1 Pierre-Jean Andrieu Université Paris 71 3 avril 2011 pjandrieu

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 Pierre‐Jean Andrieu Université Paris 71 3 avril 2011 [email protected] Joëlle Bordet CSTB [email protected] Document de travail Séminaire Politiques Locales de Jeunesse2 Présentation de la démarche et des enseignements à mi parcours Le Centre Scientifique et Technique du bâtiment – CSTB – a mis en place, fin 2008, un séminaire autour du thème des politiques locales de la jeunesse. Ce séminaire réunit 9 communes3qui, avec le concours de Joëlle Bordet, avaient engagé, à la suite des révoltes de la jeunesse des quartiers populaires de 2005, une démarche de reformulation de leur politique de jeunesse. Ce séminaire est animé par Joëlle Bordet, chercheuse au CSTB et Pierre‐Jean Andrieu, professeur associé à l’Université Paris 7. Ce séminaire est un lieu d’échanges sur les pratiques et aussi un lieu de réflexion et de production collective concernant l’évolution des stratégies municipales de prise en compte des nouveaux enjeux de la jeunesse. La première phase des travaux de ce séminaire a porté sur les fondements des politiques locales de jeunesse et sur les stratégies de mise en œuvre de ces politiques. Elle vient de se terminer à l’occasion d’une journée de travail le 24 mars 2010. Elle a permis de mettre en évidence, au‐delà de la diversité des histoires et des situations locales, de réelles convergences sur quelques points essentiels : ‐
L’importance d’une autre lecture des enjeux de la jeunesse qui, à coté de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité, fasse une place explicite aux questions d’autonomie et de reconnaissance ; ‐
Un changement de statut de la politique de jeunesse qui de politique sectorielle devient une politique transversale, un enjeu démocratique lié au développement de la ville, ce qui suppose souvent une réorganisation municipale et la mise en place d’un processus continu d’animation ; ‐
La nécessité d’un renouvellement des démarches et des formes de contacts, de « rencontres » avec les jeunes qui impliquent une évolution des pratiques des institutions de jeunesse et des compétences des professionnels qui interviennent dans ce champ ; La seconde phase du séminaire va débuter à la fin du printemps 2011, elle est centrée sur la contribution des communes, à travers leur politique locale de jeunesse, à l’appui à l’autonomie de la jeunesse. Comment sur la base d’une vision renouvelée des enjeux, des démarches, des méthodes 1
Joëlle Bordet est docteur en psychosociologie, chercheuse au CSTB, Pierre‐Jean Andrieu, ancien délégué interministériel à l’insertion des jeunes, est professeur associé à l’université Paris 7 2
Ces travaux sont centrés prioritairement sur les jeunes de 16 à 25 ans 3
Aubervilliers, Dunkerque, Echirolles, Fontenay‐sous‐Bois, Gennevilliers, Grenoble, Rennes, Saint Denis, St Jean de la Ruelle 1 les communes contribuent elles à la définition et à la mise en œuvre des interventions publiques dans les domaines de l’emploi, du logement, de la santé, des ressources des jeunes. Autant d’interventions qui relèvent, en tout ou en partie d’autres collectivités publiques, ou d’EPCI, et sont souvent mobilisées dans le cadre de dispositifs partenariaux. Le premier point de cette note sera consacré à la présentation de l’économie générale des interventions qu’a conduites Joëlle Bordet dans les communes, le plus souvent en amont de la mise en place du séminaire « politiques locales de jeunesse. Interventions déterminantes qui prennent la forme d’une recherche action mobilisant élus, fonctionnaires territoriaux, professionnels de la jeunesse, et jeunes et dont l’enjeu est de produire une connaissance partagée de la jeunesse et de ses enjeux, et ainsi de faire émerger une nouvelle politique de jeunesse. Dans le deuxième point nous présenterons la démarche conduite dans le cadre du séminaire et nous déclinerons les principaux enseignements qui peuvent être tirés de la première phase des travaux Enfin dans un troisième point nous mettrons en perspective cette démarche en montrant qu’elle participe d’une reformulation de la « question jeune » dont témoignent dés à présent les débats qui se développent dans la perspective des futures échéances électorales A‐ La Recherche Action : présentation schématique des interventions de Joëlle Bordet à la demande des villes Le contenu et les modalités des interventions de Joëlle Bordet ont évolué avec l’expérience accumulée, ils sont adaptés au cas par cas en fonction de la demande formulée, on peut toutefois en présenter l’économie générale à partir d’une des dernières interventions réalisées : 1‐Enjeux : La formulation/reformulation d’une politique locale de jeunesse assortie d’une stratégie de mise en œuvre des orientations retenues ; une démarche réflexive qui mobilise élus, responsables administratifs et professionnels de terrain sur une période de 15 mois et s’appuie sur des rencontres avec des groupes de jeunes ; l’intervention est « un espace temps » qui permet aux acteurs mobilisés de prendre du recul par rapport à la pression du quotidien et de produire une connaissance partagée sur la jeunesse et ses enjeux et leur modalités au plan local.( la démarche correspond à 15 à 20 jours d’intervention) 2‐ Le dispositif : Le dispositif se compose de trois groupes distincts et d’une démarche spécifique avec des jeunes ‐
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2 Un groupe technique : l’élu jeunesse, le DGA en charge du secteur jeunesse et les responsables administratif et technique de ce secteur Un groupe stratégique : Les principaux élus et l’équipe de direction (lors de la dernières intervention ce groupe comprenait 10 élus et 5 directeurs) ; la mise en place de ce groupe traduit la volonté de considérer que la politique de jeunesse suppose une approche globale et transversale Plusieurs groupes de référence composés de professionnels en contact quotidiens avec les jeunes, ces professionnels sont les agents de la commune mais aussi des autres institutions qui interviennent sur le territoire (mission locale, foyer de jeunes travailleurs, prévention spécialisée, pjj….). Dans les villes de taille moyenne l’ensemble de ces professionnels peuvent être mobilisés, dans les grandes villes cette mobilisation sera concentrée sur deux ou trois quartiers. La démarche avec les jeunes comporte deux volets, des rencontres avec des groupes de jeunes ‐5 à 6 groupes « naturels » réunis par des professionnels (en fait il s’agit de groupes d’une dizaine de jeunes qui se connaissent et que connaissent les professionnels) complétées par des entretiens individuels 3‐ Les étapes : ‐
1° L’installation des divers groupes est l’occasion de présenter la démarche, les règles du jeu ‐ il n’y a pas de compte rendu des réunions de chaque groupe afin que la parole y soit très libre‐4 Elle permet aux participants de formuler leurs attentes et ainsi de faire émerger la diversité de ses attentes ‐ 2° Les divers groupe ont ensuite une ou deux séances de travail au cours de laquelle les participants sont invités à s’exprimer tout à la fois sur l’histoire locale, sur la perception qu’ils ont des interventions conduites en direction des jeunes, sur les valeurs autour desquelles ils se mobilisent. C’est l’occasion pour l’intervenante de présenter un état de la question en évoquant des travaux récents d’anthropologie, de sociologie et de psychologie faisant portant sur les évolutions des enjeux de la jeunesse. Ces premières séances permettent de dégager des thématiques de travail – lors de la dernière intervention : « faire la ville avec et pour les jeunes », « citoyenneté et relations intergénérationnelle », « accompagnement individuel et intervention collective » ‐ 3°1 Chaque thématique est prise en charge par un groupe de travail ad hoc, ces groupes ont pour mandat d’explorer la thématique ‐ enjeux, système d’acteurs, que fait‐on actuellement, que pourrait‐on faire ‐. Il s’agit de mobiliser de l’intelligence collective et de déboucher sur des propositions concrètes. Les groupes fonctionnent de manière autonome sans l’intervenante. ‐ 3°2 Parallèlement aux groupes thématiques ont lieu les rencontres avec les groupes de jeunes, en présence du ou des professionnels qui les connaissent, la thématique retenue « pour vous c’est quoi d’être jeune aujourd’hui dans votre ville » ne vise pas à dégager des besoins, voire des attentes mais bien plutôt à permettre aux jeunes de mettre en mots leur vie, leurs rêves, leurs difficultés, leurs espoirs. Joëlle Bordet anime ces rencontres et procède par ailleurs à quelques entretiens approfondis. Les matériaux qui se dégagent de ces rencontres sont ensuite analysés et mis en forme par les professionnels de terrain, sur la base d’une grille arrêtée avec l’intervenante. Le résultat est transmis à l’ensemble des participants de la démarche ‐ 4° Les productions des groupes thématiques et des « paroles » des jeunes font ensuite l’objet d’une restitution au groupe technique, au groupe stratégique et aux groupes de référence. L’objectif est de faire émerger une politique exprimée en terme d’enjeux et de valeurs, et de formaliser une stratégie en terme d’axes opératoires. Un rapport de synthèse retrace les diverses étapes et les conclusions de la démarche. Il fait l’objet d’une présentation à l’ensemble des acteurs de la démarche et sert de support pour les travaux des commissions municipales et pour la préparation des délibérations du conseil municipal. B‐ Le séminaire, enjeux et enseignements Les recherche‐actions conduites dans chaque site avec le concours de Joëlle Bordet sont des démarches qui représentent un investissement fort de la part des villes, elles débouchent le plus souvent sur la formulation de nouvelles orientations qui forcement remettent en cause des 4
Par contre, comme on le découvrira plus loin certaines des formations de travail donnent lieu à la production de notes et Joëlle Bordet remet un rapport en fin d’intervention. 3 représentations, des pratiques, des modes d’organisation et qui impliquent l’engagement dans la durée de processus de changement. Conscientes de ces défis plusieurs communes ont manifesté le souhait de disposer d’un lieu qui leur permette de confronter avec d’autres leurs expériences. C’est ainsi qu’a émergé l’idée du séminaire, conçu à la fois comme un lieu d’échanges de pratiques et comme un espace de production collective. C’est dans cette seconde perspective qu’a été précisé comme thème commun de travail, la mise ne perspective de l’histoire des interventions municipales en direction des jeunes et des fondements axiologiques et culturels de ces interventions. Chaque ville a ainsi accueilli une séance du séminaire qui a été l’occasion pour elle de faire cette mise en perspective, d’identifier les inflexions successives de ses interventions publiques et de décliner ses orientations actuelles et les conditions de leur mise en œuvre. S’agissant de villes ayant une longue tradition en matière d’interventions dans le champ de la jeunesse, à travers leurs propres services ou sur la base d’un partenariat avec le monde associatif et notamment avec des mouvements d’éducation populaire, le choix du thème a permis de faire émerger la succession et la juxtaposition des problématiques auxquelles ces villes se sont trouvés confrontées depuis une trentaine d’années. Histoire commune qui les a amené de pratiques pour l’essentiel éducatives périscolaires, liées aux loisirs, au sport, à la culture, à investir de nouveaux champs auxquels les convoquaient l’Etat à travers les dispositifs partenariaux5, auxquels les convoquaient bien plus encore l’évolution même de la jeunesse, des besoins et des attentes des jeunes et de leur famille. Cette mise en perspective permet de repérer les continuités, les permanences qui structurent les interventions de chaque ville, elle apporte un éclairage sur les résistances que peuvent rencontrer la mise en œuvre d’inflexions. Cette mise en perspective facilite dans le même temps la mise en évidence des convergences entre les villes et permet ainsi de dégager les caractéristiques communes des politiques locales que développent les villes engagées dans le séminaire. 1‐ Un autre regard sur les enjeux de la jeunesse Les recherches action ont pour premier effet de produire un élargissement du regard sur la jeunesse et ses enjeux. Comme l’a souligné le DGA d’une des villes lors d’une séance de bilan de la première phase du séminaire nous sommes désormais collectivement conscient que la jeunesse n’est pas seulement un ensemble d’individus appartenant à une tranche d’âge donnée, mais qu’elle est aussi un processus, le passage à l’âge adulte. Et un processus qui se développe dans une société elle‐même en mutation. Cette définition plus sociologique de la jeunesse n’est pas en soi une « découverte » ce qui est important c’est qu’elle soit désormais une connaissance partagée dans la ville entre élus, responsables administratifs et professionnels. Reconnaitre que la jeunesse, l’allongement de la jeunesse et l’évolution des pratiques des jeunes, est aussi un aspect et un effet des mutations de la société ‐ transformation de la famille, de l’école, du travail…‐ c’est forcement s’interroger sur les orientations et le contenu d’une politique de jeunesse. Doit‐on agir uniquement en direction des jeunes à travers des mesures ciblées sur telle ou telle catégories de jeunes avec un souci de cohérence des interventions ? Ne faut‐il pas aussi créer des conditions plus favorables à la socialisation ? On pourrait faire valoir que nombre de villes sont dés à présent engagées dans de telle démarche quand elles soutiennent des actions en matière de logement, de santé, d’insertion. Pour les villes engagées dans le séminaire le propos va toutefois plus loin : comment la ville peut servir de support positif, de cadre au processus de socialisation et d’émancipation, de reconnaissance et 5
Missions locales, CEL, CLS, CLI, DSQ, Contrats de ville…. 4 d’autonomie. Dés lors que l’on se pose cette question la politique de jeunesse change forcement de statut. 2‐ Un changement de statut de la politique de jeunesse L’adoption de nouvelles orientations pour leur politique de jeunesse s’est accompagnée, dans chacune des villes d’un changement de statut de cette politique, assorti le plus souvent d’une réorganisation qui permette de tirer les conséquences de ce changement de statut. L’élargissement du regard sur la jeunesse que l’on vient d’évoquer conduit forcement à sortir d’une politique sectorielle de jeunesse pour conduire une politique globale et transversale. Ce qui émerge dans les villes c’est une vision élargie du global et du sectoriel. Dés lors que l’on pense que la ville doit et peut, même modestement, assumer une responsabilité dans l’accompagnement des mutations en servant de cadre au processus de socialisation et d’émancipation, de reconnaissance et d’autonomie, la politique de jeunesse est partie prenante de la politique de développement de la ville et devient aussi un enjeu démocratique qui concerne l’ensemble des membres de la cité. Cette lecture des enjeux des politiques de jeunesse résulte des travaux du séminaire, elle est d’ailleurs, parfois explicitement présente dans les délibérations des communes prises à l’occasion de l’adoption de leur politique de jeunesse.6 Elle n’est pas simplement discursive, elle a une portée opératoire comme l’a souligné l’élu d’une ville « je comprends que la question pour la collectivité n’est plus seulement de répondre à des besoins par des équipements et des services, de trouver des solutions à des problèmes mais aussi d’assumer une responsabilité dans l’accompagnement d’une mutation profonde ». Ce changement de statut de la politique de jeunesse s’accompagne le plus souvent d’une réorganisation de l’organisation municipale tant au niveau du conseil municipal qu’à celui des services. L’enjeu c’est de mettre en musique les nouvelles perspectives tracées. Au niveau des élus cela implique de mettre en place des formes de travail collectif entre adjoints, au niveau des service cela se traduit soit par l’érection du service jeunesse en direction qui se voit investie d’un rôle de coordination et de mobilisation de l’ensemble des services autour de la mise en œuvre des nouvelles orientations, soit par la mise en place d’une mission jeunesse rattachée à un DGA. Les travaux du séminaire montrent que ces réorganisations ne suffisent pas à conduire un changement dans la durée si elles ne s’accompagnent pas d’un appui politique fort du premier magistrat et si elles ne sont pas assorties de processus continu d’animation. 3‐ Un renouvellement des pratiques Un des premiers effets de la recherche action est d’amener les professionnels de s’interroger sur leur connaissance des jeunes et de la jeunesse7 et sur leurs pratiques avec les jeunes. Il s’agit là pour chaque ville d’une question centrale comment faire évoluer les pratiques d’accueil de tous ceux qui 6
Il est intéressant de constater que l’on retrouve des explicitations très proches dans les délibérations de Départements et de Régions qui adoptent une politique de jeunesse‐ cf. par exemple les délibérations qui figurent sur le site de l’Assemblée des Départements de France ‐ 7
Cet effet lié notamment à l’investissement sur la mise en forme d’une parole des jeunes ne vaut pas bien entendu que pour les professionnels, nombre d’élus découvrent un univers qu’ils pensaient connaitre du fait de leurs activités professionnelles ou de leur statut de parents… 5 sont appelés à être des interlocuteurs des jeunes afin qu’au‐delà de leur missions propres ils puissent répondre au besoin de reconnaissance que manifestent nombre de jeunes, et pas seulement de jeunes en difficulté sociale. La question ne se pose d’ailleurs pas que pour les rencontres individuelles entre professionnels et jeunes, elle se pose aussi pour les rencontres avec les groupes de jeunes, groupes informels ou groupe constitués autour d’un projet. Les séances du seminaire dans chaque ville ont été l’occasion de découvrir la diversité des démarches en la matière, de la réorganisation des services jeunesse sur une base territoriale à la mise ne place de dispositifs de valorisation des groupes de jeunes à travers la mise à disposition de locaux, en passant par l’organisation de débats sur des sujets dont on sait qu’ils mobilisent fortement les jeunes, ou encore à l’appui aux projets culturels, comme par exemple la production de film qui permettent aux jeunes de dire ce qu’ils ont leurs rêves et leurs difficulté de vivre le racisme ou la discrimination. Ces dispositifs ne sont pas en soi entièrement nouveaux, il ne faut pas chercher à les « modéliser » car ce qui est le plus important c’est le sens que l’on donne au dispositif et la manière dont il est construit avec les professionnels et les jeunes. Ce qui est nouveau c’est que la perspective n’est plus seulement éducative et émancipatrice mais qu’elle participe à produire de la « reconnaissance » des jeunes. Sur un autre registre les travaux du seminaire viennent confirmer l’intérêt de faire évoluer les compétences des professionnels de la jeunesse. En la matière on a assisté sur les vingt dernières années à une diversification des métiers à partir de la « matrice originelle » animateur socioculturel d’un coté, éducateurs spécialisés de l’autre. Diversification « verticale » et horizontale des métiers de l’animation avec des spécialisations sur le sport, émergence des métiers de l’insertion et plus récemment de la médiation…. Cette diversification s’est faite plus autour de logiques sectorielles ou économiques que d’une réflexion en profondeur concernant les nouveaux enjeux de la jeunesse et les transformations des processus de socialisation. Ainsi les villes mettent en évidence de manière convergente que les interventions avec les jeunes et les groupes de jeunes supposent pour les professionnels d’avoir des compétences d’animation et des compétences d’accompagnement individualisé. Certaines villes ont en la matière conduit des expérimentations qui mériteraient d’être mieux connues. C‐ Vers une reformulation de la question jeune Le séminaire mis en place par 9 villes et le CSTB sur les politiques locales de jeunesse a sans doute une spécificité qui tient aux références psychosociologiques des recherches action conduites sur chaque site et à l’accent mis sur la reconnaissance de l’ampleur des transformations de la jeunesse. Pour autant il s’inscrit dans un mouvement plus général de renouvellement de l’investissement des collectivités territoriales dans le champ de la jeunesse. Les communes qui pendant longtemps ont contribué à l’ambition éducative du pays en mettant en œuvres, à partir d’équipements, des activités périscolaires liés aux loisirs, à la culture et aux sports, se sont trouvés sollicités par l’Etat pour contribuer à la mise en place et à l’animation des nombreux dispositifs visant à apporter des solutions aux deux problèmes autour desquels se sont polarisées les interventions publiques depuis 30 ans, le chômage et la violence. Elles ont été souvent interpellées d’une part par une certaine désaffection de leur offre d’équipements et de services qui les a obligés à s’adapter aux pratiques des jeunes et d’autre part par les limites évidentes des dispositifs de lutte contre le chômage et l’insécurité. Il n’est pas étonnant dés lors que nombre d’entre elles s’engagent dans des démarches qui les conduisent à réinterroger leurs orientations et leur pratiques. Les départements et les régions qui à la différence des communes ont des compétences explicites en matière de jeunesse ‐ la protection de l’enfance pour les départements et la formation et l’insertion 6 professionnelles pour les régions8 ‐ ont, dés les années 90, développé des interventions très au‐delà de leurs compétences explicites, ce qui a amené ces collectivités territoriales à engager des démarches pour mettre en sens leurs interventions dans le cadre de politiques de jeunesse. Quand on examine les productions récentes de ces collectivités territoriales autour du thème des politiques de jeunesse on ne peut qu’être frappé par le fait que dans tous les cas ces collectivités abordent les questions de jeunesse non en termes de problèmes sociaux à traiter mais d’abord en termes de transformations que l’on qualifiera de sociétales. De manière convergente cela les amène à mettre l’accent sur les questions de socialisation et d’émancipation, de reconnaissance et d’autonomie et à aller dans la voie de politiques qui ont vocation à s’adresser à l’ensemble des jeunes. On peut avancer qu’à travers ces démarches nombre de collectivités participent à une reformulation de la « question jeune » et qu’elles peuvent, sur la base de leur expérience, apporter une contribution importante aux débats qui se développent dans la perspective des prochaines échéances démocratiques. L’évolution des enjeux de la jeunesse suppose des reformes nationales de grande ampleur de manière à adapter notre Etat social à la nouvelle donne du passage à l’âge adulte, l’exemple de pays voisins montre l’importance des « cadres sociaux » dans la confiance que les jeunes mettent dans leur propre avenir et dans l’avenir de leur pays.9 Ces reformes ne pourront intervenir qu’à travers une mobilisation très large, les collectivités territoriales sont d’autant plus légitimes à y prendre leur part qu’elles auraient dans l’hypothèse d’une reforme ambitieuse un rôle essentiel pour faire vivre cette réforme. 8
Auxquelles s’ajoutent comme pour les communes des compétences en matière de bâtiments scolaires. 9
Dans les pays du nord de l’Europe, et notamment le Danemark ou la Suède, l’existence de dispositifs qui permettent aux jeunes quels que soit leur origine sociale et leur parcours d’investir dans la formation bien au‐
delà de l’âge de la majorité est un signe fort de reconnaissance des jeunes de la part de la société mais aussi une manifestation claire des attentes de cette société vis‐à‐vis d’eux… 7