King Kong chez Barnum

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King Kong chez Barnum
King Kong chez Barnum
Ce soir, dans votre ville, le plus grand spectacle du monde !
Cette phrase harangueuse venait de me réveiller en sursaut, chaque syllabe
nasillarde résonnait dans mon esprit embué, il faut dire que la veille à la soirée
chez Mamma Travis, le Bourbon avait coulé à flot, j’essayais de me ressaisir
tandis que la voix en provenance de la rue continuait son texte :
- « Le cirque Ringling Bros Barnum and Bailey vous présente son attraction
extraordinaire, King Kong en chair et en os ».
Comme une mouche attirée par le miel j‘allai ouvrir les persiennes pour en
savoir plus. Le choc de la lumière du jour et celui de la campagne publicitaire me
firent reculer d‘un pas. King Kong les yeux injecté de sang me fixait menaçant,
j’ajustait mieux ma vue pour enfin comprendre: Sur le mur d’en face, un placard
géant, illustrait la venue du singe monstrueux, le texte racoleur le présentait
comme « aussi gros qu’une maison ». Tous les murs des alentours, les vitrines
des magasins, les poteaux, étaient recouverts de calicots, d’affichettes. Un
amoncellement de couleurs de lettres, de slogans, transfiguraient ma bonne ville
de Myrtle Beach (joyau de la Caroline du sud) en bazar.
Ses habitants furent immédiatement partagés en deux groupes bien distincts ;
les crédules et le incrédules, quoique après réflexion, les sceptiques et les
croyants avaient eux aussi leur opinion à donner. Personnellement je me
classais juste entre les sceptiques et les incrédules.
A peine sortie, je ne pus m’empêcher de faire comme tout le monde, en parler. Je
faisais la remarque : si nous avions un jour la chance de voir un animal de la
mythologie tel que la licorne, le cerbère, le centaure, gageons que se serait dans
ce cirque. Un esprit aussi inventif que Phinéas Barnum ne pouvait se contenter
des seuls animaux de la création pour remplir son zoo. Pourquoi aurait-il reculé
devant le fait que King Kong se trouve être un animal fictif, pourvu qu’il attire la
curiosité et les foules. Voilà sans doute l’essentiel de son raisonnement, toutefois,
il faut reconnaître King Kong c’était un peu gros. Les sceptiques ajouteront
« gros comme une maison ».
En fin d’après-midi le même camion annonciateur retraversa le centre ville pour
déclarer à l’aide de son porte voix puissant, l’annulation du spectacle. Sitôt dit,
une rumeur de déception s’éleva dans tout Myrtle Beach, le bonimenteur attendit
qu’elle se calma pour ajouter
« Mais nous vous réservons une faveur, comme seul le cirque Barnum peut
accorder. Une grandiose parade traversera votre ville demain matin à neuf heure
où entre autre sera exhiber l’incroyable King Kong et pour terminer cette
mémorable journée en apothéose à 2OhOO vous pourrez assister à la séance du
plus grand show du monde. Nous vous attendons !»
Suite à cette tournure inattendue des évènements, la pression s’accentua. Dans la
ville les crédules, les incrédules, toutes les tendances confondues se
promettaient de vérifier
Malgré mon mal de tête persistant, je pensais: Quel sens de la publicité, Phinéas
Barnum était à la hauteur de sa réputation. Il avait réunis tous les ingrédients,
toutes les ficelles du métier pour nous maintenir en haleine. Évidemment la
journée fut longue… Comme une journée sans King Kong. Je pus constater que
mes concitoyens, mes collègues et autres clients potentiels parvenaient à la
même conclusion.
Dans Myrtle Beach et ses environs les pendules, les réveils furent vérifier,
remontés, cajolés afin de prévenir d’aucunes défaillances qui auraient pu
empêcher ses habitants d’assister à cet évènement. Le lendemain matin dès huit
heures. Une foule s’amassa dans main road. De ma vie de Myrtelian jamais autant
de gens furent réunis, une distribution gratuite de billets de 100 dollars n’aurait
pas eu plus de monde.
La longue attente fit grandir le scepticismes, de bonne guerre pour l’intérêt de la
cause dus-je admettre.
Puis, emmenée par une fanfare rutilante, la superbe caravane du cirque Barnum
apparut, pompeuse et fier de l’être. Certes il y avait des chars splendides, des
costumes étincelants, une cavalerie impressionnante mais l’impatience de la
foule ne sut résister, elle commença par scander King Kong! King Kong !
Doucement puis fortement avec une assurance revendicatrice.
Enfin, dans une remorque conçue à sa taille, King Kong se présenta à nos yeux
ébahis. Imposant, Immense … Pour comparer sa stature je dus employer le
slogan qui m’avait paru stupide. Il était : aussi gros qu’une maison, son regard
inquiétant semblait scruter chaque individu, ses gestes lents laissaient deviner
une puissance colossale. La foule se tu, émerveillée, fascinée, les témoins de cette
parade ne se posaient plus de questions sur l’existence de la créature.
Avais je rêvé ? La logique m’interdisait de croire à ce que j’avais vu. Houdini lui
même ! Dans ses tours les plus mystificateurs ne serait jamais parvenu à un tel
résultat.
Le cerveau en ébullition je passais en revue toutes les hypothèses sans résultats.
Pourtant, je l’avais bien senti sur son passage, une odeur de singe caractéristique,
La magie devait être exclue …à moins que l’illusion ? Dans un éclair je compris.
Bien sûr ! Il ne pouvait s’agir d’un animal aussi grand, il y avait là un subtil
subterfuge, cette question s’imposa : « si ce n’est pas la bête alors » …Alors, la
vérité se dessina dans mon esprit perplexe en quête de réponses concrètes.
De nos jours le cinématographe l’a démontré, on arrive à reproduire fidèlement
la maquette d’une ville entière à l’échelle désirée 85 % inférieure dans ce cas
précis. L’animal en réalité était un gorille de taille normale, seulement, comparé à
son environnement, il prenait des proportions de monstre. Cette tromperie avait
été montée de main de maître à notre insu, sans doute au cours de la nuit,
profitant de notre sommeil tourmenté … Mais comment ont-ils pu nous réduire ?
Et jusqu’à quand cela va t’il durer ? Là, je cessais de me poser des questions à
cause de mon mal de tête devenu trop puissant.
Dr Steinman

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