La décentralisation en France - Le Club Francophone de la KSAP

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La décentralisation en France - Le Club Francophone de la KSAP
Jean-Benoît ALBERTINI
Administrateur civil hors classe
Ancien élève de l’école nationale d’administration
Docteur en droit
LA DECENTRALISATION EN FRANCE :
UNE RECOMPOSITION PROGRESSIVE DES POUVOIRS LOCAUX
Depuis le début de l’année 2003, la France se trouve engagée dans une vaste
réforme de décentralisation. Au-delà d’un simple réagencement des
compétences entre l’Etat central et les collectivités locales, l’ambition est
de faire de la décentralisation un levier puissant pour engager de façon
irréversible une réforme de l’Etat jugée d’autant plus nécessaire que les
précédentes tentatives en ce sens ont eu des résultats décevants.
La décentralisation qui était demeurée jusqu’alors un mode d’organisation
administratif, est aujourd’hui conçue comme un processus politique visant à
remodeler l’organisation des pouvoirs et à améliorer l’efficacité de l’action
publique. C’est cette ambition qui a conduit le gouvernement à engager en
2002 une réforme de la Constitution afin de donner un fondement pérenne
aux principes de la réforme et à leurs différents prolongements.
Jusqu’aux débuts des années 1990, la France aura été un pays
essentiellement organisé autour d’un Etat centralisé, les pouvoirs locaux
étant placés sous sa tutelle et son contrôle direct. L’amorce d’une véritable
volonté de décentralisation, à travers le transfert de compétences à des
autorités non dépendantes de l’Etat, apparaît dans le discours du Général de
Gaulle à Lyon le 24 mars 1968 (« l’effort multiséculaire de centralisation ne
s’impose plus désormais ») mais l’échec du referendum sur la régionalisation
en 1969 marque un coup d’arrêt et il faut attendre les lois du 2 mars 1982 et
des 7 janvier et 22 juillet 1983 pour que les collectivités locales (communes,
départements et régions) s’affirment définitivement comme des acteurs
institutionnels à part entière.
L’ensemble du processus législatif initié à cette période a profondément
modifié la répartition entre l’Etat et les collectivités locales, même s’il n’a
pas remis en question l’organisation des niveaux d’administration. La
réforme engagée en 2002 vise à tirer les enseignements de ces dispositions
en approfondissant l’autonomie locale et en situant cette évolution dans un
vaste mouvement réforme de l’Etat.
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I. LA FRANCE : UN ETAT UNITAIRE OU COEXISTE UNE PLURALITE D’ACTEURS LOCAUX
En France, contrairement à de nombreux autre pays européens, la
construction nationale fut l’œuvre de l’État bien avant même la Révolution
française. Cette caractéristique historique et politique marque de façon
sensible l’architecture des institutions, particulièrement en ce qui concerne
les rapports entre les structures centrales de l’Etat et les institutions
locales.
Le fondement politique et juridique de la décentralisation résulte de ce que
l’Etat unitaire, qui dispose de la « compétence de sa compétence », est libre
d’organiser par la loi le transfert ou la délégation d’une partie de ses
attributions aux collectivités locales.
Depuis le 19ème siècle, différents textes ont organisé la structure
administrative de la France. Ils sont pour l’essentiel demeurés inchangés
jusqu’à la réforme de décentralisation de 1982-1983. Une nouvelle
régulation du système local s’est alors mise en place, dans laquelle le poids
de l’Etat reste important.
I1. Les institutions locales
a) trois niveaux de collectivités
La Constitution française du 4 octobre 1958 reconnaît trois niveaux de
collectivités : les communes, les départements, les régions. Sans constituer
une catégorie de collectivité locale, l’organisation intercommunale se
développe rapidement.
La région
La naissance de la région, sous sa forme actuelle, est d’abord liée aux
préoccupations d’aménagement du territoire qui motivent la création de
« régions de programme » en 1955. Un décret du 6 juin 1960 institue ensuite
vingt et une circonscriptions d’action régionale, à la tête desquelles sont
placés des préfets de région en 1964. Le projet de référendum de 1969
prévoyant l’institution de véritables régions est directement issu de ces
prémices. L’évolution en cours est stoppée par l’échec du référendum mais
reprendra, trois ans plus tard, avec la loi du 5 juillet 1972 instituant
l’établissement public régional, doté d’une personnalité juridique mais dont
la compétence est strictement limitée et contrôlée par l’Etat.
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En fixant le principe de leur reconnaissance en tant que collectivités locales,
la décentralisation de 1982 marque la fondation de vingt-deux régions
métropolitaines et des quatre régions d’Outre-mer. Leurs compétences,
d’abord axées autour de l’aménagement du territoire et du développement
économique, sont étendues à la formation professionnelle, à la construction
et à l’entretien des lycées, puis dans un second temps à l’organisation des
transports régionaux de voyageurs et à une part significative des aides aux
entreprises. Au-delà de la lettre de la loi, les régions interviennent dans un
nombre croissant de domaines du fait du développement des procédures
contractuelles mises en place avec l’Etat sous la forme des contrats de plans
Etat-régions conclus pour des périodes de 5 à 7 ans depuis 1984 (cf. I.2b).
Depuis 1986, les conseillers régionaux sont élus pour six ans au suffrage
universel au scrutin de liste à deux tours avec, depuis 2003, une prime
majoritaire à la liste arrivée en tête, afin de conforter des majorités
jusqu’alors fragiles. Ils élisent un président qui assure la fonction exécutive
et la représentation de l’institution. Le dernier renouvellement des conseils
régionaux est intervenu en mars 2004.
Le département
La France compte cent départements dont quatre outre-mer. Longtemps, le
département a été plus important en tant que circonscription de
l’administration de l’Etat que comme collectivité décentralisée. En effet, en
plaçant le préfet à la tête du département, la loi du 28 pluviôse an VIII
reprenait la tradition des intendants de l’Ancien régime, représentants du
pouvoir royal.
L’institution départementale se modifiera lentement pour s’affirmer
progressivement comme collectivité décentralisée. Ainsi le conseil général
est élu à partir de 1833 et la loi du 10 août 1871 arrête l’architecture quasidéfinitive de l’institution. La loi du 2 mars 1982 transfère du préfet au
président du conseil général la qualité d’organe exécutif du département.
La collectivité départementale exerce des compétences variées, centrées sur
les équipements de proximité (construction et entretien des collèges, des
routes départementales et de nombreux ports), l’action sociale (aide
sociale, protection de la famille et de l’enfance, etc.), le soutien aux
communes, le tourisme ou la culture.
Les conseillers généraux sont élus pour six ans et renouvelables par moitié
tous les trois ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le
cadre des cantons, circonscriptions électorales regroupant plusieurs
communes (ou quelques quartiers dans les grandes villes). Ils élisent un
président qui dispose globalement des mêmes prérogatives que le président
du conseil général. Les dernières élections cantonales sont intervenues en
mars 2004.
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La commune
La commune revêt en France une forte dimension identitaire qui s’explique
par trois traits caractéristiques :
¾ l’ancienneté de création, la plupart des communes remontant au
Moyen-Age, parfois même à l’époque romaine ou pré-romaine ;
¾ la multiplicité : 44 000 communes en 1789, 37 692 en 1962 et encore
36 679 en 2002, soit environ 500 000 élus ;
¾ l’exiguïté : 90% des communes ont moins de 2000 habitants, 69% moins
de 700, 2% comptent plus de 10.000 et seulement cinq communes en
comptent plus de 300 000
La loi municipale du 5 avril 1884 précisait déjà que « le conseil municipal
règle pas ses délibérations des affaires de la commune ». Cette clause
générale de compétence a été précisée par la loi du 7 janvier 1983 qui
énumère une liste de domaines de compétence communale spécifique :
urbanisme, action sociale de proximité, scolarisation primaire.
Le conseil municipal est élu pour six ans au scrutin majoritaire plurinominal
à deux tours dans les petites communes (moins de 3500 habitants). Dans les
villes de plus de 3500 habitants, l’élection a lieu au scrutin de liste
majoritaire à deux tours avec prime au second tour pour la liste arrivée en
tête. Le maire est élu par le conseil municipal (les dernières élections ayant
eu lieu en 2001).
Tout en disposant d’un conseil élu et d’un maire, certaines grandes villes
(Paris, Lyon et Marseille) sont régies par une organisation particulière fondée
notamment sur des arrondissements à la tête desquels sont placés des
maires aux compétences toutefois limitées.
Une situation française atypique en Europe ?
La structure territoriale de la France est souvent décrite comme atypique
par rapport à celle des autres grands pays européens. Une analyse
comparative montre que le principal écart concerne le nombre de
communes : la France regroupe la moitié des communes européennes, même
si le développement récent et très soutenu de l’intercommunalité (cf.
tableau 2) conduit à nuancer ce constat. La situation est en revanche
relativement homogène pour ce qui concerne les échelons intermédiaires.
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D’autres facteurs font apparaître des différences sensibles concernant
notamment les rapports entre les collectivités (la France maintient le
principe de l’absence de toute tutelle d’une collectivité sur une autre) et sur
la répartition des ressources et des compétences : ainsi les régions françaises
disposent-elles en moyenne de moins de pouvoirs et de ressources que dans
les autres pays européens, y compris ceux qui, comme l’Italie, ne sont pas
organisés sur une base fédérale.
Tableau 1 : la structure des collectivités locales en Europe
France
Allemagne
Royaume Uni
Italie
Espagne
60,2 millions
d’habitants
82 millions
d’habitants
9,2 millions
D’habitants
57 millions
d’habitants
39,4 millions
d’habitant
549 000 km2
356 900 km2
244 000 km2
301 200 km2
504 800 km2
26 régions
16
états fédérés
56 comtés
20 régions
17
communautés
autonomes
100
426
481 districts
départements arrondissements
95 provinces
50 provinces
36 679
communes
8 074 communes 8 082
communes
16 068
communes
Source DGCL
Le développement de l’intercommunalité
Le développement soutenu de l’intercommunalité à fiscalité propre confirme
une tendance enregistrée depuis la mise en œuvre de la loi du 12 juillet
1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale.
Le nombre de communes regroupées atteint près de 30 000 au début 2003.
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité
propre représentent près de 49 millions d’habitants, ce qui porte le taux de
couverture de la population à près de 80%.
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S’agissant des ressources, la taxe professionnelle unique (TPU) concerne
aujourd’hui plus de 35 millions d’habitants, soit plus de 58% de la population
française et 72% de la population regroupée au sein d’EPCI à fiscalité propre.
Tableau 2 : le développement de l’intercommunalité intégrée
groupements à fiscalité
propre
nbre de communes
regroupées
(y compris DOM)
population regroupée en
millions d’hab.
nombre de
groupements à
1993
1998
2002
2005
466
1577
2 361
2 525
5071
17 760
29 950
32 311
16,1
31,8
49
52,2
18
92
745
1 101
179
869
9 142
14 387
2,1
3,8
29,7
39,4
TPU
Nbre de communes
regroupées
population regroupée en
millions d’hab.
Source DGCL 2005
b) le rôle du représentant de l’Etat et la déconcentration
La fonction du préfet est consacrée par la Constitution qui prévoit la
présence dans les collectivités territoriales d’un « représentant de l’Etat »
ayant « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du
respect des lois » (art.72). Gardien de la loi et de l’ordre, le préfet, garant
de la cohésion sociale, est également sollicité au titre de sa mission générale
d’arbitrage qui correspond à une fonction d’influence et de régulation
informelle des rapports entre les autorités locales.
Ayant perdu en 1982 les fonctions d’exécutif du conseil général, le préfet a
vu parallèlement sa mission se concentrer et se renforcer en matière de
direction des services déconcentrés de l’Etat. Il est en effet « le délégué du
Gouvernement et le représentant direct du Premier ministre et de chacun
des ministres ». A ce titre, il a autorité directe sur les chefs de service, les
délégués ou les correspondants des administrations civiles de l’Etat dans le
département (article 17 du décret du 29 avril 2004) et désormais, de
manière explicite, dans la région. Certains services (organismes
juridictionnels, autorités militaires, administration fiscales ou comptables,
inspection du travail, INSEE, etc.) ne sont pas soumis à son autorité.
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Il est seul ordonnateur secondaire compétent pour engager les crédits de
l’État et il préside de droit toutes les commissions administratives. Il est seul
habilité à engager des discussions au nom de l’État avec les collectivités
locales (négociations des contrats de plan par exemple).
Le Préfet de région, par ailleurs préfet du département siège de la
préfecture de région, ne dispose d’aucune autorité de type hiérarchique sur
les préfets de département même s’il a une compétence particulière de
coordination dans les domaines du développement économique et social et
de l’aménagement du territoire et si sa prééminence tend à se renforcer
régulièrement dans ces différents domaines (décret du 29 avril 2004).
La déconcentration
Souvent présentée comme le pendant de la décentralisation, la
déconcentration consiste à déléguer aux représentants territoriaux de l’Etat
des fonctions ou des pouvoirs jusqu’alors exercés aux échelons centraux de
l’Etat. La loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration
territoriale de la République a consacré le renouveau de cette orientation
qui se fait très largement au bénéfice des préfets, en affirmant la
compétence de droit commun des services locaux de l’Etat par rapport aux
administrations centrales pour la mise en œuvre des politiques nationales.
I.2 La répartition des compétences et les moyens de 1983 à 2003
A partir de 1983 et pendant une vingtaine d’années, les collectivités locales
ont activement mis en œuvre les compétences qui leur ont été transférées
par la “première vague” de décentralisation.
a) la logique des “blocs de compétences”
Au-delà de leurs attributions traditionnelles (police du domaine public,
soutien aux projets locaux), les collectivités locales se sont vues reconnaître
des attributions élargies grâce aux transferts de compétences organisés par
les deux loi des 7 janvier et 22 juillet 1983. Ces transferts se sont opérés par
blocs de compétences (ensemble des missions relevant d’un même domaine
thématique), accompagnés de dotations budgétaires équivalentes aux
dépenses qu’y consacrait auparavant l’État et des transferts de personnels
ou des mises à disposition de services déconcentrés de l’État
La commune est notamment compétente pour la maîtrise du sol (urbanisme)
et certains équipements de proximité (dont les locaux d’enseignement
maternel et élémentaire ou les ports de plaisance).
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Les actions de solidarité et d’aide sociale sont confiées au département de
même que l’aménagement rural, les transports scolaires, la construction et
l’entretien des collèges et des ports maritimes (en dehors des ports d’intérêt
national).
La région a pour mission d’animer la formation et le développement
économique, à travers ses compétences en matière d’aménagement du
territoire, d’aide aux entreprises et de formation professionnelle.
Elle est également chargée de la construction et de l’entretien des lycées et
de la gestion des ports fluviaux. Depuis 1997, la gestion des transports
ferroviaux régionaux leur a été déléguée (compétence généralisée en 2002).
Depuis 2002, elle peut également être autorité concédante des aéroports
(hors les plates-formes les plus importantes).
Enfin, les collectivités peuvent accorder des aides aux entreprises, dans le
respect des règles de concurrence.
Les collectivités locales, acteurs économiques majeurs
Compte tenu des financements ainsi mobilisés, les budgets des collectivités
locales (hors groupements) représenteront en 2003 une masse équivalente à
la moitié du budget de l’État
A travers les compétences dévolues aux collectivités, la décentralisation a
fortement accru le poids économique des interventions locales. Les dépenses
de fonctionnement directement liées aux nouvelles attributions (action
sociale, formation, enseignement) ont ainsi conduit depuis 1982, à une
multiplication par quarante du budget de fonctionnement des régions et à
une hausse de 182% et 111%, respectivement pour les communes et les
départements.
Les dépenses d’investissement représentent environ 50 Mds d’euros (dont
13,5 Mds de remboursement de la dette). Depuis 1982, le budget
d’investissement des régions a été multiplié par 100 et atteint 2,2 Mds
d’euros (+248 %). Les collectivités réalisent ainsi 72 % de l’investissement
public et 11 % de l’investissement national total.
Les interventions économiques (aides à la création et au développement des
entreprises représentent 1,7 Mds d’euros d’aides directes et 500M d’euros
d’aides indirectes (hors garanties d’emprunts). 45 % de ces aides sont
accordées par les communes, 29 % par les régions et 26 % par les
départements.
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Le poids des dotations de État dans les finances locales
Les ressources des collectivités locales (127 Mds d’euros hors emprunts en
2003) sont principalement constituées de deux grands ensembles : les
dotations de l’État et la fiscalité locale. Chacune de ces sources de
financement représente environ 45 % du total, le complément étant apporté
par l’emprunt, la tarification des prestations directes et les produits du
domaine public.
La fiscalité locale représente 64 Mds d’euros dont 75 % constitués par le
produit des “quatre vieilles”, ainsi dénommées en raison de leur
rattachement à d’anciennes impositions : la taxe professionnelle (22 Mds
d’euros), la taxe d’habitation (11 Mds d’euros), la taxe foncière sur les
propriétés bâties (14 Mds d’euros) et non bâties (0,8 Mds d’euros).
La question de l’autonomie des ressources locales se trouve posée en raison
du poids des dotations de l’État. Elles représentent environ 60 Mds d’euros
(dont 8,7 Mds au titre du financement des transferts de compétences) contre
38,5 Mds en 1998. Sur cette masse, la dotation globale de fonctionnement
représente 19 Mds d’euros, dont 2,5 Mds sont attribués aux communes au
titre de l’effort de péréquation (dotation de solidarité urbaine – DSU – et
dotation de solidarité rurale DSR).
En outre, la contribution de l’État aux ressources fiscales perçues par les
collectivités locales atteint 34,2 % contre 26 % en 1993 : l’État est le premier
contribuable local à travers la compensation de la suppression d’impôts
locaux, de dégrèvements et d’exonérations diverses.
Compte tenu de cette évolution, la part de la fiscalité directe dans les
ressources locales (hors emprunt) a eu tendance à se réduire et n’atteint
actuellement que 36 % pour les régions, 43 % pour les départements et 48 %
pour les communes.
La fonction publique territoriale
Pour permettre aux collectivités locales de disposer des moyens humains
adaptés à leurs nouvelles missions, la loi du 26 juillet 1984 a créé une
fonction publique territoriale dotée d’un statut spécifique proche mais
distinct de celui des fonctionnaires de l’Etat. Conformément au principe de
la libre administration des collectivités locales, celles-ci décident de la
création et de la suppression des emplois et du choix des agents dans le
respect des règles d’accès par concours et du recrutement de contractuels.
La fonction publique territoriale regroupe environ 1 500 000 agents dont 75%
relèvent des communes ou des organismes qui leur sont rattachés.
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b) les mécanismes de régulation
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire
La décentralisation de 1982 a substitué au régime de la tutelle de l’Etat sur
les actes des collectivités locales un contrôle de légalité a posteriori par le
juge administratif (tribunal administratif et cour administrative d’appel, le
conseil d’Etat étant le juge suprême). Le juge administratif peut être saisi
par toute personne ayant intérêt à contester un acte mais il est surtout saisi
par le préfet, chargé de veiller au respect des lois. Huit millions d’actes
administratifs sont contrôlés chaque année et donnent lieu à 174 000
observations des préfets et à 1700 recours.
Pour les actes budgétaires, la loi a institué un contrôle spécifique par des
chambres régionales de comptes qui veillent au respect des règles posées
par la loi (vote en équilibre, respect des date d’approbation des budgets,
vérification de l’inscription des dépenses obligatoires). Après constat d’une
irrégularité, la chambre des comptes habilite le préfet à régler lui-même le
budget ou à y inscrire d’office les dépenses obligatoires. 129 000 budgets
sont ainsi examinés chaque année, donnant lieu à 569 recours.
Les chambres régionales des comptes exercent également un contrôle de
gestion sur les services publics locaux.
Les dispositifs contractuels
Les “blocs de compétence” n’ont pas empêché une certaine dispersion des
interventions locales dans un nombre croissant de domaines. Pour faciliter la
coordination des politiques publiques, l’État a conclu depuis 1983 avec les
régions des contrats de plan Etat-régions destinés à affecter une part
significative de leurs crédits à des opérations d’intérêt commun auxquelles
sont souvent associées les autres collectivités et notamment les
départements. Les principaux domaines concernés sont les infrastructures
routières et ferroviaires, les constructions universitaires, l’aménagement
rural, les aides aux entreprises, la culture et les équipements médicosociaux.
Conclus pour une durée de 5 à 7 ans, ces contrats ont été dotés par l’État de
crédits d’un montant global de 18,3 Mds d’Euros pour 2000-2006 et d’un
volume équivalent de la part des collectivités locales. Les partenaires au
contrat décident conjointement des opérations retenues pour un
financement.
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Cette procédure, au départ reconnue comme très efficace, est aujourd’hui
critiquée du fait de la difficulté de respecter les prévisions financières
initiales, de la lourdeur des mécanismes de décision et de la multiplication
des financements croisés (co-financements quasi-systématiques de tous les
projets. Elle doit faire l’objet d’une redéfinition d’ensemble pour la période
qui s’ouvre à partir de 2007.
Les programmes régionaux financés par les fonds européens (FEDER, FSE et
FEOGA) représentent également un montant de crédits considérable mis à
disposition du développement local par l’Union européenne. Avec 16 Mds
d’Euros de subventions sur la période 2000-2006 pour la France, ces
programmes interviennent souvent en co-financement des projets soutenus
par les contrats de plans (en dehors de infrastructures de base qui ne sont
pas éligibles, sauf dans les départements d’outre-mer). Ces programmes sont
gérés au niveau régional dans un partenariat associant les représentants de
l’État, les collectivités locales et les acteurs économiques et sociaux, l’État
assumant la responsabilité finale de la gestion du dispositif à l’égard de la
Commission européenne. La priorité donnée aux nouveaux Etats-membres de
l’Union Européenne pour la nouvelle période de programmation 2007-2013
conduira à une réduction significative de ces aides pour la France.
II. 2002-2003 : LE SECOND SOUFFLE DE LA DECENTRALISATION ET LA “NOUVELLE
GOUVERNANCE”
Les débats autour de la décentralisation ont été régulièrement entretenus au
cours des vingt dernières années et ont donné lieu à des modifications des
dispositions en vigueur (comme la loi sur la « démocratie de proximité » du
27 février 2002).
Ce n’est toutefois que récemment que des initiatives importantes ont été
prises pour engager un « second souffle » de la décentralisation : d’abord en
2000 avec les 154 propositions issues des travaux de la commission présidée
par M. Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, puis à la suite des élections
présidentielles et législatives du printemps 2002, avec le gouvernement de
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ce nouvel élan vise à tirer les enseignements de 20 ans de décentralisation
en clarifiant l’exercice des responsabilités par les différents acteurs (II.1) et
en adaptant les procédures et les structures de l’administration territoriale
(II.2).
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Le nouveau socle constitutionnel de la décentralisation
S’appuyant sur les engagements du Président de la République lors de la
campagne électorale de 2002, le Premier ministre, M. Jean-Pierre RAFFARIN,
a fait de la décentralisation l’un des chantiers prioritaires de son
gouvernement. Le caractère fondateur de cet objectif a été marqué par une
révision constitutionnelle destinée à asseoir juridiquement et politiquement
cette réforme. Approuvée par le congrès le 17 mars 2003, les nouvelles
dispositions constitutionnelles portent sur 4 points principaux :
- l’affirmation du caractère décentralisé de l’organisation de la
République, à travers une modification de l’article 1er de la loi
fondamentale, à forte valeur symbolique ; le principe de subsidiarité formulé
à l’article 72 (2ème al.) en tire les conséquences en prévoyant que « les
collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour
l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à
leur échelon » ;
- l’inscription de la région parmi les collectivités locales reconnues par
la Constitution (art. 72), disposition de principe se bornant à tirer les
conséquences du statut reconnu à la région depuis 1982 ;
- l’institution d’un droit de pétition ouvert aux électeurs pour
demander l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée locale d’une
question relevant de sa compétence (art. 72-1) ; dans le même sens, la
possibilité pour une assemblée locale d’organiser un référendum à valeur
décisionnelle auprès de ses électeurs ;
- la reconnaissance du droit, pour les collectivités locales, de déroger
à titre expérimental aux lois ou règlements régissant l’exercice de leurs
compétences (art. 72, 4ème al.). Le champ et la durée de ces
expérimentations seront fixés par la loi ou le règlement ;
- la consécration du principe d’autonomie financière des collectivités
locales visant à garantir que les ressources fiscales et les autres ressources
propres des collectivités constituent une part déterminante de leurs
ressources ; ce principe est assorti d’une reconnaissance de la péréquation
« destinée à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Parallèlement, la révision constitutionnelle a modifié le cadre applicable aux
collectivités d’outre-mer en prévoyant une distinction entre les
départements et régions d’outre-mer d’une part, où s’applique le principe
d’assimilation législative avec la métropole (art. 73), et les collectivités
régies par un statut particulier d’autre part (art. 74). Le passage de la
première catégorie à la seconde devra recevoir le consentement préalable
des électeurs concernés.
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II.1 Un double objectif : clarifier et responsabiliser l’exercice des
compétences
a) des champs de compétences clarifiés
La nouvelle phase de décentralisation engagée en 2002/2003 a d’abord pour
but de tirer les leçons des transferts de compétences effectués à partir des
années 80 en simplifiant la répartition des attributions entre les différents
acteurs locaux et État Cet objectif est poursuivi à travers les nouveaux
transferts de compétence et la reconnaissance de la fonction de « chef de
file ».
Les nouveaux transferts de compétences
L’orientation poursuivie par la réforme est de conforter les grands pôles de
mission qui se sont établis en vertu des textes et des politiques publiques
définies localement. La région se voit reconnaître une fonction de « mise en
cohérence » des politiques locales, exercée en relation avec État ; les autres
échelons territoriaux sont appelés à répondre aux besoins de « proximité ».
Pour les régions, cet objectif de clarification et d’achèvement se retrouve
dans les compétences nouvelles qui lui seront confiées en matière de
formation professionnelle ou d’aides individuelles aux entreprises,
domaines dans lesquelles elle intervenait déjà de façon importante puisque
les autres collectivités ne pouvaient prendre d’initiative en matière d’aide
directe aux entreprises que dans le cadre fixé par la région2. Les régions
prendront également en charge la gestion des personnels techniques
assurant le fonctionnement des lycées (personnels A.T.O.S.), soit 93 000
agents.
La décentralisation de la plus grande partie des routes nationales
(20 000 Km environ sur 33 000 au total), d’abord envisagée au profit des
régions, bénéficie à compter du 1er janvier 2006 aux départements qui
géraient déjà 300 000 Km de voies départementales et disposaient donc des
services techniques nécessaires. Cette solution évite de créer un nouvel
échelon de compétence technique en matière routière, la région étant
toutefois associée à la programmation des travaux pour garantir la
cohérence des interventions sur les réseaux locaux, à travers l’élaboration
d’un schéma régional des infrastructures et des transports. L’État conserve
la responsabilité du réseau d’intérêt national (18 000 km environ, dont
8 000 km d’autoroutes concédées).
2
La distinction entre aides directes et indirectes a disparu depuis la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et aux responsabilités locales.
13
Dans le même esprit, la décentralisation de l’attribution du RMI (revenu
minimum d’insertion) au département est cohérente avec les compétences
de cette collectivité en matière sociale. Le département co-gérait en effet
déjà les politiques d’insertion associées à l’attribution du RMI : il en sera
désormais entièrement responsable. Il recevra également des missions
nouvelles en matière de tourisme et de gestion des personnels d’entretien
des collèges.
Les communes et les structures d’agglomération se verront quant à elles
attribuer la gestion des crédits destinés au logement étudiant. Par
délégation de l’État, les agglomérations pourront également assurer la
programmation des aides au logement social en milieu urbain, les
départements recevant cette dernière compétence pour le milieu rural. Elles
pourront également exercer des pouvoirs de gestion de la voirie par
délégation des communes.
Les collectivités locales et leurs groupements sont enfin susceptibles
d’assurer le droit de propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des
aéroports civils, des ports non autonomes et des ports intérieurs à
l’exception de sites d’intérêt national (140 aérodromes et 23 ports maritimes
sont à priori concernés).
Les chefs de file
L’expérience des blocs de compétence définis en 1982 a montré ses limites
du fait de la volonté des collectivités d’intervenir dans des domaines
dépassant les attributions qui leur étaient dévolues initialement : l’absence
de tutelle d’une collectivité sur une autre et le recours généralisé aux
contrats entre l’État et les collectivités locales a rendu plus difficile
l’identification des responsabilités locales.
Pour répondre à l’objectif de clarification voulu par le gouvernement, la
révision constitutionnelle de mars 2003 a prévu que « lorsque l’exercice
d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités
territoriales, la loi peut confier à l’une d’entre elles le pouvoir de fixer les
modalités de leur action commune ». Il s’agit par ce biais d’éviter de
multiplier, dans certains domaines, des concurrences institutionnelles entre
collectivités désireuses d’intervenir concomitamment et sans coordination,
tout en respectant le principe de non tutelle d’une collectivité sur une
autre. Dans la pratique, la collectivité chef de file sera appelée à définir des
orientations générales qui devront être respectées par les autres
intervenants, à travers un schéma directeur, par exemple, pour des
équipements ou par des règles d’éligibilité générale pour des subventions à
certains projets. Deux domaines de compétences en offrent une illustration :
le rôle de la région en matière d’aides aux entreprises ; la mission du
département au titre de l’action sociale et médico-sociale.
14
Une innovation forte mais encadrée : le recours à l’expérimentation
Au-delà de ces transferts directs et généralisés de certaines compétences, le
législateur a souhaité ouvrir la possibilité, déjà mise en œuvre à titre
exceptionnel en 1997 pour la régionalisation du transport régional des
voyageurs, d’expérimenter le transfert de certaines compétences sur la
base du volontariat des collectivités. Ce dispositif portera sur des domaines
dans lesquels des contraintes particulières ne permettent pas une
généralisation immédiate, du fait de l’étendue du champ transféré, du
besoin d’associer d’autres partenaires à la gestion des procédures ou de la
sensibilité sociale du sujet. Les expérimentations, qui concerneront par
exemple la gestion par les régions des programmes européens ou des crédits
consacrés aux monuments historiques, seront conduites en nombre limité et
donneront lieu à la définition d’un cahier des charges précis et à une
évaluation avant généralisation ou abandon du dispositif envisagé.
L’expérimentation pourra s’appliquer également à la recherche d’une
meilleure adéquation des lois et règlements aux objectifs poursuivis par les
politiques locales. Les collectivités sont donc autorisées à expérimenter
elles-mêmes les modifications qui pourraient être apportées aux lois et
règlements qui régissent l’exercice des compétences qui leurs sont confiées.
Le Parlement ou le gouvernement, selon qu’il s’agit de déroger à une loi ou
à un règlement, autoriseront les collectivités locales qui l’auront souhaité à
expérimenter ces règles nouvelles qui ne pourront pas porter sur les normes
définissant les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou
d’un droit constitutionnellement garanti. Au terme de l’expérimentation,
une évaluation décidera de sa généralisation ou de son abandon.
b) une plus grande maîtrise de leurs choix politiques par les collectivités
locales
La volonté de donner aux collectivités locales plus d’autonomie dans la
définition et la mise en œuvre des politiques locales est également affirmée
en matière de finances locales. Il s’agit d’accroître la responsabilité
financière - et donc politique - des collectivités dans l’exercice de leurs
attributions, notamment en leur affectant davantage de ressources fiscales à
partir desquelles elles pourront faire varier les taux en fonction des objectifs
poursuivis.
Contrairement aux dotations de État qui sont calculées à partir de l’effort
consenti par État au moment du transfert de la compétence concernée, le
transfert de ressources fiscales permet de ne pas dépendre des normes
d’indexation fixée par État mais aussi de rendre possible de véritables choix
par les assemblées et les exécutifs locaux, responsables devant leurs
électeurs.
15
Dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2003, le principe retenu
consiste à garantir aux collectivités locales la libre disposition de leurs
ressources et à conforter leur autonomie financière grâce à trois types de
dispositions (art. 72-2) :
- la possibilité pour les collectivités locales de recevoir le produit
d’impositions et d’en fixer elles-mêmes le taux et l’assiette dans les limites
fixées par le législateur ;
- le principe selon lequel, pour chaque catégorie de collectivité,
l’addition de ses recettes fiscales, des autres ressources propres et des
dotations émanant d’autres collectivités doit représenter une part
déterminante de l’ensemble des ressources3 ;
- la confirmation que les transferts de compétences de l’État doivent
être accompagnés de l’attribution de ressources d’un montant équivalent à
celles qui leur étaient consacrées lorsqu’elles étaient mises en œuvre par
l’État.
Enfin, le principe de péréquation, destiné à « favoriser l’égalité entre les
collectivités territoriales » reçoit une valeur constitutionnelle. Comme on l’a
vu plus haut (I.2a) des mécanismes de péréquation existent déjà mais leurs
effets sont jugés insuffisants au regard des déséquilibres entre territoires
riches et zones défavorisées.
En matière de financement des compétences, et pour répondre à l’objectif
d’autonomie financière qui proscrit le transfert de dotations budgétaires, le
principe retenu consiste à transférer aux conseils régionaux, outre une taxe
additionnelle à la taxe d’apprentissage, une part non modulable du produit
de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (T.I.P.P.) avec, dans un
second temps, la possibilité d’appliquer à cette base un taux de taxation
supplémentaire variable mais plafonné qui permettrait aux exécutifs
régionaux de disposer d’une ressource dont ils maîtrisent l’évolution. Pour
les conseils généraux est prévu le transfert de deux fractions non modulables
de la taxe sur les conventions d’assurance.
L’adéquation de ces ressources nouvelles aux charges transférées sera
contrôlée par une commission consultative sur l’évaluation des charges. Le
volume global des compensations est estimé à 4,6 Mds d’euros.
Les agents des services de l’État exerçant des compétences désormais
décentralisées ont été mis à disposition des collectivités territoriales à
compter du 1er janvier 2005.
3
La loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales
dispose que la part de ressources propres dans l’ensemble des ressources de chaque catégorie de
collectivités ne peut désormais être inférieure au niveau constaté en 2003, estimé à 36,1 % pour les
régions, 57,4% pour les départements et 56,3 % pour les communes.
16
A compter de la partition des services qui devrait intervenir en 2006, ils
disposeront pendant 2 ans d’un droit d’option pour intégrer de droit la
fonction publique territoriale ou demeurer dans la fonction publique de
l’Etat en étant détaché auprès de leur collectivité territoriale. 130 000
agents sont concernés par ce dispositif.
III.2 De la décentralisation à la nouvelle gouvernance : l’élargissement de
la démocratie locale et l’adaptation des structures territoriales
Ces réagencements de compétences ne visent pas seulement au recentrage
de l’État sur ses responsabilités essentielles. Ils cherchent également, en
restaurant une relation de proximité des citoyens/électeurs avec les
institutions locales, à réhabiliter la politique et à forger un nouveau modèle
de démocratie représentative et participative. Dans le même temps, c’est
l’ensemble de l’organisation territoriale des services publics qui doit
s’adapter à cette nouvelle configuration.
a) un recours élargi au référendum local
La loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la
République a renforcé l’information et la participation des habitants à la vie
locale par différentes mesures : mise à disposition du public, au siège de la
mairie, des documents budgétaires ; élaboration de documents
d’information sur la situation financière de la collectivité et sur ses
engagements à l’égard d’organismes extérieurs ; possibilité de consultation
directe des habitants sur des affaires de la compétence des communes ;
participation de personnes extérieures au sein de commissions de travail
créées par les conseils municipaux ; institution d’un régime de questions
orales ; possibilité d’organiser plus facilement des séances extraordinaires
des assemblées locales, etc.
L’exigence croissante d’une concertation et d’une réflexion largement
ouvertes avant toute décision susceptible d’avoir un impact important est
une tendance qui s’affirme depuis plusieurs années. La loi du 6 février 1992
avait elle-même prévu la possibilité, pour les conseils municipaux,
d’organiser des référendums consultatifs.
La révision constitutionnelle de mars 2003 introduit trois dispositions dont la
combinaison démultiplie l’impact et pourra favoriser de nouveaux modes
d’exercice des fonctions représentatives (art. 72-1) :
- la reconnaissance du droit de pétition qui permettra aux électeurs de
chaque collectivité territoriale d’obtenir l’inscription à l’ordre du jour de
l’assemblée délibérante de cette collectivité de toute question relevant de
ses compétences ;
- la possibilité, pour les organes d’une collectivité, de soumettre à un
référendum qui vaudra décision les projets de délibération ou d’actes
relevant de leurs compétences ;
17
- la possibilité de consulter les électeurs concernés sur la création ou la
modification de l’organisation d’une collectivité à statut particulier.
Outre-mer, la substitution à une région ou à un département d’outre-mer
d’une collectivité nouvelle comme l’institution d’une assemblée délibérante
unique est subordonnée au consentement des électeurs concernés.
b) l’évolution des structures territoriales
Les modifications des limites des collectivités locales
L’article 72-1, 3ème al. de la Constitution prévoit que la modification des
limites des collectivités territoriales peut donner lieu à la consultation des
électeurs dans les conditions prévues par la loi. Cette disposition pourrait
par exemple être mise en œuvre pour faciliter le regroupement de certains
départements voire de régions, la situation de la Basse et de la HauteNormandie ou celle des deux départements alsaciens étant fréquemment
évoquée à ce titre.
La réforme de l’organisation territoriale de l’État
La mise en œuvre de la décentralisation doit entraîner une recomposition en
profondeur de l’organisation et du fonctionnement des services territoriaux
de l’État qui représentent 95% des effectifs des agents de l’État
Ceux-ci n’avaient que très partiellement tiré les conséquences des transferts
de compétences intervenus depuis 1982, suscitant ainsi des risques de
mauvaise coordination et ne permettant pas à État de se concentrer sur ses
missions fondamentales.
Les nouveaux transferts de compétence qui affectent particulièrement les
services chargés des infrastructures routières, de l’animation économique et
de l’entretien des lycées et collèges s’accompagneront d’un transfert
complet des personnels correspondants et non d’une simple mise à
disposition.
La taille réduite qui en résulterait pour certains services mais aussi la
volonté affirmée de relancer un mouvement de réforme de État visant la
concentration des capacités d’expertise et la simplification des structures, a
conduit à des regroupements fonctionnels au sein de “pôles régionaux”
placés sous l’autorité du préfet de région (décret du 5 octobre 2004). Cette
recomposition, qui s’étalera sur plusieurs années à partir de 2004, doit
permettre de mieux identifier les fonctions dont l’État doit assumer la
responsabilité de façon directe (sécurité et ordre public, prévention des
risques, aménagement de l’espace, emploi et cohésion sociale,
éducation,…).
18
Elle s’accompagnera d’une plus large autonomie de gestion laissée aux
responsables des services dans le cadre des “programmes” budgétaires de
l’État mis en place par la nouvelle loi organique sur les lois de finances du
1er août 2001 qui s’appliquera à partir de 2006.
Des projets de recomposition des services départementaux de l’État sont en
cours d’étude et devraient être mis en œuvre au cours des prochaines
années, éventuellement sous forme expérimentale (circulaire du 28 juillet
2005).
L’équilibre ainsi trouvé doit toutefois répondre aux attentes régulièrement
exprimées par les citoyens en faveur d’une présence de l’État qui ne se
borne pas aux fonctions régaliennes mais touche également à la prévention
et au traitement de crises économiques graves, à l’assistance aux petites
communes et aux territoires défavorisés et, plus largement, aux missions
relevant de la cohésion sociale et territoriale.
Les préoccupations d’aménagement du territoire doivent ainsi traiter des
modes de présence et de fonctionnement des services publics (poste,
équipements scolaires et sanitaires mais aussi moyens de transports ou
autres services « à la personne ») dont les réseaux doivent s’adapter aux
évolutions démographiques sans délaisser les territoires à faible densité.
Enfin, ces évolutions ne pourront pas rester sans effets sur les structures des
administrations centrales dont l’immobilisme a souvent été critiqué comme
un frein à toute volonté de réforme : les transferts de compétence doivent
conduire à la suppression de structures devenues inutiles dans leur mission
ou inadaptées dans leur organisation.
Conclusion
Si elle laisse de côté la question du nombre et de l’articulation des différents
niveaux de collectivités, et notamment le débat département/région, la
réforme de décentralisation engagée en 2002 en France accentue et
consacre une évolution entamée il y a plus de vingt ans. Un modèle d’État
unitaire décentralisé émerge aujourd’hui : délaissant la “co-administration
du territoire” par l’État et les collectivités locales, esquissée dans les années
90, il privilégie une distinction plus nette des compétences des différents
acteurs institutionnels ainsi qu’une autonomie accrue des collectivités,
fondée notamment sur une plus grande responsabilité financière. Au plan
politique, l’affirmation du caractère décentralisé de l’organisation de la
République marque une volonté de rupture avec une tendance jacobine
traditionnellement méfiante face à l’affirmation des pouvoirs locaux.
19
L’expérience des réformes précédentes, les débats récents sur l’impact
fiscal de la réforme ou sur la place définitive de État dans la nouvelle
organisation des pouvoirs locaux montrent toutefois que la décentralisation
est « un art tout d’exécution » qui doit démontrer, dans la pratique des
nouveaux instruments juridiques et dans l’exercice des compétences locales,
qu’un équilibre stable a pu être trouvé entre une tradition institutionnelle
encore vive, une attente sociale qui se réfère souvent à l’État et les besoins
d’une démocratie moderne.
Septembre 2005
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