L`homme Gille homme

Transcription

L`homme Gille homme
Hom(m)e Gille Hom(m)e
Photos réalisées pour le dixième anniversaire de la reconnaissance du Carnaval de
Binche en tant que Patrimoine Moral et Immatériel de l'UNESCO.
Binchois de naissance et acteur du carnaval durant 14 ans et ensuite photographe du
et au Musée International du Carnaval et du Masque depuis 1987, j'ai eu envie de
traiter le carnaval différemment pour les célébrations du dixième anniversaire de la
reconnaissance du carnaval de Binche par l'UNESCO.
Je couvre donc les reportages sur le carnaval de Binche depuis 1987 (quand le musée
ne m'envoie pas faire des reportages sur d'autres carnaval: Limoux (F) Rio de Janeiro
(BR) ou Le Noirmont (CH).
Ces images servent à compléter les archives du Musée, à illustrer les articles publiés
par le musée, à illustrer les catalogues des différentes expositions, à expliquer au
visiteur du musée le déroulement, le calendrier du carnaval.
J'aurais pu faire une sélection des meilleures images prises durant tant d'année.
Par exemple nous avons mis sur pied une exposition de cinquante clichés à Bruxelles
dans le cadre de la remise d'un costume de gille au personnage folklorique bruxellois
bien connu sous le nom de Manneken-Pis.
L'idée de ce reportage m'est justement venue à l'esprit lors d'un départ de carnaval, un
«ramassage», un Dimanche-Gras matin. (Un gille part de chez lui, toujours
accompagné de son tamboureur, pour se rendre chez un autre gille, ensuite ils se
rendront chez un troisième gille et ainsi de suite....)
L'ami qui me recevait est un monsieur vraiment fanatique du carnaval de Binche, il
fait partie de ces gens dont la vie tourne autour de sa bonne ville de Binche et de son
carnaval.
Ses murs sont décorés d'appliques lumineuses en fer forgé à l'effigie du gille, de
cadres avec des pastels, lithographies et autres aquarelles, de photographies de lui et
de ses enfants en gille, les meubles sont décorés de statues en résine, en terre cuite ou
en bronze.
Dans la cuisine, les calendriers, sous-plats et autres sets de table sont à l'image du
dieu binchois.
Tout en prenant mon champagne, je me disais qu'il serait fort intéressant de
photographier cette face cachée du carnaval.
Et j'ai commencé mon reportage chez un collectionneur de «binchoiseries» qui
possèdent plusieurs beaux tableaux de Buisseret ou de Verhaegen.
Mais bien vite, au traitement de la photo, je me suis rendu compte que ce que je
faisais était plus du ressort d'un reportage pour un magazine de type «Art et
décoration».
Cela ne «collait» pas à mon idée de départ, j'ai donc décidé de recommencer.
Ce sera des portraits de gens, connus ou inconnus, dans la rue, chez eux, n'importe ou
du moment que la photo se fasse intra muros et à la condition expresse qu'à l'arrière
ou à l'avant-plan apparaisse une représentation du gille.
Pas de tricheries, pas de mise en scène, pas de retouches photos, pas d'exagération,
les photos montreront ce qui existe sans enjolivements.
Afin d'éviter des corrections couleur dues à des éclairages aussi nombreux que divers,
les photos seront traitées en noir et blanc. Je n'apporterai pas non plus d'éclairage
d'appoint, pas de flash, pas de réflecteurs, uniquement ce que je trouverai sur place.
Les photos seront verticales ou carrées.
Fort de ces règles que je me suis imposées, j'ai commencé mon périple. J'ai frappé
aux portes des amis, des gens que je connaissais mais également aux portes
d'inconnus. Il suffisait que dans ma déambulation dans Binche, au travers d'une
fenêtre je voyais une photo, une statue, un tableau et aussitôt je frappais à la porte,
j'expliquais qui j'étais, ce que je faisais et pourquoi.
Partout j'ai reçu le même accueil, en fait je n'ai essuyé qu'un seul refus.
Et c'est ainsi que durant un an j'ai découvert des représentations du gille, parfois très
humble comme une image découpée d'un calendrier encadrée dans un petit passe-vue
ou la couverture du bulletin communal punaisée à même le buffet de la salle à
manger jusqu'aux représentations les plus luxueuses telle cette statue de bronze d'un
mètre de haut, pièce unique et excessivement chère...
Le gille est-il réellement un dieu ? En tout cas dans certaines maisons, l'image est
accrochée au dessus du berceau...
Je me suis rendu dans les maisons privées, mais également dans les bureaux de
l'administration communale: bureaux du service tourisme, du folklore et de la
communication, du service du fisc et des contributions. Évidemment les études
notariales seront décorées aussi mais avec les plus belles et les plus anciennes
affiches du carnaval connues.
Le chapitre le plus important est les commerces binchois. Surtout les cafés qui, bien
souvent, servent de local à une des 13 sociétés de gille. On y trouve de très jolies
représentations, des fresques splendides et aussi des clients charmants qui se laissent
tirer le portrait en toute bonhomie.
Il faut parfois chercher l'image dans l'image. Il s'agit parfois d'une simple carte
postale ou d'une toute petite poupée suspendue au comptoir, mais dans la plupart des
cas, le gille est présent.
On le trouve sous l'image la plus connue qu'est la reproduction de l'affiche du
carnaval de 1911 de Louis Buisseret ou de pièce unique comme ce cuivre repoussé
chez un boucher.
Pour finir quelques images prises en extérieur ou l'on retrouve le gille agrandi
démesurément sur le pignon d'une maison à l'entrée de la ville, en peinture temporaire
sur une palissade cachant des travaux, sur l'arrière d'une voiture en autocollant et,
fanatique jusqu'au bout, sur la tombe en plaque funéraire.
Ce travail n'est pas fini, car j'ai reçu des informations de décorations de voiture en
chocolat (???), de décorations sublimes de chambre à coucher, de salles de bains. Il
ne me reste plus qu'a continuer mes investigations à la recherche de la représentation
la plus insolite du gille.
Ce travail n'est nullement un travail scientifique mais il peut servir de base à une
étude plus complète sur le comportement du binchois face à son personnage de
carnaval, à son attachement voir son idolâtrie.
Toutes les couches de la population sont concernées, des plus humbles aux plus
aisées, du plus jeune au plus vieux et du plus progressiste au plus conservateur. Nous
sommes vraiment face à un phénomène identitaire.
Mais place à l'image.