Escalade au Mont Aiguille : le débrief, le vrai

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Escalade au Mont Aiguille : le débrief, le vrai
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Escalade au Mont Aiguille : le débrief, le vrai !
Samedi, le ciel n'était que brouillard et pluie. La température juste au dessus de zéro au village. Quand les guides nous
ont dit "on répète les manips dans la chambre et ensuite on va grimper en salle", un truc s'est passé dans notre esprit,
un truc dingue qui remonte à l'acte fondateur de MontagnePub, ce Mont-Blanc fait dans des conditions dantesques contre
l'avis des guides. Ce truc dingue s'est reproduit et on est partis sous la pluie, dans le froid et dans le vent à l'assaut de la
voie normale du Mont Aiguille. Au pied de la voie nous avions sorti toutes les couches, déjà les plus frileux souffraient
d'onglées aux pieds et aux mains et nous avions tous recours au petit spray de cognac de Jean-Lin pour nous remonter
le moral et nous réchauffer. Les cordées sont parties sur un rocher poli, luisant et glissant de pluie balayées par le
brouillard et les bourrasque de vent. Il nous a fallu plusieurs heures pour venir à bout de cette voie, plutôt facile, mais dans
une ambiance 100% haute montagne. Il y a eu quelques glissades rattrapées à coups de demi-cab bien assurés (merci
Thierry de m'avoir assuré dans cette cheminée qui ressemblait plus à une gouttière), quelques frayeurs vite gommées
par la concentration des cordées. Au sommet nous avons découverts un plateau couvert de neige, blanc comme un
drap là où nous nous attendions à bivouaquer au soleil et à la belle étoile. Et nous n'étions pas au bout de nos surprises.
Le deuxième rappel de la descente à été le clou de la journée. Le vent au départ du rappel nous donnait l'impression
qu'il faisait -50, nous étions trempés comme des soupes et là après les 5 premiers mètres de descente nous avons
découvert que la rappel faisait 40 mètres et descendait à pic dans un gouffre dont nous ne pouvions voir le fond. Coincés
entre 2 murs de rocher, prenant de la flotte sur la gueule, poussés par le vent nous descendions à pic dans l'inconnu
entendant à peine les voix de nos camarades en dessous. Sublime, épique, mémorable, ceux qui l'ont fait font
maintenant parti d'un club. Ensuite descente en courant, chute de thomas, pot au bistrot, essorage au gîte, douche, dîner
au château, 5 bouteilles de Givry, des cigarettes qui rendent fous, etc. etc. Classique en somme.
Il y a aussi eu ce samedi soir décision unanyme du groupe de faire ce qui avait été décris par Mathieu comme "une
belle course d'arêtes, accessible mais majestueuses, avec de meilleures conditions atmosphériques". Moi on me dit ça,
je dis oui, je me mets au lit et m'endors du sommeil du juste.
Dimanche, nous y avons cru à cette belle histoire. Pendant 30 minutes. Les 30 minutes pendant lesquelles nous avons
vu le soleil. 2 heures plus tard au sommet de la marche d'approche nous étions congelés. Il faisait plus froid que la
veille, le givre et la glace avaient remplacé la pluie et le vent était 2 fois plus fort que Samedi. Et là, je peux vous le dire
maintenant, nous pensions tous "impossible de se coller 4 heures sur un arête dans ces conditions". C'est là que le
vocabulaire montagnard présente des subtilités très savoureuses :
- quand on vous dit "qu'il y a de l'ambiance" il faut comprendre "mais qu'est qu'on fout là bordel de merde"
- quand on dit "c'est sympa ces conditions hivernales" il faut comprendre "on va friser l'hypothermie dans pas
longtemps"
- quand vous entendez "tu vas voir le niveau c'est tout le temps comme ça" il faut comprendre "tu vas grave avoir les
jetons dans pas longtemps mais de toutes façons tu n'as pas le choix va falloir passer".
Donc on aurait du faire demi-tour, et puis même phénomène que Samedi, comme personne n'a protesté on a tous
compris qu'on allait y aller. Sauf Maÿlis et Sylvain qui ont été trahi par le matériel, faute de gants et de chaussures
véritablement adaptées, Maÿlis a jugé plus sage de rebrousser chemin et Sylvain a eu la délicatesse de l'accompagner.
Et là je peux vous dire que c'était la sage décision vu ce qui nous attendait après. Après c'était, 2 heures 30 de
cheminement sur une arête couverte de glace en plein brouillard avec 400 m de vide à gauche et 250 m à droite. Le givre
rendait chaque prise glissante et le premier pas d'escalade failli être fatal a Thomas bien rattrapé par son guide. Après
cette première frayeur les longueurs de corde se sont enchainées, trop froid pour s'arrêter, trop compliqué pour le
moral aussi, dimanche on avançait a l'adrénaline et l'oeil sur le chrono. Et puis il y a eu "le rasoir". Une lame de rocher de
5 centimètres de large et de 40 de long sur laquelle il fallait passer à califourchon puis la prendre à pleine main pour se
balancer dans le vide à droite et cheminer le long de l'écaille rocheuse. Il y avait de "l'ambiance" pour reprendre une
expression chère aux montagnards (voir plus haut). Tout le reste était de cet acabis, les "gendarmes" de pierre
apparaissaient les uns après les autres dans le brouillard, les arêtes couvertes de givre se perdaient dans le vide, les
silhouettes de grimpeurs se détachaient des nuées telles des zombies repoussant la mort. C'était beau, grand,
extrême, très instructif aussi car ceux qui sont passés en tête (Thierry, Hugo, Fabien), ceux qui ont installé les relais
(les autres) ont tous appris quelque chose. Sur la technique, sur le cheminement, sur soi, sur notre capacité à réagir en
conditions extrêmes. Ensuite descente, 10 centimètres de neige fraîche au col, course dans le pierrier, voiture, douche,
pizza, train.
En conclusion, énorme et mythique. Fantastique.
Vous étiez beaux, grands, forts.
Vous êtes des vrais montagnards. Je suis fier d'avoir fait ces courses avec vous.
Bravo à tous. On recommence l'année prochaine. A l'identique ou presque. Promis je vous réserverai d'autres surprises.
Laurent Janneau
PS : Lionel, toi qui aurait du être avec nous, je te mets en copie. Ce sera pour la pochaine fois amigo.
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Généré: 22 February, 2017, 10:35