Cours 4 : Forme pure ou contenu ?

Transcription

Cours 4 : Forme pure ou contenu ?
Cours 4 : Forme pure ou contenu ?
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l'évolution des personnages : strict intérêt romanesque ou enjeu de personnalité ?
a- Eve Kendall : la fabrication du mystère
b- de la mante religieuse à l'épouse reconnaissante et disponible (comparaison de son attitude dans les deux scènes de
compartiment)
c- un Grant passif / actif ? Du zéro de O. à la complétude ; ou éternel galopin ?
Un discours dans les interlignes ?
a- sur l'Amérique ?
b- sur le sexe ?
Le triomphe de la forme pure : esthétisme somptueux des plans (les plongées), souplesse de la caméra + une oeuvre
géométrique (lignes droites, intersections, mais aussi courbes – plans pris du train)
intro
L'idée de ce cours est de montrer que le film, en offrant des possibilités de réflexion « politiques »
ou « sociétales » n'est pas en décalage. Il souscrit au contraire aux codes des films populaires de
studio. La culture mainstream est diverse, plurielle, permet à la fois la satisfaction des sens (le thrill,
l'érotisme) et du cerveau. Untertainment + matière à réflexions. Mais la preuve qu'il ne faut pas trop
chercher un contenu, c'est que les pistes de réflexion ne sont pas cohérentes = ne forment pas un
discours politiques.
Une nouvelle preuve que North by Northwest invente le blockbuster, qui est toujours pour une part
contre-culturel et insolent... mais cette part est secondaire. (Le cinéma est une économie)
NB : référence toute nouvelle à citer : Frederic Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui
plaît à tout le monde
I) l'évolution des personnages : strict intérêt romanesque ou enjeu de personnalité ?
a- Eve Kendall : la fabrication du mystère
- dans la fabrication du mystère d'Eve : pas de musique, parce que si elle avait été associée à un
thème romantique, il n'y aurait plus eu de suspens sur la teneur de ses sentiments. Mystère, parce
qu' il y a de nombreuses ambiguités.
- la scène dans la gare de Chicago : une certaine mélancolie ? le fondu enchaîné entre Eve songeuse
et la route piège. On sait à ce moment-là qu'Eve est traîtresse mais le plan sur son visage laisse
imaginer une part decrète (préparée par la conversation silencieuse avec Leonard)
voir la scène des retrouvailles à l'hôtel comme sommet du double visage d'Eve (retour au
devoir caché car son visage est blotti contre l'épaule de Thornhill)
b- de la mante religieuse à l'épouse reconnaissante et disponible
comparaison de son attitude dans les deux scènes de compartiment : dans la 1ere elle dirige (quand
Thornhill demande : « vous savez ce que ça veut dire ? - elle répond : … que vous allez dormir par
terre). Elle correspond là au fantasme exprimé brutalement dans les entretiens avec Truffaut : une
lady qui se transforme en pute dans la chambre à coucher. Et c'est aussi la vampire qui prend
l'initiative du sexe (ce qui est visiblement inquiétant pour Thornhill qui lui devant une jolie femme
« prétend qu'il ne veut pas coucher avec »). modernité absolue (elle fume – et comment elle allume
son briquet !)... qui se transforme presque en dame à la fin en pyjama.
c- un Grant passif / actif ? Du zéro de O. à la complétude ; ou éternel galopin ?
- Kaplan est fictif, Thornhill aussi à un autre niveau (extradiégétique : création du réalisateur) mais
surtout, dans la diégèse, il est considéré comme nul par la CIA – et il les force à le prendre en
compte, à lui reconnaître une identité et une utilité (tête du Professeur à la vente aux enchères) – le
coup de téléphone de « l'autorité supérieure », (l'instance narrative- cf cours 2) est provoqué par
Thornhill. Qui ultime transformation prend en charge la diégèse à sa fuite de l'hôpital. Il devient
actant/force. Ses anciennes épouses ? Elles le trouvaient « trop casanier ».
- Mais en même temps que cette lecture de la « naissance » de Kaplan est possible, il est au moins
aussi intéressant qu'il reste un dilettante comique. Comment lire la dernière scène du train ? Comme
Thornhill devenu metteur en scène d'une illusion qui trompe le spectateur ? Ou comme Thornhill
toujours immature ?
II) Un discours dans les interlignes ?
a- sur l'Amérique ?
- un discours contre l'Amérique ? On peut multiplier les exemples : le reflet du Pentagone dans la
plaque de la CIA, la critique de l'americana avec ces femmes aux foyers qui sont de redoutables
calculateurs – cf cours 3, la diatrible de Thornhill contre le Professeur dont il est puni par un violent
coup de poing... et après ? Certes, Thornhill va d'est en ouest = mythologie US de la nouvelle
frontière – et la poursuite se fait à Monument Valley. Est-ce suffisant pour en faire un discours
politique ? Non, car la morale du film est normative : une réconciliation avec les Autorités qui
sauvent (coup de feu contre Leonard), un mariage, un retour au foyer...
Selon S. de Mesnildot, au moins un moment est accusateur : juste après l'avion, les anonymes qui
regardent avec gravité l'avion et le camion en feu = ces hommes de l'ombre qui jouent avec leur vie.
Cette diversité des indices qui ne se constituent pas en discours vérifie en réalité la thèse de l'intro.
b- sur le sexe ?
analyse de la scène aux enchères : Eve possédée puis insultée, véritable objet du marchandage.
Rappelons que le sexe est une des obsessions d'Hitchcock et que la fin est ouvertement sexuée, ce
qui rassure sur le côté dame d'Eve. Le sexe échappe encore au normatif.
III) Le triomphe de la forme pure
a- une enfilade de Mac Guffin
Mc Guffin = le prétexte à l'intrigue. Le Mac Guffin : selon Hitch, sa plus pure forme dans NbN :
« absolument rien ». Or, il y a des Mc Guffin : Kaplan, la statuette, l'avion sans pilote – [pour une
autre forme de mc guffin pure, voir la « patte de lapin » de Mission Impossible 3]
b- une oeuvre géométrique
- Le cinéma d'Hitch serait abstrait et autocentré. Les signes d'abstractions sont nombreux, depuis le
générique, jusqu'aux plans géométriques (à l'ONU et hors de l'ONU), le red herring Kaplan
matérialisé dans des formes abstraites : un pantalon, des valises, une casquette rouge
- le film entier peut se lire comme une oeuvre architecturale (c'est une des thématiques proposées
dans le livret des élèves) : la maison de Vandam (à la Whigrt), les lignes droites et les intersections
qui redécoupent l'espace : la cafetaria du mont Rushmore évoque Le Corbusier (la salle à manger du
couvent des Dominicaines de La Tourette – voir annexe)
- mais aussi les courbes – plans pris du train, plans à l'entrée à l'ONU...
c- esthétisme tout puissant
- film très clair, lumineux : couleurs diurnes, espace ouvert, épuré, dominé par la vide, qui a des
implications narratives (Thornhill soumis à tous les regards dans la plaine), symboliques (la maison
d'architecte de Vandam forme transparente qui est aussi comme un split-screen : Eve en haut et
Leonard en bas) mais surtout esthétiques : être beau
somptuosité des plans : les plongées, souplesse de la caméra où des acteurs dans la scène du baiser.
Etre beau est une obsession.
ANNEXE : le couvent (des Dominicaines) de La Tourette – architecte Le Corbusier