N° 6 mercredi 28 juillet - Emi-Cfd

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N° 6 mercredi 28 juillet - Emi-Cfd
terrorisme
Quatre détenus français
de Guatanamo ont été
remis, hier, à la justice
française. Trois autres
sont encore prisonniers.
Lire page 2
société
reportage
loisirs enfants
cinéma
Le tribunal de grande
instance de Bordeaux a
annulé hier le tout premier mariage gay célébré en France.
Lire page 3
La reprise annoncée du
groupe Tati menace la
survie du magasin parisien de RéaumurSébastopol.
Lire page 5
Dans le cadre de son
musée pour enfants, le
Jardin d’acclimatation
propose des ateliers aux
artistes en herbe.
Lire page 6
Zoom sur trois des sorties
du jour : I, robot, La
ferme se rebelle et Cause
toujours !, le dernier film
de Jeanne Labrune.
Lire page 7
n°6 mercredi 28 juillet 2004
darfour
Le Soudan hausse le ton
Photo : DR
Suite à une mobilisation occidentale pour prévenir une catastrophe humanitaire au
Darfour, le gouvernement soudanais s’organise contre la pression internationale.
Un camp de réfugiés au Darfour : un drame humanitaire.
ier, en réponse à la pression
internationale, le Soudan a
décrété la mobilisation générale « politique et stratégique ». Il s’agit
de se prémunir contre toute interven-
H
tion étrangère. Avant de se rendre mardi
dans le camp de réfugiés d’Abou Shouk,
Michel Barnier, ministre français des
Affaires étrangères, avait déclaré qu’il
y avait là une « triple urgence» : humanitaire, politique et sécuritaire. Lundi,
son homologue espagnol a appelé le
gouvernement de Khartoum à « remplir
ses engagements » pris auprès du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Washington blâme directement le gouvernement soudanais et l’accuse de ne pas
respecter ses promesses. Voilà plus
d’un mois, ce dernier s’est engagé à
protéger la population contre les mili-
intermittents
médias
Le CSA s’attaque à Al-Manar TV
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veut stopper la diffusion de
la chaîne, qui avait programmé un feuilleton antisémite.
D
ominique Baudis, le président du
Conseil supérieur de l’audivisuel
(CSA), n’a pas perdu de temps. Deux
jours après la publication de la nouvelle
loi sur les communications électroniques et l’audiovisuel le 10 juillet
dernier, il a utilisé les nouveaux pouvoirs
juridiques qu’elle lui donne. Il a demandé
au Conseil d’État d’ordonner à Eutelsat,
l’opérateur européen de satellite, de
mettre fin sous astreinte à la diffusion
de la chaîne Al-Manar TV. Vanessa
O’Connor, chargée de communication
d’Eutelsat, nous a affirmé que sa société
ces pro-gouvernementales, les Janjawid
(« les cavaliers armés »), considérées
comme responsables de ce nettoyage
ethnique. Mais il nie toute responsabilité dans ce conflit. Il demande qu’on
lui « laisse le temps de régler la situation ». Le ministre des Affaires étrangères égyptien soutient cette déclaration. Une guerre ensanglante le Darfour
depuis février 2003. Elle est doublée
d’une catastrophe humanitaire : 110 000
réfugiés au Tchad, 700 000 déplacés à
l’intérieur du pays, plus de 10 000 morts
selon l’ONU.
Séverine Delrieu
se conformerait « évidemment » à la
décision du Conseil d’État. Elle a précisé
cependant que « cela ne se fait pas en
tournant un simple bouton ». En effet,
cette chaîne fait partie d’un bouquet
complet de son client Arabsat. Eutelsat,
malgré les multiples pressions du CSA,
n’a pas été jusqu’alors très enclin à
demander à Arabsat d’exclure cette
chaîne de son bouquet. L’arrêt du Conseil
d’État, attendu pour le mois prochain,
pourrait l’y contraindre.
Jacques de Ménibus
Lire la suite en page 3
Avignon est resté calme
Le 58e festival ferme. Bilan
social : une démobilisation
générale.
a clôture du 58e festival d’Avignon,
le « in », a eu lieu hier soir. Le « off »
ferme ses portes samedi. Pas de grève
cette année : tous les spectacles ont
eu lieu sans incident social. La mobilisation des intermittents a été faible.
Les manifestations organisées ont réuni
quelques centaines de personnes, mais
étaient sans commune mesure avec la
vague de 2003. Certains y voient le
signe d’un intérêt moindre pour la
défense du statut des intermittents.
Benjamin Bassereau
Lire l’interview en page 4
L
International
mercredi 28 juillet 2004
terrorisme
Les détenus de Guantanamo remis à la France
Quatre Français, prisonniers sur la base américaine à Cuba, ont été rapatriés hier. Les
trois autres font toujours l’objet d’une demande d’extradition.
uatre des sept Français détenus sur la base américaine de
Guantanamo (Cuba), remis lundi
aux autorités françaises, sont arrivés
hier en début d’après-midi. Un avion
militaire spécialement affrété a atterri
sur la base aérienne d’Évreux (Eure) peu
avant 13 heures. Les détenus ont été
entendus à la Direction de la surveillance
du territoire avant d’être présentés au
juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière,
chargé d’une information judiciaire
depuis novembre 2002.
Ces Français avaient été appréhendés
dans le cadre de la campagne militaire
Q
américaine en Afghanistan, entre la fin
Américains sur leur base de Guantanamo.
de l’année 2001 et le début de l’année
La France réclamait en effet depuis long2002. Une hésitation portait toutetemps le transfert des ses ressorfois hier matin sur le nombre de
tissants , dont plusieurs étaient
Les prisonniers
recherchés dans le cadre de dossiers
détenus à transférer. Les autorités
étaient recherchés
terroristes instruits à Paris.
américaines avaient dans un premier
dans le cadre de
temps affirmé vouloir extrader six
dossiers terroristes Un communiqué émanant du ministère des Affaires étrangères indique
Français, avant de revenir sur leur
instruits à Paris
que les discussions se poursuidécision. Au final, seuls quatre
vent avec les autorités américaines
prisonniers ont été remis aux autorités
pour que les autres détenus français
françaises. Le garde des Sceaux,
soient extradés au plus vite. Leurs
Dominique Perben, qui s’était rendu aux
avocats se sont déclarés « inquiets »
États-Unis en mai, avait exprimé l’espoir
de leur état psychologique.
d’une prochaine extradition de tous les
Guillaume Gouges
ressortissants français détenus par les
inondations
L’Inde compte ses morts
L
brèves
es corps de 143 victimes des inondations ont été découverts par les
sauveteurs dans l'État de Bihar, dans
l’est de l’Inde, après le recul des crues
dues aux pluies de mousson hier.
Au cours des deux derniers jours,
109 corps ont été retrouvés dans le district
de Darbhanga, le plus ravagé par les
inondations. Le fleuve Brahmapoutre et
ses affluents, qui sont sortis de leur lit,
ont coupé le nord-est de l’Inde du reste
du pays, inondant routes et voies ferrées.
Le bilan des morts provoquées par la
montée des eaux dans cet État s'élève
à 452 depuis le début des pluies.
7 222 villages et environ 4,8 millions
d’hectares ont été touchés par cette catastrophe naturelle. Un quart de la population des 80 millions d’habitants du
Bihar est concerné par cette catastrophe,
dont on ne connaîtra toute l'étendue
qu’après avoir recensé précisément les
personnes sinistrées. Les autorités craignent pour leur part l’apparition de la
dysentrie, de la typhoïde et du choléra.
Guillaume Gouges
Photographie : DR
Les secours s’organisent tant bien que mal pour tenter de retrouver des survivants. Les autorités et autres organisations non gouvernementales redoutent l’apparition d’épidémies.
Les ONG, inquiètes, attirent l’attention de la communauté internationale sur ce drame humanitaire.
Corée : exode massif
Qoreï reprend son poste
Lutte anti-acridienne
Quelque 200 réfugiés nord-coréens
sont arrivés mardi à Séoul par un vol
spécial. Ils forment l’exode le plus
important en Corée du Sud depuis la
division de la péninsule il y a plus d’un
demi-siècle. L'exode de Coréens du
Nord fuyant la pauvreté et la dureté
du régime stalinien se poursuit
depuis plusieurs années et a
tendance à s’accroître.
Le Premier ministre palestinien a
accepté hier de reprendre ses
fonctions à la suite d’un entretien
avec Yasser Arafat. Le différent portait
sur l’étendue des prérogatives
gouvernementales. Ahmed Qoreï
avait démissionné le 17 juillet, à la
suite d’affrontements entre policiers
et manifestants dénonçant la
corruption du régime.
L'Algérie et la Food and Agriculture
Organisation ont lancé hier à Alger,
lors d’une réunion ministérielle, un
appel à la communauté internationale
pour qu'elle fournisse une contribution
conséquente à la campagne de lutte
contre les criquets pèlerins menée par
les pays du Maghreb et du Sahel. Cette
campagne nécessite quelque
83 millions de dollars.
National
mercredi 28 juillet 2004
médias
Le CSA s’attaque à Al-Manar TV
donc pas signé de convention avec le
CSA. La plainte qu’il a déposée auprès
du procureur de la République contre
elle, toujours à l’instruction, ne risque
d’aboutir qu’à une condamnation de
pure forme.
Al-Manar sera diffusée via Arabsat
Néanmoins, Eutelsat étant une société
de droit français, le contrôle des programmes diffusés par elle en Europe relève
du CSA. Mais la loi, jusqu’alors, ne permettait pas à cet organisme d’engager des
procédures contre les opérateurs.
Le gouvernement a donc saisi l’occasion de l’harmonisation de la loi fran-
Photographie : DR
suite de la page 1
« Al Manar TV était très peu connue en
France », remarque Kamel Hammidou,
chercheur en communication à l’université de Metz , « avant que ne débute
cette affaire ». Le 12 décembre dernier,
Roger Cukierman, président du Conseil
des institutions juives de France (Crif ),
a alors averti le CSA de la diffusion sur
le satellite par la chaîne libanaise
Al- Manar TV du feuilleton Al Shatat
(« Diaspora »), comportant des scènes
à caractère antisémite.
Pour le CSA, le problème était insoluble. D’abord, cette chaîne est établie
hors de l’Union européenne. Elle n’a
Le CSA veut obliger l’opérateur Eutelsat à stopper la diffusion d’Al-Manar TV sur son satellite Hotbird.
çaise à une directive européenne pour
remédier à cette situation. Al-Manar
TV sera néanmoins toujours difusée en
France, via le satellite d’Arabsat.
Jacques de Ménibus
société
La justice annule le premier mariage gay
Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier vont faire appel de la décision prise hier par le tribunal de grande instance de Bordeaux.
P
brèves
our Stéphane Chapin et Bertrand
Charpentier, un premier épisode
judiciaire vient de se clore. Le tribunal
de grande instance de Bordeaux a décidé,
hier matin, d’annuler le premier mariage
homosexuel en France, célébré le 5 juin
dernier par Noël Mamère. Le couple a
immédiatement annoncé sa décision
de faire appel. Selon leur avocat, « le
mariage est toujours valable, et le restera
jusqu’à ce que la cour d’appel se
prononce ».
Pour le député-maire de Bègles, qui avait
été suspendu de ses fonctions municipales durant un mois par le préfet de
Gironde, « cette décision était attenpour « une amélioration du Pacs », mais
due ». « Le débat de société a eu lieu et
a qualifié les unions homosexuelles de
je ne peux que m’en féliciter, a déclaré
« parodie de mariage ».
Noël Mamère. Nous en sommes mainLe marathon judiciaire ne fait, lui, que
tenant au débat juridique, et le débat
commencer. Si la cour d’appel confirme
parlementaire peut également avoir lieu,
la décision de première instance, Stéphane
dans la mesure où les Verts ont
Chapin et Bertrand Charpentier sont
Pour Noël Mamère, prêts à se pourvoir en cassation. Et
déposé une proposition de loi. »
« cette décision
Si la position majoritaire, au sein
à aller, si nécessaire, jusque devant
était attendue »
des partis de gauche, est d’aller vers
la Cour européenne des droits de
la légalisation du mariage gay, ce
n’est cependant le cas ni des députés
de la majorité, ni du gouvernement. Le
14 juillet dernier, le président de la
République s’est lui-même prononcé
l’homme. Une étape décisive : plusieurs pays de l’Union, comme la Belgique
ou les Pays-Bas, ont déjà légalisé le
mariage de personnes de même sexe.
Amaelle Guiton
Jean-Louis Debré critique
le gouvernement
Le Sénat vote la réforme
de la Sécu
8000 à 10000 fonctionnaires
en moins en 2005
Le président de l'Assemblée nationale
« regrette » le recours au 49-3 pour
faire adopter le texte sur la
décentralisation. « Le gouvernement a
voulu hâter le processus, je ne sais
pour quelle raison » déclare-t-il à La
Croix. Parallèlement, la motion de
censure déposée par la gauche a été
rejetée hier soir.
La réforme de la Sécurité sociale a été
adoptée hier en première lecture par la
Haute Assemblée. Ce vote suit celui
des députés le 20 juillet dernier. La loi
prévoit un dossier médical personnel,
institue le système du médecin
traitant unique, et instaure une
contribution forfaitaire non
remboursée sur les actes médicaux.
Dans une interview publiée aujourd’hui
dans Le Parisien, Renaud Dutreil,
le ministre de la Fonction publique,
annonce que les effectifs diminueront
« de 0,5% » en 2005. De nouveaux
« efforts », « plus importants »,
sont à prévoir pour 2006. L’État
emploie 2,5 millions de personnes
à l’heure actuelle.
National
mercredi 28 juillet 2004
avignon
« Les spectateurs ont montré leur solidarité »
Quelle a été la mobilisation des inter mittents au festival d’Avignon 2004 ?
Dans le collectif d’Avignon, on a mis du
temps pour mettre en place un lieu
permanent de réunion. On a manqué
de mobilisation sur le festival.
Normalement, les syndicats devaient
avoir un rôle moteur. Mais, pour ne citer
qu’elle, la CGT-Spectacle a été absente
cet été. Elle n’a pas pris le risque d’appeler à la grève.
Comment expliquer ce désintérêt ?
Il y a une multiplicité de prises de position des uns et des autres. Ce qu’il y a
de commun, c’est, pour les compagnies
de théâtre, d’accepter les conditions
financières difficiles du festival « off »
: près de 600 troupes sont en concurrence. Je vois mal comment elles peuvent
défendre le statut d’intermittent dans
ces conditions.
Et le public, dans tout ça ?
Dans ce festival, on peut attendre une
attitude moins passive du spectateur.
Bien sûr, je ne parle pas de ceux qui vont
voir Anne-Laure de la Star Academy [elle
se produit cette année au festival « off »,
NDLR]. Reste que les spectateurs étaient
plus présents, alors que rien n’était
perturbé. Ils nous ont posé des questions et ont montré leur solidarité.
Le collectif a-t-il fait évoluer ses propositions ?
Nous avons fait une contre-proposition.
Mais le ministre de la Culture a choisi
un expert partisan pour l’étudier : il n’est
donc pas indépendant. Nous voulons
mettre en parallèle des chercheurs indépendants qui vont expertiser les coûts
comparés de l’actuel protocole et de
notre contre-proposition. Une enquête
sociologique associée permettrait de
savoir qui sont les intermittents, où et
comment ils travaillent… Nous pourrions
apporter la contradiction à ce qui nous
est proposé. Le problème, c’est que l’accès aux données de l’Unedic nous est
refusé. C’est le signe de l’autisme conjugué du Medef et du gouvernement.
Propos recueillis par
Benjamin Bassereau
environnement
Le feu repart en Corse
Les incendies qui font rage sur l’île continuent de
menacer des centaines d’hectares de forêt.
L
’incendie de la forêt de Bonifato, en
Balagne (Haute-Corse), qui avait
détruit 450 hectares de forêt avant d’être
contenu lundi, a connu une reprise hier
aux petites heures du matin. D’importants
moyens ont été déployés pour lutter
contre le sinistre.
Plus de 200 pompiers, dont plusieurs
dizaines de commandos héliportés, se
sont succédé pour tenter de venir à bout
de l’incendie. La forêt de Bonifato, qui
s'étend sur 2 000 hectares, est un site
classé du parc naturel régional de l’île,
très fréquenté par les randonneurs.
Cette étendue de pins centenaires avait
déjà brûlé en 1982 et les corps calcinés
de quatre randonneurs avaient été
retrouvés.
L’incendie, déclenché dimanche aprèsmidi par deux départs de feu qualifiés
de « suspects » par les gendarmes, avait
progressé rapidement avant de se stabiliser lundi matin à la faveur d’une accalmie du vent et grâce à l'engagement
de renforts aériens.
Guillaume Gouges
Photo : Nicolas Le Scour / Alterphoto
Guy Chenevier, du collectif des intermittents d’Avignon, dresse un bilan du festival, terminé hier : moins de mobilisation, pas de grèves mais de nouvelles propositions.
Après l’effervescence de l’an dernier (ici, l’occupation du
ministère des Affaires sociales en novembre), la mobilisation des intermittents est retombée.
éditorial
Éloge de la paresse
ans la France de Jean-Pierre Raffarin et
d’Ernest-Antoine Seillière, il ne fait pas
bon se trouver des affinités avec Le Droit
à la paresse de Paul Lafargue. Corinne Maier, chercheuse à EDF, risque une sanction, le 17 août
prochain, pour son pamphlet Bonjour paresse, de
l’art et de la nécessité d’en faire le moins possible en entreprise. La direction d’EDF lui reproche
d’avoir appliqué les conseils pratiques de son
ouvrage, comme lire le journal en réunion.
Cette société, plus tout à fait publique et pas
encore anonyme, se drape avec condescendance
dans une dignité outragée. Comment l’employé
peut-il oser causer un tel préjudice à cette valeur
sacrée qui règne dans l’entreprise : le travail ? Nul
ne peut y porter atteinte sous peine d’excommunication, voire pire, de licenciement.
Où sont-ils, les rebelles, les engagés, les Paul
Lafargue ? Des entreprises comme Bosch songent
à oublier les 35 heures. Chez nos voisins allemands,
elles sont nombreuses à revenir aux 40 heures sans
hausse de salaire. Les menaces de délocalisation
pleuvent. En France, le ministre de la Culture a
endormi les intermittents avec des mesures provisoires. Où sont les grands soirs ? Une Internationale
existe bel et bien. C’est de l’Internationale capitaliste qu’il s’agit. Elle offre son visage au grand
jour, et il n’est pas glamour.
Ludovic Boulet
D
Île-de France
mercredi 28 juillet 2004
reportage
Tati, la rue est pour eux
Les repreneurs du groupe Tati devraient fermer plusieurs magasins. Pour les salariés de
celui du boulevard Sébastopol à Paris, c’est l’angoisse du chômage qui se profile.
S
à nous, née du désir de son PDG, Fabien
Ouaki, de diversifier ses magasins et
d’attirer une clientèle plus fortunée.
« je n’ai plus qu’à attendre ma lettre »
Sur trois étages, le magasin réunit, en
plus du textile, les nouveaux produits
que le PDG voulait vendre. Mais la surface est trop petite. Au premier étage, le
modeste linéaire de DVD de l’espace
culture fait peine à voir. La boutique
voyages est vide. Personne ne s’arrête
devant l’espace Tati Phone, loué à un
opérateur. La vendeuse bougonne : « Je
n’ai plus qu’à attendre ma lettre. Après
20 ans de travail, à plus de 45 ans, je ne
vois pas ce que je vais faire. »
Photo Guillaume Cadec
ur les étagères, les piles de cahiers ne sont pas d’égale hauteur.
Un peu de laisser-aller. C’est déjà
la rentrée, mais pour les vendeuses du
magasin Tati du boulevard Sébastopol,
ce sera probablement la dernière. Quel
qu’il soit, le repreneur du groupe de la
famille Ouaki réduira les effectifs de 900
à 600 personnes, et ce magasin est en
haut de la liste annoncée de fermetures.
Alors elles n’ont pas le cœur à en parler.
Ou alors entre elles. Les rares clients
n’ont pas l’air d’être au courant : « Je
n’y viens que de temps en temps. »
Pourtant le magasin est flambant neuf,
ouvert en mai 2003. Ce n’est pas un Tati
original, mais une enseigne La rue est
L’enseigne du magasin apparaît aujourd’hui bien ironique.
Les quatre doubles caisses sont vides,
on paie au bureau d’accueil. De l’autre côté de la rue, des gens sortent de
la bouche de métro. Parmi eux, certains
rentrent directement à Monoprix.
Jacques de Ménibus
environnement
Riverains mécontents près de Roissy
Les nouvelles mesures d’aide à l’insonorisation ne font pas l’unanimité.
L
e nouveau plan de gêne sonore
(PGS) de l’aéroport de Roissy ne
calme pas les inquiétudes des riverains.
L’Advocnar, association de défense
contre les nuisances sonores, a exprimé
hier son mécontentement en qualifiant
ces mesures de « marché de dupes ».
Signé jeudi dernier par les préfets des
départements concernés (Val-d’Oise,
Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne),
le PGS bénéficie d’une enveloppe budgé-
taire de 26 millions d’euros. Il concerne
désormais 60 communes, contre 40 en
1999, et le nombre de logements pouvant
bénéficier d’une aide à l’insonorisation
a été multiplié par quatre.
Mais pour les militants de l’Advocnar,
ce programme ne résoud ni le problème
de la dépréciation des biens immobiliers ni celui de la pollution chimique.
Surtout, son application nécessitera
des années, durant lesquelles le trafic
Supplément à Médialibre-CFD
Magazine N°70
Rédaction en chef :
François Longérinas, Marc Mentré
Rédacteurs en chef adjoints :
Fidel Navamuel, Dominique Patte,
Michèle Pedinielli
Rédacteur Graphiste : Thierry Clévédé
Directrice de la publication :
Marie-Geneviève Lentaigne
Ce quotidien a été conçu et réalisé par la
promotion 2004 du stage Journalisme,
technique rédactionnelle
Rédacteur en chef : Ludovic Boulet
Secrétariat de rédaction : Camille Domecq,
Guillaume Gouges, Célia Rouxel
Rédaction : Benjamin Bassereau,
Guillaume Cadec, Sophie Delafontaine,
Séverine Delrieu, Amaelle Guiton,
Jacques de Ménibus
Impression CFD
Commission paritaire n°65547
ISSN 7-590-997
L’école des métiers de l’information-CFD :
7-9 rue des Petites-écuries, Paris 10e
Dépot légal : 3e trimestre 2004
aérien va augmenter. L’association
réclame aujourd’hui aux pouvoirs publics
« un véritable plan de maîtrise des
nuisances aériennes, qui intègre de
réelles mesures de prévention ».
Amaelle Guiton
météo
régionale
Chaud devant !
N’avez-vous jamais rêvé de vous
promener nu(e) sous vos vêtements
par temps de grosse chaleur ? Si
c’est le cas, osez… Le temps aujourd’hui s’y prête particulièrement.
Légère canicule avec des températures avoisinant les 27°C. On ne va
pas s’en plaindre : depuis le temps
qu’on l’attendait, enfin elle est là !
Célia Rouxel
Ile-de-France
mercredi 28 juillet 2004
loisirs enfants
Des ateliers pour artistes en herbe
our fabriquer des fleurs en
crépon, à chacune sa méthode.
Tandis que Camille, 5 ans, expérimente les mariages de couleurs, sa
grande sœur Mathilde – qui a « déjà
fait ça pour la fête des mères » – cisèle
ses créations avec une précision d’orfèvre. But de l’opération : fabriquer, à
l’aide de divers papiers et cartons, une
« couronne fleurie » à la manière
d’Arcimboldo.
Tout l’été, le peintre italien du XVIe siècle,
célèbre pour ses portraits en assemblage d’éléments végétaux, partage
avec Léonard de Vinci les honneurs du
Musée en herbe, au Jardin d’acclimatation. En lien avec les expositions, le
musée propose chaque jour au jeune
P
public des ateliers d’une heure. Au
menu : dessin au pastel, fabrication
d’une « machine délirante » ou autoportrait, pour les élèves de Léonard ;
masques en forme de fruits, têtes en
légumes ou mini-épouvantails pour
ceux d’Arcimboldo.
« Ces ateliers nous permettent de faire
découvrir aux enfants l’univers d’un
artiste », explique Muriel, l’animatrice.
Le public est conquis : Olivier, qui a
visité l’exposition Arcimboldo, a trouvé
les tableaux « très beaux, surtout Le
Jardinier et Le Cuisinier » – deux natures mortes qui, à la manière des images
d’Épinal, révèlent des portraits lorsqu’on les regarde à l’envers. Ses
parents, qui ont profité de l’atelier
Photo : Amaelle Guiton
Jusqu’à la fin août, le musée pour enfants du Jardin d’acclimatation propose aux plus
jeunes des activités créatives autour d’Arcimboldo et de Léonard de Vinci.
Les mannequins fleuris du musée sortent d’ateliers animés
par une costumière.
pour goûter au calme du Jardin, sont
aussi ravis que lui.
Amaelle Guiton
Paris 16e, M° Les Sablons. Ateliers tous
les jours à 15 h (tarif : 5 euros), à partir
de 5 ans. Rens. : 01 40 67 97 66.
gastronomie
Un petit restau au goût de reviens-y
Le Potager du Père Thierry est l’adresse montmartroise pour les gourmets gourmands.
A
brèves
u premier coup d’œil, on aperçoit,
sagement pliées sur les tables en
bois, des serviettes à carreaux 100 %
gros coton. Avec de telles serviettes, on
ne peut pas avoir mauvais fond. Ici,
accueil, service et cuisine partagent une
même vertu : l’excellence sans tapage.
Ceux qui sont de nature fidèle apprécieront la constance de la carte. Avec
quelques variations tout de même : la
soupe est du jour, chaude, ou froide en
au pain poilâne, et surtout celle qui
été. Idem pour la tarte et le plat de poismarie foie gras et compotée d’abricots.
son qui varient suivant les arrivages.
Les plats sont servis avec générosité :
D’une fois sur l’autre, le magret de canard
souvenez-vous en si vous rêvez de
sera nappé d’une sauce miel-cumin,
framboise, ou encore raisin-cognac. Accueil et cuisine : faire honneur au gâteau grand-mère
au chocolat. Le tout avec gentillesse
Du côté des entrées, mention spéciale
l’excellence sans
et discrétion. Comptez environ
à l’œuf cocotte au foie gras et à la
tapage
20 euros par personne.
terrine au roquefort et aux poires.
Camille Domecq
Pour le plat, quoi qu’il arrive, demandez
16, rue des Trois-Frères, Paris 18e.
qu’il soit servi avec la purée maison.
Tél. : 01 53 28 26 20.
Vous préférerez peut-être les tartines
Agression dans le 93
Un homme de trente ans, blessé
grièvement à coups de marteau au
visage et aux jambes lundi vers 17
heures, a été admis le jour même à
l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis.
Trois hommes ont été interpellés par la
police, dont deux pour « nonassistance à personne en danger ». Les
circonstances de l’agression ne sont
toujours pas connues.
Vandalisme
dans le Quartier latin
La plaque du mathématicien Maurice
Audin, universitaire et anticolonialiste algérien victime de
torture, a été découverte souillée de
peinture rouge lundi soir. Les
communistes parisiens à l’initiative de
son inauguration dans le
5e arrondissement deux mois
auparavant ont demandé une enquête.
Adieu Reggiani
Hier, de nombreuses personnalités se
sont déplacées pour la mise en terre du
chanteur et comédien Serge Reggiani
au cimetière Montparnasse. Le
ministre de la Culture, Renaud
Donnedieu de Vabres, les comédiens
Michel Piccoli et Anouk Aimée, et le
chanteur Georges Moustaki faisaient
partie de la foule venue lui rendre un
dernier hommage.
mercredi 28 juillet 2004
Cinéma
comédie
Une fantaisie poétique sur la peur de l’autre
acinthe (Victoria Abril), la bavarde,
ne supporte pas les mites qui ont
envahi son appartement bourgeois
parisien. Elle décide de leur faire la
guerre. Bruno (Jean-Pierre Darroussin),
son mari, tente en vain de la rassurer.
Léa (Sylvie Testud), l’amie de Jacinthe,
est attirée par un mystérieux personnage muet, un ancien légionnaire, paraîtil. Elle le suivra, un peu à l’aventure,
dans sa maison de campagne. La suite?
C’est justement ce qu’essaiera de découvrir Jacinthe en partant à la recherche
de son amie, qu’elle croit en danger. La
mite, le muet et la maison. Les trois M
du mystère. Les trois catalyseurs d’une
crainte féroce de l’inconnu.
Voilà un film qui n’est pas tout à fait une
comédie. C’est une fantaisie sur fond de
J
peur de l’autre. Jeanne Labrune réalise
ici le troisième volet de sa trilogie et offre
un univers coloré, léger et poétique.
« Comme un manteau réversible qu’on
prendrait côté soie. » Notamment lorsqu’elle décrit la campagne, son silence
apaisant et la douceur des rayons du
soleil. Et qu’elle y oppose la ville, ses
discussions interminables et ses habitants névrosés.
Une énergie enthousiasmante
Des dialogues d’une intelligence et d’un
humour remarquables lancent l’histoire
avec une énergie enthousiasmante. JeanPierre Darroussin est très juste, entre
silences et hésitations ; Sylvie Testud
entière, fraîche et sincère. Mais le film
s’essouffle : la principale intrigue tombe
Photographie : Moune Jamet
« Cause toujours ! ». Le dernier film de Jeanne Labrune fait sourire, mais peine à
convaincre le spectateur.
Sylvie Testud, regard et lumière. Elle incarne avec grâce
une jeune amoureuse.
à l’eau, car elle est trop prévisible et ne
sollicite pas suffisamment l’imagination
du spectateur. Et puis l’irréalisme de
certaines situations, autorisé par la
fantaisie, n’est qu’à moitié assumé.
Benjamin Bassereau
science-fiction
animation
Aïe ! Robot
On ferme
« I, robot ». Effets spéciaux et morale à volonté.
A
nnée 2035. Les robots partagent
la vie des hommes. La société les
a domestiqués jusqu’à en faire des
esclaves. Ils s’occupent des ordures,
distribuent le courrier, promènent les
chiens. La cohabitation est cependant
sans risque, trois lois robotiques les
empêchant de porter atteinte à l’être
l’humain. De fait, aucun d’entre eux
n’a jamais commis le moindre crime.
Or, la veille de la mise en vente d’une
nouvelle génération d’androïdes, le
professeur Lanning, créateur du projet,
se suicide. Del Spooner (Will Smith),
flic nostalgique des années 80, amateur
de Stevie Wonder et résolument hostile
aux cyborgs destructeurs d’emplois,
découvre qu’il s’agit en fait d’un meurtre dont l’auteur est un robot de la
dernière génération...
Inspiré des livres d’Isaac Asimov, I, robot
est prometteur sur le papier. Sur l’écran,
le résultat est un sommet de conformisme made in Hollywood.
L’intrigue se développe selon le rythme
habituel des thrillers de l’été. Répliques
comiques, courses-poursuites délirantes et leçons de morale convenues. Tout
y passe : la liberté et sa protection à
tout prix, la sauvegarde de la planète,
le respect de l’autre. Du George W. Bush
recyclé pour grand écran. Les amateurs
d’effets spéciaux, eux, seront ravis. En
deux heures, on en trouve autant que
dans les neuf heures du Seigneur des
anneaux. La traditionnelle scène de
combat final mérite le déplacement à
elle seule. Les autres peuvent s’épargner un blockbuster qui tient plus de
Terminator 3 que du poétique Intelligence
artificielle.
Guillaume Cadec
« La ferme se rebelle ». L’ère
du 2D s’achève mal.
L
a propriétaire d’une paisible ferme
du Far West est menacée de saisie
par ses créanciers. Elle court à l’expulsion mais refuse absolument de
vendre ses animaux chéris, qu’elle considère comme sa famille. Ses trois vachettes décident de sauver le ranch en capturant le gibier de potence local dont la
tête est mise à prix.
Pour ce dernier film utilisant les méthodes d’animation traditionnelle en 2D,
les studios Disney n’ont pas vraiment
soigné leur sortie. Les réalisateurs ont
fait les fonds de tiroir et réalisé un gentil
divertissement strictement pour enfants.
Graphisme vieilli, scénario convenu,
espérons pour Disney que son passage
au tout-numérique lui permettra d’affronter Pixar avec des productions d’un
autre niveau.
G. C.
Magazine
mercredi 28 juillet 2004
théâtre
Inhabituelle « Force de l’habitude »
aas Gramser fait partie du
collectif Onderneming. Elle
est metteur en scène et comédienne, comme tous les membres de
la compagnie. Elle nous explique leur
lecture comique de La Force de l’habitude de Thomas Bernhard.
W
Vous avez monté ce texte, a priori noir,
alors que vos choix penchent plus
vers le comique. Cette drôlerie vous
est-elle apparue dès la lecture de la
pièce, ou bien l’avez-vous insufflée ?
Non. Nous n’avons rien inventé de superflu. Tout est dans le texte. Le danger
avec Thomas Bernhard est que le personnage qui soliloque pense qu’il a raison.
Il intellectualise, il théorise, mais il ne
sait pas vivre. Le directeur du cirque
exige que les membres de la troupe
exécutent un quintet alors qu’ils ne sont
pas musiciens. Lui, il copie Casals, alors
qu’il n’a pas de talent. Le jongleur copie
le directeur. Les personnages sont aveugles et têtus. Le directeur pense qu’en
travaillant tous les jours, il arrivera à
un résultat. Alors qu’il y a un non-sens
total à cette agitation, aux reproches
qu’il formule à l’encontre de ses
employés. Le comique est là. Les personnages sont ridicules. Nous les avons
caricaturés à l’extrême.
Les intermèdes, vente de glace, cheval
qui pisse sur le public, adresse directe,
renforcent l’élan facétieux de la mise
en scène…
Nous avons un rapport très complice
avec le public. Nous cherchons l’amusement, le jeu avec lui. Hier soir, c’était
dur parce qu’il pleuvait. Nous avons
joué sur l’inattendu. Nous avons improvisé. On ne savait pas si on allait continuer, on ne savait pas si le public allait
rester. On a donc essayé de faire vivre
ce sentiment. Le public est resté sous
Photographie : Vuk Milisic
Un directeur de cirque force ses employés à répéter La Truite de Schubert. Ils sont plus
grotesques que doués pour la musique. Un Thomas Bernhard à la fibre comique.
Lundi soir, La Force de l’Habitude, sous la pluie, n’a pas
fait fuir le public.
les bâches et les parapluies. On cherchera jusqu’à la fin cet équilibre fragile
du comique entre le public et nous.
Séverine Delrieu
La Force de l’habitude de Thomas
Bernhard, jusqu’au 31 juillet dans la
cour de l’hôpital Saint-Lazare (Paris
10e). Dans le cadre de Paris Quartiers
d’été. Tarifs : 15/12 euros.
guide pratique
Faites vous-même votre été torride !
Vous en avez assez des romans à l’eau de rose ou de lire Auto-Moto. Prenez-vous en main et
étonnez vos ami(e)s. Petit guide du plus court chemin vers le plus haut des cieux.
B
ientôt les vacances et vous ne savez
pas quoi emporter sur le sable
chaud. C’est dommage ! Heureusement,
la maison d’édition La Musardine, est
là pour vous sauver de l’ennui. Vous
pourrez, tout en bronzant, réviser vos
classiques et découvrir d’autres approches auxquelles vous n’avez sûrement
jamais songé. Au programme, quatre
livres de poche qui abordent certain
domaine technique de manière instructive et ludique : Osez… faire l’amour
partout sauf au lit ; Osez… tout savoir
sur la fellation ; Osez… les jeux
érotiques ; Osez… l’échangisme.
Alternant tour à tour anecdotes historiques, conseils pratiques et histoires
vécues, le tout pimenté d’un humour
bienvenu, cette petite littérature risque
fort de vous entraîner vers des chemins
inexplorés et quelquefois inexplorables. Ces petits manuels rafraîchissent
le genre, et c’est bien agréable ! Au
final, le pari est réussi : ils donnent
envie.
Osez… s’adresse à toutes et à tous. Et
si d’aventure vous êtes en panne d’idées
autour du feu de camp entre copains
et copines, Osez… les jeux érotiques
vous sortira de l’embarras et vous promet
une… sacrée soirée !
Célia Rouxel
7 euros - Librairie et éditions La
Musardine : 122, rue du Chemin-Vert,
Paris 11 e ou sur le site Internet :
www.lamusardine.com

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