Avis concernant le projet d`arrêté du Gouvernement wallon

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Avis concernant le projet d`arrêté du Gouvernement wallon
Doc.2014/CCE.1266bis – A.229
DG/CRi
Le 3 avril 2014
Avis concernant le projet d’arrêté du Gouvernement wallon
relatif à la gestion des terres excavées et modifiant les arrêtés
du Gouvernement wallon du 14 juin 2001 favorisant la
valorisation de certains déchets, du 13 novembre 2003 relatif à
l’enregistrement des collecteurs et des transporteurs de
déchets autres que dangereux et du 10 juillet 1997 établissant
un catalogue des déchets
En date du 30 janvier 2014, le Gouvernement wallon a adopté en première lecture un
projet d’arrêté relatif à la gestion des terres excavées et modifiant les arrêtés du
Gouvernement wallon du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de certains déchets, du
13 novembre 2003 relatif à l’enregistrement des collecteurs et des transporteurs de
déchets autres que dangereux et du 10 juillet 1997 établissant un catalogue des déchets.
La Commission consultative de l’Eau, ci-après dénommée la Commission, a décidé de
rendre un avis d’initiative sur ce dossier.
Présentationdudossier
Le projet d’arrêté règle le transport, l’utilisation et la gestion de terres excavées. Il porte
sur l’ensemble des terres excavées, qu’elles aient ou non le statut de déchets. Il ne
s’applique cependant pas :
•
•
aux terres de voirie réutilisées en voirie, sauf exceptions ;
à l’utilisation de terres excavées au sein même du terrain d’origine, sans passer par
une installation autorisée. Le Gouvernement prévoit d’éditer un guide d’application
des terres excavées qui réglera cette question.
Le projet d’arrêté exécute l’article 4 du décret relatif à la gestion des sols, suivant lequel
le Gouvernement peut réglementer l’utilisation des terres excavées sur ou dans les sols
en fonction de leurs caractéristiques et de celles des milieux récepteurs. Il modifie par
ailleurs l’arrêté du Gouvernement wallon du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de
certains déchets pour permettre la valorisation des terres excavées qualifiées de déchets
aux mêmes conditions que toutes les terres excavées. A cet effet, il amende l’annexe I
en spécifiant que ces terres doivent répondre aux exigences de l’AGW relatif à la gestion
des terres excavées pour être utilisées de la façon prévue dans ladite annexe.
Des conditions d’utilisation des terres excavées sont fixées afin d’assurer une
cohérence avec le décret sols :
1 1) De manière générale, les terres excavées ne peuvent être utilisées sur un terrain
récepteur que si :
- elles ne contiennent pas plus d’un certain pourcentage de certains matériaux, en
masse et en volume ;
- leur utilisation n’engendre aucun risque pour l’environnement ou la
santé
humaine.
2) Les possibilités d’utilisation dépendent en outre du type d’usage du terrain d’origine
et du terrain récepteur. A cette fin, on considère à la fois l’usage de droit (affectation
au plan de secteur ou au plan communal d’aménagement) et l’usage de fait.
Si le type d’usage de droit et le type d’usage de fait sont différents, on retient :
- le type d’usage le plus grand – c’est-à-dire celui pour lequel les normes de
concentration en polluants dans le sol sont les moins contraignantes – pour le
terrain d’origine ;
- le type d’usage le plus petit - c’est-à-dire celui pour lequel les normes de
concentration en polluants dans le sol sont les plus contraignantes – pour le
terrain récepteur.
⇒ Les terres excavées non soumises à analyse ne pourront être utilisées sur un
terrain récepteur que si :
Type d’usage du terrain d’origine ≤ Type d’usage du terrain récepteur
c’est-à-dire si :
Contraintes minimales du TO ≥ Contraintes maximales du TR
⇒ Les terres excavées soumises à analyses ne pourront être utilisées sur un
terrain récepteur que si les concentrations en polluants sont toutes inférieures
à la valeur la plus haute entre la concentration de fond et la valeur seuil du
terrain récepteur.
Des dérogations sont prévues concernant l’utilisation de terres excavées
soumises à analyse sur un terrain récepteur de type d’usage V (usage
industriel).
Le projet d’arrêté définit les cas dans lesquels une analyse des terres excavées doit
être réalisée avant utilisation sur un terrain récepteur. Ceux-ci sont de quatre ordres :
- terres non issues d’une installation autorisée et provenant d’un terrain d’origine
(potentiellement) pollué ou atteignant un volume supérieur à 250 m³ (400 m³ pour
les maisons unifamiliales) ;
- terres provenant d’un terrain d’origine dont le type d’usage correspond à des valeurs
seuils supérieures à celles du type d’usage du terrain récepteur ;
- terres issues d’une installation autorisée ;
- terres excavées provenant d’un terrain d’origine situé en tout ou en partie en dehors
du territoire de la Région wallonne.
Un système de traçabilité des terres excavées est instauré. En effet, tout mouvement
de terres soumises à analyse nécessitera une autorisation préalable. Dans les autres cas,
une notification suffira. Le chauffeur procédant à un transport de terres devra être en
possession d’un bon de transport.
2 Les formalités en matière de traçabilité ne sont pas applicables :
- aux mouvements de terres excavées non soumises à analyse lorsque le volume de
terres est inférieur à 10 m³ ;
- aux terres de betteraves et d’autres productions maraîchères utilisées sur des terres
agricoles ou en remblayage et aménagement de sites affectés à une zone d’usage de
type II.
L’autorisation et l’attestation de notification seront délivrées par un organisme agréé.
Les conditions et procédures d’octroi de l’agrément de même que les conditions
d’exercice de celui-ci sont définis par le projet d’arrêté. Il est prévu notamment que les
organismes agréés perçoivent des contributions auprès des entreprises intervenant dans
le transport et l’utilisation de terres excavées et ayant conclu un contrat d’adhésion. En
l’absence d’organisme agréé pour le suivi et la gestion des terres excavées, c’est l’Office
wallon des déchets qui sera chargé de cette mission.
S’agissant des terres de voirie utilisées en voirie, elles restent soumises à l’AGW du
14 juin 2001 tel que modifié par le présent projet d’arrêté. Deux cas sont prévus :
-
soit ces terres peuvent être valorisées sans restriction géographique mais elles
doivent alors satisfaire à un test de lixiviation ;
soit ces terres peuvent être valorisées sans analyses/tests préalables mais leur
utilisation doit se faire à proximité immédiate du site d’excavation et dans le cadre
d’un nombre restreint d’utilisations.
Il est interdit de déplacer des terres contaminées par une espèce végétale non
indigène envahissante faisant partie d’une liste arrêtée par le Ministre de la Nature. Si
le déplacement est nécessaire, les terres contaminées sont gérées conformément aux
dispositions arrêtées par ledit Ministre.
Les dispositions relatives aux conditions d’utilisation des terres excavées, à la traçabilité
et aux modifications de l’AGW du 14 juin 2001 entreront en vigueur 6 mois (24 mois
pour ce qui concerne la notification) après la publication au Moniteur de l’agrément d’un
organisme chargé de la gestion des terres excavées. La note au Gouvernement précise
que le reste de l’arrêté entrera en vigueur 10 jour après sa publication au Moniteur.
AvisdelaCommission
Remarquesgénérales
La Commission souligne l'importance de légiférer en vue d'assurer la traçabilité des
mouvements de terre. Elle constate que par rapport à ses versions antérieures, le texte a
évolué. Les dispositions sont plus claires et davantage structurées, ce qui améliore la
lisibilité du document.
La Commission tient néanmoins à souligner que cet arrêté va occasionner des coûts non
négligeables compte tenu du passé industriel de la Wallonie et de la contamination
consécutive de superficies importantes de terres par des substances polluantes.
La Commission s’interroge également sur la possibilité de disposer d’installations
autorisées en nombre suffisant pour faire face aux obligations de l’arrêté.
Enfin, la Commission lit, dans la note au Gouvernement wallon (page 3), que « le guide
d’application sera présenté en même temps que l’adoption définitive du projet d’arrêté ».
Elle regrette que ce document n’ait pas été disponible directement dans la mesure où il
3 va conditionner la mise en œuvre des dispositions de l’arrêté. Elle insiste pour que son
avis soit sollicité sur ce texte et pour que celui-ci soit adopté en même temps que
l’arrêté.
Remarquesparticulières
1. Les articles 2 et 9 devraient faire ressortir plus clairement que l'arrêté s'applique en
fait à la gestion des terres évacuées. Les terres excavées qui ne font l'objet d'aucun
mouvement ne sont pas concernées.
2. La Commission constate que contrairement à ses précédentes versions, le texte ne
permet pas d'exclure du champ d'application du projet d'arrêté les terres de
découverture de l'industrie extractive, qui font pourtant l'objet de législations spécifiques,
ni les terres de betteraves. La Commission le regrette. Elle demande que les mots "entre
autres" soient supprimés dans l'article 1er, §2, 5° et que l'article 2 soit modifié de façon
à exclure clairement ces cas de figure.
3. La Commission note que l’article 5 interdit de déplacer des terres contaminées par une
espèce végétale non indigène envahissante faisant partie d’une liste arrêtée par le
Ministre de la Nature. Si le déplacement est nécessaire, il doit être organisé selon des
règles fixées par ledit Ministre.
L’application de cet article appelle donc l’adoption d’un arrêté ministériel. La Commission
regrette que ce texte ne soit pas sorti au même moment que le projet d’arrêté.
La Commission rappelle par ailleurs que la circulaire du 30 mai 2013 (M.B. du 11 juin
2013) établit déjà une liste de plantes invasives dont l’usage est prohibé. Elle se
demande si une nouvelle liste sera dressée en exécution du présent projet d’arrêté et
plaide pour une mise en concordance de ces deux réglementations.
4. La Commission recommande de prendre en compte les valeurs particulières figurant
dans le certificat de contrôle du sol du terrain récepteur dans le cadre de l'utilisation des
terres excavées soumises à analyse (article 8, §§ 5 et 6).
Elle considère que le §6 de l'article 8 sera difficilement applicable étant donné qu'il
suppose une analyse de plusieurs terrains susceptibles de recevoir les terres polluées
avant tout mouvement de celles-ci. En outre, étant donné les exigences du décret sols,
peu d'industriels accepteront de recevoir de telles terres, à moins qu'elles n'aient fait
l'objet d'un traitement dans une installation autorisée.
Dans la foulée et de manière plus générale, la Commission craint que la Wallonie ne se
voie confrontée à une pénurie de terrains récepteurs pour accueillir les terres
contaminées. Elle souligne que cette éventualité n'est pas prise en compte par le projet
d'arrêté qui ne règle donc pas l'entièreté de la problématique des terres excavées.
5. La Commission est d'avis qu'il conviendrait de supprimer les obligations d'analyses
liées aux mouvements de terres d'une capacité comprise entre 250 m³ et 400 m³ lorsque
le terrain d'origine n'est pas susceptible d'être contaminé. Seul le seuil de 400 m³ devrait
subsister.
Elle estime en outre que l'article 10 §3 doit être complété par les termes "sauf si le
terrain récepteur est le terrain d'origine."
6. La Commission relève que le texte ne prévoit pas la possibilité d'autoriser des
stockages temporaires de terres. Elle demande que cette disposition soit introduite. A
défaut, les terres qui ne peuvent pas être utilisées dans l'immédiat devront
4 automatiquement être transférées dans une installation autorisée où elles feront l'objet
d'un traitement générateur de coût, sans que cela soit nécessairement obligatoire.
A ce propos, la Commission soulève la question du sort à réserver aux stockages
temporaires de terres destinées à être réutilisées sur le même site.
La Commission recommande de spécifier les règles applicables en la matière dans le
guide d’application. Celles-ci devront réaliser un juste équilibre entre l’impact financier
des obligations en matière d’analyse et d’assainissement et le bénéfice environnemental
attendu.
7. La Commission demande que dans le cadre des activités industrielles, le terrain
d'origine corresponde aux limites du site de l'établissement. Dans le cas contraire, en
effet, tout transfert de terres de même qualité entre deux emplacements d'un même site
industriel sera soumis aux obligations d'analyse et de traçabilité prévues par le projet
d'arrêté.
8. La Commission note que le projet d'arrêté impose des contraintes parfois inutilement
lourdes dans les zones de prévention. En effet, en vertu du classement opéré par le
décret sols, ces zones sont rattachées au type d'usage II (usage agricole), qui fait l'objet
de normes très strictes. Elles ne peuvent donc recevoir certaines terres qui, pourtant, ne
représentent pas nécessairement un danger pour la qualité de l'eau souterraine, compte
tenu des conditions de lessivage au sein des remblais et à travers la zone non saturée du
sol, particulièrement significatives dans le cas des nappes profondes. La Commission
recommande donc de mettre au point un système spécifique aux zones de prévention,
qui permettrait de mieux y appréhender les risques.
9. Le projet d'arrêté prévoit, dans l'article 13, que dans le cadre d'une demande de
certificat TO par le maître d'ouvrage, les analyses réalisées dans les deux ans qui
précèdent peuvent être valablement produites. Compte tenu de la longueur de ce type
d'étude, la Commission pense que ce délai devrait être porté à 5 ans, à l’instar de ce qui
est prévu par le décret sols dans le cas des sites à réaménager, pour autant qu'aucun
élément générateur de pollution ne soit intervenu au cours de cette période.
La Commission souhaite par ailleurs qu'il soit veillé à ce que les analyses des terres
excavées ne dédoublent pas les analyses éventuellement réalisées sur le terrain d'origine
en application du décret sols.
10. La Commission souligne qu'à l'heure de la dématérialisation, il faudrait réserver
davantage de place à la transmission des documents sous forme électronique. Il
conviendrait également de s'assurer que les procédures mises en place correspondent
bien avec la manière de fonctionner des entreprises (gestion des transports/logistique).
11. La Commission constate que la gestion de la traçabilité des mouvements de terres
excavées est confiée à des organismes agréés. Elle s'interroge sur le bien-fondé de cette
option et se demande pourquoi cette mission ne pourrait pas être remplie par l'Office
wallon des déchets. Elle prend acte de la déclaration figurant dans la note au
Gouvernement wallon (point D), suivant laquelle l'OWD ne dispose pas du personnel
nécessaire pour gérer cette nouvelle réglementation, ce qui justifie que cette tâche soit
externalisée. Elle estime que dans ce contexte, d'autres pistes pourraient être explorées :
mise au point d'une procédure agréée par l'OWD (de type EMAS par exemple), création
d'asbl par les Pouvoirs publics (communes ou intercommunales) ou encore instauration
d'un système de notification a posteriori en lieu et place de la procédure d’autorisation.
En tout état de cause, il convient d'une part d'éviter que les formalités liées aux
mouvements de terre ne retardent les chantiers et d'autre part de veiller à ce que
l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des terres excavées soient partie
5 prenantes dans le dispositif mis en place. Dans cette optique, si la solution proposée
dans le projet d'arrêté devait être retenue, il serait impératif qu'une saine concurrence
existe entre les organismes agréés, ce qui implique qu'il y en ait plusieurs (au moins
deux), et que la composition de leur Conseil d'administration garantisse une
représentation équilibrée de tous les acteurs concernés.
12. La Commission note que les terres de voirie utilisées en voirie restent régies par
l'AGW du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de certains déchets, tel que modifié par
le présent projet d'arrêté. La Commission pense que cette disposition appelle une
définition précise des terres de voirie. A cet égard, le point 2° du paragraphe 2 de
l'article 1er lui paraît insuffisant dans la mesure où il n'indique pas jusqu'à quelle
profondeur les terres excavées doivent être considérées comme des terres de voirie.
La Commission estime par ailleurs qu'en dehors des cas visés par l'article 29, §5, les
terres de voirie devraient pouvoir être réutilisées en voirie, après traitement, sous le
statut de matériaux de construction conformes au cahier des charges QUALIROUTES,
sans test de lixiviation préalable.
13. La Commission rappelle que le décret relatif à la gestion des sols, tel que modifié par
le décret actuellement en projet, soustrait de la liste des faits générateurs des obligations
les demandes de permis ayant pour objet exclusif la réalisation d'un réseau de
distribution ou d'assainissement d'eau, d'électricité, de gaz, de télécommunication, de
télématique ou de télédistribution. La Commission se demande si, pour être en cohérence
avec le décret « sols », il ne faudrait pas exclure les terres excavées découlant de ces
activités de même que celles qui sont liées aux autres transports de fluides du champ
d'application du présent projet d'arrêté et les soumettre à un régime spécial.
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