Pratiques secrètes de la CIA: un secret de Polichinelle, selon des

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Pratiques secrètes de la CIA: un secret de Polichinelle, selon des
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Agence France Presse
24 janvier 2006 mardi 5:40 PM GMT
Pratiques secrètes de la CIA: un secret de Polichinelle, selon des
experts (PAPIER D'ANGLE)
AUTEUR: Par Michel MOUTOT
ORIGINE-DEPECHE: PARIS 24 jan 2006
Les pays européens alliés des Etats-Unis sont politiquement gênés d'admettre des pratiques secrètes de la
CIA en Europe qui, dans le cadre de la lutte antiterroriste, étaient connues et tolérées, estiment experts et
analystes.
Enlèvements de suspects, transports dans des avions d'affaires, escales discrètes en bout de piste dans de
petits aéroports, transferts dans des pays connus pour pratiquer la torture: l'arsenal de la guerre de l'ombre
était employé depuis des années par la centrale américaine, assurent-ils.
Elle bénéficiait de la bienveillance de services amis qui, s'ils n'étaient peut-être pas au courant de tous les
détails, ne pouvaient ignorer l'essentiel.
"Tout cela était de notoriété publique dans le monde du renseignement depuis des années. Cela se faisait
au su de tout le monde, jusqu'à ce que cela devienne un scandale politique", explique Claude Moniquet,
qui dirige à Bruxelles l'European Strategic Intelligence and Security Center.
"Une fois que c'est dans la presse mondiale, les gouvernements concernés sont bien obligés de se blanchir
par rapport à leurs opinions publiques... Politiquement, c'est pas facile", ajoute-t-il.
Remettant mardi un rapport au Conseil de l'Europe, le parlementaire suisse Dick Marty, chargé d'enquêter
sur de possibles prisons secrètes de la CIA sur le continent, a souligné qu'"il n'est simplement pas
vraisemblable que les gouvernements européens, ou du moins leurs services secrets, n'aient pas été au
courant" de ces "livraisons".
Le terme "livraison" désigne le transfert secret d'un suspect arrêté dans un pays vers un lieu où il ne sera
pas protégé par les conventions internationales, en particulier celles interdisant la torture.
Evoquant l'utilisation d'avions privés, un ancien membre de la DGSE (renseignements extérieurs français),
qui demande à ne pas être identifié, affirme que "tous les services, toutes les armées du monde font la
même chose".
"Vous donnez le nombre de passagers dans le plan de vol, et c'est tout. Il n'y a pas de loi qui leur impose de
détailler la liste des passagers. Ces avions ont pu se poser n'importe où, si les plans de vol étaient en règle,
il n'y a rien à dire", déclare-t-il.
Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, assure: "Ces histoires me font
sourire... Ce genre de pratique est vieux comme les services..."
"Le fait que la communauté européenne lance un rapport est une opération mort-née: elle ne pourra rien
obtenir (...) Sur le droit international comme sur le plan des renseignements, on est dans la norme", selon lui.
La réticence de certains pays et de la plupart des services de renseignement européens à révéler ce qu'ils
savent vraiment n'est pas une surprise, estime Claude Moniquet.
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"Pour les pays qui ont des services de renseignement offensifs, comme les Etats-Unis, la France ou la
Grande-Bretagne, cela ne cessera pas. Il faut un contrôle, des systèmes de contrôle internes existent sans
que l'on soit obligé de convoquer les services devant le grand tribunal de l'opinion publique", selon cet
analyste.
"Si on les force à s'exprimer, ils vont mentir: pour des raisons de protection des sources, des méthodes, de
protection politique des gouvernement impliqués, fatalement ils ne diront pas la vérité", souligne-t-il.
mm/plh
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DATE-CHARGEMENT: 25 janvier 2006
LANGUE: FRENCH; FRANÇAIS
TYPE-PUBLICATION: Dépêche
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