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L’Encéphale (2009) 35, 176—181
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MISE AU POINT
Approche clinique du suicide au cours de la
schizophrénie (I). Identification des facteurs
de risque
Clinical features of suicide occurring in
schizophrenia (I). Risk-factors identification
N. Besnier a,b, G. Gavaudan a,c,d,∗, A. Navez a,c, M. Adida a,
F. Jollant e, P. Courtet e, C. Lançon a,d
a
Service hospitalo-universitaire de psychiatrie adulte, hôpital Sainte-Marguerite, Marseille, France
UMR 6193 CNRS, faculté de médecine, université de la méditerranée, institut des neurosciences cognitives
de la Méditerranée, Marseille, France
c
UMR 6578 CNRS, laboratoire de médecine légale, faculté de médecine, université de la Méditerranée, Marseille, France
d
EA 3279, évaluation hospitalière et santé perçue, faculté de médecine, université de la Méditerranée, Marseille, France
e
Inserm U888, service de psychologie médicale, CHU de Montpellier, université Montpellier-1, Monpellier, France
b
Reçu le 5 juillet 2007 ; accepté le 25 février 2008
Disponible sur Internet le 13 juin 2008
MOTS CLÉS
Schizophrénie ;
Suicide ;
Facteurs de risque ;
Prévention
Résumé Malgré la mise en place de programmes de prévention et l’amélioration des méthodes
de prise en charge des pathologies psychiatriques, le suicide reste une cause majeure de souffrance individuelle et sociale. En particulier, 10 à 13 % des patients souffrant de schizophrénie
se suicident, tandis que 20 à 50 % commettent des tentatives de suicide. Ces gestes sont marqués par une plus grande létalité, due à l’usage de moyens plus violents que dans la population
générale et traduisant une moindre ambivalence.
Si les hommes jeunes sont les plus touchés, les femmes isolées présentent un risque élevé.
Les antécédents personnels ou familiaux de tentatives de suicide ou de suicides représentent un
facteur de risque majeur. Le suicide peut survenir à n’importe quel moment de la maladie, mais
lors de phases précoces, aiguës, de rechute ou de dépression, les patients sont particulièrement
vulnérables. Le rôle de l’insight et de la symptomatologie positive nécessite d’autres études,
tandis que celui du désespoir n’est plus à démontrer. Enfin, il semblerait que certains effets
secondaires des antipsychotiques, en particulier l’akathisie, entraînent un risque plus élevé de
suicide, tandis que certains antipsychotiques auraient un effet protecteur.
∗ Auteur correspondant. Unité de médecine légale, service du Pr Leonetti, CHU Timone, 264, rue Sainte-Pierre, 13385 Marseille
cedex 05, France.
Adresse e-mail : [email protected] (G. Gavaudan).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2008.02.009
Approche clinique du suicide au cours de la schizophrénie (I)
177
Malgré la mise en lumière de ces facteurs de risque, le suicide demeure très fréquent au cours
de la schizophrénie. Une meilleure connaissance des facteurs de risque comme de protection
est nécessaire à la mise en place de programmes de prise en charge précoce de la maladie pour
lutter contre le suicide.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Schizophrenia;
Suicide;
Risk factors;
Prevention
Summary
Introduction. — Suicide is the leading cause of premature death in schizophrenia. Approximately
10 to 13% of deaths in schizophrenia are explained by suicide, despite widespread availability of
generally effective antipsychotic treatments and suicide attempts have been reported among
20 to 50% of patients. This relatively low ratio of attempts/suicide is consistent with greater
lethality of means — more violent — and intents — less ambivalence — in this population.
Literature findings. — Many studies have focused on risk factors and clinical characteristics for
completed and/or attempted suicide. Commonly, sociodemographic risk factors for suicide are
male sex, younger age and, among women, being unmarried, divorced or widowed. Previous
suicidal behaviour is a strong risk factor for suicide and contrary to the common view, schizophrenic patients often communicate their suicidal intents shortly before death. Moreover,
family history of suicide is associated with a heightened risk of suicide and is independent of
the diagnosis, according to the growing literature that shows that vulnerability to suicidal behaviour is independent of psychiatric diagnosis. Suicide can occur throughout the entire course
of schizophrenia. This is particularly true in those high-risk periods: early phase of the disease,
active illness phase, period of relapse or during a depressive episode. The role of insight and
positive symptoms remains unclear and probably needs further studies. Although not specifically for people with schizophrenia, hopelessness is a major risk factor and tragic loss is often
presented as a trigger for suicide. It has been suggested that treatment side-effects, such as
akathisia are associated with suicidal behaviour.
Conclusion. — A better knowledge of risk and protective factors is necessary to prevent suicide
and suicidality.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Le suicide est actuellement l’un des principaux défis de la
santé publique. Ce phénomène est remarquable par sa prévalence, sa portée transculturelle, son coût économique et
par ses conséquences dramatiques au sein de l’entourage
des suicidants.
La description des comportements suicidaires et
l’identification des facteurs de risque est une première
étape indispensable à la compréhension des mécanismes
suicidaires et à l’élaboration de programmes de prévention
appropriés. Il s’agit, notamment, de définir des populations
particulièrement vulnérables requérant l’attention des
professionnels concernés.
Plus de 90 % de ces conduites surviennent chez des sujets
souffrant de troubles psychiatriques. Parmi eux, les patients
souffrant de schizophrénie présentent une morbimortalité
bien supérieure à celle de la population générale, en particulier au niveau du suicide [9]. L’évolution des méthodes
thérapeutiques n’a pas permis de réduire la prévalence des
tentatives de suicide (20 à 50 %) ni des suicides (10 à 13 %)
dans cette population. La caractérisation des comportements suicidaires de ces patients est donc nécessaire pour
l’application de stratégies de prévention ciblées.
Nous présenterons les principaux motifs avancés par les
patients pour justifier leurs comportements suicidaires, ainsi
que les méthodes employées. Puis, nous développerons
les facteurs de risque de conduites suicidaires identifiés ; nombreux sont communs avec la population générale,
mais d’autres, plus spécifiques, méritent l’attention des
cliniciens et le développement de prises en charge
spécifiques.
Les motifs suicidaires
Les raisons invoquées par les patients souffrant de schizophrénie pour expliquer leur passage à l’acte sont
principalement d’ordre dépressif et/ou psychotique. Selon
Aguilar et al. [2], 48 % des patients font des tentatives de
suicide pour motifs psychotiques, 36 % pour motifs dépressifs, 5 % à cause des effets secondaires, 5 % en raison de
difficultés sociofamiliales, 5 % pour d’autres raisons. Dans
l’étude de Harkavy-Friedman et al. [15], les patients justifient leur passage à l’acte par la description de symptômes
dépressifs (50 %), par des symptômes psychotiques : idées
de persécution, ordres hallucinatoires. . . (35 %), la perte
d’un proche (25 %), un événement de vie stressant (20 %),
des abus physiques et/ou la discrimination (6 %) ou par
d’autres motifs : effets secondaires des traitements psychotropes, abus de substances, « fuite », attirer l’attention
(18 %).
Les méthodes suicidaires
Les méthodes utilisées au cours du passage à l’acte sont
plus violentes et létales chez les sujets schizophrènes que
dans la population générale ou, même, déprimée [7]. Selon
Harkavy-Friedman et al. [15], 42 % des cas inclus se sont
suicidés par intoxication médicamenteuse volontaire, 16 %
par phlébotomie, 8 % par défenestration ou en sautant dans
le vide, 6 % par pendaison et 18 % par arme blanche et/ou
accident de la circulation.
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N. Besnier et al.
Tableau 1
Récapitulatif des facteurs de risque de suicide chez les patients souffrant de schizophrénie.
Sociodémographiques
Anamnestiques
Psychologiques
Sémiologiques
Thérapeutiques
Sexe masculin
Atcd personnel de CS
Désespoir
Prise en charge
hospitalière
Jeune âge
Ethnie caucasienne
Atcd familiaux de CS
Début insidieux
Impulsivité
Insight de qualité
Sous-type clinique
Schizoaffectif
Paranoïde
Dépression
Conduites addictives
Isolement socioaffectif
Célibat
Absence
d’emploi
Évolution chronique
Épisodes aigus fréquents
Hospitalisations
Fréquentes
Courtes
Sous contrainte
Retard de prise en charge
Cognition préservée
Nulliparité
Compliance ?
Neuroleptiques
classiques
Symptômes positifs
Signes extrapyramidaux
Fonctionnement
global altéré
Atcd : antécédent ; CS : conduites suicidaires.
Kreyenbuhl et al. [20] ont observé : défenestration/saut
dans le vide (40 %), intoxication médicamenteuse volontaire
(27 %), noyade (13 %), pendaison (7 %), arme blanche (7 %),
arme à feu (7 %), autres méthodes — immolation, empoisonnement, accident de circulation — (1 %). Par ailleurs,
les patients souffrant de schizophrénie semblent particulièrement s’assurer de la réussite du passage à l’acte,
notamment, en prenant soin de s’isoler ou encore de planifier l’heure du suicide de manière à éviter toute interférence
avec autrui ; ce constat est interprété comme une forte
détermination suicidaire [20].
Facteurs de risque
De nombreuses études épidémiologiques ont recherché les
facteurs associés à la survenue des conduites suicidaires
chez les patients souffrant de schizophrénie (Tableau 1).
Ces études sont très hétérogènes, tant sur le plan méthodologique (études descriptives, études contrôlées avec calcul
du risque relatif) que sur la nature du comportement suicidaire étudié (idéations et projets suicidaires, tentatives
de suicide, suicide avéré). Néanmoins, certains facteurs,
communs à la population générale ou spécifiques à cette
pathologie, semblent fortement associés au suicide et
requièrent la vigilance des praticiens.
Facteurs sociodémographiques
Il est établi que les conduites suicidaires dans la schizophrénie sont plus fréquentes chez le sujet jeune au cours
des phases précoces de la maladie [18,24,25,30,34,36]. Le
risque diminue avec l’âge [27] ; néanmoins, une recrudescence est observée chez certains malades âgés résistants et
ayant une mauvaise insertion sociale [26]. Chez le sujet âgé,
la détermination suicidaire est plus importante avec un ratio
tentatives de suicide/suicide de 4 à 6/1 contre 200/1 chez
le sujet jeune [8].
Dans la schizophrénie, comme dans la population générale, les hommes se suicident plus que les femmes [8,10].
Mais le risque relatif de suicide par rapport à la population
générale est plus élevé chez les femmes souffrant de schizophrénie (sexe-ratio de deux hommes pour une femme dans
la schizophrénie contre trois pour une dans la population
générale).
Dans les études réalisées, tant dans des pays européens
qu’aux États-Unis, le suicide survient plus fréquemment
chez des patients d’origine caucasienne [11,16,18,36].
Les facteurs socioéconomiques contribuant à altérer la
qualité de vie sont associés à un risque majoré de suicide :
isolement social [30], faible niveau d’éducation [1,19], revenus insuffisants [13], absence d’enfant chez la femme [24].
Pour certains, un faible fonctionnement psychosocial
prémorbide serait un facteur de risque de conduites suicidaires [24]. Selon d’autres, ce serait l’altération du
fonctionnement après l’émergence de la maladie qui favoriserait ces conduites, surtout si la désadaptation survient
précocement [22].
Enfin, Siris [35] met en évidence le rôle de la stigmatisation dont sont bien fréquemment victimes les patients
souffrant de schizophrénie.
Facteurs anamnestiques
Un antécédent personnel de conduites suicidaires est un des
principaux facteurs de risque, indépendamment du trouble
psychiatrique dont souffre le patient [18,28,36]. Ce risque
croît avec la létalité de la méthode employée par le patient
pour se donner la mort [10]. Selon certains auteurs, il s’agit
du meilleur facteur prédictif de suicide [16].
La prise en compte des antécédents familiaux de suicide est également fondamentale [10,16]. Ce facteur
augmente la fréquence et la létalité des comportements
suicidaires, indépendamment des antécédents personnels
et de la psychopathologie [23]. Ce résultat est en accord
avec l’hypothèse d’une vulnérabilité génétique au suicide
retrouvée dans les études d’agrégation familiale, indépendamment de la maladie ou du trouble psychiatrique
concerné.
Il semble qu’un âge précoce du début de la maladie soit
associé à un plus fort taux de suicide [24,36]. Les passages à
l’acte suicidaire surviennent le plus souvent au cours des
Approche clinique du suicide au cours de la schizophrénie (I)
premières années d’évolution de la maladie, en particulier dans les suites de l’annonce du diagnostic. Ce serait
au cours de la première année que surviendrait la majorité des passages à l’acte [25]. Les épisodes aigus, ainsi que
leurs suites immédiates, sont également des périodes de
grande vulnérabilité [16], comme les hospitalisations répétées [1,10,19,36].
Le taux de suicide augmente avec la durée de la maladie
non traitée et le risque serait multiplié par 12 en cas de
retard à la prise en charge supérieur à un an [3].
Enfin, plusieurs travaux relèvent l’existence d’un événement de vie stressant ou d’une perte importante peu
avant la survenue du comportement suicidaire [10]. Un
traumatisme ancien (abus physique ou sexuel) constituerait
également un facteur de vulnérabilité [34].
Facteurs sémiologiques
Contrairement à une idée souvent répandue, les patients
ne se suicident pas de façon imprévisible et brutale. La
présence d’idées ou de plans suicidaires chez un patient
souffrant de schizophrénie est, en effet, associée à un haut
risque de passage à l’acte [1,10,28].
La symptomatologie de la schizophrénie semble associée de façon variable au risque suicidaire. Le risque serait
multiplié par 2,28 en cas de trouble schizoaffectif [30]
et il existerait des antécédents de tentatives de suicide
chez 42,8 % des patients présentant un trouble schizoaffectif contre 27,3 % dans la schizophrénie [36]. Par ailleurs, le
risque est plus important dans la schizophrénie paranoïde
que dans les formes déficitaires [12].
La plupart des travaux échouent à mettre en évidence un
lien entre symptômes négatifs et suicidalité [18]. Mais pour
certaines équipes, il existe une association négative [12],
alors que d’autres retrouvent une association positive [1].
L’influence des symptômes positifs sur le risque suicidaire
des patients souffrant de schizophrénie est plus largement
débattue. Selon certains, ce risque est associé à la présence de symptômes psychotiques, en particulier les idées
délirantes et la suspicion [2,10,12,18] ; selon d’autres, il
n’existe aucune association [13], voire une association négative [34].
De nombreuses études suggèrent le rôle de la
dépression dans la genèse de comportements suicidaires chez les patients souffrant de schizophrénie
[1—3,10,16,13,18,19,28,34,36].
La dépression dans la schizophrénie serait largement
sous-diagnostiquée. Sa prévalence varie, en effet, entre
19 et 81 % selon les travaux [21]. Cela tient, en partie,
aux difficultés d’établir un diagnostic différentiel entre des
symptômes dépressifs et des symptômes négatifs persistants. Par conséquent, la prise en charge de la dépression
dans la schizophrénie, actuellement insuffisante, constitue
une priorité pour réduire le risque suicidaire.
L’abus de substances, particulièrement fréquent chez
les patients souffrant de schizophrénie, est associé à un
excès de comportements suicidaires [14]. Cette comorbidité constituerait un facteur prédictif majeur de passage
à l’acte [19], et serait étroitement liée à des facteurs
biologiques ou génétiques [4]. Le risque est plus particulièrement établi pour la nicotine et pour l’alcool [3,28].
179
Par ailleurs, l’usage de substances psychoactives aggrave les
conséquences médicales des tentatives de suicide.
Facteurs psychologiques
L’altération de l’insight dans la schizophrénie serait liée
aux troubles cognitifs, en particulier ceux impliquant les
fonctions des lobes frontaux et pariétaux. L’étude des
interactions entre l’insight et le risque suicidaire donne
des résultats pouvant sembler contradictoires. Un insight
de qualité est associé à une bonne adhésion au traitement et une évolution positive de la maladie, alors qu’un
insight pauvre serait un facteur de risque de suicide, par
le biais d’un manque d’observance et d’une évolution
péjorative [5]. En contrepartie, il a été démontré qu’une
bonne conscience de la maladie semble fortement associée à une symptomatologie dépressive plus intense [32]
et à un risque suicidaire augmenté [19,35]. La prise de
conscience de certaines dimensions pathologiques accroîtrait plus particulièrement le risque suicidaire : l’existence
d’idées délirantes, d’une anhédonie, d’un émoussement
affectif, de difficultés relationnelles [6], de la nécessité du
traitement et des conséquences sociales du trouble.
L’existence de désespoir est un des principaux facteurs
de risque, quel que soit le contexte clinique [2]. Selon Kim
et al. [19], il s’agit du facteur prédictif le plus important.
L’influence des fonctions cognitives sur le risque suicidaire est controversée. Certains auteurs, soulignant le lien
entre qualité de l’insight et fonctionnement cognitif, suggèrent indirectement une relation positive entre cognition
et risque suicidaire [10,19,22]. Une bonne conscience de
la maladie, des capacités cognitives préservées et un bon
niveau prémorbide contribueraient à l’émergence du désespoir chez les patients schizophrènes [19]. D’autres auteurs,
en revanche, ne retrouvent aucun effet de la cognition sur
le risque suicidaire [29].
Un lien a récemment été établi entre troubles cognitifs
et risque suicidaire chez des suicidants non schizophrènes :
la perturbation de la prise de décision (évaluée par l’Iowa
Gambling Task ou IGT) pourrait être un trait de vulnérabilité
suicidaire [17]. Cette fonction cognitive, fortement corrélée
au fonctionnement du cortex orbitofrontal, est également
altérée dans la schizophrénie [31]. En outre, des anomalies structurales et fonctionnelles du cortex orbitofrontal
ont été corrélées à de mauvais résultats à l’IGT, à un mauvais insight et à des cognitions sociales altérées [33]. Ces
éléments pourraient converger vers un dysfonctionnement
social ainsi qu’une mauvaise observance et augmenter le
risque suicidaire.
L’impulsivité est souvent corrélée aux conduites suicidaires chez les sujets souffrant de schizophrénie [10]. En
outre, ce trait de personnalité caractérise également les
conduites addictives, facteur de risque suicidaire indépendant.
Facteurs liés à la prise en charge thérapeutique
Chez les patients souffrant de schizophrénie, il est montré
que les difficultés d’accès aux soins constituent un facteur
de risque de conduites suicidaires [11]. Mais le séjour hospitalier représente lui-même une circonstance favorable au
180
passage à l’acte [11,25]. La période la plus à risque de suicide correspond aux premières années qui suivent la sortie
de l’hôpital, voire le premier mois [25]. Il apparaît donc
légitime de promouvoir un suivi ambulatoire rapproché à
l’issue de l’hospitalisation. Enfin, Desai et al. [11] suggèrent
qu’une hospitalisation favorise le passage à l’acte suicidaire
lorsqu’elle est de courte durée.
Si les neuroleptiques classiques ont révolutionné la prise
en charge des patients psychotiques, ils n’ont pas permis
une diminution du taux de suicides dans la schizophrénie. La
prise de neuroleptiques pourrait même constituer un facteur
de risque de décès par suicide [3]. Les effets secondaires
extrapyramidaux, en particulier l’akathisie, aggraveraient
le risque de suicide par la gêne fonctionnelle occasionnée
et leur effet dépressogène propre [28]. En revanche, certains neuroleptiques atypiques pourraient exercer un effet
protecteur [3].
Une bonne compliance au traitement, en lien avec un
insight de qualité, le désespoir et la dépression, pourrait
être associée à la suicidalité [2]. Cependant, il a été, à
l’inverse, suggéré que le suicide était favorisé par une mauvaise compliance, un manque de confiance et une attitude
négative envers le traitement par le biais d’une évolution
péjorative du trouble — recrudescences psychotiques, hospitalisations et détérioration du fonctionnement [10,35].
Conclusion
L’ensemble de ces résultats illustre la richesse de la
littérature sur ce sujet. Mais leur interprétation demeure
parfois délicate. Si certains facteurs de risque peuvent être
appréhendés selon un schéma linéaire, d’autres nécessitent certainement une approche plus nuancée. Le cas de
l’insight, concept multidimensionnel, est particulièrement
typique. Un bon insight, comme un mauvais insight peuvent,
selon les circonstances, favoriser l’éclosion d’idées et de
comportements suicidaires.
L’identification de facteurs de risque demeure une étape
essentielle vers l’élaboration de stratégies de prévention et
de soins. Il ne faudrait pourtant pas négliger l’intérêt des
facteurs de protection. Ces derniers ne sont pas simplement
une inversion des facteurs de risque ; ils représentent plus
certainement des caractéristiques propres aux patients non
suicidaires. Ils pourraient devenir dans les années à venir
une voie de recherche essentielle dans la lutte contre le
suicide au cours de la schizophrénie.
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