le grand retour du prix
Transcription
le grand retour du prix
Numéro 3 3 janvier 2005 Cédric Ducrocq, Dia-Mart “LE GRAND RETOUR DU PRIX” ! L’année 2004 a été marquée par un retournement sensible de conjoncture pour les hypers et supers avec des chiffres d’affaires anémiques, voire négatifs. Comment l’expliquer ? 2004 n’est que le révélateur d’une crise plus structurelle. Depuis plusieurs années, nous assistons à une hausse continue des prix et des marges des enseignes. En parallèle, ces mêmes enseignes ont de plus en plus de difficultés à argumenter sur la valeur ajoutée de leur offre. Le résultat est logique. A trop tirer sur l’élastique, il finit par casser. C’est ce qui s’est passé cette année. Pourtant, on n’a jamais autant parlé du prix qu’en 2004... C’est vrai ! A l’évidence, le sujet de l’année a été le discount. C’est le grand retour du prix ! Et à tous les niveaux... Dans la communication des enseignes, dans l’environnement politique du commerce, dans l’opinion, dans les stratégies des enseignes elles-mêmes ou encore dans les quelques magasins laboratoires testés ici ou là. Reste que ce “retour du prix” n’a pas suffit... Cette prise de conscience dans les enseignes ou ces 2 points de baisse des PVC négociés sous l’égide de Nicolas Sarkozy sont encore trop modestes par rapport à l’ampleur du problème. Voilà dix ans que les distributeurs font du gras. Les consommateurs ne sont pas dupes. Si 2004 a certes marqué une inflexion, elle ne compense pas des années de dérive. La tendance à moyen terme n’a pas fondamentalement changé : les marques et les enseignes ont perdu de leur légitimité économique. Ce qui profite essentiellement au hard-discount ? Absolument, mais ce n’est pas la seule explication au développement du hard-discount. Il y a d’une part l’effet de parc, avec des créations encore importantes. D’autre part, les dérives des grandes marques et des enseignes qui, ne parvenant pas à justifier leur écart de prix, conduisent tout droit les consommateurs chez Aldi ou Lidl. Et, enfin, il y a une attente plus globale des consommateurs pour le prix bas, ce qui favorisent tous les circuits discount, alimentaires ou non... Prenez des enseignes comme Gifi ou Foir’Fouille qui se développent à un rythme incroyable actuellement. L’année a aussi été marquée par le repositionnement des MDD. Qu’il s’agisse de création de nouvelles gammes plus discount, ou de baisse des prix des gammes existantes. Comment l’analyser ? Je veux y voir une démarche salutaire pour les enseignes. Pendant dix ans, les distributeurs ont vécu sur un schéma selon lequel pour créer de la valeur pour l’actionnaire, il fallait à tout prix suivre la voie de la valeur ajoutée, donc proposer des produits toujours plus élaborés, toujours plus chers pour le consommateur. Ce qui, au passage, est plus une logique d’industriel Bilan 2004 Tribune Grande Conso entame avec Cédric Ducrocq, p-dg de Dia-Mart, une série d’entretiensbilans de l’année 2004 avec les meilleurs experts de la distribution. que de distributeur. Désormais, on sent une prise de conscience. Le repositionnement des MDD en est un symbole. A vos yeux, c’est donc une bonne stratégie ? Faute de pouvoir jouer sur le prix des grandes marques, oui cela me paraît une bonne stratégie. Mais n’oublions pas que pour améliorer le plus efficacement possible l’image-prix d’une enseigne, il est plus pertinent de jouer sur des produits comparables d’un magasin à l’autre, donc sur les grandes marques. Mais ce n’est actuellement pas possible, du fait de la réglementation. Donc une réforme de la loi Galland qui aurait pour conséquence une baisse des prix serait une bonne voie pour le commerce ? Pour le commerce et pour les marques ! D’ailleurs, ce n’est pas juste une “bonne” voie. C’est “la” voie pour redynamiser toute la filière. Les plus sceptiques, notamment le Ministre du Commerce, mettent en exergue le spectre d’un scénario à la néerlandaise, avec une “casse sociale” qui accompagnerait la baisse des prix. Faut-il y croire ? Je lis effectivement ces “alertes” sur les menaces d’un scénario à la néerlandaise. De mon point de vue, cela traduit une mauvaise compréhension de ce qui s’est réellement passé aux Pays-Bas. Observateur avisé et reconnu de la distribution, Cédric Ducrocq est p-dg de Dia-Mart, société de conseil en stratégie, marketing et organisation. Depuis 15 ans, il conseille de nombreuses entreprises de distribution. Cédric Ducrocq est par ailleurs membre de la Commission des Comptes commerciaux de la Nation. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le commerce dont “La nouvelle distribution” (Editions Dunod). Pourquoi ? Parce que les situations ne sont en rien comparables ! Aux Pays-Bas, les premiers plans sociaux sont intervenus avant la baisse des prix. Ensuite, la conjoncture était très différente, avec une baisse du PIB, donc une récession. Le cadre réglementaire, qui est très libéral, n’entrave pas la revente à perte. C’est aussi une différence fondamentale. Plus spécifiquement sur Ahold, qui est l’instigateur de cette guerre des prix, sa situation n’était absolument pas comparable avec celle de nos enseignes. Non, très sérieusement, la menace d’un scénario à la néerlandaise n’est objectivement pas crédible. Autre scénario : le statu-quo. Autrement dit un cadre réglementaire qui n’évoluerait pas ou peu. Quelles en seraient les conséquences ? C’est peut-être paradoxal, mais à très court terme, il ne faut rien en craindre. Les distributeurs continueraient à engranger des marges arrières, les prix des marques resteraient élevés. A plus long terme, en revanche, ca serait la confirmation d’un diagnostic inquiétant sur l’état des distributeurs français qui se transformeraient en rentiers, assis sur leurs mètres carrés, mais ayant perdu tout dynamisme. Regardez le jugement des marchés boursiers. Depuis quelques années, Carrefour et Casino ne sont plus considérés comme des valeurs de croissance. C’est un signe ! Soit, mais y a-t-il un risque ? Encore fois, pas à court terme. Mais ne nous leurrons pas : nous sommes dans une spirale... à pente douce. En France, les hypers et les supermarchés perdent régulièrement des parts de marché au profit du hard-discount. Et à l’international, il y a manifestement une érosion de la compétitivité des groupes français. Pour un distributeur, la bagarre sur les prix (ce qui est sa raison d’être), c’est surtout une manière d’être bon... Tesco l’a démontré en Grande-Bretagne avec une impressionnante croissance dans les années 1990... Oui, et le cas de Tesco est exemplaire. C’est aujourd’hui le groupe que l’on désigne dès que l’on cherche des exemples de bonnes pratiques, de réussites, etc. Alors que depuis des dizaines d’années on montrait plutôt des groupes français. Le contre-exemple à cette théorie du “tout pour le prix” est bien français... C’est Super U qui, sans être la moins chère, est l’enseigne qui gagne le plus de parts de marché... Entendons-nous bien... L’objectif n’est pas le prix pour le prix ! Ce qui importe, c’est la capacité des enseignes à argumenter, à légitimer, à justifier leur positionnement. En d’autres termes, à faire comprendre aux consommateurs en quoi le prix qu’on leur demande de payer est justifié par la valeur ajoutée réelle que propose le magasin. Si aujourd’hui des consommateurs quittent les hypers ou les supers pour le harddiscount, c’est parce qu’ils adhèrent moins au mix de l’enseigne. Et force est de constater qu’à leur niveau de prix, les hypers et les supers ont perdu de leur attractivité... Dans le cas de Super U, son gain de part de marché signifie que c’est l’enseigne qui justifie le mieux son positionnement. De quelle manière ? Super U profite encore aujourd’hui d’importants efforts menés à la fin des années 1990, notamment au niveau de l’outil. De plus, je pense que l’enseigne a trouvé le bon dosage entre le national, le régional et le local. Chez Super U, on ne fait pas du “marketing de siège”. Le bon sens commercial est palpable. C’est ce qui a donné du contenu au slogan “Nouveaux Commerçants” qui, à l’origine, n’était que publicité. C’est désormais des valeurs que les clients ont perçues. Plus globalement, quelles voies les enseignes doivent-elles suivre pour reprendre l’initiative ? A défaut de pouvoir sensiblement jouer sur le prix en raison de la réglementation, les enseignes doivent s’interroger sur la prestation qu’elles offrent au consommateur pour le niveau de prix qu’elles lui demande. C’est de l’analyse de la valeur appliquée à la distribution : “dans tout ce que je propose au client, qu’est-ce qui a vraiment de la valeur ? Pour quoi est-il prêt à payer?”. Par exemple, une offre trop profonde, donc incompréhensible, c’est un non sens commercial. De même, les accords de gamme sont mortels. Première étape donc : resserer les assortiments pour les rendre lisibles. Ensuite, dans un contexte de prix relativement harmonisés entre enseignes, le merchandising a un rôle crucial à jouer pour aider le consommateur. Voilà une valeur ajoutée sur laquelle les enseignes doivent se positionner. Quel regard portez-vous sur les tests de magasins discount menés entre autres par Champion ou Casino ? Le fait que plusieurs enseignes réfléchissent dans cette direction est intéressant. C’est la preuve qu’elles ont pris la mesure du problème. En revanche, je reste dubitatif sur la capacité de gérer deux modèles de distribution aussi différent (par exemple un Champion “classique” et un Champion “ultra-discount”) sous une même enseigne et dans une même structure. Ca revient à faire du lowprice sans être nécessairement low-cost ! LA SAGA DU COMMERCE FRANCAIS ENFIN DISPONIBLE ! La formidable épopée du commerce, racontée telle une saga. Le bêtisier de l’année [par Frédéric Carluer-Lossouarn et Olivier Préfaces exclusives de Paul-Louis Halley, Edouard Leclerc, Jean-Claude Jaunait et Jean-Claude Plassart. Propos recueillis par Olivier Dauvers Une année à arpenter les magasins, éplucher les prospectus et décoder la communication des enseignes. 80 pages de photos et de partis pris ! Offre spéciale 27€ HT port compris Editions DAUVERS 21 rue de la Poterie – 35200 RENNES – 02 99 50 18 90 – [email protected] Déjà 1 500 exemplaires diffusés ! Offre spéciale 21 € >> 17 € HT Réservez votre exemplaire [email protected]