Etude sur des adultes nés par don de sperme Le Conseil
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Etude sur des adultes nés par don de sperme Le Conseil
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°126 : Juin 2010 Etude sur des adultes nés par don de sperme La Commission sur l’avenir de la condition parentale, groupe d’universitaires et d’experts qui réfléchissent à la "situation juridique, éthique, sociale et scientifique des parents dans la société contemporaine" a publié le 3 juin 2010 un rapport intitulé : "Mon père se nomme donneur : une nouvelle étude sur les jeunes adultes conçus par don de sperme". L’étude de 140 pages, effectuée par le cabinet de recherche Abt SRBI (New York) et menée par Elizabeth Marquardt, Norval D.Glenn et Karen Clarck, comporte 15 conclusions importantes et 19 recommandations à l’adresse des décideurs et praticiens en matière de droit et politiques de la santé. Elle a porté sur 1680 personnes de 18 à 45 ans, réparties en trois groupes égaux : celui des personnes nées après insémination avec donneur (IAD), celui des adultes adoptés et celui des adultes élevés par leurs parents biologiques. Des adultes blessés Elle révèle que "par rapport à la moyenne des gens, les jeunes adultes conçus par suite d’un don de sperme ressentent davantage une blessure, sont plus confus et se sentent plus isolés de leur famille." La moitié d’entre eux admettent se sentir "mal dans leur peau" et avoir le sentiment d’avoir subi un préjudice. 25% pensent que "personne ne les comprend vraiment" ce qui n’est le cas que pour 13% des enfants adoptés et 9% des enfants nés de l’union de leurs parents. En outre, deux tiers des adultes nés par IAD sont d’accord avec l’énoncé suivant : "Mon donneur de sperme est la moitié de qui je suis" et affirment que les personnes issues d’un don de sperme ont le droit de savoir la vérité au sujet de leur origine. 46% d’entre eux craignent "d’être attirés par, ou d’avoir des rapports sexuels avec, quelqu’un avec qui ils ont un lien de parenté" contre 16% pour les personnes adoptées. La crainte que "l’argent ait été un facteur intervenant dans leur conception" aggrave dans 42% des cas le malaise de ne pas connaître ses origines. Le rapport note également qu’ "environ la moitié d’entre eux sont préoccupés par, ou ont de graves objections à, la conception reposant sur le don de sperme, et ce même lorsque les parents disent la vérité à leurs enfants". Les personnes nées d’une IAD sont proportionnellement deux fois plus nombreuses que les enfants élevés par leurs parents biologiques à avoir des problèmes avec la loi et à consommer des stupéfiants de manière abusive. Cette "première étude comparative et représentative jamais effectuée sur les adultes conçus au moyen d’un don de sperme" vise à "provoquer un débat international sur l’éthique, la signification et la pratique de la conception fondée sur un don de sperme". Au nombre des recommandations édictées pour guider la réflexion, on trouve : la levée de l’anonymat du don de sperme, la limitation du nombre de dons par donneur, la favorisation des alternatives à l’IAD (adoption, …), etc. France : levée de l’anonymat ? En France, à l’approche de la révision de la loi de bioéthique, le débat est posé. L’Académie de médecine, notamment, a mis la question à l’ordre du jour le 2 juin 2010, en discutant l’ouvrage de Pierre Jouannet et Roger Mieusset : Donner et après. La procréation par don de spermatozoïdes avec ou sans anonymat. Pour Pierre Jouannet, ancien responsable du Centre d’étude de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) de l’hôpital Cochin, la levée de l’anonymat ne serait pas sans conséquences. Les enquêtes révèlent en effet qu’un quart des couples renoncerait à un projet d’IAD si la loi devait changer et que 60% des donneurs renonceraient à leur don. Le Conseil constitutionnel reconnaît la loi anti-Perruche Le 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution1 la loi du 4 mars 2002, dite loi anti-Perruche. Cette loi était contestée par la mère d’un enfant myopathe, Mme Viviane L., qui avait saisi le Conseil constitutionnel le 14 avril 2010 dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle contestait le régime de responsabilité reconnu par l’article 1er de la loi qui dispose que "nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance" et précise que «lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. » Pour maître LyonCaen, avocat de la requérante, l’interdiction posée par la loi aurait été en contradiction avec les principes constitutionnels de responsabilité et de réparation intégrale. Décision du Conseil constitutionnel Concernant le premier alinéa de l’article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles qui interdit à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du seul fait de sa naissance, la décision des Sages établit que « la fixation de cette règle relève de l’appréciation du législateur » lequel en l’occurrence, n’a pas méconnu le principe d’égalité dans les dispositions prises : « d’une part, les professionnels et les établissements de santé de ne sont pas exonérés de toute responsabilité. D’autre part, les critères retenus par le législateur, relatifs à l’enfant né avec un handicap et à Gènéthique - n°126 – Juin 2010 la faute à l’origine du handicap, sont en lien direct avec l’objet de la loi ». Le Conseil constitutionnel a également examiné le troisième alinéa de l’article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles qui restreint les conditions de mise en jeu de la responsabilité médicale à l’existence d’une « faute caractérisée » : « en l’espèce, le législateur a interdit aux parents d’obtenir, par la mise en cause de la responsabilité médicale, la réparation du préjudice résultant des charges du handicap. D’une part, la compensation de ce handicap est mise à la charge de la collectivité nationale. D’autre part, un tel régime n’institue pas une irresponsabilité générale des professionnels et établissements de santé […] Pour toutes ces raisons, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné. Elle n’est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ». En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution la rétroactivité de la loi. Les affaires engagées antérieurement à mars 2002 ne sont donc pas concernées. Cette disposition de forme ne remet pas en cause les principes de la loi. Le Collectif contre l’Handiphobie, qui avait assigné l’Etat pour faute lourde dans l’exercice de la justice après le vote de l’arrêt Perruche, s’est réjoui de la décision du Conseil : « C’est une victoire pour les personnes handicapées et leurs familles ». 1- Décision n°2010-2 QPC du 11 juin 2010 AMP et risques de malformations : une étude française Une vaste étude française sur les risques accrus de malformation chez les enfants conçus par assistance médicale à la procréation (AMP) a été rendu publique le 14 juin 2010, au Congrès européen de génétique humaine qui se tenait à Göteborg en Suède. Menée à l’initiative de l’association AMP vigilance réseau Follow Up et conduite par le Dr Géraldine Viot, généticienne à la maternité de Port Royal de Paris, elle a passé au crible 15 162 naissances dans 33 hôpitaux pratiquant l’AMP entre 2003 et 2007, « un effectif tout à fait considérable ». L’AMP désigne les pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient directement dans la procréation afin de permettre aux couples souffrant d’infertilité d’avoir un enfant : fécondation in vitro (FIV), ICSI, inséminations artificielles. Alors qu’en France, 238 000 naissances ont été dues à ces techniques, l’étude révèle qu’il y a presque le double de malformations congénitales majeures chez ces enfants que chez les enfants conçus naturellement : 4 ,23% au lieu de 2 à 3%. « Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de malformations cardiaques ou uro-génitales. On utilise le terme de majeure quand la malformation impose un traitement chirurgical ou entraîne une répercussion dans la vie quotidienne de l’enfant ou peut, dans certains cas, provoquer le décès », précise le Dr Viot. Les malformations mineures, comme les angiomes cutanés (proliférations bénignes de vaisseaux sanguins) sont, elles, cinq fois plus fréquentes que dans la population générale. On note par ailleurs des syndromes génétiques en nombre plus élevé. L’étude n’est pas terminée : 4000 nouveaux dossiers sont encore à examiner, dans 45 établissements. Le Dr Géraldine Viot précise également : « les origines de ces malformations sont probablement multiples. Nous devons nous pencher sur toute la chaîne, de la culture de l’embryon aux effets de la stimulation ovarienne que subit la femme, mais aussi à l’utilisation de la technique de l’ICSI (qui consiste à injecter le spermatozoïde directement à l’intérieur de l’ovule), qui n’est peut-être pas sans effet, sans oublier la congélation ». Molécule Synthia : l’homme a-t-il créé la vie ? « Des scientifiques ont créé la première cellule contrôlée par un génome synthétique», a annoncé la revue Science le 21 mai 2010. La fabrication, par l’équipe du biologiste américain Craig Venter, de la molécule Synthia, la première cellule vivante dont le génome a été conçu de toutes pièces par l’homme et sa technologie a défrayé la chronique. Mais l’homme a-t-il réussi à « créer la vie », ainsi qu’on a pu le lire ? myoplasme mycoïde. Après en avoir recensé tous les éléments chimiques (au nombre de plus d’un million), son équipe et lui ont construit un nouveau génome sur le modèle de celui de la bactérie. Celui-ci a ensuite été inséré dans une autre bactérie nommée mycoplasme caprilorum, privée de son propre ADN. L’ADN artificiel a commencé à travailler et la bactérie s’est divisée en bactéries semblables à la bactérie artificielle du départ. La vie n’a pas été créée Vigilance éthique Le Dr Carlo Bellieni, professeur en néonatologie à l’université de Sienne et membre de l’European Society of Pediatric research, explique qu’il s’agit d’un « travail d’ingénierie génétique de haut niveau », mais qu’« en réalité, la vie n’a pas été créée. On en a substitué un des moteurs ». La découverte de Craig Venter a consisté à recopier le génome existant : de la bactérie Il s’agit donc d’une prouesse technologique dont les chercheurs espèrent qu’elle leur permettra de fabriquer des microorganismes utilisés dans la fermentation, dans la fabrication d’antibiotiques, de médicaments complexes ou dans la détoxification de la pollution de métaux lourds. Le Dr Carlo Bellieni met pourtant en garde : « un résultat intéressant a été obtenu qui peut trouver des applications et doit avoir des règles, comme toutes les choses qui touchent au cœur de la vie ». Pat Mooney, directeur de l’ETC Group, organisme international privé de surveillance des technologies, va dans le même sens : « la biologie synthétique est un domaine d’activité à haut risque mal compris, motivé par la quête du profit. Nous savons que les formes de vie créées en laboratoire peuvent devenir des armes biologiques et menacer aussi la biodiversité naturelle ». Pour Thierry Magnin, théologien et professeur de physique à l’Ecole des Mines de Saint Etienne et à l’Institut catholique de Toulouse, les technosciences ne se contentent plus de copier la nature ou de la « réparer », mais visent à « augmenter ses potentialités jusqu’à maîtriser le vivant, y compris humain », ce qui nécessite une « vigilance éthique ». Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 37 rue des Volontaires, 75 725 Paris cedex 15. Siège social : 31 rue Galande, 75 005 Paris - www.genethique.org – Contact : [email protected] – Tél. : 01.44.49.73.39 Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast - Imprimerie PRD S.A.R.L. – N° ISSN 1627 - 498 Gènéthique - n°126 – Juin 2010 Gènéthique - n°126 – Juin 2010