25-04 pierre verger-conference juin 2015 toulouse franaises face a
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25-04 pierre verger-conference juin 2015 toulouse franaises face a
Peurs infondées ou défiance légitime : les françaises face à la vaccination P. Verger, P. Peretti-Watel ORS Paca, UMR INSERM-IRD SESSTIM 5èmes Assises Nationales de Gynécologie, 2015 Toulouse Contexte international • Crise de confiance dans la vaccination dans les pays occidentaux et ceux en développement (Larson 2011) • Accroissement des inquiétudes du public à l’égard de la sécurité des vaccins • Réduction de la couverture de la population pour certains vaccins • Assassinats d’agents vaccinateurs dans certains pays (Nigéria 2013, Pakistan 2014) Contexte français : multiplication des controverses • Vaccin hépatite B : 1994, campagne de vaccination à l’école/1996, premiers cas de SEP/1998, suspension de la campagne • Adjuvants aluminiques : 1998, 1ére publication sur myofasciite à macrophage (Lancet) • Pandémie A/H1N1 : 2009, campagne de vaccination de masse = échec (CV de 8%) : multiples polémiques • Vaccin HPV : 2013-14, plaintes pour maladies autoimmunes/2014, pétition lancée par un MG pour demander un moratoire sur le vaccin/CV en déclin : 26 % en 2009, 20 % en 2013 Impact des polémiques en 2009 sur les opinions à l’égard de la vaccination en général en France (18-75 ans) 100% 90% 80% 70% 60% Très favorable 50% Plutôt favorable 40% Plutôt pas favorable 30% Pas du tout favorable 20% 10% 0% 2000 2005 2010 Source, Baromètres santé INPES de 2000 à 2014 2014 Opinions défavorables vis-à-vis de vaccins spécifiques (18-75 ans) A quelles vaccinations êtes-vous défavorable ? (Baromètres santé INPES 2010, 2014). HPV ROR BCG 2014 Hépatites 2010 Toutes grippes Griipe A/H1N1 0 10 20 30 40 50 De l’opposition à la vaccination à l’hésitation vaccinale • Opposition à vaccination : existe depuis son introduction (Variole, XVIIIème siècle) mais reviviscence depuis années 90 • A quoi est-elle due ? – Ignorance (Elliman 2001), peurs irrationnelles (Spier 2001), panique morale, contagion psychologique (Ofri 2009, Gilman 2010) ? – Ou bien meilleure information ? – Les parents refusant de vacciner leurs enfants sont très attentifs à leur santé et veulent se faire une opinion, par eux-mêmes, des bénéfices et risques de la vaccination (Velan 2012, Sporton 2001) • En plus de l’opposition, on parle maintenant d’hésitation vaccinale (Larson, 2014; Dubé 2013; Yakub 2014) L’hésitation vaccinale : une notion hétérogène • « Vaccine hesitancy refers to delay in acceptance or refusal of vaccines despite availability of vaccine services. » Hésitation vaccinale Accepte toute vaccination Accepte certains vaccins, en retarde, refuse d’autres Accepte mais pas sûr SAGE working group on vaccine hesitancy (WHO) Refuse toute vaccination Refuse mais pas sûr L’hésitation vaccinale : un processus de décision… • Arbitrage intuitif entre risques et bénéfices perçus − Les risques perçus : effets secondaires potentiels (documentés ou imaginaires) des vaccins, mais aussi leurs coûts (temps, argent, douleur, etc.). − Les bénéfices perçus : o Efficacité et utilité perçue du vaccin o Fonction de la gravité et fréquence perçue de la maladie o Et du sentiment de vulnérabilité vis-à-vis de cette maladie y compris risque perçu d’exposition … sous l’influence de facteurs sociétaux (Peretti-Watel, Verger 2015) • La « culture du risque » (ou « santéisme », Giddens 1991) : – Discours de promotion de la santé exhorte les gens à devenir les entrepreneurs de leur propre vie, à contrôler leurs comportements et utiliser les sources d’informations mises à leur disposition pour maximiser leur espérance de vie : il pousse à l’engagement individuel dans les questions de santé • Désenchantement vis-à-vis de la science (Beck 1992) : – Retournement du scepticisme scientifique contre la science ellemême – Correspond à une attitude de personnes éduquées et très informées – Les personnes qui décident de prendre leur santé en main sont alors confrontées à des sources de connaissance discordantes – Importance cruciale alors de la confiance placée dans ces sources d’information, officielles, non officielles… Engagement et confiance Forte confiance dans les autorités, la science + Faible engagement dans sa santé + Acceptation Active, éclairée Acceptation inconditionnelle - + Hésitation active rationalisée Hésitation Liée à la négligence, l’oubli - Fort engagement dans sa santé Refus Faible confiance dans les autorités, la science Entretiens qualitatifs auprès de 19 mères d’adolescentes (2014) sur HPV • Les mères prennent la décision – Veulent être actrices de la décision : engagement +++ – Les mères les plus hésitantes se documentent le plus • Décision évidente quand : – Ligne de conduite contre médecine allopathique – Ou report de responsabilité sur le médecin • Eléments perturbateurs de la décision – Les controverses (TV, radio) instillent le doute sur le discours médical, peuvent stopper une vaccination en cours (rôle de la pétition signée par 400 médecins) – Recherche d’information sur internet entretient le doute : pas d’arguments définitifs convainquants – Mais internet perçu comme peu fiable voire anxiogène Entretiens qualitatifs auprès de 19 mères d’adolescentes (2014) sur HPV • Le rôle des médecins – Pour certaines mères, le médecin est un guide – Pour d’autres, méfiance lorsque l’avis du médecin est péremptoire : besoin de dialogue – Souvent au moins 2 médecins évoqués/consultés, mais qui croire quand avis contradictoires – Médecin = porteur d’une parole publique ; mais recherche de leur véritable avis (ce qu’ils feraient pour eux-mêmes) • Obstacles à la décision de se vacciner – Manque d’information : ne pas comprendre comment un vaccin peut empêcher un cancer – Penser qu’on peut faire autrement que de se vacciner (mode de vie et pratiques de santé sains) • Vaccins et société – Vaccination est une question politique : campagnes de prévention = propagande – Ou vaccination = devoir vis-à-vis de la société : protéger les autres Rôle pivot des médecins et notamment des généralistes • Prescrivent les vaccins, suivent l’application du calendrier vaccinal, donnent des explications sur les vaccins (Schmitt 2007) • Constituent une source d’information fiable sur les vaccins selon les patients (Freed 2011) • Leurs recommandations ont un impact sur les comportements de vaccination des patients (Schwarzinger 2010) Hésitation vaccinale : présente aussi chez les médecins Opinions, attitudes et pratiques des MG/vaccin HPV % d’accord Vacciné ses filles (11-25 ans) contre HPV 76 Recommandent le vaccin HPV souvent/toujours 72 De nos jours certains vaccins recommandés sont inutiles 26 Les enfants sont vaccinés contre trop de maladies 20 Lien probable entre vaccin HPV et SEP 5 Manque de connaissances et de recul sur risques du vaccin HPV 60 Doute de son efficacité 24 Source : Panel 3 représentatif de 1574 médecins généralistes de ville, DRESS, SESSTIM, ORS, URPS-ML, 2014. 14 Facteurs associés à la recommandation du vaccin HPV par les MG Régression logistique multiples ; modèle averaging. Variables Catégories Odds IC95% Ratio Rang du facteur Perception balance risques/efficacité (ref = pas de doute) Doutes sur risques Doutes sur efficacité Doutes sur les deux 0,4 0,3 0,1 0,3-0,6 0,2-0,7 0,1-0,2 1 Vacciné ses filles de 11-25 contre HPV (ref = oui toutes) Non Pas de filles de 11-25 0,1 0,4 0,1-0,2 0,3-0,7 2 Doutes sur l’utilité des vaccins en général Score de 2 à 8 0,8 0,7-0,9 3 Patientes avec un cancer du col dans les 5 ans (ref = non) Oui 1,5 1,1-1,9 4 Source : Panel 3 représentatif de 1574 médecins généralistes de ville, DRESS, SESSTIM, ORS, URPS-ML, 2014. 15 Conclusion : comment avancer ? Besoins de recherche • En sciences sociales +++ – Mesurer l’hésitation vaccinale – Déterminants : ex. rôle de l’altruisme ? – Veille sociologique sur Internet • Interventionnelle +++ : besoin « d’evidence based medicine » – Formation des médecins : « savoir-faire » – Communication des risques auprès du public • Restaurer la confiance dans les pouvoirs publics