Preliminary Position Descriptions Food Processing Position
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Preliminary Position Descriptions Food Processing Position
Descriptions de travail en transformation des alients CONTENU INTRODUCTION ................................................................................................................................. 1 CONESTOGA MEATS .......................................................................................................................... 4 Tâches clés ......................................................................................................................................... 4 Compétences en littératie et compétences essentielles .................................................................. 6 Compétences génériques .................................................................................................................. 8 Embauche, orientation et formation ............................................................................................... 9 KERR BROTHERS ............................................................................................................................. 11 Cuisson ............................................................................................................................................ 11 Emballage ........................................................................................................................................ 14 Empaquetage................................................................................................................................... 15 BONDUELLE ...................................................................................................................................... 19 Inspecteurs ...................................................................................................................................... 21 Déchargeurs .................................................................................................................................... 22 Mélangeurs ...................................................................................................................................... 22 Opérateur de machine d’emballage ............................................................................................... 24 Emballeurs et empileurs ................................................................................................................ 26 CHAMPIGNONS HIGHLINE ............................................................................................................ 27 Contexte........................................................................................................................................... 27 Cueilleur de champignons .............................................................................................................. 27 Compétences essentielles ........................................................................................................... 29 Coursier ........................................................................................................................................... 29 Compétences essentielles ........................................................................................................... 30 Emballeur ........................................................................................................................................ 30 Compétences essentielles ........................................................................................................... 31 Opérateur de machine .................................................................................................................... 31 Compétences essentielles ........................................................................................................... 32 Tableau sommaire consolidé des caractéristiques ....................................................................... 33 Tableau des caractéristiques chez Champignons Highline .......................................................... 34 INTRODUCTION La toute première sensation que l’on ressent lorsqu’on entre dans le bâtiment est l’odeur, non familière aux personnes qui n’ont pas eu la chance de s’approcher d’un abattoir. L’odeur de la viande fraîchement tuée n’est pas une surprise, mais nous met immédiatement au fait que quelque chose de très physique se déroule ici; la sensation est pénétrante et imprègne presque tous les lieux où l’on va dans le complexe. La deuxième sensation est celle du froid. Comme l’on pourrait s’y attendre en y pensant un seul instant, la transformation de la viande nécessite, par-dessus tout, du froid. Voilà une autre preuve évidente de l’aspect physique de la production, du souci de la salubrité des aliments et de la façon délibérée dont le processus est organisé. Une troisième caractéristique qui prédomine dans l’usine (mais non dans les bureaux) est le bruit. Non seulement tous les employés (et les visiteurs) ont besoin de protecteurs d’oreilles, mais l’intensité du bruit est aussi pénétrante que le froid et l’odeur. Même le visiteur occasionnel peut s’habituer à tendre l’oreille pour écouter parler par-dessus le bruit de fond constamment fort. Cependant, le fardeau du bruit incessant est difficile à décrire. Comme pour les autres caractéristiques, les employés semblent accepter le bruit, mais il est difficile de savoir si celui-ci les dérange et, si oui, à quel point. En tant que point initial de la transformation du porc (et probablement de toutes les viandes), on nous a mentionné à maintes reprises ces trois caractéristiques du milieu de travail : quiconque travaille ici doit pouvoir vivre avec le froid, l’odeur et le bruit; il suffit de s’y habituer. Enfin, il y a les exigences purement physiques des divers emplois du secteur de la transformation que nous avons étudiés. Pour la très grande majorité (mais pas tout à fait pour tous les emplois), les exigences physiques qu’impliquent le maniement de couteaux des plus tranchants et leur utilisation en cadence exigent plus d’un minimum de forme physique. Bien que ce ne soit pas tout le monde qui doive continuellement soulever le poids maximal, le fait de constamment s’étirer, couper et déplacer des pièces d’animaux est certainement ardu en plus d’être répétitif. L’endurance physique est donc une autre caractéristique que l’on tient pour acquise chez les personnes que nous avons rencontrées et dans les processus que nous avons observés. Au cours de notre recherche limitée, nous n’avons certainement pas tardé à remarquer ces aspects cruciaux du travail. Et, aussi évidentes que soient ces caractéristiques du milieu de travail, chaque personne à qui nous avons parlé a souligné le simple fait que, pour réussir dans ces emplois, il faut vouloir travailler dans ces conditions, pendant des heures, des jours, des semaines, des années. Il est aisé de comprendre les difficultés auxquelles l’entreprise fait face lors du recrutement de la main-d’œuvre nécessaire. Nous avons pu observer ces difficultés directement pendant les jours que nous avons passés dans l’entreprise. Celle-ci était en train d’ajouter un autre quart de travail, et le recrutement était loin d’être terminé. Une affiche temporaire devant l’usine annonçait que l’on continuait à embaucher des travailleurs souhaitant commencer immédiatement. La direction a éprouvé de réelles difficultés dans l’embauche et le maintien en poste d’employés. Ainsi, le projet auquel nous participions avait non seulement un intérêt à long terme, mais il devenait beaucoup plus urgent que nous le croyions au départ. Bien que ces emplois soient considérés comme de bons emplois 1 (en tenant compte du salaire, des avantages sociaux, de la formation, etc.), ils font partie des emplois de premier échelon les plus difficiles, car ils exigent des compétences considérables. Il s’agit, en ce sens, de bons exemples de l’idée préconçue que beaucoup d’emplois de premier échelon sont en fait « rien de plus que des métiers inférieurs » (traduction libre, octobre 2011) comme on l’a mentionné dans des travaux précédents d’ESO. Par conséquent, pour les buts que nous poursuivons ici, il pourrait être utile de décrire brièvement les tâches clés faisant partie de ces emplois – y compris les compétences essentielles requises et la façon dont l’entreprise recrute, oriente et forme les nouveaux employés – afin de brosser une toile de fond pour déterminer le genre de modèles de formation qui conviendraient pour favoriser l’accès à ces emplois. Avant de présenter des détails sur ces emplois, il peut être important de noter que la classification générale pour les « manœuvres à la transformation des aliments » n’est qu’un terme appliqué à divers emplois dans l’ensemble de l’industrie. D’après nos entrevues et observations, il est clair que ces emplois (qui portent en fait différents titres dans l’ensemble de l’industrie, d’après les trois sous-secteurs que nous avons d’abord étudiés) varient considérablement. À ce stade, nous ne savons pas s’il s’agit de différentes exigences d’entreprises données, où s’il y a des différences plus génériques entre les nombreux soussecteurs de l’industrie, c’est-à-dire si les différences dépendent des sous-secteurs eux-mêmes, plutôt que des entreprises et des façons dont chacune organise sa production. Un élément qui pourrait être commun, cependant, est que, à un niveau assez fondamental, chacun des trois sous-secteurs que nous avons étudiés accordait beaucoup d’importance au milieu physique et aux exigences physiques des emplois, et exigeait que la reconnaissance et l’adaptation de ces éléments et exigences physiques constituent des facteurs clés tant dans la sélection que dans la formation des nouveaux employés. Bien que les éléments particuliers puissent différer, ils constituent clairement des facteurs clés dans la décision de l’entreprise d’embaucher, de former et de maintenir en poste des employés, ainsi que dans la décision d’employés (éventuels) de rechercher ces emplois et d’y rester. Bien que cela puisse être plus marqué dans la transformation de la viande, il s’agit d’un facteur important dans la transformation des légumes et des confiseries que nous avons également étudiée. Un deuxième élément commun à l’ensemble des entreprises qui ont participé à cette première étape est la distinction entre les postes faisant partie du processus de production, y compris l’emballage, qui exigent des compétences supplémentaires à comparer aux postes qui sont clairement moins qualifiés. Bien que tous les postes que nous ayons étudiés soient considérés comme étant de premier échelon et qu’aucun n’ait de conditions préalables importantes en matière de formation et d’expérience, il existe des distinctions importantes entre eux. Il est à espérer que ces différences seront clairement illustrées dans les descriptions qui suivent. De plus, il est à noter que, quoique nous avions l’intention à l’origine de nous concentrer sur les postes de « manœuvre dans la transformation des aliments » et de « préposé à l’assainissement », le second s’est révélé difficile pour plusieurs raisons, y compris la soustraitance du gros travail d’assainissement dans l’une des entreprises, l’utilisation de travailleurs expérimentés uniquement (promotion interne) dans une autre, et le fait que les travailleurs à la production dans chacune des trois entreprises effectuent régulièrement certaines tâches d’assainissement dans le cadre de leurs activités de production. Selon le processus établi, nos enquêtes comprenaient une étude initiale du processus de production, y compris une visite de l’usine (généralement moins d’une heure). Suivaient des 2 entrevues avec le personnel de gestion, y compris les superviseurs, la direction de l’usine et de la production, et les professionnels des ressources humaines; et par la suite avec un échantillon de travailleurs à la chaîne exerçant chacune des fonctions clés. Ces entrevues ont été suivies d’une période d’observation des différentes fonctions exercées par ces travailleurs de premier échelon pendant environ trois heures. Les entrevues semi-structurées portaient sur plusieurs thèmes, à commencer par la description de l’emploi en question par le répondant et en particulier sur les tâches clés faisant partie du poste, ainsi que sur les facteurs et caractéristiques permettant à un employé de réussir (ou non) dans le poste. Cette partie a été suivie par des questions sur les processus d’embauche, d’orientation et de formation. De plus, on a interrogé les gens sur les éléments de résolution de problèmes de ces postes, ainsi que sur l’utilisation de la technologie, puisque l’étude les avait identifiés comme étant des éléments importants dans la transformation des postes de premier échelon. La plupart de ces entrevues ont pris la forme d’une conversation et ont duré de 30 à 45 minutes. Enfin, on a demandé à chacune des entreprises de nous fournir une variété de documents, en particulier des documents se rattachant à leur processus d’embauche, des descriptions de travail, divers documents de travail et du matériel de formation. 3 CONESTOGA MEATS (Producteur de porc) Niché sur une route secondaire quelconque dans ce qui était jadis une petite ville de l’Ontario rural mais qui est maintenant devenu une banlieue de Kitchener, se trouve un réseau de bâtiments, l’un d’allure moderne et les autres en acier fabriqué. Situé près de la route, le bureau ressemble à n’importe quel petit bureau; l’usine, de l’extérieur, ressemble à n’importe quelle autre usine dotée de quais de chargement et d’amplement d’espace pour permettre aux camions de faire demi-tour. Bref, il n’y a aucun moyen évident de savoir que les camions qui entrent transportent des porcs destinés à l’abattage ou qu’ils viennent chercher leur chargement de boîtes de viande pour le transport. D’ailleurs, des camions qui entrent et qui sortent, il y en a beaucoup. Il y a un panneau portatif au bout de l’entrée qui demande cinquante travailleurs de plus – « Aide demandée. Aucune expérience nécessaire. » Mais ce ne sont pas des emplois faciles que l’entreprise cherche à combler, même si ceux-ci sont au bas de l’échelle. Ce que nous avons appris sur ces emplois explique pourquoi la direction éprouve de la difficulté à les combler. Tâches clés Il y a trois zones principales dans l’usine, où se trouvent les postes que nous avons étudiés : la zone d’abattage, la zone de coupe et la zone d’empaquetage. Les postes dans les zones d’abattage et de coupe ont beaucoup de points en commun, à l’exception des quelques personnes qui participent directement à l’abattage. Après que la peau est enlevée et que l’animal est prêt pour la transformation, ces postes impliquent de découper l’animal en pièces de plus en plus petites, à l’aide de technologie qui déplace la carcasse et aide à diviser la carcasse à différentes étapes. Environ les deux tiers de la main-d’œuvre de l’entreprise travaillent dans les zones d’abattage et de coupe, répartis plus ou moins également entre ces deux zones. Pour la très grande majorité des travailleurs dans ces zones, leur principale tâche consiste à découper les différentes sections du porc. Dans la zone d’abattage, leurs fonctions impliquent le travail crucial d’éviscérer le porc et de s’assurer que les organes internes sont bien enlevés et qu’il ne reste aucune trace de matière fécale qui risquerait de contaminer le produit. Étant donné que les conséquences d’une erreur à cette étape sont si graves, on accomplit la tâche avec une prudence considérable (et un inspecteur de l’Agence canadienne d’inspection des aliments est présent dans cette zone en tout temps). Dans la zone de coupe, les travailleurs découpent les pièces de façon semblable, quoique les pièces sur lesquelles ils travaillent puissent être plus petites. De la technologie sert essentiellement à aider les travailleurs à déplacer la carcasse (ou des sections de carcasse), à positionner les pièces de façon appropriée et, dans un nombre limité de cas, à effectuer une coupe majeure. Autrement, la tâche clé des travailleurs consiste à utiliser un couteau très tranchant (ou un outil semblable) pour effectuer les coupes de viande appropriées (p. ex., épaules, longes, jambons, etc.), et ce, de façon sécuritaire. Il est à noter que les membres de l’entreprise, tant la direction que les travailleurs, s’entendaient sur l’importance de la salubrité des aliments et de la sécurité des travailleurs; un sujet qui était soulevé dans chaque entrevue comme étant un principe directeur dans la conception des processus et dans la façon de travailler de chaque employé. Ce sont les ventes qui déterminent le type de coupe, les quantités et les spécifications. Étant donné que le produit est extrêmement périssable, le passage de l’abattage à la coupe, à 4 l’empaquetage, au transport est très bien orchestré, et les contraintes de temps sont très sévères. Par conséquent, parmi les principales difficultés du travail, il y a l’obligation des travailleurs de faire leur travail afin de créer le bon produit et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la salubrité du produit alimentaire et leur propre sécurité, tout en conservant la cadence nécessaire pour remplir leurs commandes à temps.1 Étant donné la nature de ces postes, les principales compétences requises sont appelées « compétences de coupe », c’est-à-dire la capacité d’effectuer les coupes requises dans les différentes chaînes, conformément aux spécifications, et ce, de façon sécuritaire et « en cadence ». Il faut faire preuve de beaucoup de précision pour y parvenir. Par exemple, tel qu’on l’a mentionné précédemment, il faut effectuer le processus d’éviscération avec prudence pour éviter toute contamination. De plus, la chaîne des jambons, par exemple, demande aux travailleurs de respecter des spécifications telles que la quantité de gras, la forme du produit, etc. Chacune des chaînes – jambons, épaules, longes – a des défis semblables à relever pour respecter les spécifications. Pour relever ces défis, les travailleurs doivent avoir non seulement les compétences de coupe nécessaires, mais aussi bien d’autres compétences. Notamment, ils doivent comprendre et savoir comment entretenir leur équipement, puisque des couteaux bien affilés sont les outils clés tant pour accomplir la tâche en question que pour assurer la sécurité des travailleurs. De plus, les travailleurs doivent être constamment conscients du produit qui arrive le long de la chaîne, de leurs collègues, de la commande sur laquelle ils travaillent et du milieu de travail lui-même. Tel qu’on l’a mentionné précédemment, l’espace est restreint; les travailleurs travaillent à proximité d’outils et d’équipement dangereux, dans le froid et le bruit, ce qui peut rendre la communication un peu difficile. Le sol peut devenir glissant, des moteurs déplacent des contenants de produits, des travailleurs entrent et sortent de la chaîne, etc. Pour les travailleurs, prêter attention implique de s’occuper de nombreux aspects du milieu de travail en plus de se concentrer sur leur propre tâche. De plus, il faut respecter des attentes clairement établies concernant la qualité du produit. Cela inclut notamment les problèmes de qualité liés à la salubrité des aliments. Par exemple, lorsqu’il y a un abcès dans une pièce de viande se déplaçant le long de la chaîne, il faut retirer soit l’abcès, soit la pièce au complet. Si au moment de retirer l’abcès la chaîne elle-même est contaminée, il faut l’arrêter et la nettoyer. Il s’agit d’un « problème » courant, et la décision sera probablement prise par les travailleurs eux-mêmes, quoiqu’un chef d’équipe ou un superviseur puisse intervenir. D’autres problèmes de qualité incluent, par exemple, les fragments d’os, la quantité de gras dans les pièces, leur apparence (p. ex., lacérations), leur taille et leur forme. Les travailleurs à la chaîne, 1 Ce n’est pas la direction qui impose arbitrairement la cadence et les attentes. On nous a plutôt dit qu’il existe des normes de l’industrie sur le nombre de porcs et la production des différents produits. Bien que l’arrivée de la technologie ait aidé à répondre à ces attentes, une augmentation considérable devrait venir d’un changement à plus grande échelle dans la nature de la technologie utilisée. On nous a dit, par exemple, que certains pays européens disposent de technologies qui effectuent davantage de coupes mécaniquement, y compris des coupes de finition, qui sont faites ici par les travailleurs. Cependant, on a aussi mentionné qu’il s’agirait d’un énorme investissement qui serait non seulement coûteux, mais qui n’augmenterait peut-être pas la production de façon considérable. Par conséquent, les augmentations majeures dans la production viennent de l’utilisation plus optimale des installations (c.-à-d., 24 heures sur 24) qui, à son tour, dépend de la quantité de porcs disponibles. À cette usine en particulier, on était en train de créer un deuxième quart de travail complet au moment de notre visite. Cela étant dit, il y a très certainement eu une augmentation graduelle (de 15 %?) dans la cadence, qui est passée à 460 porcs/heure et à 3050 porcs/jour. (L’écart entre ces mesures est probablement dû au temps d’arrêt.) Sur plus d’une douzaine de travailleurs que nous avons interrogés, un seul a fait des commentaires négatifs sur la cadence. Nous ne savons pas si les autres étaient tout simplement réticents à s’en plaindre. 5 les chefs d’équipe et les superviseurs sont tous responsables de la qualité du produit et on les encourage tous à faire preuve de jugement. La triple exigence de qualité, de salubrité des aliments et de sécurité des travailleurs signifie qu’une exigence clé de ces emplois est la minutie. Étant donné que le travail lui-même est très répétitif, il est important d’éviter que l’ennui et la négligence ne se conjuguent pour causer des blessures. Les travailleurs doivent observer chaque pièce sur laquelle ils travaillent et être capables de « lire la viande » pour comprendre ses nuances et adapter leur technique afin de livrer le produit requis. (Évidemment, cela s’applique moins aux personnes de la zone d’abattage qui ont le même souci global, mais qui « lisent » différentes caractéristiques de la viande, par exemple, la façon dont il faut retirer les différents organes de la carcasse. C’est sur les quatre chaînes de finition que les spécifications du produit et les caractéristiques de la viande sont les plus exigeantes.) C’est cette combinaison d’obligations de « lire la viande », puis de réagir – en cadence – en la découpant conformément aux spécifications du client qui suggère que les travailleurs de la zone de coupe se livrent à un « métier » sérieux qu’il est impossible de comprendre de façon abstraite (c.-à-d. en salle de classe), mais qui exige plutôt une formation pratique et de l’expérience.2 D’ailleurs, le fait de devoir s’occuper tant de la viande en mouvement que de ses outils (surtout de l’affilage de son couteau) et d’être toujours conscient de ses voisins est un antidote à ce qui pourrait autrement être un simple emploi répétitif. Un membre de la direction a suggéré qu’il s’agit là de l’élément le plus difficile : travailler de façon constante et sécuritaire, car « à 200 pièces à l’heure, il est possible que l’esprit vagabonde ». L’un des moyens de remédier aux éléments répétitifs, qui règle également certaines questions de sécurité, a été la « formation polyvalente » des travailleurs pour leur permettre d’occuper plusieurs postes. L’une des chaînes est même allée plus loin en organisant sa production de façon à ce que, à chaque pause (quatre fois par quart, y compris le dîner), les travailleurs changent de poste dans la chaîne. Étant donné que les microtraumatismes répétés peuvent être courants lorsqu’on travaille dans des espaces restreints à faire des coupes demandant une certaine précision, cette approche permet aux travailleurs de changer de poste pour diverses raisons (y compris remplacer les employés absents, répondre aux exigences de production, etc.). Bien qu’une telle rotation ne soit pas obligatoire, elle est manifestement encouragée par la direction et semble être appréciée par la plupart des travailleurs avec qui nous avons parlé. Compétences en littératie et compétences essentielles Étant donné que le processus de production est dirigé par les exigences de commandes précises, on tient des réunions d’équipe trois fois par semaine pour discuter des commandes et de la façon de les exécuter, c’est-à-dire de qui travaillera où et d’en quoi consiste la commande. Les commandes sont affichées, mais les travailleurs n’ont pas besoin de les lire puisqu’on leur donne les directives oralement et qu’ils peuvent se poser des questions s’ils ne sont pas sûrs. De plus, dans certaines chaînes, des images sont affichées pour rappeler l’allure d’une coupe précise. 2 Il est à noter que, dans le passé, la coupe de la viande était considérée comme un métier spécialisé et que les personnes qui l’exerçaient étaient clairement des artisans, comme le démontre la formation de leur propre syndicat en 1890, qui s’est amalgamé aux Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce en 1964. 6 Pour les travailleurs à la chaîne (pas les chefs d’équipe), voilà l’étendue des compétences traditionnelles requises en littératie (après le processus de demande d’emploi en tant que tel). Il y a cependant, en plus des feuilles de commande, d’autres occasions pour les travailleurs de consulter des documents. En particulier, on affiche les indicateurs de rendement clés (IRC) chaque semaine. Ces graphiques montrent la production de chaque chaîne et de l’ensemble de l’usine selon plusieurs dimensions. Bien que les travailleurs ne soient pas obligés de les consulter, beaucoup ont admis le faire. C’est un mode de rétroaction simple et efficace sur la productivité de l’équipe. En outre, on trouve des affiches sur les activités prévues pour les employés, sur la santé et la sécurité, des annonces, etc. Cependant, même en réunissant tous ces documents, les compétences traditionnelles requises en littératie sont rares, et on a donné des exemples d’employés qui n’avaient pas de compétences de base en littératie, mais qui étaient parfaitement compétents dans l’exercice de leurs fonctions même s’ils ne savaient pas lire (à cause d’un manque de scolarité ou de problèmes de langue seconde). 3 De même, les travailleurs à la chaîne ont peu, voire aucune raison d’écrire quoi que ce soit ou d’effectuer ne serait-ce que des opérations mathématiques de base, ou même de remplir des formulaires, excepté peut-être pour interagir avec les ressources humaines, par exemple, pour les demandes de congé, de formation ou d’autres avantages sociaux. Les travailleurs n’ont pas besoin non plus d’utiliser des ordinateurs, même pour entrer des données, à l’exception d’une personne dans la zone d’abattage qui devait entrer le poids initial des porcs dans un programme informatique de suivi par numéro. Les chefs d’équipe sont des employés rémunérés à l’heure qui assument des responsabilités supplémentaires. Ils jouent le rôle de « contremaîtres » (tous des hommes?) et ont des responsabilités qui exigent clairement des compétences importantes en littératie. En particulier, ils sont responsables d’établir l’horaire des employés, de produire les rapports quotidiens de production et de pertes, de rédiger les rapports d’incident, d’utiliser le courriel, et d’être les premiers à s’occuper des problèmes de qualité et d’autres problèmes qui surviennent dans la chaîne. Tous ceux avec qui nous avons parlé ont suggéré que ce poste implique un nombre considérable de responsabilités pour un salaire seulement légèrement supérieur (dix pour cent) et, bien que certains travailleurs à la chaîne aient dit qu’ils ne voudraient pas le poste, les chefs d’équipe à qui nous avons parlé ont déclaré être satisfaits de leur emploi et de leur rôle, même s’il est difficile. Étant donné que le principal moyen de communication au sein des équipes est oral, on accorde de l’importance à la clarté et à la formulation d’explications. Tant la direction que la plupart des travailleurs ont parlé de l’importance pour les travailleurs de clarifier ce qu’ils n’ont pas compris et de poser des questions. En effet, plusieurs chefs d’équipe ont fait remarquer qu’il faisait partie de leurs rôles principaux de répondre aux questions et de veiller à ce que les travailleurs 3 Les estimations des employés des ressources humaines suggèrent que pas moins d’un quart des employés existants n’ont pas les compétences nécessaires en littératie pour remplir leur formulaire de pension. De même, ils ont déclaré qu’environ 15 % des travailleurs éprouvaient de la difficulté avec leurs compétences de communication orale étant donné que l’anglais n’est pas leur langue maternelle. Entre autres cultures représentées parmi les travailleurs à la chaîne, les hispanophones constituaient vraisemblablement le plus grand groupe linguistique après les anglophones, mais l’on trouvait aussi des travailleurs philippins, birmans, portugais, ukrainiens et croates. Bien qu’un grand nombre d’entre eux parlent et comprennent aussi un peu l’anglais, beaucoup des travailleurs hispanophones sont clairement des employés de longue date dont certains se sont vu confier des responsabilités importantes. 7 comprennent les commandes et où leur travail s’inscrit dans l’ensemble du processus de production. Cependant, un deuxième aspect de la communication orale était fréquemment mentionné comme étant un « problème » important devant être résolu, c’est-à-dire les conflits fréquents entre les travailleurs causés par des problèmes de communication. Plus précisément, si les problèmes d’assurance de la qualité étaient les problèmes les plus importants à survenir, les conflits interpersonnels étaient les seconds. Compétences génériques Il peut être injuste de catégoriser ces conflits interpersonnels comme étant seulement dus à des problèmes de communication. Si plusieurs le sont, l’autre cause identifiée est le ressentiment de certains membres de l’équipe qui trouvent qu’une personne ne participe peut-être pas, traîne de la patte ou profite d’eux. Tant les travailleurs que les superviseurs (y compris les chefs d’équipe) ont donné des exemples de telles situations. De même, plusieurs ont mentionné d’autres « chicanes » entre les travailleurs, des attaques personnelles qui surviennent quand certains s’ennuient, ont eu une mauvaise journée ou sont juste irritables. Certains répondants ont suggéré que les différences culturelles jouent un rôle dans de telles situations, tandis que d’autres n’étaient pas d’accord. Cependant, ces situations, peu importe l’origine réelle (ou mentionnée), demandent beaucoup d’énergie aux chefs d’équipe, aux superviseurs et (à l’occasion) au personnel des ressources humaines qui doit intervenir lorsque les autres tentatives de trouver une solution ont échoué. L’une des raisons pour accroître la formation polyvalente est qu’il s’agit d’un autre outil pour remédier à ce genre de situations; dans les cas où les problèmes interpersonnels sont si grands qu’il est impossible de les régler comme il faut et que l’équipe doit changer. D’après ce qu’on nous a dit, ce problème, qu’un superviseur a appelé des « enfantillages », est peut-être plus fréquent dans la zone d’empaquetage, où les travailleurs accomplissent des tâches plus routinières, où il y a beaucoup moins de « métier spécialisé » nécessaire et où la mesquinerie est parfois davantage exprimée. La résolution de relations ou conflits interpersonnels est indéniablement une compétence générique requise pour réussir dans ce travail, mais tant les travailleurs que la direction en ont nommé d’autres. En particulier, il y a la capacité de faire le travail physique et la volonté de travailler dans ce milieu de travail – « il faut être prêt à travailler et être prêt à travailler ici ». Presque tout le monde à qui nous avons parlé a mentionné la motivation comme étant un facteur de réussite. De plus, la capacité de travailler sous pression, d’être positif et de porter attention aux détails sans se laisser distraire, l’acceptation de la répétition et la volonté d’apprendre (sinon un intérêt pour le processus dans son ensemble) ont aussi été mentionnées fréquemment comme étant des caractéristiques importantes des travailleurs qui réussissent dans ces postes. On a souvent mentionné qu’il est possible d’enseigner les compétences de coupe à la plupart des gens qui se présentent pour l’emploi, mais ce sont ces compétences génériques qui semblaient poser la plus grande difficulté pour trouver et conserver les bons employés pour ces postes. Comme on l’indiquera plus loin, c’est une difficulté commune à toutes les entreprises qui ont participé à cette première phase. Si une grande proportion des travailleurs à la chaîne chez Conestoga Meats présentent peut-être de grandes compétences techniques, les autres entreprises partagent la difficulté de trouver des travailleurs prêts à accomplir des tâches répétitives et capables de le faire dans des milieux de travail assez exigeants physiquement. 8 Embauche, orientation et formation Le sujet portant sur la façon d’embaucher les gens et de procéder à leur orientation et à leur formation n’a pas aidé à faire la lumière sur la façon dont on a évalué ces traits et sélectionné les employés éventuels en tenant compte de l’importance de ces caractéristiques. La plupart de nos répondants ont été embauchés parce qu’ils connaissaient un employé de l’entreprise. La plupart ont décrit un processus d’embauche très informel qui comprenait une visite de l’usine et une entrevue. Une orientation initiale donnait des renseignements sur la salubrité et la manipulation des aliments, les bonnes pratiques de fabrication, l’analyse des risques aux points critiques (HACCP), la santé et la sécurité en général, et le SIMDUT (dont une partie se faisait par un système informatique de vidéos qui est aussi utilisé par une autre des entreprises participant au projet), ainsi qu’une introduction à l’entreprise et aux installations physiques. L’une des conclusions importantes que nous avons tirées de nos discussions, entrevues et examens des documents est que, dans chaque entreprise, les conditions d’emploi officielles exigeaient des niveaux de littératie beaucoup plus élevés que ceux qui sont vraiment nécessaires pour les postes. De plus, ces exigences – qui comprennent habituellement la compréhension de la lecture de passages narratifs – ne sont pas suivies lors du processus d’embauche utilisé. Autrement dit, lorsque ces employeurs essaient de pouvoir un poste donné ou de répondre à leurs besoins constants de main-d’œuvre, ils sont tout à fait prêts à embaucher des gens faisant partie des réseaux informels de personnes « connues », plutôt que d’adhérer à leurs processus et critères officiels. En effet, l’une des entreprises a suggéré que le propriétaire actuel cherchait à normaliser (et probablement à officialiser) le processus d’embauche dans plusieurs usines. Les éléments clés de la formation professionnelle sont transmis par un système de jumelage. Les nouveaux employés des zones d’abattage ou de coupe reçoivent une formation de quelques jours sur les couteaux, portant surtout sur l’affilage (ainsi que sur d’autres pièces d’équipement telles que les scies, les grattoirs, les tabliers, les gants, les souricières, etc.), et une formation initiale sur les compétences de coupe. C’est un employé expérimenté (pas un chef d’équipe) qui se charge du reste de la formation; il est jumelé avec le nouvel employé qui est graduellement introduit dans la chaîne. Il est considéré comme important de ne pas surcharger le nouvel employé, car il pourrait lui manquer non seulement les compétences de coupe, mais aussi l’endurance physique nécessaire pour utiliser les couteaux et effectuer le travail pendant une longue période. Par conséquent, leur introduction dans la chaîne – et au travail en cadence – se fait graduellement, en commençant par deux ou trois heures, et en augmentant graduellement jusqu’à atteindre un quart complet de huit heures. Cette période, de longueur variable selon l’employé, sera suivie par une première séance de formation polyvalente, où la diversité des compétences acquises permettra à la personne d’être déployée dans différents postes. Tant la direction que les travailleurs s’entendent pour dire que cette formation individuelle est la seule façon de bien former les nouveaux employés. De plus, les deux groupes sont convaincus qu’il est possible de savoir, en quelques jours seulement, si l’employé peut acquérir les compétences nécessaires. Non pas parce qu’il acquerra ces compétences en si peu de temps, mais plutôt parce qu’il démontrera une aptitude, une volonté et un intérêt pour maîtriser les techniques requises. On nous a dit que, dans certains cas, les travailleurs acquièrent la compétence de travailler en cadence en quelques semaines; dans d’autres, en quelques mois; et que, si par ce temps, un travailleur n’est pas encore capable de travailler en cadence, c’est qu’il n’est probablement pas fait pour l’emploi. Empaquetage 9 Les postes d’empaquetage et de mise en boîte dans cette usine sont plus limités en fait de compétences requises et de portée. À une exception près, aucun de ces emplois n’exige de compétences techniques particulières, et les compétences traditionnelles requises en littératie ne sont pas plus grandes, même s’il faut lire et faire correspondre les étiquettes pour veiller à ce que le bon produit aille dans la commande correspondante, car une tâche importante consiste à mettre les produits dans les bonnes boîtes. Par conséquent, ces postes exigent aussi une certaine dextérité et une certaine force physique, ainsi que la volonté d’effectuer des tâches simples et répétitives. Il y a certaines attentes en matière de contrôle de la qualité qui demandent aux travailleurs à l’empaquetage de communiquer parfois avec des travailleurs de la zone de coupe (parfois directement, d’autres fois par le biais des chefs d’équipe). De plus, comme pour les personnes qui doivent travailler en cadence, il y a des contraintes de temps – les travailleurs à l’emballage travaillent aussi sur une chaîne en mouvement; et, comme on le verra pour les autres entreprises, il y a la pression de respecter les échéances d’expédition alors que le produit n’est pas nécessairement disponible. Cela cause du « mou » dans le traitement, car les employés à l’empaquetage doivent attendre le produit et ensuite se dépêcher à l’emballer. La seule exception concerne les quelques employés qui utilisent la machine de scellement sous vide (cryovac), qui, comme les opérateurs de machines dans les autres entreprises, sont responsables de la préparation et du fonctionnement de la machine. Cette préparation implique de veiller à ce que le matériau d’empaquetage soit inséré correctement, à ce que les étiquettes soient prêtes et à ce que la machine soit en état de fonctionnement. Bien que les pannes de machines ne soient pas courantes dans l’ensemble de l’usine, les machines peuvent aussi être capricieuses, et les employés qui les utilisent sont formés (et acquièrent de l’expérience) à régler les problèmes quand ils surviennent. C’est clairement le poste le plus difficile dans la zone d’emballage. Peut-être les plus grandes compétences traditionnelles requises en littératie chez les travailleurs à la chaîne se trouvent dans le poste de « ramasseur », un seul emploi qui consiste à emballer des commandes, mais qui exige aussi de travailler avec des feuilles sommaires demandant d’entrer le nom, le code, la date, si le produit est frais ou congelé, la température (s’il est frais), l’heure et les garanties sur l’absence de contamination croisée, ainsi que de revérifier le poids du produit et l’impression des étiquettes. Ce poste traite des commandes qui demandent une combinaison de produits pour un seul client. De plus, il faut comparer et vérifier les commandes par rapport à l’original de la commande du client 10 KERR BROTHERS (Confiseries) L’allure plutôt banale du bâtiment d’un étage en brique est trompeuse. Il est situé près de la principale artère de la région du Grand Toronto, dans un ancien quartier ouvrier de bungalows, dont quelques-uns ont été remplacés par de plus grandes maisons, qui constitueront peut-être une amélioration par rapport à la vie en appartement. Situé à côté d’une école publique de la même époque et du même style, il semble cadrer avec l’architecture « entre-deux-guerres » qui semble mûre pour un réaménagement. En effet, juste en haut de la rue, des restaurants branchés commencent à remplacer les petits centres commerciaux de quartier qui abritent encore les dépanneurs où s’arrêtent les enfants du quartier sur le chemin de l’école. Mais la stature discrète de la façade cache la profondeur de cette propriété qui abrite une usine ouverte depuis des générations. Elle s’est installée là il y a plus d’un siècle en tant que confiseur familial et produisait un éventail de bonbons durs, et plus récemment, de caramels que des générations de familles ont consommés; des bonbons qu’on nous a tous déjà offerts dans les restaurants et les bureaux, à Noël et à l’Halloween. Étant donné que nous ignorions tout de la production de ces friandises, nous avons reçu (comme dans les autres entreprises) un cours accéléré, qui a commencé par une visite des installations. Bien que la température fût plus confortable que pour la transformation des porcs, les deux autres caractéristiques du milieu de travail étaient tout aussi inévitables. Sans pour autant imprégner l’ensemble du milieu de la même façon, les odeurs de la production de bonbons sont assez fortes et quasi étourdissantes dans leur intensité. Si l’on avait l’impression de s’évanouir parfois, ce n’est pas parce qu’il y avait quoi que ce soit de très désagréable dans ces odeurs; c’était simplement qu’elles étaient intenses et pénétrantes. On se sent un peu ridicule de le remarquer, puisque tout le monde autour y est clairement habitué; mais ça frappe comme un mur dès qu’on enfile son sarrau, ses filets à cheveux et à barbe et qu’on se lave avant d’entrer. La deuxième sensation est le bruit qui, comme dans chez le producteur de viande, est fort et prolongé. Pourtant, tout comme précédemment, les gens s’attendent à ce qu’on parle et qu’on écoute, et qu’on écoute encore, malgré le vacarme de la machinerie. Nous sommes, peut-être, plus habitués à cette sensation. Personne ne crie, mais nous nous efforçons tous d’écouter ce qui est dit. Et l’on parle généreusement pour nous aider à comprendre le contexte et les activités que nous voyons pour la première fois. Il y a, comme on pouvait s’y attendre, beaucoup à apprendre. Nous avons appris, cependant, que nous aurons une autre occasion de passer du temps dans l’usine, du temps qui nous sera nécessaire pour intégrer ce qu’on nous dira au cours des jours à venir. Cuisson Il y a trois grandes zones dans l’usine, en plus des bureaux exigus où nous sommes entrés et des rangées d’étagères jusqu’au plafond où nous sommes passés pour nous rendre et revenir de l’usine elle-même. Premièrement, il y a la zone de cuisson, un grand espace ouvert contenant un éventail de machines séparées par de l’espace permettant le déplacement tant des personnes que des produits. Le sentiment de grand espace est vite rempli, mais le contraste avec les zones d’abattage et de coupe dans l’abattoir de porcs est saisissant. Trois grands réservoirs, allant presque jusqu’au plafond, sont situés côte à côte et contiennent le sucre liquide (un ingrédient principal) dans une aire adjacente à l’espace de cuisson, avec des tuyaux les reliant à la zone 11 d’entreposage et de livraison à l’extérieur, ainsi qu’aux gros chaudrons où l’on fait cuire les bonbons. Il y a deux grandes zones où se fait la cuisson en tant que telle. La zone la plus près fabrique les bonbons mous, présidée par un homme petit en apparence et à l’activité frénétique mais contrôlée. Il fait des gestes rapides, prenant des ingrédients de mesures différentes fournis par un assistant qui semble toujours anticiper sa prochaine demande. Il jette un coup d’œil à l’indicateur de température et au produit sur la roue de refroidissement, écoute le rapport d’autres aides, se déplace pour examiner le produit sur une table de refroidissement, et semble avoir une maîtrise parfaite des instruments à sa disposition, tant humains que machines. Le long du même mur, une série de chaudrons en cuivre sont surveillés par un homme très différent, également calme mais d’allure beaucoup plus détendue. Il attend, patiemment, jusqu’à ce qu’il entende le « pop » et la libération de pression indiquant la prochaine étape; puis, il appelle frénétiquement d’autres personnes de son équipe pour l’aider à déplacer le produit semblant en fusion du chaudron vers la prochaine étape, une machine qui semble presque masser le produit jusqu’à ce qu’il tombe en soumission. Pendant que cela se déroule, il saisit les outils manuels nécessaires pour nettoyer et gratter les anciens chaudrons, puis consulte une recette dans un vieux cahier posé à côté d’eux sur un brancard de bouteilles et d’autres contenants; et, finalement, il mélange les mesures précises de couleur et de saveur nécessaires pour le prochain lot. Il tire sur des leviers et appuie sur des interrupteurs pour relancer le processus, puis reprend le souffle qu’il semblait avoir retenu pendant la préparation. Pendant que ces deux cuisiniers mélangent leurs potions et remplissent leurs chaudrons, il y a quelques autres choses importantes à noter. De chaque côté de la grande salle, entre les grosses machines avec des bras, des courroies et des roues, d’autres travailleurs procèdent à la prochaine étape du processus. Une demi-douzaine d’hommes s’occupent tranquillement de déplacer le produit, gros et lourd et ressemblant à des vagues de pâte de couleur, d’une table à l’autre (dans le cas des bonbons mous) et d’une machine à la table (dans le cas des bonbons durs), où on le manipule doucement, mais surtout où on le laisse refroidir. Les manipulations que l’on voit, nous dit-on, servent à évaluer la texture et la température du produit, soit l’équivalent de la « lecture de la viande » qui est si évidente dans l’usine de transformation de la viande. C’est un processus entièrement incarné, qui est confié à des humains plutôt qu’à des machines, ce qui est impressionnant étant donné qu’il est clair qu’il s’agit d’une compétence que (d’après une expérience limitée) l’on peut considérer comme étant évidente et nécessaire. Les conditions changent. Par exemple, on nous dit qu’en été, l’humidité rend la tâche difficile pour empêcher les bonbons de refroidir trop rapidement et la gestion de l’humidité est une nette difficulté propre à la saison. Par conséquent, il y a des tables de refroidissement et de réchauffement, avec un approvisionnement d’eau, pour veiller à bien faire les choses peu importe le temps qu’il fait. Au carrefour de deux convoyeurs, il y a une table où deux travailleurs apportent une des ces vagues de bonbons, où on la travaille un peu plus à la main avant qu’un autre travailleur applique des rubans de ce qui sera le fourrage. Ensuite, on l’enlève doucement de la table et on l’apporte à la prochaine étape. À un certain point, les travailleurs des deux côtés de la salle – le dur et le mou – doivent déplacer ces gros produits encombrants sur ce qui ressemble à des chariots à thé d’hôpital en métal (le genre qu’on utilise pour apporter de l’eau et du jus aux patients pour la collation de l’après-midi) et les apporter dans la prochaine salle où on les refroidira et les coupera encore davantage avant de les emballer individuellement. La chorégraphie et la synchronisation de 12 cette danse sont vraisemblablement un mystère pour l’observateur non averti. Ça arrive tout simplement. Ce que nous avons appris, c’est que ça doit arriver au bon moment : quand le produit a les bonnes texture et température, et quand les femmes dans la salle suivante sont prêtes à le recevoir, quand chacune de leurs machines ne demande qu’à être alimentée. Une distinction peut-être importante entre les deux côtés de la salle, le dur et le mou, est la façon dont les employés travaillent ensemble. Le côté « mou » peut être caractérisé comme étant un cuisinier « supérieur » accompagné de plusieurs assistants, tandis que, sur le côté « dur », il y a des rôles clairs, mais une absence de hiérarchie. En effet, les répondants de ce côté ont parlé de la façon dont ils font la rotation des tâches pendant la journée. Bien que différents travailleurs aient avoué préférer certaines tâches, ils avaient aussi le sentiment d’être capables de fonctionner en équipe. Effectivement, un employé plus récent a parlé de la façon dont on l’a intégré, en lui assignant d’abord des tâches simples, grâce auxquelles il commençait maintenant à comprendre l’ensemble du processus de cuisson des vétérans. En plus des aspects spécialisés des procédés de cuisson, il y a le cas particulier des bonbons à la menthe qui exigent un processus en plusieurs étapes (comprenant un enrobage) et qui sont cuits, en partie, à l’aide d’une pièce de technologie spécialisée qu’une poignée de travailleurs seulement savent utiliser. Bien que l’équipement en question semblât assez neuf, lors de notre deuxième visite, il ne fonctionnait pas. On nous a dit qu’il fallait recharger le logiciel contrôlant la quantité d’enrobage, la température et le temps. Cependant, il fallait obtenir ce logiciel auprès du fabricant et – à notre grande surprise – il était offert seulement sur disquette, ce qui montrait clairement l’âge de la technologie utilisée pour la machine. L’âge de l’équipement, cependant, ne devrait pas être une surprise. Bien que la machine de bonbons à la menthe ait peut-être trahi son âge, d’autres technologies de l’usine appartenaient plus visiblement à une ancienne époque. Cela ne veut pas dire que l’entreprise n’utilise pas d’équipement approprié. C’est plutôt que, comme les autres entreprises participantes, elle est à l’aise d’utiliser ce qui n’est peut-être pas de l’équipement dernier cri, mais qui fait parfaitement l’affaire pour ses processus de production. De plus, l’âge de l’équipement exige l’entretien de chaque machine pour la conserver en bon état et des travailleurs expérimentés pour régler les problèmes qui surviennent. Nous avons été témoins de certaines de ces difficultés et de la réaction des travailleurs, et les compétences et l’expérience de ces travailleurs transparaissaient clairement dans leur connaissance des machines et leur capacité de les « lire ». Une autre compétence qui ressort dans ces circonstances est que les opérateurs doivent constamment comprendre ce qu’un membre de notre équipe a appelé le « tempérament » de leur équipement. En résumé, les postes de cuisson exigent des compétences traditionnelles minimales en lecture, qui se limitent à lire des recettes. De plus, il y a peu de rédaction à faire, qui se limite à inscrire la date et l’heure de production. Les compétences de calcul requises se limitent à mesurer des ingrédients. La compétence la plus importante est peut-être la « lecture » du produit au toucher pour évaluer la température et la texture. L’aspect spécialisé du travail consiste à connaître la bonne texture et à faire les adaptations nécessaires. Voilà une fonction de contrôle de la qualité qui est nécessaire et cruciale. Tout aussi importantes sont la communication, tant orale que non verbale, ainsi qu’un éventail de compétences génériques, dont le travail d’équipe, la minutie et la capacité de faire des tâches routinières et répétitives. 13 Emballage On entre dans la deuxième des trois zones principales en passant par plusieurs portes battantes. Les portes les plus près de la première zone (bonbons mous) mènent à trois machines d’un tout autre cru. L’une d’elles est presque neuve, rapportée d’Italie il y a quelques mois seulement. Sa conception résulte d’une collaboration entre le fabricant et le directeur de la production, un homme tranquille qui a des années de services et connaît bien l’histoire du produit et les processus de production nécessaires pour le fabriquer. Avec l’arrivée d’une nouvelle gamme de produits, la direction a clairement senti qu’il valait largement la peine d’investir dans une nouvelle pièce d’équipement. Ensemble, ils ont conçu une pièce de technologie qui répondrait aux demandes des consommateurs et conviendrait au milieu et aux travailleurs qui devraient apprendre son potentiel et ses particularités. L’équipement obtenu partage la même technologie de processus que les deux anciennes versions : le produit est chargé sur une table munie de rouleaux qui façonnent les vagues de bonbon mou pour former une « corde » et l’alimentent automatiquement sur une série de plaques qui poursuivent simultanément le refroidissement et la mise en forme du produit, dans ce cas-ci, dans des feuilles de la bonne épaisseur. Plus loin, les feuilles sont coupées en « barres », puis automatiquement emballées et scellées. C’est le même processus que l’ancienne machine – transformer les vagues en cordes, puis les refroidir encore, les couper et les emballer à mesure qu’elles passent dans la machine et sur un convoyeur qui les refroidit et les apporte vers l’empaquetage – et il ressemble aussi à une bonne partie de la production de bonbons durs. Affectés à faire fonctionner ces machines se trouvent certains des travailleurs les plus expérimentés de l’usine, y compris un certain nombre de femmes immigrantes, qui s’occupent de préparer leur machine, ce qui implique d’abord de lire les commandes et de trouver le matériau d’emballage approprié, puis de charger et d’insérer tant le matériau d’emballage que le produit (pour ce dernier, elle peut avoir besoin de l’aide d’une autre personne), ainsi que de régler les ensembles de rouleaux et le convoyeur, et d’ajuster la vitesse et les tensions en fonction du produit. Chaque opérateur connaît clairement sa machine, son rythme, ses bruits et ses particularités. C’est l’expérience qui fait en sorte que la préparation de la machine et le traitement semblent couler presque « naturellement » ensemble. Les opérateurs ont besoin de cette expérience pour surveiller le processus, la deuxième tâche clé de leur travail. Les opérateurs de la nouvelle machine, cependant, ne connaissent pas encore le tempérament de la nouvelle technologie et il est entendu que cet apprentissage prendra un certain temps. La préparation est plus compliquée, les tolérances plus serrées, l’équipement lui-même plus sensible. Par exemple, on nous a dit que les lames sont très sensibles à la température et réagissent beaucoup plus à la température du bonbon que d’autres machines. Lorsque les lames deviennent couvertes de produit, elles ne coupent plus bien. Les opérateurs (et la direction) commencent à connaître cette difficulté et d’autres encore, et à apprendre les ajustements à faire et les éléments à surveiller de plus près, surtout parce que le coût de nouvelles lames, par exemple, est très élevé. Pour le moment, il y a deux ou trois opérateurs sur cette machine, qui apprennent par la pratique en avançant à tâtons dans le processus. Tôt ou tard, ils espèrent avoir besoin d’un seul opérateur par quart, comme pour les autres machines. En plus des plusieurs machines de refroidissement, de coupe et d’emballage individuel des bonbons, ainsi que des deux types de suçons (ronds et plats), qui sont tous sont emballés 14 individuellement, il y a une plus grosse machine qui refroidit d’autres bonbons durs pour l’emballage en vrac, c’est-à-dire, qui ne sont pas emballés individuellement. Il y avait un opérateur qui préparait la machine et qui réglait les problèmes au besoin, avec d’autres membres du personnel travaillant autour d’un convoyeur muni de plusieurs trémies où les bonbons étaient déchargés, triés et emballés en vrac dans des boîtes bordées de sacs de différentes tailles. Ces autres membres du personnel sont moins des opérateurs de machines et davantage une combinaison de manutentionnaires et d’empaqueteurs, qui sont mentionnés plus loin étant donné que c’est le travail le plus routinier. Une fois que la préparation est terminée et que le processus commence, la surveillance (de toutes les machines, sauf la nouvelle) est assez routinière. Même les problèmes rencontrés sont considérés comme routiniers. Il s’agit principalement de situations où le produit « change », c’està-dire que la variation de la densité du produit fait en sorte qu’il commence à être trop mince et que la corde n’a plus le bon diamètre pour passer. Sinon, il y a des problèmes routiniers qui surviennent à la suite de petits changements dans la machinerie; par exemple, le changement de la tension sur les rouleaux, le matériau d’emballage qui reste coincé ou qui n’est pas coupé ou scellé correctement. Dans tous ces cas, l’opérateur arrête rapidement la machine, retire le matériel qui pose problème, que ce soit le produit ou l’emballage, et règle la machine à nouveau pour recommencer. Lorsque c’est possible, on met le produit de côté, on le retravaille et on le réutilise afin de réduire les pertes au minimum. Nous avons observé ce genre de problèmes à maintes reprises et avons vu les mesures prises par les opérateurs expérimentés pour s’adapter aux changements dans le produit ou dans la tension de différentes sections de la machine (que ce soit la mise en forme du produit, la coupe ou l’emballage et le scellage). Le décompte du cycle de production est fait automatiquement, même par les plus anciennes machines. L’opérateur inscrit alors le compte, le numéro de lot et l’heure avant de passer à la préparation du prochain cycle. C’est la seule rédaction qu’il a à faire, et c’est assez simple à faire dans le formulaire fourni. Ces feuilles sont ensuite traitées dans le bureau pour suivre la production, l’empaquetage et enfin l’expédition du produit. Cependant, dans la zone de production, tout cela se fait manuellement. En résumé, comme pour les postes de cuisson, les opérateurs de machines ont besoin de compétences traditionnelles minimales en lecture, qui se limitent à lire les commandes et à faire correspondre le bon matériau d’emballage. De plus, il y a peu de rédaction à faire, qui se limite à inscrire la date et l’heure de production. Il y a moins d’exigences, mais quand même un peu, relativement à la « lecture du produit ». Par contre, une exigence beaucoup plus importante est la « lecture de la machine ». L’aspect spécialisé du fonctionnement de la machine consiste à connaître ses bruits et son tempérament appropriés et à faire les ajustements nécessaires. Comme pour la cuisson, il s’agit d’une fonction nécessaire de contrôle de la qualité. Les compétences génériques requises sont plus limitées et sont moins centrées sur le travail d’équipe et davantage sur la minutie et la capacité d’accomplir des tâches routinières et répétitives, tout en étant capable de résoudre des problèmes, quoique la plupart de ces problèmes soient aussi routiniers, voire répétitifs. Empaquetage La troisième des trois zones principales de production, la zone d’empaquetage, est bruyante, mais ne dégage pas d’odeur intense. Par contre, le milieu présente une autre caractéristique principale, notamment, le déplacement de machinerie lourde – les chariots élévateurs et les 15 chariots tracteurs requis pour déplacer les gros contenants de produit pour l’empaquetage. Trois grosses machines dominent la salle et sont placées sur des plateformes en acier surélevées, un étage au-dessus des convoyeurs et des boîtes où les sacs de bonbons viennent s’immobiliser. Les machines elles-mêmes sont conçues pour apporter le produit du convoyeur qui alimente chacune d’elles et mesurer une quantité fixe (selon le volume et le poids) pour remplir chaque sac, qui est ensuite coupé et scellé. Les sacs sont alors déplacés sur un convoyeur (passés au détecteur de métal) et placés dans des boîtes, qui sont elles aussi pesées, fermées et scellées à la main, puis chargées sur des palettes pour l’entreposage et l’expédition. Le processus exige l’exécution de plusieurs tâches clés, qui relèvent toutes de l’opérateur de la machine. La première tâche clé est la préparation qui comprend aussi un certain nombre d’éléments et peut prendre jusqu’à 45 minutes environ. En regardant les opérateurs effectuer leur préparation, il est impossible de ne pas remarquer la façon méthodique avec laquelle ils surmontent les difficultés. Une simple liste d’étapes ne rend pas justice à l’ampleur de leurs responsabilités. La lecture de la commande, la première étape de la préparation, n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. L’opérateur semble consulter, non pas un, mais plusieurs ordinateurs, chacun d’un âge indéterminé. Cela lance l’assemblage du produit : il faut trouver les contenants des bonbons nécessaires et charger le produit sur les tables qui, à leur tour, l’apportent vers le convoyeur qui mène à l’équipement d’emballage. (Seule exception : certains des bonbons mous arrivent directement de la salle d’emballage par convoyeur.) Dans un cas, nous avons vu l’opératrice elle-même déplacer un gros contenant avec un chariot tracteur, attacher des câbles au contenant, soulever le contenant (mécaniquement) et le faire basculer afin de décharger le produit sur la table. Elle a été suivie d’un deuxième et d’un troisième chariots afin de remplir la table des produits assortis pour ce cycle d’empaquetage. Elle est ensuite montée sur la table (avec l’aide un superviseur) et a mélangé le produit avec un râteau. (De toute évidence, les machines ne sont pas équipées pour mélanger les produits, comme on le verra chez le producteur de légumes.) Une fois que le produit (simple ou mélangé) est sur la table, on consulte un autre ordinateur pour connaître les spécifications de la commande : la sorte de matériau d’emballage à utiliser, l’étiquetage du paquet, le poids, etc. L’information sur les étiquettes doit être vérifiée (sinon entrée) dans un autre ordinateur qui contrôle l’équipement d’emballage. Il faut aller chercher le matériau d’empaquetage dans une salle adjacente et l’apporter jusqu’à la machine, puis le charger (il s’agit de rouleaux comme dans la salle d’emballage, mains encore plus gros et plus lourds) et l’insérer dans la machine. Par la suite, il faut régler la machine en fonction du poids et faire un petit essai pour voir si la machine fait des paquets contenant le bon nombre de bonbons, si les sacs sont coupés et scellés correctement et si la bonne information est imprimée sur le sac. Si les échantillons ne sont pas corrects – si la coupe ou le sceau est mal ajusté (par exemple, s’il y a trop d’air dans le sac et que le sceau se brise, comme nous l’avons vu), si le poids ne respecte pas la tolérance – alors, l’opérateur doit faire les ajustements nécessaires et refaire un essai. Après avoir terminé la préparation, l’opérateur doit vérifier la chaîne après l’ensachage – un convoyeur qui achemine les produits jusqu’à un endroit où les ensacheurs les mettent dans des boîtes qu’il faut à leur tour étiqueter et sceller, tout cela, le long d’un autre convoyeur. Une fois qu’elles sont scellées, les boîtes sont chargées sur des palettes. Ces éléments font aussi partie de la préparation de l’opérateur. C’est seulement lorsque tout est terminé que le cycle peut commencer. Enfin, l’opérateur doit s’assurer qu’il y a des ensacheurs pour recevoir le produit au bout de la chaîne. 16 Si tout va bien, le cycle progresse et les choses se déroulent en douceur. La deuxième tâche principale de l’opérateur consiste à surveiller les processus, à prendre un sac échantillon une fois de temps en temps pour l’examiner, le tester et le peser. Cependant, des problèmes surviennent régulièrement. Les machines capricieuses peuvent exiger des ajustements subtils lorsque le sceau n’est pas tout à fait bon, ce qui cause (dans un cas que nous avons observé) le bris des sacs, ou si le poids dépasse soudainement la tolérance, ou simplement s’il manque de produit et qu’il faut trouver de nouveaux contenants, les déplacer, charger le produit et le mélanger au besoin. L’opérateur doit aussi inscrire la production, y compris la quantité de produits, le poids et le nombre de sacs et de boîtes. Puis, ces renseignements sont entrés dans l’un des ordinateurs à des fins d’inventaire et de suivi. Bien que tout le monde s’entende pour dire que des cycles plus longs amélioreraient probablement la productivité, il y a une limite fondée moins sur la disponibilité du produit que sur le grand nombre de commandes différentes prévues par la direction. Cela signifie que l’opérateur doit s’y prendre à l’avance et se préparer pour le prochain cycle. En somme, le poste d’opérateur exige un certain nombre d’éléments de compétences essentielles. Même si les textes sont courts, il y a plusieurs situations qui exigent des compétences de lecture, y compris la lecture d’information à l’ordinateur relativement aux commandes et aux étiquettes, ainsi qu’au matériau d’emballage. De façon tout aussi brève, les opérateurs doivent inscrire la production, à la main et à l’ordinateur. Les compétences en informatique sont très limitées, mais les travailleurs doivent connaître plusieurs programmes pour trouver et lire l’information appropriée. Ils doivent savoir « lire les machines », tant les indicateurs que leur « tempérament » pour savoir si elles fonctionnent comme il faut et les ajustements nécessaires. Ils ont besoin de compétences importantes en communication, avec les superviseurs (et les autres) afin d’apporter le bon produit, et avec le personnel d’ensachage et d’emboîtage afin de veiller à pouvoir commencer le cycle sans délai, dès que la préparation est terminée. Pour ce faire, ils doivent planifier et organiser ces éléments. Ils ont donc besoin d’un esprit d’équipe (très différent des opérateurs dans la zone d’emballage), et d’une facilité à s’adapter, c’est-à-dire la capacité d’observer et d’apprendre de leur expérience, la capacité de travailler sous pression et la minutie. Sans toutes ces compétences génériques, l’opérateur ne peut pas réussir. Les tâches des ensacheurs sont toutes à l’opposé. Simples et répétitives à l’extrême, les tâches de ces personnes consistent à prendre des sacs de produits et à les mettre dans les boîtes. Elles passent ensuite les boîtes dans les machines à sceller, puis les empilent sur une palette. Dans certains cas, elles doivent assembler les boîtes et vérifier les étiquettes sur les boîtes pour veiller à ce qu’elles correspondent aux sacs. Il faut donc des compétences minimales en lecture, mais aucune compétence en rédaction. De plus, ces membres du personnel doivent savoir compter (jusqu’à 16). Les compétences génériques requises sont également limitées, et la plus importante est la capacité de suivre des directives et de travailler selon la routine. Il est difficile de ne pas se laisser impressionner par l’ensemble du processus de production. Bien que chacun des emplois décrits précédemment soit considéré comme un poste de premier échelon, en réalité, il y a peu d’opérateurs d’empaquetage qui commencent directement dans ce poste. Parmi tous les postes, les opérateurs de machines d’empaquetage ont clairement un poste 17 complexe et difficile qui contraste avec plusieurs autres (et il n’est pas clair si l’écart de salaire tient compte cette différence). Il y a, cependant, une grande spécialité requise pour la cuisson, et une responsabilité considérable également chez les opérateurs de machines d’emballage. Il faut aussi noter que les gestionnaires à qui nous avons parlé sont tous des « gestionnaires actifs », qui montrent aux travailleurs (même si ce n’est peut-être pas le but) qu’ils sont non seulement capables de faire toutes les tâches, mais aussi qu’ils se dévouent à leur travail et à l’entreprise, à la sécurité et au contrôle de la qualité, à encourager leur personnel à faire de son mieux et, si c’est possible, à s’épanouir dans le travail grâce à la formation polyvalente et à la prise de responsabilités. Finalement, divers groupes culturels sont représentés dans l’usine. Bien que nous ayons entendu quelques commentaires sur des disputes possibles entre les groupes, elles semblent être assez banales (et normales pour beaucoup d’organismes). Dans l’ensemble, les gens des différents groupes semblent simplement vouloir s’entendre et faire leur travail. Il y a eu peu de mentions du genre de conflits interpersonnels qu’on nous a décrits chez le producteur de porc. 18 BONDUELLE (Légumes congelés) Au bout d’une petite rue, donnant sur une autre petite rue, dans un parc industriel vaguement défini, constitué de bâtiments en acier gris et bleu, le complexe semble beaucoup plus petit qu’il ne l’est une fois qu’on est à l’intérieur. La série de bâtiments reliés entre eux renferme des bureaux de toutes sortes, la plupart au deuxième étage de ce qui ressemble à une remorque convertie. Ce n’est que de l’intérieur des installations que les différentes parties du complexe deviennent visibles. Il y fait froid, quoique, à bien y penser, ça semble un peu moins froid que dans l’abattoir de porcs, comme il sied à un emballeur de légumes congelés. De même, l’odeur des installations est notable, quoique ce ne soit rien à côté des entrailles de l’abattoir de porcs. Le bruit est omniprésent dans la zone de production; tant la machinerie que le mouvement constant des chariots élévateurs et des chariots tracteurs déplaçant de gros contenants (appelés bacs) de légumes congelés, un peu comme chez les autres transformateurs d’aliments participant au projet. De telles comparaisons sont inévitables. Avec trois usines en Ontario et d’autres au Québec et aux États-Unis, l’entreprise est un gros producteur multinational de légumes. Cependant, l’usine que nous avons visitée garde une ambiance de petite ville, étant installée depuis longtemps dans la communauté et étant l’un des employeurs les plus stables, sinon le préféré. Dans une région reconnue pour ses fabricants de pièces d’auto et autres, l’usine est en fait l’un des plus grands employeurs de la communauté, et la transformation des aliments est vraisemblablement une industrie qui peut se maintenir à une époque qui a vu de nombreuses usines fermer leurs portes. Lors de la première visite, on nous a clairement fait comprendre que nous ne voyions que la moitié du processus. L’usine est relativement calme en cette fin d’automne, nous dit-on, car le processus de nettoyage, de coupe, de tri et de congélation de la récolte pour l’année est terminé. Cependant, on nous montre cette autre moitié des installations, où le produit est apporté et les machines sont désormais éteintes à l’extérieur où 57 travailleurs jamaïcains travaillent près de la moitié de l’année. Il y a une entente de longue date avec ces travailleurs, car certains d’entre eux viennent depuis plus de vingt ans pour travailler à la récolte entre juin et octobre ou début novembre. C’est une entente très confortable pour tout le monde : l’entreprise obtient la maind’œuvre dont elle a besoin pour son temps le plus occupé, et les travailleurs viennent pour un temps limité gagner ce qui est probablement leur revenu annuel pour subvenir aux besoins de leur famille dans leur pays. Bien que peu de Canadiens travailleraient dans de telles conditions, les Jamaïcains sont décrits comme étant travaillants, dévoués, ainsi que désireux et capables de faire des quarts de douze heures de travail exigeant physiquement que demande leur emploi. Le processus de transformation à l’extérieur comprend un certain nombre de parties qu’on nous a racontées, mais que nous n’avons pas pu voir en action. Différentes sortes de légumes cueillis sont apportés par camion et doivent être déchargés avant d’être chargés sur des convoyeurs qui les font passer par une série d’étapes, y compris le nettoyage, le tri optique et la coupe. La surgélation se fait une fois que les différents produits entrent dans l'usine, après quoi ils sont emballés en vrac dans de grands bacs et apportés dans des entrepôts congélateurs pour l’empaquetage à venir, que ce soit pour la vente au détail ou pour des clients institutionnels. Tout cela se fait le plus tôt possible – habituellement dans les 24 heures – suivant la récolte. Il s’agit là d’une caractéristique clé de ce sous-secteur de l’industrie : la fraîcheur du produit et sa transformation rapide constituent une exigence principale pour l’assurance de la qualité. Bien que nous n’ayons pas vu cette partie du processus en action, on nous l’a clairement décrit comme comprenant beaucoup d’éléments semblables à ceux que nous avons observés dans les autres entreprises. Les travailleurs sont responsables de charger le produit, de veiller à ce qu’il 19 se déplace le long des convoyeurs et d’effectuer un minium de contrôle de la qualité. Récemment, l’achat d’un trieur optique a permis d’automatiser de façon assez globale le tri du produit. Les travailleurs sont quand même responsables d’enlever les débris et les produits qui sont clairement de couleur et de texture différentes. De plus, la surveillance des machines et du processus demande au moins à certains des travailleurs jamaïcains de régler les problèmes des machines elles-mêmes. Un problème typique, comme le blocage des machines de coupe ou le bris d’une lame, peut nécessiter des réparations, tout comme les problèmes d’alignement. Les travailleurs, dont certains possèdent une expérience considérable, font souvent les réparations ou les ajustements eux-mêmes. Comme dans les autres entreprises, les compétences requises en littératie pour de tels postes sont limitées. Le personnel de gestion que nous avons interrogé a parlé de la discipline et du dévouement des travailleurs, de leur capacité de suivre les directives et de faire preuve d’initiative lorsque des problèmes surviennent. L’intérêt de l’entreprise semble être d’embaucher peu de travailleurs locaux pour ces postes, puisque les Jamaïcains ont su faire leurs preuves à un moment où ce travail intéressait peu de travailleurs locaux. Il s’agit d’un travail exigeant physiquement qui, dans la chaleur de l’été, se révèle encore plus difficile. Comme il peut ressortir de ce qui précède, une quantité incroyable de produits est entreposée à des fins d’empaquetage. En effet, il y a non seulement un grand entrepôt de tels contenants empilés jusqu’au plafond, rangée après rangée, dans l’usine que nous avons visitée, mais il y a aussi une quantité considérable d’espace d’entreposage pour aliments congelés dans deux autres usines. Par conséquent, un défi majeur pendant l’année est de veiller à ce que le bon produit soit disponible pour l’empaquetage lorsque le besoin se fait sentir. Étant donné le nombre d’emplacements, il s’agit d’un défi logistique plus grand que dans les autres entreprises, dont aucune n’apporte de porcs ou de bonbons d’un autre emplacement juste à temps pour l’empaquetage. Le défi logistique de l’assemblage du produit apporte un autre élément au processus d’empaquetage qui est devenu le centre de notre intérêt; notamment le mouvement constant des chariots élévateurs et des chariots tracteurs déplaçant des produits à ce qui semble être une grande vitesse et par des travailleurs avec beaucoup de compétence. La sécurité est observée et la prudence est de mise lorsqu’on se promène dans l’usine. Alors, au froid et au bruit des processus et des machines vient s’ajouter l’obligation de surveiller de près le déplacement des produits et des véhicules qui sont omniprésents. Bientôt, les surveiller devient presque une seconde nature lors de nos déplacements dans l’usine. Étant donné ce qui précède, nous nous sommes concentrés sur l’empaquetage plutôt que sur la transformation ou la logistique, et sur un nombre limité de postes de premier échelon, notamment les opérateurs de machines à empaqueter, les mélangeurs/déchargeurs et d’autres emplois de premier échelon appelés inspection, emballage et mise en boîte. (Nous n’avons pas observé ni interrogé les préposés à l’assainissement. Contrairement aux autres entreprises, ici, le gros travail d’assainissement [contrairement aux nettoyages de routine] est fait à l’interne par le quart de nuit. Le petit nombre de travailleurs qui y prennent part sont généralement recrutés parmi les membres du personnel et sont des travailleurs expérimentés, plutôt que des nouveaux, provenant d’autres postes dans l’entreprise.) On peut décrire brièvement la séquence de base du processus d’empaquetage avant de discuter de chacun des postes. Il est à noter que l’usine fonctionne sur trois quarts de travail et emballe non seulement ses propres produits, mais aussi les produits des deux autres usines ontariennes 20 au besoin. Cette situation se présente lorsqu’il faut remplir les commandes des clients. Le rôle principal de l’usine que nous avons visitée à l’heure actuelle vise les commandes institutionnelles, c’est-à-dire, les commandes empaquetées en vrac pour des établissements tels que des hôpitaux et des établissements correctionnels au Canada et aux États-Unis. Les commandes sont planifiées par la direction et entrées dans un ordinateur qui permet au personnel de la logistique de veiller à la disponibilité du produit. (Nous n’avons pas discuté en profondeur de la complexité des dispositions à prendre, même s’il était clair qu’il s’agissait de tout un défi étant donné que certains produits pouvaient devoir venir d’autres usines, et non pas seulement des autres entrepôts en ville.) Une fois qu’il est disponible, le produit est déplacé vers la chaîne appropriée où il est déchargé par des chariots élévateurs et séparé au besoin sur une grande table à des fins d’inspection. S’il s’agit d’un produit mélangé (c.-à-d. qui contient plus d’une sorte de légumes), chaque sorte est chargée dans différentes trémies pour le mélangeage, puis le produit est remis dans de grands bacs. S’il s’agit d’un produit simple, on l’apporte alors vers les différentes machines d’empaquetage pour l’ensachage, la mise en boîte et l’empilage ou la palettisation. Inspecteurs La tâche des inspecteurs consiste à examiner et à retirer manuellement les produits qui ne répondent pas aux paramètres de contrôle de la qualité, c’est-à-dire, à enlever les articles qui ne sont pas de la même couleur, ou d’autres impuretés qui ont échappé au processus de congélation et de triage. Il s’agit d’une tâche simple, répétitive et fastidieuse à faire à la main. Il est difficile de la décrire sans avoir l’air condescendant. Une personne se tient debout avec une cuillère au dessus de la table du convoyeur (qui vibre pour séparer les produits) et retire les éléments incriminés. À l’occasion, si le produit a été mal trié et qu’il y a beaucoup d’éléments incriminés, on appelle un deuxième inspecteur ou on enlève le produit et on en apporte un autre. Ces décisions sont prises par le chef d’équipe en collaboration avec le technicien de contrôle de la qualité qui est présent.4 Le principal problème dans ce poste, nous a-t-on dit, c’est qu’il est impossible de le faire avec un quelconque niveau de concentration pendant très longtemps, soit environ une demi-heure. Cela signifie que le contrôle de la qualité est une préoccupation constante. Cela signifie aussi que les travailleurs qui exercent ce travail font la rotation avec les personnes qui s’occupent de l’ensachage et de la mise en boîte. Alors, les mêmes six membres du personnel font la rotation entre ces tâches. Les exigences de la tâche sont extrêmement limitées. Il n’y a pas de travail de lecture, de rédaction ni de calcul à faire; même la capacité de « lire » le produit n’est rien à côté, par exemple, de la capacité des travailleurs à la chaîne de « lire la viande » dans la zone de coupe de l’abattoir. Il y a peu de résolution de problèmes à faire étant donné que la seule décision à prendre – que faire s’il y a trop d’imperfections dans un lot donné de produit – est prise par d’autres membres du personnel. Étant donné qu’il s’agit d’un travail solitaire et ennuyant, en toute franchise et d’après leur propre description, il y a peu de communication, et les seules 4 Il est à noter que différents clients ont des exigences différentes en fait de « qualité », et certains clients institutionnels (notamment les prisons, nous a-t-on dit) ont des normes inférieures en ce qui concerne l’aspect du produit, quoique la valeur nutritive demeure identique. La seule différence serait le manque d’uniformité dans l’apparence. 21 compétences génériques requises sont la minutie et la volonté d’effectuer du travail aussi répétitif (si c’est possible au-delà des courtes périodes assignées à chaque travailleur). Déchargeurs Les titulaires de ce poste travaillent en collaboration avec l’opérateur de chariot élévateur. Souvent, et en particulier pour les gros légumes comme le brocoli ou le chou-fleur, les morceaux collent ensemble lors de la congélation et il faut les séparer. Le déchargeur se tient debout sur la haute plateforme (à côté de la machine d’empaquetage et au-dessus de la table vibrante). Lors du déchargement du produit, il doit séparer les morceaux agglutinés ensemble avec une fourche. Comme pour le travail de l’inspecteur, la tâche de déchargement comprend peu d’exigences à part la force physique nécessaire pour séparer le produit. Les travailleurs ont besoin de « lire le produit » de façon minimale, notamment, la quantité de glace présente. Ils n’ont pas besoin d’autres compétences en littératie. Aucune autre compétence en calcul ou en informatique n’est requise. Il y a, cependant, des compétences importantes en communication, en particulier, avec le conducteur du chariot élévateur. Cette communication est à la fois verbale et non verbale. La tâche de déchargement exige des compétences génériques comprenant la capacité de suivre des directives, de prêter attention aux détails, même s’il y en a très peu, et d’accomplir des tâches répétitives. Mélangeurs Bien que la tâche de mélangeage soit accomplie par certaines des mêmes personnes, on considère qu’elle fait partie du travail du déchargeur (parfois même appelé « déchargeur/mélangeur », mais elle est qualitativement différente, et plusieurs de ses éléments ont une ressemblance marquée avec le poste et les tâches de l’opérateur.5 Le mélangeur doit coordonner son travail avec celui de deux autres personnes : l’opérateur de chariot élévateur qui apporte les différents légumes et remporte les contenants de légumes mélangés, et le déchargeur qui aide à séparer le produit au besoin tout en effectuant ses propres tâches de mélangeage. Comme dans le cas d’autres opérateurs, il y a certains aspects importants dans la préparation, qui commence par la lecture de la commande par le mélangeur. Il peut la consulter en format papier et accéder à la version électronique pour vérifier. (C’est la version électronique que l’opérateur de chariot élévateur utilise pour apporter les bons produits pour le mélangeage.) Une fois qu’il connaît la commande, le mélangeur consulte alors la « recette », qui est aussi offerte à la fois en format électronique et en format papier dans un cahier à proximité. Il y a quatre trémies sur une plateforme et chaque produit (jusqu’à un maximum de quatre) est déchargé dans la trémie appropriée. Tout cela doit être planifié, car la « recette » demande aux différentes trémies de libérer la bonne quantité de produit pour faire le mélange en question. (Le mélangeur avec qui nous avons parlé et que nous avons observé assez longuement a mentionné que, lorsqu’il y a un nouveau mélange ou une modification à un ancien mélange, il « programme » l’ordinateur en entrant les nouveaux paramètres du mélange.) 5 Le mélangeur avec qui nous avons parlé a mentionné qu’il mélange environ 60 000 livres de produits par jour et qu’il en a déjà fait jusqu’à 100 000, ce qui a rempli 1500 bacs (les grands contenants). 22 Le mélangeur installe aussi le bac (contenant) qui recevra le produit mélangé par une goulotte au bout du convoyeur qui apporte le mélange de (jusqu’à) quatre produits. Cela implique de placer quatre poteaux dans les coins du bac en gros carton et à border le bac vide d’un grand sac en plastique. Finalement, la préparation implique la production d’étiquettes que l’on apposera sur le bac contenant le produit mélangé. Au besoin, le mélangeur doit aussi nettoyer les trémies entre les commandes, si le produit qui y passera change. La deuxième tâche clé du mélangeur consiste à effectuer le mélange. Cela implique non seulement de surveiller le débit de produit provenant de chaque trémie, mais aussi de surveiller le mélange lui-même. Entre autres, le mélangeur doit prendre un échantillon du produit mélangé (habituellement 500 grammes) et calculer, d’après la recette et le poids prévu, les proportions des différents légumes qui forment le mélange. Si, par exemple, le mélange demande 60 % de petits pois et 40 % de carottes, il y a une tolérance de 5 % et le mélangeur doit voir à ce que les pourcentages réels se trouvent dans les 5 %. Si les proportions ne sont pas tout à fait bonnes, il a la capacité (et la responsabilité) d’ajuster les débits et, à l’occasion, la recette. Cela peut impliquer soit d’arrêter le processus, soit simplement de faire des ajustements à la volée. Bien qu’il y ait une calculatrice sur l’ordinateur, l’opérateur en question préférait calculer ces pourcentages manuellement et utilisait seulement l’ordinateur de temps à autre pour vérifier. En plus de devoir posséder ces compétences en littératie et en numératie, le mélangeur doit remplir les mêmes feuilles de production que d’autres opérateurs de machines, y compris le calcul des temps d’arrêt et de la production, ainsi que la rédaction d’une brève description du problème qui a causé le temps d’arrêt. De plus, le mélangeur exerce une fonction de contrôle de la qualité qui lui demande de faire un rapport s’il y a des différences de couleur ou de taille dans chaque produit. Comme pour les inspecteurs, si le problème semble assez grave, il appelle le technicien d’assurance de la qualité pour déterminer, selon le client, s’il vaudrait mieux continuer ou remplacer le produit. Bien qu’aucune des machines ne soit terriblement sophistiquée (contrairement à certaines des autres technologies d’empaquetage), il faut régler certains problèmes lorsque des arrêts ou des pannes surviennent (p. ex., un blocage qui empêche le produit de s’écouler correctement, un convoyeur qui tombe en panne à un certain point ou un problème avec l’impression des étiquettes et la machine responsable). Des réparations plus importantes exigent d’appeler le personnel d’entretien (p. ex., des ajustements à apporter aux balances, qui sont importantes pour l’impression des étiquettes puisque le remplissage des bacs n’exige pas de quantités exactes, mais qu’il faut entrer le poids réel de chaque produit dans l’ordinateur et l’inclure sur l’étiquette qui indique aussi le numéro de commande, le code à barres du produit, le numéro de bac et la date du remplissage). En plus des compétences en littératie, en numératie, en informatique et en communication susmentionnées, le mélangeur a besoin d’autres compétences génériques, en commençant par la capacité de travailler de façon autonome, la planification et l’organisation de son travail et de ses éléments, le sens de l’observation, la capacité d’apprendre de ses expériences (afin de prendre des décisions) et la capacité de travailler sous pression. Le sens des responsabilités, le sens de l’organisation et la minutie sont tous nécessaires pour accomplir la tâche de mélangeage. 23 Opérateur de machine d’emballage Comme le mélangeur, chaque opérateur est responsable de toutes sortes de tâches et de membres du personnel. La première responsabilité est le nettoyage, qui consiste à veiller à ce qu’il n’y ait plus de trace du produit précédent dans les machines et sur les tables et qui est nécessaire à moins que l’on utilise le même produit dans le cycle suivant (d’après la commande à préparer). La tâche en tant que telle est assez simple, mais exige que l’opérateur veille à la coordination d’autres membres du personnel (emballeurs, empileurs et inspecteurs) pour assurer la propreté de toutes les surfaces. L’opérateur lui-même doit veiller à la propreté de la machine d’emballage et de ses pièces. Bien qu’il y ait peu de communication nécessaire une fois que chaque membre de l’équipe connaît sa tâche, il demeure une certaine communication non verbale pour veiller à ce que le nettoyage soit complet. Un nettoyage complet peut prendre plus d’une heure selon le produit et l’étendue du travail requis. La deuxième tâche de base est la préparation de la machine et de ses composantes, qui commence par la lecture de la commande en cours. Peu importe la taille du cycle, l’opérateur doit veiller à ce que le bon produit soit déchargé et inspecté en préparation pour l’empaquetage. Il faut aussi vérifier les codes, tant pour les sacs utilisés que pour les boîtes, y compris la validation finale indiquant que le bon produit est dans le sac. La préparation du sac lui-même implique la sélection du bon « poly » et son insertion dans la machine, ainsi que l’« inscription », c’est-à-dire la mise en place et les réglages du thermoscellage du sac. Il faut vérifier le sceau de plusieurs sacs et faire des ajustements au moment d’ajouter le produit. La préparation initiale implique aussi de synchroniser le scellage et de peser le produit à ensacher. Bien que ces réglages fassent partie du programme informatique qui est standard, il y a des ajustements nécessaires qui sont faits visuellement et qui doivent être vérifiés visuellement. La responsabilité de l’équipe constitue la dernière partie de la préparation, notamment, vérifier que les emballeurs sont en position, que les boîtes sont prêtes, et que le convoyeur et la machine à sceller sont bien réglés. L’opérateur doit aussi veiller à ce que les bonnes étiquettes soient produites et à ce que les empileurs soient en position pour palettiser les boîtes, ainsi qu’une palette appropriée soit placée au bon endroit. Lorsque tout est prêt (ce qui pourrait prendre jusqu’à 45 minutes), le cycle commence et il y a des tâches qui relèvent de la surveillance de l’opérateur. Comme on l’a observé, les réglages de la machine peuvent être inexacts et les sacs ne pas sortir correctement. Dans le cas particulier que nous avons observé, les sacs s’ouvraient et le produit était perdu. On a arrêté la chaîne et on a dû faire des ajustements – à maintes reprises – et, à chaque tentative, on vérifiait le sac jusqu’à ce qu’on obtienne le bon sceau. D’autres problèmes à survenir comprennent l’inexactitude des étiquettes en raison de renseignements erronés, d’une mauvaise impression ou d’autres problèmes d’imprimante; le mauvais alignement des boîtes pour le scellage; ou le mauvais empilage ou emballage des boîtes pour le transport. Cependant, le principal problème qui peut se produire, et le plus coûteux, est un bris de machine. Comme pour d’autres opérateurs que nous avons observés dans d’autres entreprises, il y a beaucoup de pépins que les opérateurs peuvent réparer eux-mêmes grâce à leur expérience et à leurs compétences. Par contre, il y a d’autres problèmes qu’il est impossible de réparer sans l’aide d’une nouvelle pièce ou d’un mécanicien expérimenté. Dans de telles situations, la perte de production peut être importante. Lors de notre présence sur les lieux, la technologie d’empaquetage la plus complexe fonctionnait, mais pas très bien. En effet, un arrêt était prévu 24 afin de finalement remplacer une pièce. La chaîne en question comprend une machine à mettre en boîte et un convoyeur menant à un robot qui empile et emballe les boîtes. La pièce à remplacer se trouvait sur la partie de la chaîne qui alignait les boîtes pour le scellage. Le personnel avait trouvé une façon de « ramancher » la pièce jusqu’à ce que la nouvelle arrive, afin de réduire le temps d’arrêt. Maintenant qu’ils avaient la pièce, ils allaient la remplacer pendant un changement de produit afin de réduire le temps perdu. Les compétences requises en littératie, bien qu’elles ne soient pas de niveau élevé, sont considérables. Les opérateurs doivent lire les commandes et les étiquettes, ainsi que « lire leurs machines », tout comme les mélangeurs et les opérateurs d’empaquetage dans l’usine de bonbons. Ils doivent surveiller les indicateurs de leurs machines afin de faire les bons ajustements. À l’occasion, ils doivent lire des courriels et des notes de service de la direction, mais n’ont pas besoin d’y répondre (et on se préoccupait du fait qu’il n’y ait pas une adresse courriel commune pour les opérateurs). Ils doivent écrire dans une variété de formulaires, en particulier le formulaire de rendement de l’empaquetage, surtout pour rendre compte des temps d’arrêt (y compris une courte description des raisons, en plus des codes utilisés pour les consigner) et documenter le volume et le temps de production. Il faut les remplir pour chaque heure de production, et ce, à la main car il n’y a pas d’ordinateur disponible à cet effet. Les compétences requises en numératie comprennent le calcul de la production par rapport aux quantités attendues, qui figurent sur la feuille de chaque opérateur. Certains types de commandes ont des attentes précises quant au volume à empaqueter au cours d’une période donnée. L’opérateur doit calculer la production réelle sous forme de pourcentage de cette norme. Ces feuilles sont envoyées à la direction, et le personnel de bureau entre l’information à des fins d’analyse. Il y a des besoins considérables en matière de communication : d’une part pour organiser et diriger les inspecteurs, les emballeurs et les déchargeurs, et d’autre part pour communiquer avec les techniciens d’assurance de la qualité et les superviseurs. Une bonne partie de la communication avec les premiers est verbale et non verbale, tandis que la majorité de la communication avec les seconds fournit des explications de situations problématiques lorsqu’elles surviennent (ou après les faits). En plus des compétences de résolution de problèmes susmentionnées, les autres compétences génériques requises ressemblent à celles d’autres opérateurs d’emballage : le sens des responsabilités et de l’organisation, la planification de son travail et l’esprit d’équipe. Les opérateurs doivent faire preuve d’une certaine facilité à s’adapter, c’est-à-dire avoir de la minutie, le sens de l’observation, la capacité d’apprendre par ses expériences et de travailler sous pression. De plus, on a mentionné un clair besoin de patience et il était sous-entendu que les « femmes sont plus patientes » (et la plupart des opérateurs, nous a-t-on dit, étaient maintenant des femmes). Sans toutes ces compétences génériques, les opérateurs de cette entreprise ne peuvent pas réussir. Il est à noter tout particulièrement que presque tous les travailleurs de cette usine font des quarts rotatifs. Les opérateurs, cependant, font la rotation dans « l’autre sens », ce qui fait en sorte que les opérateurs demeurent à une certaine distance sociale des autres membres du personnel avec qui ils travaillent. Cela pourrait être important en ce qui concerne le problème particulier des relations interpersonnelles. Un peu comme chez le producteur de porc, certains membres du personnel ont parlé de la tendance à y avoir des petites difficultés interpersonnelles (certaines accidentelles, d’autres délibérées) qui accaparent une partie disproportionnée de 25 l’attention. Il faut certaines compétences pour faire face à de telles situations, y compris savoir quand les ignorer. Emballeurs et empileurs Comme on l’a mentionné plus tôt, les postes d’emballeurs et d’empileurs font la rotation avec l’inspecteur. Sur deux des trois chaînes principales d’empaquetage, les emballeurs sont responsables, d’abord, d’assembler les boîtes appropriées et, ensuite, de placer le bon nombre de sacs dans les boîtes. La tâche exige seulement d’être capable de suivre des directives et de prêter un minimum d’attention à ce qu’on fait. Le poste d’empileur exige d’imprimer des étiquettes, de les apposer sur les boîtes, puis d’empiler les boîtes sur une palette et de les envelopper avec une pellicule de plastique pour les garder ensemble. Il y a un mécanisme d’aide mécanique pour aider à soulever les boîtes, mais nous n’avons vu personne l’utiliser, ni les hommes, ni les femmes. Il faut faire correspondre les étiquettes pour assurer le bon suivi de la commande. Ensuite, il faut inscrire les numéros de la commande et de la palette dans un formulaire. Dans les deux cas, il y a peu de compétences essentielles requises. Il faut savoir lire les étiquettes pour les faire correspondre et écrire deux numéros (et la date) dans un formulaire. Aucune autre compétence n’est nécessaire en rédaction ou en calcul, à part savoir compter jusqu’à 24 (ou quel que soit le nombre de boîtes de différents types qui entrent sur une palette). Personne n’a suggéré que ce nombre pouvait dépasser 24, peu importe le type de boîtes. Les compétences requises en communication ou en résolution de problèmes se limitent à suivre des directives et, à tout le moins, à s’entendre avec les autres. Bien que la plupart des opérateurs soient choisis parmi les membres du personnel expérimentés qui souhaitent obtenir une promotion, la différence entre les compétences et les responsabilités des opérateurs et celles des autres postes est considérable, ce qui ressort manifestement de la présente description. Bien qu’il y ait eu des commentaires sur des traits communs liés aux compétences génériques, dont la nécessité pour les gens de s’engager dans leur travail, voire de s’y intéresser, quoique le dernier élément indique qu’un travailleur a du potentiel et désire en faire plus. Tant les membres de la direction que les travailleurs s’entendent pour dire que la plupart des emplois exigent peu d’éducation ou de compétences formelles, mais plutôt la volonté de travailler fort et d’être responsable (c.-à-d. d’arriver au travail à l’heure et régulièrement). 26 CHAMPIGNONS HIGHLINE 6 Contexte Située en périphérie de Leamington en Ontario – à quelques minutes à peine du magnifique parc national de la Pointe-Pelée et 45 minutes à l’est de Windsor –, la société Champignons Highline est une exploitation extrêmement productive. De l’extérieur, il est difficile de savoir que ce bâtiment quelconque produit plus d’un million de livres de champignons par semaine. L’usine fonctionne tous les jours de l’année et la seule façon de le savoir est de regarder les camions pleins de bottes de paille et de fumier entrer et sortir pour fournir un lit nourrissant aux millions de spores de champignons. Une fois que le visiteur a passé les bureaux ordinaires à l’avant du bâtiment, deux ailes émergent. L’une d’elles abrite de longues structures massives de lits superposés où poussent les champignons. L’autre aile abrite les services de transformation et d’empaquetage. La zone de culture est humide, sombre et conservée à une température modérée pour forcer les champignons à pousser toute l’année. Le résultat est un milieu de culture plus chaud l’hiver et plus frais l’été. La zone d’empaquetage est toujours bien éclairée, sèche et froide. La culture de champignons chez Highline est une opération complexe et très efficace. On surveille les champignons de près pendant leur croissance pour déterminer le moment optimal pour la récolte. Une fois que les champignons sont cueillis, le processus de nettoyage et d’empaquetage veille à ce qu’on les manipule une seule fois. Tous les champignons sont récoltés, empaquetés et mis dans un camion pour la livraison dans les 24 heures. Tant les membres de la direction que les employés travaillent en étroite collaboration pour veiller à ce que le processus se déroule le plus harmonieusement possible. Il était clair dès notre entrée dans le bâtiment que seuls des employés motivés qui aiment travailler dur peuvent prospérer chez Champignons Highline. Le salaire est structuré de façon à fortement encourager les travailleurs dévoués qui se concentrent sur la tâche. Des primes importantes sont offertes aux employés productifs. Les emplois que nous avons analysés comprennent le cueilleur de champignons, le coursier, l’empaqueteur et l’opérateur de machine. Chaque poste sera décrit plus loin. Cueilleur de champignons Les cueilleurs de champignons passent la journée à récolter des champignons. Ceux-ci poussent sur des lits géants placés l’un au-dessus de l’autre comme des lits superposés. Ils sont situés dans de grands entrepôts. Chaque entrepôt est ensemencé à un différent moment. Les champignons poussent de quatre pour cent à l’heure, alors, après l’ensemencement d’un 6 Cette description a été préparée en mars 2014 par Chris Perrin (membre du personnel d’ESO), avec l’aide de Ron Samson (un autre membre du personnel d’ESO), car l’auteur n’était pas disponible pour visiter l’entreprise. Elle repose sur l’utilisation des mêmes processus d’EQR que la description des autres entreprises. Comme on pourra le constater, les postes décrits partagent des caractéristiques essentielles avec ceux des trois autres entreprises. 27 nouveau lit, on surveille le temps pour veiller à récolter les champignons au bon moment pour obtenir un rendement maximal sur les champignons. Les cueilleurs de champignons récoltent les champignons faciles à atteindre sur les étages inférieurs ou grimpent dans une petite échelle et se tiennent debout sur une plateforme attachée au lit pour atteindre les étages supérieurs. Lorsqu’ils sont sur l’échelle, les cueilleurs sont attachés pour ne pas tomber. Après la cueillette, les champignons sont habituellement triés en deux catégories distinctes : les champignons parfaits sont vendus sur les tablettes des épiceries, tandis que les champignons imparfaits sont utilisés pour la préparation d’aliments en vrac dans d’autres entreprises de transformation des aliments. On s’attend à ce que les cueilleurs « lisent » les champignons et déterminent si le champignon est prêt à être récolté, ainsi que la qualité du champignon. Les champignons sont arrachés du sol, puis la structure de racines est rapidement tranchée et conservée dans une caisse séparée afin d’être réutilisée pour ensemencer le prochain lit de champignons. Les champignons poussent dans un endroit sombre et humide. Tous les lits sont conservés à une température modérée, ce qui crée un environnement agréable où cueillir les champignons. Les cueilleurs doivent être rapides, cependant. On donne aux nouveaux employés trois mois pour atteindre la vitesse obligatoire de 50 livres de champignons à l’heure. Après avoir atteint le seuil de 50 livres à l’heure, on leur donne un emploi à temps plein et on leur paie une prime allant de 17 à 22 cents par livre supplémentaire par heure. Les cueilleurs de champignons qui travaillent dur et vite peuvent gagner jusqu’à 30 dollars l’heure. La cueillette de champignons n’est pas un travail ardu; cependant, les cueilleurs peuvent souffrir de microtraumatismes répétés. L’utilisation d’une bonne technique est cruciale pour réussir. Les compétences requises pour être un bon cueilleur de champignons comprennent : la dextérité, le travail acharné, et les connaissances et les capacités nécessaires pour savoir quand récolter les champignons. Lors de l’évaluation des cueilleurs, les formateurs regardent la technique, la propreté, la sécurité, la manipulation des aliments, la qualité de coupe des champignons, la capacité de cueillir des champignons mûrs et la vitesse. Champignons Highline utilise un système de suivi informatisé pour consigner le nombre de livres de champignons récoltés par chaque cueilleur. Chacun a un rouleau d’autocollants de codes QR pour identifier les boîtes de champignons qu’il a ramassés et s’assurer de recevoir le mérite pour les champignons qu’il a cueillis. Le travail des cueilleurs est assez simple : ils coupent des champignons. Les cueilleurs travaillent seuls, mais interagissent régulièrement avec d’autres cueilleurs, des coursiers et leurs superviseurs. Le travail est très répétitif et comporte des tâches peu diversifiées. Les cueilleurs doivent lire les directives sur les cultures de champignons à récolter, leur emplacement et la quantité. En raison de la diversité de la main-d’œuvre, on déploie de grands efforts pour accommoder les personnes de toutes les langues. Pour cette raison, les tâches de lecture sont gardées à un minimum, et les superviseurs et les collègues sont heureux de transmettre les directives oralement à ceux qui n’ont pas les compétences requises en littératie ou en anglais pour comprendre les directives écrites. Par conséquent, les employés doivent être capables d’entretenir des conversations de base pour donner et suivre des directives simples. La plupart des bulletins d’information du personnel sont traduits dans plusieurs langues. 28 Lors de la cueillette de champignons, les cueilleurs doivent pouvoir estimer avec précision le poids des champignons. Les compétences génériques requises comprennent la capacité d’apprendre de ses expériences, le sens de l’observation, les relations interpersonnelles, le sens des responsabilités et la minutie ou la capacité de suivre des directives. Compétences essentielles Les compétences essentielles utilisées pour ce poste sont limitées. Les compétences de lecture, d’utilisation de documents, de calcul, de communication orale, de raisonnement, de travail d’équipe et d’informatique sont toutes utilisées à de très faibles niveaux, qui dépassent rarement le niveau 1. Il y a des exigences limitées de lecture et de rédaction pour ce poste. Les cueilleurs n’ont pas besoin de plus du niveau 1 dans les neuf compétences. Cependant, pour progresser sur le plan professionnel, il faut améliorer ses compétences en littératie et ses compétences essentielles, en particulier la communication orale, l’utilisation de documents, le travail d’équipe et la capacité de raisonnement. Un niveau 2 dans ces compétences pourrait être requis. Coursier Les coursiers sont les personnes qui ramassent et transportent les champignons des cueilleurs jusqu’au chariot, puis qui conduisent le chariot et les champignons jusqu’à la prochaine station. Avant que les cueilleurs entrent pour récolter les champignons, les coursiers préparent la salle pour que les cueilleurs puissent récolter le plus rapidement et efficacement possible. Les coursiers préparent les plateaux et les échelles pour les cueilleurs. Lorsque les cueilleurs ont terminé, ils nettoient la salle pour veiller à ce qu’elle soit prête pour la prochaine récolte. Les coursiers remplacent les plateaux où les cueilleurs mettent les champignons pour qu’ils ne débordent jamais et permettre aux cueilleurs de continuer à récolter sans interruption. Pour que le tout se déroule sans encombre, les coursiers répondent constamment aux demandes des cueilleurs à mesure qu’ils remplissent leurs plateaux. Ces demandes sont communiquées aux coursiers oralement, mais, souvent, les bons coursiers peuvent prédire à quel moment chaque cueilleur aura besoin d’un nouveau plateau. Les bons coursiers ont en commun les compétences et les qualités suivantes : le bon sens, de solides compétences en communication, la planification du travail, la gestion du temps et le sens de l’organisation. Il est aussi important que le coursier soit capable de nouer des liens avec les différents cueilleurs afin de pouvoir répondre à leurs besoins. Les coursiers doivent apprendre à connaître la vitesse, la pratique et les préférences de chaque cueilleur. Le travail de coursier est un travail très occupé qui exige de solides aptitudes en relations interpersonnelles. Les coursiers doivent être capables de collaborer entre eux pour veiller à ce que la récolte dans chaque salle fonctionne à son rythme le plus efficace. Le travail est très physique, car il exige des déplacements rapides et la capacité de ramasser et de transporter des charges de 10 à 20 livres. Le travail de coursier implique une complexité limitée et beaucoup de répétition. Il y a quelques manipulations et assemblages à faire et un peu de chargement à la main, du stress lié au temps et du stress physique. Le travail de coursier exige l’utilisation de chariots et de diables, et l’utilisation possible de machines pour déplacer les champignons. Le travail exige beaucoup 29 d’interaction avec les autres tout au long de la journée. Le travail d’équipe est nécessaire pour dresser les échafaudages. Cette tâche exige une grande minutie. Comme les cueilleurs, les coursiers reçoivent un incitatif financier à la productivité; cependant, il est fondé sur le travail collectif de l’équipe et n’est pas seulement une prime calculée à la livre. Compétences essentielles Les coursiers font un usage limité des compétences essentielles. Les compétences requises ressemblent généralement à celles dont les cueilleurs ont besoin, mais avec plus de travail d’équipe. Il y a très peu de lecture et d’utilisation de documents, peu de calcul, aucune rédaction, aucune informatique et aucune formation continue. Cependant, il y a beaucoup de communication orale, de capacité de raisonnement et de travail d’équipe. Bien que les niveaux de ces trois compétences soient faibles, les compétences sont utilisées à maintes reprises pendant la journée et contribuent à la réussite de la personne en tant que coursier. Emballeur Les emballeurs prennent les champignons cueillis et les mettent dans la machine à laver, tranchent ceux qu’il y a à trancher, les pèsent, puis les empaquettent pour la distribution. Il y a un certain nombre de tâches différentes à accomplir tout au long de ce processus. Le nettoyage est un travail très simple. Il demande aux travailleurs de vider les plateaux de champignons dans la machine à laver et de veiller à ce que tout se déplace correctement. Les travailleurs empilent ensuite les champignons sur des palettes et les apportent soit vers la trancheuse, soit vers la salle d’empaquetage. La trancheuse de champignons ressemble beaucoup à la machine à laver. On verse à la main les champignons dans la trancheuse, qui en ressortent tranchés. Une fois qu’ils sont tranchés, les champignons sont mis dans les barquettes dans lesquelles ils voyageront jusqu’au magasin. Les barquettes sont ensuite empilées à la main et apportées dans la salle d’empaquetage. Les salles de lavage et de tranchage sont toutes les deux petites et à part. La salle de lavage est naturellement mouillée, et les travailleurs y portent une tenue de pluie complète. Les deux salles sont gardées à plus basse température, ce qui incite le personnel à porter de gros chandails et d’autres épaisseurs. Les personnes qui travaillent dans les salles de lavage et de tranchage ont besoin d’endurance physique pour soulever et verser à répétition les champignons dans chaque machine. Le travail d’équipe est nécessaire, car les personnes travaillent ensemble pour veiller à ce que la machine fonctionne comme il faut et pour empiler les champignons de façon sécuritaire de sorte qu’ils soient assez stables pour passer à l’empaquetage. Les compétences essentielles les plus importantes sont une fois de plus le travail d’équipe et la communication orale. Le milieu de travail peut être bruyant et mouillé, alors il est crucial que les personnes soient capables de communiquer au-dessus du bruit des machines pour à la fois donner et recevoir des directives. L’empaquetage se fait dans une grande salle qui contient trois chaînes d’empaquetage distinctes. Champignons Highline empaquette toute une gamme de champignons différents qui ne sont pas nécessairement cultivés dans son usine. En général, ça prend moins de 5 minutes pour changer la sorte de champignons dans une chaîne. On pèse les champignons en fonction de ce que l’acheteur a demandé. Les champignons portobello sont tranchés à la main avant d’être empaquetés et emballés. Chaque paquet est pesé à la main pour veiller à ce qu’il ait le bon poids 30 avant de l’envelopper de cellophane. Les paquets peuvent varier de boîtes de cinq livres en vrac à des petits paquets de 8 oz. La dextérité est une fois de plus la clé de la réussite à tous les points de la chaîne d’empaquetage. Les chaînes défilent vite et exigent souvent la prise de décisions rapides sur le choix des paquets à peser et la qualité de l’emballage de cellophane. L’opérateur de machine veille à ce que les machines à envelopper fonctionnent bien. L’endurance physique est aussi très importante lors de l’emballage. Champignons Highline fonctionne de façon à ce que tous les champignons cueillis dans une journée doivent être empaquetés avant que l’équipe d’emballage puisse rentrer à la maison. Cela entraîne souvent de longues heures épuisantes, car l’équipe d’emballage doit rester debout pendant de 10 à 14 heures par jour (parfois plus). Les travailleurs interrogés ont mentionné que les difficultés du travail comprenaient de rester debout toute la journée et de travailler de longues heures. Tous les travailleurs sont rémunérés pour leurs heures supplémentaires conformément aux règlements provinciaux. Cela s’applique aussi aux jours fériés, car Champignons Highline fonctionne tous les jours de l’année. Tous les travailleurs peuvent prendre congé le jour de leur anniversaire s’ils le souhaitent. Les emballeurs doivent être capables de réfléchir rapidement et être motivés. La minutie est importante, surtout pour la pesée des champignons. Compétences essentielles En général, les compétences essentielles requises pour ce poste ressemblent à celles des cueilleurs et des coursiers. Il y a très peu de lecture, d’utilisation de documents, de rédaction, d’informatique et de formation continue. Il faut régulièrement des compétences considérables de calcul, de communication orale, de raisonnement et de travail d’équipe, mais à de faibles niveaux. Opérateur de machine Il y a deux types de machines qui sont cruciales pour le processus d’emballage : la machine à étiqueter et à envelopper, et le compacteur. Les petits paquets de champignons passent rapidement par la machine à étiqueter et à envelopper sur un convoyeur et ressortent entièrement enveloppés et étiquetés. Toutes les étiquettes doivent indiquer la bonne date. Le compacteur fait les plus grandes boîtes qui contiennent les petits paquets de champignons. Les tâches générales de ce poste comprennent de connaître le processus et le déroulement du travail, de soulever des rouleaux de plastique lourds, de connaître les étiquettes et de rester organisé. Le sens de l’organisation est crucial à la réussite, car la chaîne de production roule très rapidement. La minutie est importante, car il est crucial que la date, l’étiquette et la boîte soient toutes exactes. Il y a de la paperasse à remplir pour suivre le progrès de chaque commande pendant la journée. La communication entre les membres de l’équipe est importante parce que « la chaîne casse si les gens ne communiquent pas ». L’opérateur gère habituellement la vitesse et la cadence de la chaîne. Les opérateurs de machine doivent avoir la capacité technique de trouver la cause des pannes dans les chaînes de production et de régler les problèmes mineurs. On appelle des mécaniciens expérimentés pour résoudre les gros problèmes avec la chaîne. 31 Le travail d’opérateur de machine est physique et compte de nombreuses heures. Les opérateurs doivent avoir la volonté d’apprendre, la capacité de traiter avec les gens et de la patience. De plus, les opérateurs de machine doivent bien connaître le produit pour pouvoir déterminer rapidement si quelque chose est bien empaqueté. Tout comme pour d’autres opérateurs de transformation des aliments, les opérateurs de machines chez Champignons Highline contrôlent la vitesse, la cadence et la production des chaînes. Ils remplissent habituellement les formulaires, veillent à ce que les travailleurs suivent la cadence et surveillent la qualité pendant que le produit défile dans les chaînes. En raison de la nature de l’empaquetage des champignons, les machines sont moins compliquées que dans d’autres entreprises de transformation des aliments (à comparer aux entreprises qui doivent emballer des aliments congelés, une plus vaste gamme de produits, avec différents réglages de sacs, etc.). L’un des problèmes qu’ils doivent surveiller est la qualité de l’emballage de cellophane et l’adhérence de l’autocollant sur le cellophane. Ces éléments sont relativement simples et faciles à ajuster. Compétences essentielles Le travail d’opérateur de machine est plus technique que les autres emplois décrits précédemment. Cependant, comparativement aux autres postes d’opérateurs de machines que nous avons analysés, le travail des opérateurs de machines chez Champignons Highline était moins complexe. Les neuf compétences essentielles sont requises pour réussir comme opérateur de machine. La lecture, l’utilisation de documents, la rédaction, le calcul, la communication orale, la capacité de raisonnement, le travail d’équipe, l’informatique et la formation continue sont tous des compétences nécessaires. Par rapport aux cueilleurs, aux coursiers et aux emballeurs qui utilisent tous les compétences à de très faibles niveaux, les opérateurs de machines ont besoin d’un niveau de compétence légèrement plus élevé et utilisent leurs compétences plus fréquemment. Il faut des niveaux plus élevés d’utilisation de documents, de communication orale, de travail d’équipe, de calcul et de capacité de raisonnement, probablement à un haut niveau 2 ou un faible niveau 3. 32 Tableau sommaire consolidé des caractéristiques Emballeur/ Inspecteur /Ensacheu r/Empileur Manutentionnaire/ Décharge ur Cuisinier : Bonbons Découpeur : Viande Opérateur (Productio n de bonbons) Opérateur de machine (empaquetag e)1 Complexité aucune aucune assez assez un peu beaucoup Parties de la tâche peu aucune plusieurs peu peu plusieurs Travail répétitif beaucoup beaucoup assez beaucoup assez assez Manipulation un peu un peu assez beaucoup assez assez Assemblage aucun assez aucun un peu aucun4 beaucoup assez assez assez un peu/assez4 Surveillance un peu un peu/ assez aucune un peu assez aucune beaucoup beaucoup Stress lié au temps un peu assez assez assez un peu beaucoup Stress physique un peu assez un peu beaucoup un peu un peu4 Interaction minime minime fréquente périodique minime considérable Domaine et niveau des compétences essentielles A. Lecture 1 1 1 élevé 1 2 faible 2 élevé B. Utilisation de documents 1 1 1 1 2 2 C. Rédaction s.o. s.o. 1 s.o. 1 2 D. Calcul 1 1 1 1 1 3 E. Communication orale F. Capacité de raisonnement Résolution de problèmes Prise de décisions Planification et organisation du travail Recherche de renseignements H. Informatique 1 1 1 1 2 2 1 1 1 1 1 élevé 2 élevé s.o. s.o. 1 1 11 22 s.o. s.o. 1 1 1 2 s.o. s.o. 1 1 1 1, 23 s.o. s.o. s.o. s.o. 1 2 Caractéristiques Chargement ou levage Compétences génériques 2-recherche de solutions/débrouillardise 3-esprit d’équipe 4-facilité à s’adapter 5-capacité d’apprendre de ses expériences 6-capacité de faire des tâches répétitives 7-capacité de travailler sous pression 8-facilité à communiquer 9-sens de l’observation 10- sens de l’organisation √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ 33 11- relations interpersonnelles 12-sens des responsabilités 13-minutie/capacité de suivre des directives 14- persévérance √ √ √ √ √ √ √ √ √ 15 planification des tâches √ √ 16 autonomie/prise de décisions √ √ Notes (1) L’opérateur de machine (empaquetage) englobe le rôle de mélangeur. (2) Pour l’opérateur de machine (empaquetage), la prise de décisions inclut le niveau 3 pour les conséquences des erreurs, mais toutes les autres caractéristiques se situent au niveau 2 (voire au niveau 1) (3) La plupart des exigences se situent au niveau 1. Cependant, certaines exigences de niveau 2 peuvent se présenter lors de la résolution de certains problèmes. (4) Les opérateurs de machines chez Kerr Brothers ont des exigences physiques de niveau plus élevé, y compris le chargement et le levage, l’assemblage et d’autre stress physique dans l’ensemble. Tableau des caractéristiques chez Champignons Highline 7 Caractéristiques Complexité Parties de la tâche Travail répétitif Manipulation Assemblage Chargement ou levage Surveillance Stress lié au temps Stress physique Interaction Cueilleur Coursier Emballeur Opérateur de machine un peu une seule beaucoup aucune aucun un peu aucune assez assez assez aucune plusieurs répétitif aucune un peu beaucoup aucune aucun un peu fréquente un peu peu répétitif assez un peu assez beaucoup assez un peu fréquente assez peu répétitif beaucoup beaucoup un peu beaucoup assez assez beaucoup Domaine et niveau des compétences essentielles 7 Étant donné que l’étude chez Champignons Highline a été menée à la suite de la présente ébauche des descriptions de postes retrouvés dans les trois autres entreprises, il y a un tableau séparé pour ces postes. Cependant, dans la version finale des descriptions de travail, qui comprendra celles d’autres entreprises encore dans d’autres sous-secteurs de la transformation des aliments, nous tenterons de consolider notre compréhension de l’ensemble des postes étudiés. 34 A. Lecture B. Utilisation de documents C. Rédaction D. Calcul E. Communication orale F. Capacité de raisonnement Résolution de problèmes Prise de décisions Planification et organisation du travail Recherche de renseignements H. Informatique Compétences génériques 2-recherche de solutions/débrouillardise 3-esprit d’équipe 4-facilité à s’adapter 5-capacité d’apprendre de ses expériences 6-capacité de faire des tâches répétitives 7-capacité de travailler sous pression 8-facilité à communiquer 9-sens de l’observation 10- sens de l’organisation 11- relations interpersonnelles 12-sens des responsabilités 13-minutie/capacité de suivre des directives 14- persévérance 15 planification des tâches 16 autonomie/prise de décisions 1 s.o. s.o. 1 1 1 s.o. s.o. 1 1 1 1 1 1 1 élevé 1 élevé 2 1 1 1 élevé 1 1 1 1 élevé 1 s.o. s.o. s.o. s.o. 1 s.o. s.o. 1 1 1 1 1 élevé 1 élevé 1 1 √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ 35