
émeutes qui semblaient alors s'être apaisées reprennent ainsi de plus belle, la
communauté noire réclamant justice. A la suite de ce fait divers, une grande partie de la
population locale (hommes, femmes, enfants, jeunes et personnes âgées) s'est mobilisée
et s'est donc engagée contre ce crime qu'elle juge raciste. En effet, de nombreuses
manifestations, ainsi que des émeutes eurent lieu afin de protester de manière plus
importante contre le comportement des policiers vis à vis de la population noire.
Quels que soient les slogans scandés lors de ces manifestations, la revendication qui soustend les différents engagements des individus présents est la même: la justice pour les
membres de la communauté noire et ce dans tous les États-Unis.
Il ne s'agit pas d'un simple mouvement d'émotion en réaction à un fait divers mais bel et
bien l'expression du rejet de cette injustice. D'ailleurs, trois mois après la mort de
M.Brown, des rassemblements sont recensés dans 170 villes. Barack Obama est obligé de
prendre la parole, et le ministre de la Justice est envoyé à Ferguson.
Le problème de l'affaire de Ferguson, c'est que d'une certaine manière les débordements
discréditent l'engagement véritable de la majorité des individus. On a pu ainsi constater
dans les articles de journaux consultés qu'on ne parlait plus que des « émeutes de
Ferguson ». Or, ce terme met l'accent sur la violence (cf sa définition, http://www.cnrtl.fr
Emeute : Mouvement, agitation, soulèvement populaire qui explose en violence à l'occasion
d'une situation tendue.) La formule de la journaliste du Monde « Ferguson s'embrase » (cf
25.11.2014, article de Marine Messina) est ainsi bien révélatrice du traitement de la
question, l'engagement des gens est relégué derrière la dimension spectaculaire des
rassemblements. Le Monde s'est ainsi également penché sur la forte hausse des ventes
d'armes à feu (article du 27/11/2014) dans la région de Ferguson qui a montré que les
« habitants de plus en plus nombreux redoutent une poussée de violences à la suite de la
décision de la justice de ne pas poursuivre le policier Darren Wilson ».
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Aussi avons-nous voulu analyser comment l'engagement se manifestait au-delà des
différents rassemblements. Dans le cadre de cette recherche, nous avons essayé de
contacter plusieurs institutions, notamment l'ambassade des États- Unis à Paris, le consulat
des États- Unis à Toulouse, l'association française SOS Racisme, et la ligue des droits de
l'homme en France et aux États- Unis, et d'autres associations étudiantes pour savoir s'il y
avait eu des créations de nouveaux collectifs, l'émergence d'associations, une implication
plus grande dans les partis politiques, si de nouveaux membres avaient rejoints les
structures existantes. Aucune de ces institutions n'a, hélas, répondu à nos nombreuses
requêtes, ce qui n'a pas permis à notre travail d'être totalement abouti.
Présentation de l'enquête :
Dans le cadre cette affaire, nous avons mené une enquête auprès du personnel et des
élèves de notre établissement. Ainsi, notre enquête avait pour cible les membres de
l'administration, les professeurs, ainsi que les élèves de filières et de niveaux différents
(Littéraire, Économique et Sociale, Scientifique et Technologique, aux niveaux Seconde,
Première et Terminale). Nous leur avons posé des questions ayant trait à cette affaire qui a
été relayée par les médias du monde entier. Nous avons pu constater que 91,6 % des
interrogés avaient déjà pris connaissance de ces événements. Néanmoins, la qualité des
réponses était très inégale. On a pu regretter que certaines soient très sommaires. Malgré
tout, nous avons pu exploiter cette enquête pour enrichir notre travail. Cette enquête a
contribué à approfondir notre thème : l'engagement.
Tout d'abord, nous avons interrogé les personnes plusieurs mois après les faits; au
moment même où le policier a été acquitté des charges retenues contre lui. Cette réponse
de l’État a nourri l'indignation des populations. Certains se sont engagés s'insurgeant
contre la réponse abusive de la police. La majorité de nos interlocuteurs ont dit que la
déontologie n'était pas respectée, 16,61 % des interrogés préconisaient une formation plus
assidue des forces de police. Du reste, dans les réponses fournies ; 87,51 % se
positionnaient contre son acquittement. En outre, les réponses ont montré la nécessité de
s'engager. A contrario, la moitié des interrogés ne se considéraient pas comme concernés
par cette affaire.
Nous avons toutefois pu analyser, à partir des propos de nos interlocuteurs, qu'il existe
plusieurs formes d'engagement se traduisant par des actions comme les manifestations ou
encore les veillées. Les propos formulés ont mis en évidence que l'engagement est
influencé par différents facteurs sociaux comme l'âge, le statut social, le métier. Suite aux
réponses du questionnaire, deux idées principales ont été mises en exergue. D'un côté,
certains interrogés dénoncent les réactions excessives des populations de Ferguson qui se
traduisaient par des émeutes et des destructions de biens publics. Certes, les individus
interrogés comprenaient ces manifestions et émeutes, les considérant comme légitimes
face à l'ampleur de la situation. En revanche, elles considéraient que les actions
entreprises par les manifestants ne sont pas appropriées ; pour eux les émeutes ne
participent pas d'un engagement efficace car elles ne sont qu'une forme de protestation et
non une forme de proposition. D'autre part, plusieurs personnes considéraient au contraire
que l'engagement a été insuffisant. Parallèlement, nous avons constaté, suite aux
nombreuses réponses fournies, que beaucoup de personnes n'agissent pas elles-mêmes.
De nombreuses personnes affirmaient la nécessité de s'engager mais revendiquaient une
façon spécifique, c'est à dire que la manière de s'engager est tout autant importante que
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l'engagement lui-même. En effet, un acte valeureux peut être déplorable s'il est réalisé
dans de mauvaises conditions, suite à une forte colère par exemple ; ce qui a été le cas à
Ferguson où, suite au meurtre de Michael Brown, la population noire s'est révoltée et a
commis de nombreux délits. La plupart des personnes interrogées ont montré que
l'engagement passe par l'action et non par de simples paroles ; il est donc nécessaire de
mettre en adéquation les actions et les idées et de ne pas se limiter à de simples discours
synonymes de passivité. S'engager c'est agir, nos paroles doivent donc être soutenues par
des actes forts et légitimes.
Pour conclure notre analyse à partir de cette enquête, le meurtre de Michael Brown a
conduit à différentes sortes d'engagement, se découpant en deux parties distinctes. En
premier lieu, il y a l'engagement dur et brut avec les manifestations des populations
indignées face à ce meurtre et à la décision de la justice qui ont parfois tourné à l'émeute.
En second lieu il y a les formes d'engagement moins virulentes mais tout autant efficaces
comme les blocus et les marches blanches. Le président Barack Obama s'est également
engagé dans trois objectifs cruciaux, le premier étant d'équiper les policiers de caméras
embarquées, de manière à avoir des preuves lors d'agressions, le second étant de
renforcer les liens entre la police et la population afin que celles-ci s'accordent une solide
confiance mutuelle. Quant au dernier, il vise à mieux encadrer les transferts de matériel
militaire vers la police afin que les forces de l'ordre paraissent moins imposantes et
destructrices face aux manifestants.
De notre côté en France, le meurtre de Michael Brown a touché de nombreux citoyens tant
en raison de sa barbarie que de l'indignation suite à l’acquittement du policier. 84 % des
personnes interrogées dans le cadre de notre enquête étaient choquées par l'attitude du
policier. Nous pouvons donc dire que l'engagement se traduit par différentes actions et peut
être accompli par une infinité de personnes. Il correspond à un combat résultant d'une
union d'un ensemble de personnes prêtes à se mobiliser pour défendre leurs convictions et
la liberté. Chaque homme peut s'engager. L'engagement est un combat qu'on mène
quotidiennement et qui nous conduit à une lutte pour un monde meilleur.
Références universitaires :
Concernant les références universitaires, nous avons utilisé un article rédigé le 2
Septembre 2014, par François Bonnet (chercheur au CNRS) et Clément Thery (docteur en
sociologie de Columbia University), intitulé Ferguson et la nouvelle condition noire aux
Etats-Unis. Cet article est publié en ligne sur le site « La vie des idées.fr »
Les deux chercheurs montrent, d'après une analyse des données de 2012, que la situation
de Ferguson est tout à fait représentative de l’ensemble du pays : les noirs sont plus
souvent victimes d'homicides policiers. Ils ont établi, chiffres à l'appui un lien statistique
entre inégalités raciales et homicides policiers. Ils prouvent qu’il y a une forme de retour en
arrière aux USA, que la dynamique de l’égalité raciale s’est quelque peu essoufflée. On
peut donc en déduire que l'engagement des populations qui dénonce cette injustice est
légitime. D'ailleurs, on a pu constater en faisant nos recherches qu'après l'affaire de
Ferguson, d'autres événements de même type ont prouvé cette inégalité raciale. En effet,
certains engagements peuvent reposer sur des impressions, là, il n'en est rien. Toutes les
enquêtes scientifiques sur le sujet font référence à cette inégalité. Les deux sociologues
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français parlent d'un « désenchantement » de la classe moyenne noire, qui a selon eux
« développé un scepticisme croissant envers le processus d’intégration raciale ».
Les conséquences récentes de l'engagement des populations :
A la suite du rapport établi par le ministère de la justice du Missouri sur la police de
Ferguson, le chef de police Thomas Jackson, responsable du département policier du
Missouri a donné sa démission. Il est le sixième officier de police à quitter son travail dans
le département de justice de Ferguson après la vague de critiques du système de justice de
la ville. Bien que le maire de Ferguson ait annoncé qu'il comptait rester à son poste, le
« city manager », John Shaw, ainsi que le juge du tribunal de Ferguson, Ronald J.
Brockmeyer ont tout deux abandonné leurs fonctions. La pression exercée sur les forces de
l'ordre à Ferguson par la population, ainsi que les enquêtes menées par l’Etat ont donc
abouti à ses démissions.
Si les consciences semblent se mobiliser, si les hommes politiques semblent prendre en
compte la persistance du problème racial, on ne peut dire que tout est pour autant résolu.
Ce 6 mars 2015, Tony Robinson, un jeune noir a été tué par un policier blanc à Madison
dans le Wisconsin. Ce soir là, la police avait été appelée pour une rixe et un problème de
circulation. Arrivé sur les lieux, l'agent Matt Kenny, âgé de 45 ans, a repéré un suspect qu'il
a poursuivi jusque dans un appartement. Frappé à la tête, il a ouvert le feu sur Tony
Robinson Jr., 19 ans, qui a succombé à ses blessures à l'hôpital, selon le chef de la police
de la ville. Les habitants de Madison se sont rassemblés pour manifester le dimanche 8
mars où ils ont exprimés leur colère en scandant « Black's lives matter » (la vie des noirs
est importante). Cette affaire est similaire à celle de Ferguson où le jeune Michael Brown
avait était tué le 9 août dernier provoquant un vif débat sur les violences et les
discriminations policière aux Etats-Unis
On peut toutefois noter un changement de politique de la part de la Maison Blanche et un
engagement accru de Barack Obama sur la question du problème racial juste après les
événements de Ferguson. La manifestation du 7 mars en est un signe fort. Le président
des États Unis est venu en effet célébrer la lutte pour les droits et les libertés de la cause
noire dans la petite ville de Selma en Alabama. Ce lieu est resté mythique pour la célèbre
« Marche de Selma à Montgomery », organisée par le Mouvement des Droits Civiques
Afro-Américains en présence de Martin Luther King. Le tristement célèbre « Bloody
Sunday » a eu lieu durant cette marche. Le 7 mars 1965, la police, aidée par une foule de
manifestants, repoussent violemment à coup de matraques les marcheurs qui tentaient de
pénétrer dans la capitale de l’état, Montgomery. Cinquante ans après, le premier président
noir de l'histoire du pays, accompagné de sa femme et de ses deux filles, entouré d’une
centaine de représentants du Congrès et de personnalités, dont l’ancien président
américain, George W. Bush et son épouse, a rendu hommage aux marcheurs de 1965 qui
par leur action non-violente ont « ouvert des portes non seulement aux Afro-américains,
mais à tous les Américains ».
Nous pourrions donc dire en guise de conclusion qu’il ne s’agit plus désormais de
revendiquer des droits civiques mais de revendiquer leur application : le cadre de la loi
n’est pas celui de la réalité vécue au quotidien par la majorité de la population noire. Que la
justice impose effectivement l’égalité, ce devrait être l’engagement de tous les démocrates.
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Annexe : Bibliographie :
Article universitaire, 3 Septembre 2014 : La vie des idées.fr
Ferguson et la nouvelle condition noire aux Etats-Unis
François Bonnet, chercheur au CNRS et Clément Théry, docteur en sociologie de
Columbia University
Articles de journaux :
Article n°1 :
Journal : 20minutes
Titre de l'article : Ferguson: Comment un fait divers est devenu une affaire nationale
Article n°2 :
Journal : Le Monde-Amerique
Titre de l'article : Mort de Michael Brown : après le non-lieu de Ferguson, quelles suites
judiciaires ?
Date : 25.11.2014
Par : Marine Messina
Article n°3 :
Journal : Le Monde
Titre de l'article : Ferguson : les ventes d'armes à feu en forte hausse
Date de publication: 27.11.2014
Article n°4 :
Journal : Le Monde
Titre de l'article : Christiane Taubira, le tweet qui ne passe pas
Date de publication: 28.11.2014
Par :Franck Johannès et Bastien Bonnefous
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