LA REACTION DES JARDINIERS FACE AU MANQUE D`EAU LA

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LA REACTION DES JARDINIERS FACE AU MANQUE D`EAU LA
LA REACTION DES JARDINIERS FACE AU MANQUE D’EAU
FRANCOIS NOLD, CHEF DU LABORATOIRE D’AGRONOMIE, DEVE MAIRIE DE PARIS
Depuis 2001, la ville de Paris s’est engagée dans une déLa réaction de la DEVE face au manque d’eau
marche de développement durable, qui a été formalisée
Outre l’enjeu financier, la maîtrise de l’eau représente
par la signature de la charte d’Aalborg des villes euroune urgence absolue sur le plan environnemental. La
péennes, de la charte régionale des milieux humides et de
municipalité parisienne s’est résolument investie dans
la biodiversité, des chartes d’aménagement durable des
une politique de baisse de la consommation d’eau. Pour
bois, ainsi que par la conduite d’un agenda 21 local et par
ses espaces verts, la DEVE s’est fixée un objectif de
l’élaboration d’un plan climat…
réduction de 20 % - dans les trois années à venir. La
Le principe de gestion environnementale repose sur des
municipalité s’était engagée à créer 30 ha d’espaces
actions d’amélioration visant à modifier les pratiques
verts au cours de sa mandature. Compte tenu de la denquotidiennes attachées à la création ou à l’entretien des
sité du bâti, ces nouveaux jardins ont été souvent gaespaces verts. Pour évaluer la qualité des changements
gnés sur des extensions de terrains délaissés et sur des
mis en place et pour permettre les adaptations nécessaiespaces libérés à la suite d’opérations d’urbanisme. Cerres à la poursuite du processus, la ville de Paris a demantaines parcelles ont été récupérées sur des emprises
dé à la société Ecocert® de procéder à l’audit de pluSNCF : c’est le cas du Parc de Clichy - Batignolles. De
sieurs jardins selon les normes du label « espaces verts
petits jardins ont vu le jour sur des portions couvertes
urbains écologiques ».
du boulevard périphérique : par exemple, à la Porte de
L’obtention de ce label - attribué à 16 jardins en 2006 et
Vanves et à la Porte des Lilas. La philosophie générale
à 59 au total en 2007 – repose sur l‘analyse de différents
de ces nouveaux espaces verts est de pouvoir assurer
critères écologiques, tels que :
leur gestion écologique. Les végétaux sont choisis dans
La présence d’une diversité floristique et faunistique,
cette optique, en limitant notamment le recours aux
Le suivi de la qualité du sol (analyse et fertilisation),
espèces exotiques réputées exigeantes en arrosage. La
La plantation de végétaux à faible entretien (sans OGM),
gestion différenciée y est systématiquement appliquée.
La gestion des déchets verts (tri, collecte, compostage),
Les aménagements sont conçus, dans la mesure du posLe soin aux végétaux par la lutte biologique ou intégrée,
sible, pour intégrer des cuves de récupération d’eau de
La gestion économe de la ressource en
pluie.
eau…
La réaction des jardiniers de la
La gestion différenciée
Direction des Espaces Verts et
Le contexte de l’utilisation
des espaces verts
de l’Environnement (DEVE)
de l’eau à Paris
Le philosophie de la gestion différenface au manque d’eau s’inscrit
La Direction des Espaces Verts et de
ciée est aujourd’hui bien connue. Elle
dans le cadre plus général de la
l’Environnement gère un patrimoine
véhicule l’idée d’entretenir autant que
protection de l’environnement
de :
nécessaire, mais aussi peu que possivoulue par la mairie de Paris.
- 602 parcs, jardins, jardinets et promeble… Une typologie de chaque espace
nades (455 ha),
vert permet de déterminer la qualité
- 615 décorations florales sur la voie publique (13 ha),
de son entretien par strate (et non par site). La défini- 422 ha de cimetières (dont 92 ha intra-muros),
tion de chacune des strates herbacées d’un site déter-1928 ha de bois (Boulogne, Vincennes, Beauregard),
mine les besoins en eau (fréquence et quantité). Dans
- 45 ha de talus sur le boulevard périphérique,
certains cas, les arrosages sont jugés inutiles, mais l’ef- 65 ha de productions horticoles (Rungis, Achères),
fet n’est pas sacrifié pour autant…
- 22 ha dans son École d’Horticulture Du Breuil…
Les différents usages de l’eau représentent près de 10 %
La végétalisation des façades et des toitures
du budget de fonctionnement de la DEVE, soit :
Outre ses qualités esthétiques, écologiques, thermiques
- 19 mm3 d’eau non potable (ENP) principalement utiliet acoustiques, la végétalisation des façades et des toitusés pour l’alimentation des rivières et des lacs (et 20 %
res participe aux économies d’eau. Un abaissement de la
pour les surfaces irriguées),
température de la ville (2 à 3 °C) est généralement es- 1,7 mm3 d’eau potable (EP) essentiellement utilisés
compté, qui est susceptible de réduire son évapotranspour l’arrosage des espaces verts (et 20 % pour le service
piration. C’est pourquoi, la mairie de Paris a décidé
des fontaines et des locaux).
d’inscrire la végétalisation dans son PLU (art. 13). LorsLes fuites sur le réseau sont estimées entre 10 % (EP) et
qu’un mur est bien visible de la rue, assez vaste et en
20 % (ENP).
bon état, la ville de Paris peut prendre à sa charge, sa
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conception, la réalisation et l’entretien de sa végétalisation. Dans les autres cas, elle propose une assistance et
des conseils techniques.
La récupération des eaux de pluie
Tous les nouveaux projets d’espaces verts sont étudiés
pour être arrosés avec de l’eau de pluie. La superficie du
site et les possibilités d’intégration des cuves de stockage
déterminent leur capacité respective. La construction du
réservoir de 1500 m3 dans le Parc Clichy Batignolles
(XIIe) a nécessité d’importants travaux d’infrastructure.
Des fossés humides sont conçus pour collecter toutes les
eaux de ruissellement du parc. L’excédent est envoyé
dans la cuve de stockage pour l’arrosage. Afin de parfaire
la dimension écologique de la récupération des eaux, une
éolienne doit fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement des pompes d’arrosage et de filtration. En cas de
déficit pluviométrique, l’arrosage est effectué avec de
l’eau non potable. Pour assurer son épuration, deux bassins de lagunage et de biotope ont été installés.
L’application d’une méthode d’irrigation raisonnée
Quelle que soit l’origine de l’eau utilisée dans les espaces
verts parisiens, la maîtrise de la ressource demeure l’objectif prioritaire et l’utilisation d’une méthode d’arrosage
en forme le moyen principal. En 2007, plus de 200 sites
ont été irrigués suivant les principes de la Méthode d’Irrigation Raisonnée (MIR), soit 200 ha de parcs et jardins
et 350 ha de cimetières.
Cette méthode d'irrigation "statistique" a été développée depuis 1997 au sein de la DEVE pour pallier les difficultés d'acquisition des données météo en temps réel
(Pluie et ETP), pour s'affranchir de la diversité et / ou
de l'insuffisance des programmateurs et des logiciels
d’irrigation. Cependant, elle n’a pas vocation à remplacer des systèmes d’arrosage pertinents. Les principes
complexes de l’irrigation sont mobilisés par des calculs
séquentiels simples (addition, soustraction, division,
multiplication). Un manuel d’arrosage a été conçu pour
expliciter la méthode, faciliter les calculs et identifier les
paramètres d’arrosage. En 1998, un logiciel – dénommé
MIR - a été développé en interne, pour simplifier, limiter ou supprimer les tâches de saisie et de calcul. En
2000, une version dotée de nouvelles fonctionnalités a
été diffusée dans les ateliers. En 2007, une version entièrement refondue – dénommée MIR+ - a été livrée par
la société IBM. Elle fonctionne en mode serveur web
pour 250 utilisateurs. La méthode MIR est basée sur les
données climatiques trentenaires (Pluviométrie et ETP)
diffusées par Météo France (formule de Penman).
Afin de sécuriser la méthode, les valeurs anormales ont
été écartées (pluviométries exceptionnelles), ou prises
en compte (ETP exceptionnelles). La période normale
d’arrosage est calée sur l’apparition d’un déficit hydrique (ETP – P), plus ou moins aggravé par la topogra-
phie de chaque parcelle. À Paris, le risque est présent
durant six mois (avril à septembre). Pour suivre l’évolution de l’ Evapotranspiration au cours de la saison d’arrosage, MIR propose un ajustement mensuel de la
consigne d’irrigation. Afin de ne pas limiter sévèrement
l’exploration racinaire par des arrosages trop précoces,
la réserve en eau du sol est considérée comme maximale
au 1er avril. D’après les statistiques météo trentenaires,
l’arrosage doit cesser vers le 15 septembre. Hors de
cette période théorique d’arrosage et en cas de nécessité, le déclenchement manuel de l’irrigation est possible
– sous réserve d’apport massif et ponctuel. Pour répondre à la variété des programmateurs existants, MIR
propose deux stratégies d’arrosage :
- Périodicité Constante et dose Variable (PCV)
- Périodicité Variable et dose Constante (PVC)
Avec MIR, les jardiniers ont clairement la responsabilité de l’arrosage. Ils doivent collecter ou choisir les paramètres agronomiques et hydrauliques :
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Journée à thème de la SNHF « Mieux Arroser »
Paris Janvier 2008
- La réserve en eau facilement utilisable
- La profondeur d’enracinement
- La superficie des secteurs d’arrosages
- La pluviométrie réelle des arroseurs
- La vitesse d’infiltration du sol.
Pour la mise en œuvre de MIR, les jardiniers ont la
faculté d’estimer la réserve en eau du sol et sa vitesse
d’infiltration, grâce à une fonction d’aide intégrée au
logiciel.
Mais des mesures par analyse de terre sont d’autant
plus recommandées, qu’elles permettent de contrôler
la fertilité du sol et d’élaborer un plan de fertilisation.
Au fil des ans, la méthode MIR a montré qu’elle pouvait générer des bénéfices au plan financier, environnemental et… humain.
e n m3
Pour les 48 jardins pilotes suivis pendant 5 ans, la
consommation d’eau a baissé de 32 % (économie de 40
500 m3). Ce qui permet d’afficher l’objectif de 20 %
pour l’ensemble de la DEVE.
Evolution de la consommation en eau
de 48 jardins MIR
150 000
125 000
100 000
75 000
50 000
1997 1998 1999 2000 2001
La formation des agents à l’usage raisonné de l’eau
L’échec relatif de la méthode MIR dans les premières
années (101 jardins suivis en 1999 et 45 seulement en
2005) s’explique surtout par un ancrage insuffisant
auprès des jardiniers.
Avec la relance de MIR en 2006, la DEVE a conçu un
programme destiné à favoriser sa diffusion et son appropriation par les 2200 jardiniers, grâce à un réseau
d’agents motivés et à une large politique de formation.
L’implantation de MIR repose sur l’action :
- d’un « comité eau » chargé d’élaborer les stratégies
d’économie et de fournir des directives,
- de 12 « correspondants eau » chargés de l’installation de MIR dans les ateliers de jardinage, de la collecte des résultats de consommation, ainsi que du
conseil et de l’assistance auprès des 70 agents de maîtrise,
- de 140 « référents eau » chargés du suivi de l’arrosage et du partage d’expérience dans les ateliers de
jardinage.
Tous les correspondants et référents eau ont reçu une
formation sur les thèmes suivants :
- Les aspects théoriques de l’arrosage : relations sol –
plante – climat
- Les aspects pratiques de l’arrosage : création et
maintenance d’un réseau
- La mise en œuvre de la méthode MIR : présentation
et utilisation du logiciel spécifique
- La connaissance des professionnels de l’eau : rencontre avec les distributeurs d’eau, les titulaires des
marchés d’entretien, de création et de fourniture d’arrosage automatique.
Au-delà des principes d’une irrigation maîtrisée, les
sessions de formation permanente dispensées par la
DEVE viennent rappeler que le respect de la ressource passe par tous les usages de l’eau. A cet égard,
elles incitent à la :
- Surveillance des consommations d’eau (relevé mensuel de 737 compteurs…),
- Maintenance économe des fontaines,
- Remise à niveau des réseaux existants,
- Réduction des fuites d’ouvrages, bassins et fontaines…
Le nouveau logiciel MIR+ autorise une analyse très
fine des résultats par jardin et donne une vision synthétique des consommations d’eau – par type d’usage
- pour chaque division territoriale et pour l’ensemble
de la DEVE.
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