Bell XFM-1 Airacuda

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Bell XFM-1 Airacuda
par Jacek Tomalik
La première construction entièrement originale de Bell Aircraft
Corporation fut le XFM-l Airacuda qui reçut une désignation d'usine
Bell Modèle 1.
La conception d'un lourd intercepteur bimoteur naissait à l'AAC dès le
début des années trente. Selon la première
hypothèse, le nouveau chasseur devait être
utilisé en première ligne de défense contre
les formations de bombardiers de l'adversaire. Son atout majeur serait un équipement de feu exceptionnellement fort, permettant d'abattre les cibles à une distance
aussi grande que possible. De plus, il fut
exigé que l'autonomie de l'avion fût aussi très importante. À ce propos,
il convient de préciser qu'à l'époque, les notions de rayon d'action de
l'avion ou celle d'autonomie opérationnelle n'étaient pas employées par
l'AAC, les exigences relatives à l'autonomie étant exprimées par le
temps de patrouille ou la vitesse opérationnelle de l'avion. D'après les
hypothèses, la machine construite selon ce cahier des charges, lors des
opérations tactiques, devait être assistée par un léger avion d'interception, présentant une très grande vitesse ascensionnelle et une autonomie limitée, son rôle aurait été limité à défendre des cibles précises.
Cette conception fut l'objet de la spécification, portant le symbole X604. Certaines sources prétendent que c'était sur instigation de Larry
Bell que le programme du FM (Fighter Multiplace), fut développé :
cela devait être lui qui, usant de ses
connaissances, avait propagé l'idée de la
construction d'une telle machine. Il n'agissait cependant pas sur un élan de patriotisme, puisque l'idée d'un lourd chasseurintercepteur se matérialisait déjà dans les
dessins du projet que Robert Woods étudiait dès 1934. Ainsi donc, tout en œuvrant pour la réalisation d'une idée novatrice, Larry Bell opérait en fait pour son
propre intérêt.
Ci-dessus et ci-dessous : deux
photos de la maquette en bois de
XFM-1. Sur la photo ci-dessous,
on peut voir, suspendus sous la
voilure, des magasins d'armement chimique (!). (BAC)
Selon la spécification susmentionnée, les sociétés contactées devaient présenter au jury les bases initiales de leur projet avant le 15
mars 1936. Outre Bell Aircraft Corporation, Lockheed prit également
part au concours présentant son projet désigné le XFM-2. À l'issue de
l'examen auquel étaient soumises les deux propositions, c'est la construction de Bell qui fut retenue pour le développement. Le projet battit
la proposition de Lockheed de 0,6 points à peine, ayant obtenu 72
points sur les cent possibles. Le contrat pour la construction du prototype fut signé au mois de mai de la même année. L'appareil de Bell
était un avion à aile cantilever médiane, propulsé par deux moteurs
Allison V -1710-13 avec turbocompresseurs, dont les arbres de trans-
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mission, d'une longueur de 1,62 ID, faisaient actionner une hélice tripale propulsive. La vitesse ainsi obtenue devait s'élevait à 483 km/h.
Son autonomie devait atteindre 10 heures à la vitesse de croisière de
241,5 km/h à altitude de 4572 m. Sa construction était entièrement
métallique, sauf les gouvernes entoilées. Son envergure, atteignant
21,25 m, était comparable à celle des bombardiers moyens de l'époque.
À titre de comparaison, l'envergure de Messerschmitt Bf 110B1,
contemporain au XFM-I, était de 16,8 m. Son équipage comptait cinq
personnes.
Une caractéristique des plus intéressantes de cette construction fut cependant
l'idée de placer les tireurs dans les nacelles
situées sur les ailes et intégrées aux capots-moteurs. Ce concept fut choisi afin
de donner la possibilité de faire feu dans le
sens du vol sans qu'il fût nécessaire de
manœuvrer l'avion entier. La puissance de
feu requise devait être assurée par l'implantation sur les deux postes des canons Madsen de 37 mm intégrés
aux mitrailleuses de 12,7 mm. Il est à noter, en l'occurrence, que dans
cette conception la sécurité des tireurs était l'un des derniers soucis des
constructeurs. En cas d'urgence, ils auraient été amenés à sauter pardessus les pales de l'hélice en rotation.
Le prototype, désigné par le symbole XFM-l, fit son premier essai en voile 1er septembre 1937, sous le commandement du lieutenant
Benjamin S. Kelsey, pilote d'essai, qui était en ce temps-là chef du
Fighter Projects Office au service du Materiel Division. À l'époque où
l'essai en vol de sa première construction eut lieu, Bell Aircraft n'employait aucun pilote d'essai, c'est pourquoi la société était contrainte de
faire appel à des spécialistes extérieurs. Ben Kelsey était un pilote très
expérimenté. Pour le programme de l'Airacuda, son expérience s'avéra
bénéfique lors de son premier vol. L'avion était à cette époque propulsé
par les moteurs Allison V-1710-9 (D1) avec turbocompresseurs de
construction General Electric Form F-10.
En vol, suite à la panne d'un compresseur,
il survint un retour de flamme qui provoqua l'endommagement du moteur gauche.
Le lieutenant Kelsey réussit tout de même
à décoller, resta en l'air pendant vingt minutes et atterrit sans problème. Cet incident témoigne du niveau technique des
turbo-compresseurs construits aux USA
dans la seconde moitié des années trente.
La conception d'un lourd chasseur, quoique intéressante, ne réussit pas dans la pratique. Suite aux essais et tests effectués, il apparut
que l'avion ne faisait ses preuves ni comme appareil d'escorte de bombardier de grande autonomie, ni comme chasseur intercepteur. Alors
qu'à l'origine cela devait être sa fonction principale. Rien que le fait
qu'il était plus lent de près de 48,4 km/h (30 mph) que le Boeing B17B, jouait en sa défaveur. De plus, les contraintes d'exploitation
s'étant manifestées lors des tests limitaient son rôle plutôt à l'aviation
civile de tourisme. En effet, sur l'Airacuda, il fut interdit d'effectuer la
L'Airacuda pendant
statiques. (BAC)
les
tests
Le XFM-1 deux jours après qu'il fut
terminé, photographié le 3 juillet
1937, avant d'être transporté sur
l'aéroport de Buffalo. (BAC)
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majorité des manœuvres d'acrobatie, telle qu'un virage d'Immelmann,
et même le tonneau. Ces contraintes étaient la conséquence de mauvais
calculs. Il y eut, en outre, l'interdiction d'exécuter des vols inversés, et
pour comble, l'avion n'était pas en mesure de rouler sans assistance,
son système de refroidissement des moteurs ayant été élaboré par rapport aux conditions en vol. Pendant le
roulage, les moteurs subissaient presque
immédiatement une surchauffe. Par ailleurs, ce fut un avion très coûteux. Le coût
d'un exemplaire s'élevait à 219 000 dollars
! À titre de comparaison, le montant déboursé par Boeing pour le projet de la
construction du B-17 s'éleva à 600 000
dollars. Néanmoins, ayant bénéficié du
financement généreux du programme par
l'AAC, Bell acquit une riche expérience
qu'il lui aurait été difficile d'acquérir par
d'autres moyens.
Au total, il fut construit treize exemplaires de l'Airacuda, nombre qui concorda avec les exigences formulées par l'AAC à l'égard des
programmes d'études. Lors des tests, la vitesse maximale atteinte par
l'avion fut de l'ordre de 434,7 km/h (270 mph) à une altitude de 6096 m
(20 000 pieds). Cette performance était inférieure de plus de 48 km/h
de celle garantie par Bell dans son cahier des charges. Il est probable
que la cause de ce médiocre résultat se situait
au niveau des moteurs
Allison dont la puissance s'élevait à 1150
ch, au lieu de 1250 ch
présumés au départ.
Certaines sources suggèrent, par contre, des
erreurs de calcul du projet. Autant donc la construction générale de
l'Airacuda ne donna pas satisfaction aux espérances mises sur elle,
autant son importance dans l'histoire de la technique aéronautique est
incontestable. Ce fut le premier avion sur lequel fut utilisé un système
intégré automatique de guidage du feu de l'armement principal. Il fut
construit grâce à la technologie de la société Sperry qui était utilisée
dans les systèmes de guidage du feu des canons antiaériens de sol
conjoints au système d'autopilote du viseur optique installé dans la
cabine, en avant de la nacelle principale. En outre, le XFM-l fut le
premier appareil à être équipé d'un système APU, Auxiliary Power
Unit, c'est-à-dire d'un dispositif auxiliaire de moteur d'une puissance de
3,5 kW. Cette unité comprenait un alternateur servant à la production
de l'énergie électrique alimentant l'installation de bord d'une tension de
110 V et d'une fréquence de 800 Hz, d'une pompe d'huile pour toute
l'installation hydraulique et un compresseur utilisé pour alimenter les
systèmes pneumatiques de l'avion.
Le XFM-1 Airacuda lors des essais
au sol, l'équipage au complet. (BAC)
Le YFM-1B (n° 28-489) équipé de
moteurs différents, Wright Fields, le
25 avril 1940. (USAF)
©Aérostories- Éditions Drivers,2004.
L'ouvrage Bell P-39 Airacobra dont est extrait cet article est disponible dans l'Aérobibliothèque
(www.aerobiblio.org) ou sur le site web de l'éditeur (www.drivers.fr).
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