Sujet de thèse : Conversion du CO2 par plasma non
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Sujet de thèse : Conversion du CO2 par plasma non
Sujet de thèse : Conversion du CO2 par plasma non-thermique 1. Problématique générale La valorisation du dioxyde carbone est un des grands enjeux du 21ème siècle au regard des problèmes liés au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources fossiles. Elle peut être également utile dans les systèmes embarqués fermés pour convertir le CO2 produit en vecteur énergétique utile pour les usages de bord. Les voies de conversion envisagées sont généralement des voies de catalyse (photo-catalyse, électro-catalyse ou thermo-catalyse), mais une alternative consiste à utiliser des décharges plasmas [Fridman, 2008]. Parmi les méthodes plasmas, on distingue les plasmas thermiques et les plasmas non-thermiques. Les plasmas thermiques consistent à chauffer le CO2 à des températures pouvant aller à plusieurs milliers de Kelvin. Leur efficacité énergétique maximale est d’environ 40% [Friedman, 2008] mais pour atteindre des taux de conversion supérieurs à 30%, il est nécessaire de chauffer le gaz à des températures supérieures à 3000 K [Lebouvier et al., 2013]. Les plasmas non-thermiques à pression atmosphérique, dans lesquels seuls les électrons sont chauffés au moyen d’un champ électrique, représentent une autre voie prometteuse qui fait l’objet de travaux de recherche depuis une dizaine d’années [Fridman, 2008, Lebouvier et al. 2013, van de Sanden, 2013]. Dans cette voie, la méthode la plus efficace consiste à exciter de façon sélective les niveaux vibrationnels de la molécule de CO2 au moyen de décharges plasma micro-ondes. Lorsque ces molécules excitées atteignent une énergie suffisante, les processus collisionnels entre trois molécules de CO2 permettent de franchir la barrière de dissociation de CO2 (5,5 eV) et d’obtenir ainsi une molécule de CO et deux molécules de CO2. L’efficacité énergétique peut atteindre jusqu’à 80%, mais le taux de conversion théorique maximal de CO2 est de seulement 33% (et d’environ 20% dans la pratique sur les expériences rapportées dans la littérature à ce jour. 2. Etude proposée Pour améliorer ces performances, il est proposé d’étudier une technique innovante fondée sur une nouvelle classe de décharges plasmas nonthermiques utilisant des impulsions de haute tension (5-30 kV), de durée de l’ordre de 10 nanosecondes, et appliquées à des fréquences de répétition de quelques dizaines ou centaines de kHz. Ces décharges Nanoseconde Répétitives Pulsées (NRP) permettent d’appliquer des champs électriques très élevés sans passer à l’arc électrique, c’est-à-dire avec un chauffage limité du gaz et une forte dissociation des molécules (Kruger et al., 2002). Ces décharges Figure 1. Fraction d’énergie électrique convertie en sont apparues il y a une dizaine d’années suite à excitation vibrationnelle, excitation électronique l’éclosion, au début des années 2000, de nouvelles (menant à la dissociation) et ionisation de CO2 par technologies de générateurs nanoseconde haute impact électronique, en fonction du champ -21 2 tension à haute cadence de répétition. La Figure 1 électrique réduit E/N (unités : 1 Td = 10 V-m ) représente la fraction d’énergie déposée dans les (Lebouvier et al., 2013) différents mécanismes d’excitation du CO2 en fonction du champ électrique réduit E/N, où E est le champ électrique et N la densité du gaz. Pour un champ réduit de 200 Td (correspondant à l’application d’une tension d’environ 20 kV sur une distance inter-électrode de 5 mm), plus de 80% de l’énergie électronique sert à exciter les niveaux électroniques de CO2 d’énergies supérieures à 7 eV, initiant ainsi les processus de dissociation. 1 L’efficacité de dissociation des décharges NRP a déjà été démontrée au laboratoire EM2C pour le cas d’un plasma d’air (Rusterholtz et al., 2013), pour lequel l’efficacité de dissociation de O2 atteint plus de 35% pour un taux de conversion en oxygène atomique d’environ 50%, et avec un chauffage du gaz limité à 500 K. Par ailleurs, le potentiel de ces décharges NRP a également été démontré dans la vapeur d’eau surchauffée à 150°C, avec un taux d’ionisation d’environ 25% obtenu avec un chauffage du gaz limité à 100°C (Sainct et al., 2014, Sainct, 2014). Il faut souligner que ce taux d’ionisation est extrêmement élevé, dans l’absolu mais aussi par rapport aux taux d’ionisation obtenus avec les décharges classiques (continues, micro-ondes ou radio-fréquence) pour lesquelles le taux d’ionisation est inférieur à 0.1%. Les décharges NRP ont donc le potentiel de permettre la dissociation de CO2 avec une forte efficacité énergétique et un fort taux de conversion. A notre connaissance, aucune expérience n’a été menée à ce jour avec un tel type de décharge. Trois voies utilisant les décharges Nanoseconde Répétitives Pulsées (NRP) seront étudiées : La première correspond à un processus à deux étapes, avec tout d’abord la dissociation de l’eau suivie de la réaction de conversion inverse avec la vapeur d’eau (reverse watershift) : 1. H2O H2 + ½ O2 (étape plasma) 2. H2 + CO2 H2O + CO (reaction endothermique en post-décharge) La deuxième est également un processus à deux étapes, mais cette fois avec d’abord la dissociation du CO2 puis conversion directe avec la vapeur d’eau (watershift) : 1. CO2 CO + ½ O2 (étape plasma) 2. CO + H2O CO2 + H2 (reaction exothermique en post-décharge) Dans ces deux voies, la décharge NRP est utilisée pour la première étape du processus, et le gaz CO2 ou H2O est introduit en aval de la décharge plasma (réaction de conversion en post-décharge). La troisième voie est un hybride des deux précédentes : elle correspond à l’application de la décharge plasma au mélange H2O / CO2. Ces études seront menées avec un réacteur, déjà opérationnel au laboratoire EM2C, qui permet aujourd’hui d’étudier les décharges NRP dans la vapeur d’eau surchauffée à températures allant jusqu’à 300°C. Le système est présenté sur la Figure . Le réacteur calorifugé est alimenté par un écoulement de vapeur d’eau de débit contrôlé et ajustable jusqu’à 300 g/h. Ce dispositif peut être aussi alimenté en CO2 par une deuxième ligne chauffante. (a) (b) Figure 2. (a) Réacteur pour l’étude des décharges NRP dans la vapeur d’eau surchauffée et à pression atmosphérique (Laboratoire EM2C). (b) Schéma d’ensemble avec diagnostics électriques (Sainct, 2014). Différents diagnostics électriques (sondes nanoseconde de courant et de haute tension, permettant de mesurer l’énergie électrique déposée dans le gaz), chromatographiques (mesure de CO, CO2, H2O, H2, … en sortie de réacteur) et optiques seront mis en œuvre dans cette étude afin de caractériser 2 l’efficacité énergétique et le taux de conversion de CO. Les diagnostics optiques incluent la spectroscopie d’émission quantitative pour la mesure des densités des états électroniques excités des atomes et molécules ainsi que pour la mesure de densité électronique par effet Stark, la Fluorescence Induite par Laser (LIF) pour la mesure de OH, la TALIF (Two-Photon Absorption LaserInduced Fluorescence) pour la mesure de O, C et H, la QCLAS (Quantum Cascade Laser-Absorption Spectroscopy) pour la mesure de CO ou CO2 dans l’infrarouge. Toutes ces techniques permettent de suivre l’évolution de la cinétique chimique des réactions pendant la décharge nanoseconde et la phase de recombinaison des produits, avec une résolution spatio-temporelle de l’ordre de la nanoseconde et de la centaine de micromètres. 3. Programme d’étude - - - Etude expérimentale des décharges (1) dans la vapeur d’eau pure, (2) dans CO2 pur, (3) dans le mélange H2O / CO2. Mesure de l’efficacité énergétique et du taux de conversion de CO par l’action de décharges NRP. Une étude paramétrique sera menée en fonction des paramètres géométriques (distance inter-électrode), électriques (tension, fréquence de répétition de décharges), et des débits de gaz H2O et CO2. Etude du mécanisme cinétique de dissociation du dioxyde de carbone et de formation de CO dans les décharges NRP dans les trois gaz mentionnés ci-dessus. Ce travail constituera le cœur de la thèse. Il comprendra d’une part le développement de diagnostics optiques intra et post-décharge au moyen des techniques de spectroscopie optique et laser présentées cidessus. D’autre part, un modèle de cinétique chimique induite par les décharges NRP sera développé et validé avec les expériences. Comparaison avec les systèmes plasma et catalytiques existants. Détermination des paramètres géométriques et électriques permettant le passage à un traitement à plus grande échelle en s’appuyant sur le code de cinétique chimique développé. Références 1. Fridman, A., Chapter 5 in Plasma Chemistry, Cambridge University Press, 2008. 2. Kruger, C.H., Laux, C.O., Yu, L., Packan, D.M., Pierrot, L., “Nonequilibrium Discharges in Air and Nitrogen Plasmas at Atmospheric Pressure,” Pure and Applied Chemistry, Vol. 74, No. 3, pp. 337-347, 2002. 3. Lebouvier, A., Iwarer, S.A., d’Argenlieu, P., Ramjugernath, D., and Fulcheri, L., “Assessment of Carbon Dioxide Dissociation as a New Route for Syngas Production: A Comparative Review and Potential of PlasmaBased Technologies,” Energy Fuels, 27, 2712−2722, 2013. 4. Rusterholtz, D.L., Lacoste, D.A., Pai, D.Z., Stancu, G.D., and Laux, C.O., “Ultrafast heating of atmospheric pressure air by nanosecond repetitively pulsed discharges,” J. Phys.D: Appl. Phys., J. Phys. D: Appl. Phys. 46 (2013) 464010 (21pp). (thèse DGA à l’Ecole Centrale Paris, 2009-2012. 5. Sainct, F., Lacoste, D.A., Kirkpatrick, M., Odic, O., and Laux, C.O., “Temporal evolution of temperature and OH density produced by nanosecond repetitively pulsed discharges in water vapor at atmospheric pressure,”Journal of Physics D: Applied Physics, accepted for publication, in press, January 2014. 6. Sainct, F., “Etude de la réactivité de décharges électriques nanoseconds a la pression atmosphérique dans la vapeur d’eau, » Thèse doctorale de l’Ecole Centrale Paris, sera soutenue le 14 février 2014. 7. Van de Sanden, R., “Sustainable energy storage in chemical fuels for CO2 neutral energy generation: a plasma perspective,” Conférence de l’Institut Coriolis pour l’Environnement de l’École Polytechnique, 2013. 3