Le bain de trayon: pourquoi et comment?

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Le bain de trayon: pourquoi et comment?
QUALITÉ
Au Québec, la très grande majorité des trayons sont désinfectés après la traite. Mais cette
opération se fait-elle toujours de la bonne façon?
La méthode de traite passée en revue
Le bain de trayon: pourquoi et comment?
PA R P I E R R E L É V E S Q U E *
L
L’application d’un désinfectant après la
traite est une méthode universellement
reconnue pour prévenir la mammite.
Certaines études parlent d’une réduction de
50 % à 80 % des mammites causées par
les pathogènes contagieux. À peu près tout
le monde le fait, mais pas toujours en sachant
pourquoi. Pour vous aider à mieux comprendre cette opération et à mieux la réaliser,
voyons quels sont les rôles du bain de
trayon.
PREMIER RÔLE : DÉSINFECTER
LES TRAYONS
Si on utilise un désinfectant, c’est
d’abord et avant tout pour désinfecter. Le
désinfectant tue les micro-organismes qui
vivent sur la peau du trayon. En diminuant
la population de bactéries pathogènes vivant
sur le trayon, les risques de mammite s’en
trouvent eux aussi réduits. Les principales bactéries visées sont les bactéries contagieuses
telles que Staph. aureus et Strep. agalactiae. Ces bactéries peuvent être présentes
dans certains quartiers de vos vaches.
Pendant la traite, elles peuvent être transmises aux autres vaches.
Après la traite, il reste souvent un film
de lait au bout et dans le canal du trayon.
Les bactéries apportées par le faisceau trayeur
ont ainsi tout ce qu’il faut pour bien se
reproduire près de la porte d’entrée. En
appliquant un désinfectant immédiatement
après le décrochage, celui-ci se substitue au
film de lait présent sur le trayon et à l’intérieur du canal, au grand désespoir des bactéries qui cherchent à s’y accrocher.
Les désinfectants vendus au Canada
doivent d’abord être approuvés par Santé
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Juin 2004 Le producteur de lait québécois
Les trayons de vos vaches sont-ils désinfectés aussi bien qu’ils le devraient?
Canada, qui demande des preuves de son
efficacité désinfectante. L’iode (brun) est
le désinfectant le plus populaire, suivi par
la chlorhexidine (bleue). D’autres produits
sont moins répandus, mais peuvent être
aussi efficaces. L’approbation de Santé
Canada se vérifie par la présence d’un
numéro DIN. Il s’agit d’une garantie
minimum d’efficacité désinfectante contre
les bactéries contagieuses.
Ces désinfectants ont aussi une certaine
efficacité contre des virus comme celui de
la pseudo-variole, une maladie contagieuse
qui s’attaque à la peau des trayons. Certains
désinfectants ont également démontré leur
efficacité contre les bactéries de l’environnement, une caractéristique surtout utile
pour la désinfection prétraite.
DEUXIÈME RÔLE : ADOUCIR
LA PEAU DES TRAYONS
Le trayon étant la porte d’entrée des
microbes causant la mammite, il faut absolument en prendre soin. Il a été démontré
que les bactéries se développent moins sur
une peau douce et saine; Staph. aureus, une
C’est toute la surface
du trayon qu’on
doit désinfecter.
des principales causes
de mammite au Québec,
affectionne particulièrement
la peau sèche et crevassée. Avec une peau
plus douce, la traite
est aussi plus facile. Il
est ainsi possible de
récolter plus de lait
en moins de temps
tout en diminuant les
glissements de manchons trayeurs.
La capacité d’adoucissement de la peau des bains de trayon est
très variable. Certains désinfectants bas de
gamme peuvent même être irritants; l’eau
de Javel en est un exemple. L’iode utilisé
seul peut aussi irriter. C’est pourquoi les
bains de trayon contiennent presque tous
un agent adoucissant. La glycérine attire
l’humidité de la peau à sa surface. La lanoline, quant à elle, recouvre le trayon d’une
couche protectrice qui diminue l’évaporation
de l’eau. On trouve ces deux agents dans
les crèmes adoucissantes pour les mains.
Malheureusement, les adoucisseurs
sont coûteux et nuisent à l’efficacité désinfectante. Plus il y en a, plus le produit
coûte cher. Les produits ayant le meilleur
effet adoucissant sont souvent les plus
chers. Ces produits haut de gamme peuvent être bénéfiques pour certains troupeaux, alors que d’autres peuvent très bien
se contenter d’un produit plus courant. En
prétrempage, l’effet adoucissant est moins
important et on recommande généralement un produit contenant moins d’iode
et d’agent cosmétique.
TROISIÈME RÔLE : SCELLER
LE CANAL DU TRAYON
Il n’y a pas si longtemps, sceller le canal
du trayon était la principale raison invoquée
pour justifier le bain de trayon. On insistait
alors sur l’importance de bien couvrir le bout
du trayon. Si l’idée du bain était bonne, la
raison, elle, ne l’était pas. En effet, la majorité des produits utilisés ne scellent pas le
trayon. Aux États-Unis, les produits à « effet
barrière » sont plus populaires, mais leur efficacité pour diminuer les infections qui surviennent après la traite n’a pas été vraiment
démontrée. Certains leur reprochent même
d’emprisonner les microbes sous la pellicule
scellante. Au Québec, il existe au moins un
produit de ce type. La pellicule qui se forme
Avec la pulvérisation, ça prend beaucoup
de désinfectant pour couvrir tout le trayon. sur le trayon a pour but de le protéger
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Le nettoyage
des gobelets
après chaque
traite évite la
contamination
du produit.
Les gobelets
anti-retour sont
de plus en plus
populaires.
lorsque la vache se couche dans un environnement contaminé. Elle doit être enlevée
avant la traite suivante.
puisqu’ils utilisent deux fois plus de désinfectant qu’avec la méthode de trempage.
Plusieurs salles de traite ont mis de côté leur
coûteux système de pulvérisation pour revenir
au simple gobelet de trempage.
Depuis quelques années, les gobelets
anti-retour ont gagné la faveur populaire. Le
désinfectant en contact avec le trayon ne peut
pas retourner dans le réservoir. En nettoyant
la tête du gobelet après chaque traite, les
risques d’appliquer un produit contaminé
sont bien minces. Le gobelet de trempage
L’IMPORTANCE DE BIEN
COUVRIR TOUT LE TRAYON
Dans les faits, le bain de trayon joue donc
deux rôles principaux : désinfecter et adoucir
la peau. Deux bonnes raisons pour ne pas
se contenter uniquement de tremper le bout
du trayon. Toute la peau en contact avec le
manchon trayeur a besoin d’être adoucie et
désinfectée. La façon d’appliquer le désinfectant est plus importante que le produit choisi.
TREMPER OU PULVÉRISER?
En théorie, les deux méthodes se valent.
La pulvérisation a été recommandée pendant un certain temps parce que l’hygiène
des gobelets de trempage laissait alors à
désirer. S’ils ne sont jamais nettoyés, ils peuvent effectivement être contaminés, alors
qu’avec la pulvérisation, pas de risque d’appliquer un produit contaminé. La pratique a
cependant démontré qu’il est difficile de
bien couvrir le trayon en pulvérisant le produit. Rares sont ceux qui réussissent,
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ordinaire, quant à lui, doit être nettoyé au
complet après chaque traite.
Avec le trempage, il est plus facile de bien
couvrir le trayon, mais il faut quand même être
vigilant. Trop souvent encore, on ne trempe
que le bout du trayon. En transportant le
gobelet sur soi, il est plus facile de tremper le
trayon immédiatement après le décrochage.
LA MANUTENTION
Même les désinfectants de bonne
qualité peuvent devenir moins efficaces s’ils
sont mal manutentionnés. Voici les recommandations qui permettent d’en préserver
l’efficacité :
• Utiliser des produits ayant un numéro
DIN;
• Respecter la date de péremption;
• Éviter d’exposer les produits au gel ou
de les entreposer dans des conditions
trop chaudes;
• Garder les contenants fermés;
• Ne pas mélanger deux produits;
• Ne pas remettre de désinfectant dans
son contenant d’origine;
• Ne pas diluer.
La désinfection post-traite fait sûrement
déjà partie de votre routine de traite. Mais
quand vous êtes-vous interrogé sur le choix
du produit et surtout quand avez-vous vérifié
que tous l’appliquent de la bonne façon
chez vous? ❂
Sans un nettoyage fréquent du gobelet,
la contamination reste possible.
* Pierre Lévesque, ingénieur agricole, professeur,
ITA de La Pocatière

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