SOLVABILITÉ II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk

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SOLVABILITÉ II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk
SOLVABILITÉ II :
quel besoin en capital
pour la stratégie de risk arbitrage ?
@RiskArbOFI
Fabienne Cretin
Stéphane Dieudonné
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Tous droits réservés - Achevé de rédiger le 11 mars 2016
Sommaire
Introduction ......................................................................................................
3
Calcul du SCR Marché sous le pilier 1 de Solvabilité II ...................................
4
Le risk arbitrage, une stratégie avec une faible corrélation ............................
5
Quels sont les risques de la stratégie de risk arbitrage ? ...............................
8
-
Une stratégie rentable ............................................................................ 8
-
Un risque uniquement idiosyncratique ? ............................................... 9
-
Un risque de liquidité ........................................................................... 11
Un SCR Marché majoré par la formule standard ..........................................
12
Les limites d’un raisonnement par la VaR ....................................................
14
Une estimation du SCR dans l’esprit de Solvabilité II ...................................
16
Conclusion .....................................................................................................
20
Bibliographie ..................................................................................................
21
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 2
Solvabilité II : quel besoin en capital
pour la stratégie de risk arbitrage?
Introduction
Solvabilité II est une réforme réglementaire européenne du secteur de l’assurance dont
l’objectif est d’adapter le niveau de capitaux propres aux risques de toute nature auxquels
sont exposés les assureurs, les mutuelles et les institutions de prévoyance.
Cette directive européenne définit pour les institutionnels des normes quantitatives de calcul
des provisions techniques et des fonds propres. Un niveau réglementaire est notamment fixé
pour les fonds propres : le Solvency Capital Requirement ou SCR. Son montant représente
le capital nécessaire pour absorber un choc majeur sur le portefeuille de risques de
l’assureur. En particulier, pour ses placements financiers, l’assureur calcule un SCR Marché
qui doit refléter le niveau de risque de chaque instrument en portefeuille.
L’arbitrage de fusions et acquisitions (appelé risk arbitrage ou merger arbitrage) est une
stratégie à faible volatilité dans laquelle investissent parfois les mutuelles ou les caisses de
prévoyance. En offrant une décorrélation par rapport aux principales classes d’actifs, cette
stratégie leur permet en effet de diversifier leurs portefeuilles. Dans le cadre de Solvabilité II,
ils seront donc amenés à se poser la question du calcul du SCR associé à cet
investissement.
Solvabilité II définit très précisément les règles de calcul du SCR pour les investissements en
actions. Ces règles s’appliquent naturellement à un portefeuille de risk arbitrage car celui-ci
est principalement composé d’actions liquides cotées sur les grandes places boursières. Le
problème est que ce mode de calcul conduit à majorer significativement le besoin en capital
de cette stratégie au regard de sa volatilité relative par rapport aux actions.
L’idée de ce papier n’est évidemment pas de remettre en cause ce mode de calcul qui, de
toute façon, doit désormais s’appliquer à tous les portefeuilles d’actifs. Nous avons plutôt
voulu mener une réflexion plus large sur les risques de la stratégie de risk arbitrage afin
d’estimer le plus justement possible le besoin en capital qu’elle requiert dans un cadre
conforme aux principes de Solvabilité II. Au final, l’objectif de ce document est d’aider les
assureurs dans leur allocation d’actifs en montrant que les risques associés à la stratégie de
risk arbitrage sont bien inférieurs à ce que pourrait suggérer leur coût en capital sous
Solvabilité II sous l’angle de la formule standard.
Dans un premier temps, nous reviendrons sur les grandes lignes de Solvabilité II et, plus
particulièrement, sur le calcul du SCR Marché. Après avoir présenté les spécificités du risk
arbitrage, nous réfléchirons sur les risques inhérents à cette stratégie en nous appuyant sur
la littérature académique ainsi que sur notre propre expérience de gestion. Ensuite, nous
verrons pourquoi l’application des règles de Solvabilité II à un portefeuille de risk arbitrage
conduit à majorer le SCR de cette stratégie. Enfin, nous présenterons trois méthodes de
calcul permettant une estimation de ce SCR dans l’esprit de Solvabilité II.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 3
Calcul du SCR Marché sous le pilier 1 de Solvabilité II
Dans le dossier Solvabilité II publié en partenariat avec l’AGEFI en mai 2014, OFI AM
revenait sur les grands principes de cette réforme et sa mise en application dans le secteur
de la gestion d’actifs.
La directive Solvabilité II vise à renforcer la capacité des assureurs, mutuelles et institutions
de prévoyance à respecter les engagements pris auprès de leurs clients. Essentielle pour les
deux parties, elle a pour objectif d’adapter le niveau de capitaux propres aux risques de toute
nature auxquels les institutionnels sont exposés et ce, au niveau européen. Pour cela, cette
directive repose sur 3 piliers : le pilier 1 porte sur le calcul des provisions techniques et des
fonds propres ; le pilier 2 sur le suivi des risques et le pilier 3 sur la communication financière
auprès du régulateur et du public.
Le pilier 1 définit les normes de calcul du Solvency Capital Requirement ou SCR, c’est-à-dire
le niveau de fonds propres réglementaires. Le SCR a été calibré pour correspondre aux
fonds propres nécessaires à l’assureur pour faire face à ses engagements à horizon 1 an
avec un seuil de confiance de 99.5%. La formule standard, qui a été calibrée par l’EIOPA
(European Insurance and Occupational Pensions Authority), décompose le calcul du SCR en
6 grands modules correspondant aux familles de risques auxquelles fait face l’assureur :
• Marché
• Santé
• Défaut
• Vie
• Non-vie
• Intangible
La directive Solvabilité II indique que le calcul du SCR Marché doit refléter le niveau ou la
volatilité du prix de marché des instruments financiers pouvant avoir un impact sur la valeur
de l’actif et du passif de l’assureur. Le calcul doit également tenir compte du problème
d’adéquation entre l’actif et le passif, notamment du point de vue de la liquidité. Pour ce faire,
le calcul du SCR Marché est lui-même distribué en 6 modules correspondant aux principaux
risques de marché :
• Taux
• Actions
• Immobilier
• Crédit
• Concentration
• Change
C’est le module Actions du SCR Marché qui nous intéresse dans le cadre de notre stratégie
de risk arbitrage. Ce module vise à quantifier la sensibilité de la valeur des actifs, des passifs
et des instruments financiers aux variations du niveau ou de la volatilité du prix de marché
des actions.
La méthode de calcul du SCR Actions consiste à appliquer un choc standard à chacun des
titres du portefeuille considéré. La perte totale est alors calculée comme le produit du choc
par l’exposition au marché actions correspondante.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 4
Si l’on considère un portefeuille constitué d’actions globales cotées dans un pays membre de
l’UE ou de l’OCDE, l’amplitude du choc est de -39% auquel s’ajoute un facteur d’ajustement
calculé par l’EIOPA qui est compris entre -10 et +10% selon les conditions de marché. Si le
marché actions se situe sur un point haut, le facteur d’ajustement sera de -10% et donc le
choc appliqué de -49%. A contrario, si le marché est sur un point bas, le facteur d’ajustement
est de +10% et le choc que de -29%.
S’agissant des instruments de couverture comme les options ou les futures, les principes
sont explicités aux points 72 et 73, ainsi que dans la section 10 Risk mitigation techniques,
du document Commission Delegated Regulation (EU) 2015/35 d’octobre 2014. Ils doivent
être pris en compte en proportion du niveau moyen de couverture à horizon d’un an, à moins
qu’ils ne fassent partie d’une stratégie de couverture sujette à un renouvellement régulier.
Les autres positions vendeuses ne peuvent compenser les positions acheteuses que si elles
participent à une réduction de risque au sens de la formule standard du SCR. Toutes les
autres positions vendeuses devront être exclues du calcul.
Terminons par un exemple numérique de calcul de SCR Marché pour un portefeuille
constitué d’actions européennes avec des positions acheteuses et vendeuses représentant
respectivement 100% et 20% de la NAV. Si l’on considère que les positions vendeuses
viennent en réduction du risque du portefeuille, l’exposition nette du portefeuille à laquelle
est appliqué le choc est donc de 80%. Si le facteur d’ajustement fourni par l’EIOPA ressort
à -7%, l’amplitude de ce choc s’élève à -39% - 7%, soit -46%. Appliqué au portefeuille
considéré, on obtient alors un SCR Actions d’environ 37% (c’est-à-dire 80% x 46%). Si l’on
fait l’hypothèse réaliste que les autres modules du SCR Marché sont très faibles ou nuls, on
obtient un SCR Marché de 37%. Autrement dit, un investissement de 1 M€ dans ce portefeuille
requiert un besoin en capital de 370 K€ pour l’assureur (hors effets de diversification).
Nous allons voir maintenant comment calculer le SCR de Marché pour un portefeuille de risk
arbitrage dont la principale caractéristique est la faible corrélation par rapport au marché
actions.
Le risk arbitrage, une stratégie avec une faible corrélation
Le risk arbitrage (appelé aussi merger arbitrage) est une stratégie d’investissement dont
l’objectif est de tirer profit des opérations de fusions & acquisitions (M&A en anglais pour
merger & acquisition). Quand une opération de M&A est officiellement annoncée sur une
société cotée, les actions de la cible ne vont pas immédiatement se caler sur le prix proposé
par l’acquéreur. Il subsiste en effet une différence de prix, appelée décote ou spread de risk
arbitrage, qui est le reflet des risques pesant sur le succès de l’opération : rejet des
actionnaires de la cible, opposition des autorités de la concurrence, problème de
financement pour l’acquéreur…
S’il considère que le couple rendement/risque est attrayant, l’arbitragiste va mettre en place
une stratégie pour capter cette différence de prix. Ainsi, dans le cas où l’acquéreur paye en
numéraire, il achètera tout simplement les actions de la cible en attendant qu’elles
convergent vers le prix proposé par l’acquéreur. Si l’acquéreur paye en titres, il achètera les
titres de la cible tout en vendant les actions de l’acquéreur en fonction des termes de l’offre
en espérant que la décote tende vers 0 à la fin de l’offre.
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Il apparaît que la stratégie de risk arbitrage présente un profil de rendement asymétrique
dans la mesure où le gain escompté est faible au regard de la perte en cas d’échec de
l’opération. En effet, si l’opération est finalisée selon les termes initialement annoncés,
l’arbitragiste encaissera la petite décote entre le cours de la cible et le prix de l’offre. En
revanche, si l’opération échoue, les titres de la cible vont revenir sur les niveaux avant
l’annonce de l’offre, occasionnant une perte significative pour l’arbitragiste. Mais, comme la
probabilité d’échec d’une opération est bien plus faible que la probabilité de succès,
l’espérance de rendement de la stratégie est bien positive. Nous reviendrons sur ce point
plus en détail par la suite.
Au sein de la communauté des arbitragistes, le risk arbitrage peut avoir une acception assez
large. En effet, certains investisseurs prennent des paris plus ou moins directionnels en ne
couvrant que partiellement, par exemple, leurs positions acheteuses des titres de la cible
avec ceux de l’acquéreur dans le cadre d’une opération payée en titres. D’autres peuvent
également se positionner sur des opérations partiellement annoncées où les termes de
l’offre ne sont pas encore officiels voire sur des rumeurs de marché. Dans la suite du
document, nous allons considérer le risk arbitrage dans sa version la plus pure, c’està-dire uniquement sur les opérations de M&A officiellement annoncées et sans biais
directionnel, tel que nous le pratiquons chez OFI AM.
La principale caractéristique de la stratégie de risk arbitrage est d’être faiblement corrélée
avec les classes d’actifs traditionnelles, notamment avec le marché actions.
Pour l’illustrer, prenons le cas concret de l’offre de Berkshire Hathaway sur le groupe
industriel Precision Castparts. Annoncée en août 2015, cette opération de 36 Mds$ s’est
terminée en février 2016. Les actionnaires de Precision Castparts se sont vus offrir 235 $ par
titre par l’acquéreur.
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240
2150
2100
230
2050
220
USD
2000
210
1950
200
1900
190
Precision Castparts - échelle de gauche
Prix de l'offre - échelle de gauche
S&P 500 - échelle de droite
180
juin-15
1850
1800
juil.-15
août-15
sept.-15
oct.-15
nov.-15
déc.-15
janv.-16
GRAPHIQUE 1 : évolution du cours de bourse de Precision Castparts avant et après l’annonce
de l’offre de Berkshire Hathaway en aout 2015 - Sources : Bloomberg, OFI AM
Sur le graphique 1, on observe que le titre de Precision Castparts, qui cotait 190 $ en juillet,
se stabilise autour de 230 $ tout de suite après l’annonce de l’offre en aout. Sur ce niveau de
prix, l’arbitragiste est en mesure de capter un gain potentiel de 5 $ (appelé décote de risk
arbitrage) qui est égal à la différence entre le prix de l’offre à 235 $ et le cours coté de 230 $.
Le rendement escompté de cet arbitrage est donc de 2.2% (5 $/230 $). Au moment de
l’annonce, la durée de l’offre était estimée à 6 mois environ. Le rendement annualisé de cet
arbitrage ressort donc à 4.4% (2.2% x 12 mois / 6 mois).
Le graphique 1 montre aussi que les variations de la décote de risk arbitrage sont
indépendantes des mouvements du marché actions entre août 2015 et février 2016. En effet,
le prix de l’action Precision Castparts converge lentement vers le prix de l’offre au fur et à
mesure que la transaction obtient les différentes approbations requises comme celles des
autorités de la concurrence aux US, en Europe et au Brésil ou encore comme le vote
favorable de ses actionnaires réunis en assemblée générale. Les fortes variations que
connaît le marché actions au cours de cette période n’ont pratiquement pas d’impact sur le
cours de Precision Castparts. Au cours de la durée de vie d’une opération de M&A, la décote
de risk arbitrage apparait donc largement décorrélée du marché actions.
Comme les opérations de M&A sont indépendantes entre elles, un portefeuille constitué de
plusieurs décotes de risk arbitrage est en grande partie immunisé contre les variations du
marché actions. S’il peut s’affranchir du risque de marché, l’arbitragiste assume, en
revanche, certains risques propres que nous allons maintenant analyser.
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Quels sont les risques de la stratégie de risk arbitrage ?
Comme le dit John Paulson dans un article intitulé « The « Risk » in Risk Arbitrage », le risk
arbitrage ne consiste pas à gagner de l’argent mais plutôt à ne pas en perdre. Le savoir-faire
de l’arbitragiste réside en effet dans sa capacité à minimiser l’impact des pertes
consécutives à l’échec d’une opération en portefeuille. Pour ce faire, une bonne appréciation
des risques se révèle indispensable.
Une stratégie rentable
En finance, l’acceptation d’un risque vient en contrepartie de l’espérance d’un profit. Nous
avons vu que l’espérance de gain de la stratégie était normalement positive. Mais quel est
plus précisément ce profit potentiel ? Les études académiques sont nombreuses sur le sujet.
Pour toutes les transactions payées en numéraire, Dukes et al. (1992) montrent que sur la
période 1971-1985 les investisseurs qui ont acheté les cibles des transactions annoncées
ont réalisé un rendement journalier de 0.47% (hors coûts de transaction), soit un rendement
annualisé de 100%. Jindra et Walking (2004) arrivent à la même conclusion avec un
échantillon de 361 opérations entre 1981 et 1995.
S’agissant des opérations dont le paiement est mixte (numéraire et titres), les études
aboutissent toujours à des rendements positifs mais beaucoup plus faibles. Ainsi, Larker et
Lys (1987) calculent un rendement annualisé de près de 52%. Sur un petit nombre de
valeurs canadiennes, Karolyi et Shannon (1998) déterminent un rendement annualisé de
26%. Sur un échantillon plus large d’opérations réalisées aux USA entre 1978 et 1996,
Baker et Savasoglu (2002) estiment à 12.5% le rendement annualisé.
Ces rendements restent quelque peu théoriques dans la mesure où ces études ne prennent
pas forcément en compte les limitations pratiques des arbitrages calculés (disponibilité et
coût de l’emprunt de titre par exemple) ainsi que les frais de transactions.
De manière plus réaliste en revanche, dans leur célèbre article intitulé « Characteristics of
Risk and Return in Risk Arbitrage » (2001), Mitchell et Pulvino ont analysé 4750 opérations
de fusions & acquisitions sur la période 1963-1998. Il ressort de cette étude que, sur cette
période, un portefeuille de risk arbitrage est capable de dégager un rendement de 4% par an
après coûts de transaction.
Enfin, même si l’historique est plus court, l’indice HFRX Merger Arbitrage affiche un
rendement annualisé de 5,4% sur la période 1998-2016 (cf. graphique 2). Construit à partir
de la performance de fonds spécialisés en risk arbitrage avec une part minoritaire d’eventdriven, il donne une bonne indication du rendement que l’on peut attendre avec cette
stratégie après coûts de transaction et frais de gestion des fonds, et ce sur une période
couvrant 3 cycles de M&A.
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280
+5,4% annualisé
260
sur la période 1998-2016
240
220
200
180
160
140
HFRX Risk Arbitrage
120
100
GRAPHIQUE 2 : évolution de l’indice HFRX Risk Arbitrage depuis sa création en 1998 à 2016 Sources : Bloomberg, OFI AM
Il convient cependant de noter que certains fonds de risk arbitrage combinent leur stratégie
principale avec une part d’event-driven induisant ainsi une certaine directionnalité dans le
portefeuille global. Il est donc possible que le véritable rendement annualisé du risk arbitrage
soit légèrement inférieur à 5,4%.
Au total, d’un point de vue théorique comme empirique, la capacité de la stratégie à dégager
des rendements positifs sur longue période est avérée. Mais comment expliquer ces niveaux
de rentabilité dans un marché théoriquement efficient ? Quels sont les risques pris par les
arbitragistes en contrepartie de ces rendements ?
Un risque uniquement idiosyncratique ?
Le principe théorique de la stratégie de risk arbitrage est simple : substituer un risque
idiosyncratique (le risque d’échec de l’opération de M&A) à un risque de marché. En outre,
ce risque spécifique est diversifiable dans un portefeuille constitué de plusieurs opérations
de M&A si l’on considère que toutes les opérations sont indépendantes les unes des autres.
Le graphique 3 illustre concrètement ce risque spécifique avec l’échec de l’acquisition de
RSA Insurance par Zurich Insurance. Annoncée en aout 2015, l’offre hostile valorisait les
titres RSA Insurance à 5,50 £. N’ayant finalement pas réussi à se mettre d’accord avec la
cible, Zurich Insurance a préféré retirer son offre un mois plus tard. Le jour de l’annonce de
l’échec de l’opération, le titre RSA Insurance a baissé de 21% dans un marché en légère
hausse de 0.75%. Cette forte baisse matérialise le risque de la transaction dit spécifique car
propre à l’opération considérée et indépendant du marché.
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600
550
Échec de l'offre
GBp
500
Annonce de l'offre
-21%
450
RSA Insurance
400
Prix de l'offre
350
01/06/2015
01/07/2015
01/08/2015
01/09/2015
01/10/2015
GRAPHIQUE 3 : échec de l’offre de Zurich Insurance sur RSA Insurance en 2015 - Sources :
Bloomberg, OFI AM
En pratique, la mise en œuvre de la stratégie de risk arbitrage peut s’avérer complexe. Avec
le recul de 15 ans d’expérience sur cette stratégie, notre équipe de gestion a effectivement
constaté qu’un portefeuille de risk arbitrage n’était pas toujours immunisé contre certaines
variations de marché. Mitchell et Pulvino ont bien illustré ce phénomène, toujours dans la
même étude de 2001.
En effet, ils mettent en lumière un profil de risque non-linéaire variant selon les conditions
de marché. Dans un marché stable ou en hausse, le risk arbitrage affiche un rendement de
50 bps par mois (soit 6,2% annualisé) avec un β de marché proche de 0. A contrario, au
cours des mois pendant lesquels le marché actions perd 4% ou plus, le β de marché d’un
portefeuille de risk arbitrage peut atteindre 0,5.
Pour les auteurs, ce profil de risque non-linéaire est assimilable à celui d’un portefeuille
constitué de positions vendeuses de put (option de vente). Dans la plupart des cas, en
achetant le spread de risk arbitrage, l’arbitragiste encaisse un petit profit correspondant à la
vente d’un put. Mais, dans les rares cas où l’opération échoue, ce put conduit l’émetteur à
devoir décaisser un montant plus significatif.
En conclusion de leur article, les auteurs avancent l’idée que le profit réalisé par l’arbitragiste
vient rémunérer le risque qu’il prend lorsqu’il fournit la liquidité aux actionnaires de la cible
souhaitant déboucler leur position sans attendre la fin de l’opération. Ce risque de liquidité
est d’autant plus élevé que les conditions de marché sont dégradées.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 10
À ce stade, il ressort donc que le risque d’un portefeuille de risk arbitrage n’est pas
uniquement constitué du risque spécifique lié à l’échec d’une opération, comme le voudrait la
théorie. Il faut lui adjoindre une autre composante de risque liée aux conditions de liquidité
sur le marché. Cette notion de risque de liquidité a été analysée en détail par Ferguson et al.
(2011) dans une étude intitulée « Deal Risk, Liquidity Risk, and the Profitability of Risk
Arbitrage ».
Un risque de liquidité
Selon les auteurs, l’idée que la liquidité, les profits des arbitragistes et les conditions de
marchés soient liés entre eux d’une certaine manière n’est pas nouvelle. Plusieurs études
académiques, ainsi que certains évènements récents, ont mis en lumière l’interconnexion
entre ces trois paramètres.
Shleifer et Vishny (1997) ont observé que, dans un marché fortement baissier, les hedge
funds peuvent faire l’objet de demandes de remboursements importants de la part de leurs
clients. Brunnermeier et Pedersen (2009) montrent aussi que les coûts de financement des
hedge funds (appel de marges et coût d’emprunts) peuvent augmenter sensiblement lorsque
l’environnement de marché devient plus volatile. Au total, les hedge funds sont vendeurs
d’actifs plutôt qu’acheteurs, soit pour rembourser leurs porteurs, soit pour réduire leur levier.
D’offreurs de liquidité, ils deviennent ainsi demandeurs de liquidité, précisément au moment
où leur stratégie d’investissement aurait été plus profitable pour eux.
De manière plus concrète encore, les auteurs citent un article de Wall Street Journal publié
en aout 2007 lorsque la suspension de cotation d’un fonds de BNP Paribas avait entrainé
un assèchement de la liquidité sur le marché obligataire court terme. Cet article, intitulé
« Arb Spreads Gone Wild », évoque l’explosion des décotes de risk arbitrage sur les
opérations de LBO en cours à l’époque :
« Normalement proches de 10%, ces décotes traitaient alors sur des niveaux
bien supérieurs. Sallie Mae : 100%, First Data : 75%, Clear Channel : 37%, BCE : 28%,
TXU : 26%, Harrah’s : 25%, Alltel : 22%, Hilton : 21%. »
Les auteurs avancent donc l’idée que le risque pour l’arbitragiste est la somme d’un risque
idiosyncratique lié aux opérations de M&A et d’un risque de liquidité corollaire d’un risque de
marché. Pour montrer le lien entre rendement et liquidité, ils utilisent le VIX comme proxy du
risque de liquidité en considérant qu’un VIX élevé correspond à une liquidité faible. La
conclusion de leurs travaux est double.
Premièrement, les profits réalisés par les arbitragistes sont effectivement fonction de deux
composants, le risque spécifique d’échec de l’opération et le risque de liquidité.
Deuxièmement, il existe une interaction entre le risque spécifique de l’opération et le risque
de liquidité : l’impact du risque de liquidité est faible pour une opération dont le risque
spécifique est élevé (et inversement).
Au total, le risk arbitragiste est exposé à un risque spécifique (l’échec de l’opération) et à un
risque de liquidité (l’asséchement de la liquidité) dépendant des conditions de marchés.
Pour finir, il faut également souligner que le risque d’échec de l’opération ne semble pas
lui-même purement idiosyncratique.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 11
En effet, une opération peut échouer pour des raisons qui lui sont propres comme
l’opposition des actionnaires de la cible ou le refus des autorités de la concurrence. Mais un
marché fortement baissier peut également avoir un impact sur une opération de M&A en
cours. En effet, un assèchement du marché du crédit peut amener l’acquéreur à revoir son
projet d’acquisition, et ce d’autant plus que le prix de transaction a été déterminé lorsque les
conditions de marché étaient plus favorables. Autrement dit, les conditions de marché
confèrent, dans certains cas, une dimension systémique au risque spécifique.
Risque
de
marché
Risque
de
liquidité
Risque
idiosyncratique
GRAPHIQUE 4 : les trois composantes de risques de la stratégie de risk arbitrage - Source :
OFI AM
Pour résumer, comme l’illustre le graphique 4, le risque d’un portefeuille de risk arbitrage est
composé principalement d’un risque idiosyncratique mais également d’un risque de liquidité.
Sous certaines conditions, le risque de marché peut interagir avec le risque de liquidité
comme avec le risque idiosyncratique.
Maintenant que les risques d’un portefeuille de risk arbitrage ont bien été identifiés, voyons
comment calculer le SCR Marché de cette stratégie dans le cadre de Solvabilité II.
Un SCR Marché majoré par la formule standard
Un portefeuille de risk arbitrage est généralement constitué d’actions cotées sur les grandes
places financières comme l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon et l’Australie. À l’instar
d’un portefeuille action long only traditionnel, son exposition au marché actions peut
atteindre 100% de la NAV. Une application stricte des règles de Solvabilité II aboutit donc à
un SCR compris entre 29 et 49%.
Or nous avons vu que, dans des conditions normales de marché, le risk arbitrage est une
stratégie qui présente une corrélation quasi nulle avec le marché actions. En outre, dans les
phases de fortes turbulences de marché, la corrélation reste faible comme le montre le
graphique 5 sur lequel nous avons fait figurer les pertes maximales observées sur l’indice
HFRX Risk Arbitrage et le S&P 500.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 12
2000-2002
2007-2009
Été 2011
Octobre 2014
Juillet 2015 à
aujourd'hui
0%
-1,5%
-2,8%
-10%
-9,20%
-20%
-6,4%
-0,8%
-7,2%
-12,0%
-18,6%
-30%
-40%
-50%
-60%
HFRX Risk Arbitrage
S&P 500
-49,1%
-56,8%
GRAPHIQUE 5 : pertes maximales observées sur le risk arbitrage et sur le marché actions au
cours des phases de retournement de marché - Sources : Bloomberg, OFI AM
En utilisant la volatilité comme mesure de risque, on peut mettre en évidence d’une autre
manière que le risque d’un portefeuille de risk arbitrage est de nature différente de celui d’un
portefeuille actions traditionnel.
Ainsi, depuis mars 2003, date à laquelle la fréquence de valorisation de l’indice HFRX Risk
Arbitrage devient hebdomadaire, la volatilité hebdomadaire annualisée est de l’ordre de
4,4%. Sur cette même période, l’indice S&P 500 affiche une volatilité de 17,2%, soit un
niveau 4 fois supérieur à celui de l’indice de risk arbitrage.
20%
18%
16%
14%
12%
10%
S&P 500
17,2%
8%
6%
4%
2%
HFRX Risk
Arbitrage
4,4%
0%
Volatilité
GRAPHIQUE 6 : différence de volatilité entre l’indice HFRX Risk Arbitrage et le S&P 5000 sur la
période 2003-2016 - Sources : Bloomberg, OFI AM
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 13
Au final, l’application d’un choc actions pour le calcul du SCR d’une stratégie de risk
arbitrage ignore un niveau de risque significativement inférieur au risque de marché.
L’utilisation de la formule standard conduit donc à majorer le « véritable » SCR Marché de
cette stratégie.
Afin d’estimer plus finement le SCR, on peut commencer par prendre en compte les
positions vendeuses du portefeuille de risk arbitrage correspondant aux opérations payées
en titres par l’acquéreur. En effet, on peut considérer qu’elles participent à la réduction du
risque directionnel du portefeuille. À ce titre, elles peuvent venir en réduction de l’exposition
action du portefeuille de risk arbitrage sans pour autant engendrer un risque de base non
capté par la formule standard.
En considérant qu’en moyenne deux tiers des opérations sont payées en numéraire et le
reste en titres (source MAGMA, notre base de données M&A propriétaire), un portefeuille de
risk arbitrage avec des positions acheteuses représentant 100% de la NAV aura une
exposition nette d’environ 66%. Le SCR sera donc compris dans une fourchette de 19%
(66% x 29%) à 32% (66% x 49%).
A titre d’exemple, en intégrant les positions vendeuses correspondant à la couverture de nos
arbitrages, OFI AM calcule un SCR de 20% pour notre fonds OFI Risk Arb Absolu investi à
hauteur de 80% au 31/12/2015.
Si cette approche a le mérite de réduire l’estimation du SCR, elle n’est pourtant pas
totalement satisfaisante. En effet, un portefeuille de risk arbitrage uniquement constitué
d’opérations payées en titres aurait une exposition nette nulle. Le SCR ressortirait à 0 alors
même que ce portefeuille présente le même niveau de risque intrinsèque qu’un portefeuille
entièrement constitué d’opérations payées en numéraire affichant un SCR entre 29 et 49%.
Au total, il nous semble que l’application des règles de Solvabilité II concernant les actions
ne permet pas d’apprécier les besoins réels en capitaux de la stratégie de risk arbitrage.
Essayons toutefois d’aller plus loin en réfléchissant autour des idées de perte potentielle à
horizon 1 an et de choc sur le portefeuille.
Les limites d’un raisonnement par la VaR
Tentons une autre approche du SCR de la stratégie de risk arbitrage en rappelant que
Solvabilité II définit le SCR comme les fonds propres nécessaires à l’assureur pour faire face
à ses engagements à horizon 1 an avec un intervalle de confiance de 99,5%. Dit autrement,
il s’agit de la VaR 1 an 99,5%.
La Value at Risk ou VaR est souvent considérée comme une bonne mesure du risque global
d’un portefeuille. Cette méthode repose sur l’application à un portefeuille donné et fixe sur
l’horizon considéré d’une série récente de facteurs de risque, en faisant l’hypothèse que cet
historique passé peut s’appliquer au futur proche.
Malheureusement, cette approche traditionnelle de la VaR ne convient pas pour un
portefeuille de risk arbitrage pour trois raisons.
Premièrement, lorsqu’une entreprise cotée fait l’objet d’une offre de rachat, le régime de
volatilité de son action diminue fortement après l’annonce officielle de l’opération. Avant
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 14
l’annonce, l’action réplique en effet les variations du marché avec plus ou moins d’amplitude
en fonction de son β. Mais après, les mouvements de l’action seront dictés par les nouvelles
spécifiques concernant directement l’opération, ce qui se traduit généralement par des
variations beaucoup plus faibles que celles du marché. Le graphique 1 illustrait bien cette
différence de volatilité. Pour le risk arbitrage, l’historique de volatilité n’est donc pas un bon
guide pour le futur.
Deuxièmement, l’historique récent utilisé dans le calcul de la VaR est également perturbé
par les conséquences mêmes de l’annonce de l’opération. En effet, le jour de l’annonce, le
titre de la cible connait une très forte progression proportionnelle à la prime d’acquisition
payée par l’acheteur. Ce saut de prix augmente artificiellement la mesure de risque de la
VaR.
Troisièmement, dans le cas d’un horizon de risque supérieur à la durée moyenne d’une
opération, on ne peut pas considérer que la composition du portefeuille reste fixe. C’est le
cas, par exemple, si l’on voulait calculer une VaR sur un horizon de risque de 1 an pour un
portefeuille de risk arbitrage qui tourne tous les trimestres.
Pour remédier à ces problèmes, des modèles de VaR ont été élaborés spécifiquement
pour le risk arbitrage. Chez OFI AM, nous utilisons celui développé par RiskMetrics qui
repose sur les hypothèses suivantes :
• la VaR est calculée à partir de la série de P&L générée par des simulations de Monte Carlo
• les opérations sont considérées comme indépendantes les unes des autres
• pour chaque opération, la date effective de la fin de l’offre est simulée selon une loi de Weibull
• la date de fin ainsi simulée est comparée à l’horizon de risque pour déterminer
si l’opération est toujours active
• si l’opération est toujours active, un P&L est calculé par simulation sur le spread
de risk arbitrage
• si l’opération est terminée, une loi de Bernoulli simule le résultat de l’opération (échec
ou réussite) en utilisant la probabilité de réussite contenue implicitement dans l’historique
du spread. En cas d’échec, un P&L négatif est calculé en faisant revenir le cours
de la cible vers le prix avant l’offre grâce à un processus à saut (loi exponentielle).
En cas de réussite, un P&L positif est calculé en faisant converger le cours de la cible
vers le prix de l’offre.
• notre horizon de risque est en général court (5 jours) afin de gagner en précision de calcul.
Ce modèle reste une approximation de la mesure du risque du portefeuille car il repose sur
un certain nombre d’hypothèses sujettes éventuellement à discussion comme les lois de
distribution des P&L. Pour autant, il a le mérite de s’affranchir du saut de volatilité le jour de
l’annonce et de bien prendre en compte le changement de régime de volatilité du cours de la
cible après l’annonce.
L’horizon de risque de la VaR pour Solvabilité II est de 1 an. Il serait illusoire d’utiliser notre
modèle de VaR avec un horizon de risque de 1 an dans la mesure où notre portefeuille n’est
pas stable sur une période aussi longue. Afin de s’aligner sur la duration moyenne des
opérations en portefeuille, nous avons retenu un horizon de risque de 3 mois pour notre
simulation.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 15
Appliqué à notre portefeuille de janvier 2016, le modèle de RiskMetrics nous donne une VaR
99.5% 3 mois entre 5,8 et 6,4%. À cette date, notre portefeuille était exposé à 70% à la
stratégie de risk arbitrage, c’est-à-dire que la somme des positions acheteuses était égale à
70%. Pour un portefeuille exposé à 100%, la VaR serait donc comprise entre 8,3 et 9,1%.
Même si son horizon de risque est inférieur à 1 an, nous pensons que cette VaR 99,5%
3 mois est une assez bonne mesure du risque de notre portefeuille estimée dans l’esprit de
Solvabilité II.
Pour compléter cette approche par la VaR qui présente certaines limites, essayons de
revenir à l’idée initiale de choc sur le portefeuille.
Une estimation du SCR dans l’esprit de Solvabilité II
Pour calculer le SCR Actions, Solvabilité II recommande d’appliquer un choc au portefeuille
considéré afin de déterminer la perte maximale potentielle. Ce choc est matérialisé par une
violente baisse du marché impactant toutes les positions du portefeuille. Nous avons vu que
cette méthode n’apparaissait pas pertinente pour la stratégie de risk arbitrage mais
conservons cependant l’idée de choc sur le portefeuille.
Pour un portefeuille de risk arbitrage, nous avons vu que le risque présentait à la fois une
composante idiosyncratique provenant de l’échec potentiel des opérations et une
composante systémique liée à la liquidité sur les marchés. Nous allons donc considérer
qu’un choc de risk arbitrage est le résultat de conditions extrêmes de marché se
matérialisant sur les deux paramètres clés de la stratégie que sont :
1. le taux d’échec
2. le couple risque/rendement
S’agissant du taux d’échec, nous avons utilisé les données extraites de notre base
propriétaire MAGMA sur les opérations de M&A annoncées en Amérique du Nord depuis
1998 à nos jours.
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
Q1
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
GRAPHIQUE 7 : taux d’échec trimestriel des opérations de M&A en Amérique du Nord depuis
1998 - Source : OFI AM
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 16
Sur le graphique 7, on observe d’abord que le taux d’échec n’est pas constant dans le temps
comme on pourrait l’imaginer si le risque d’échec était purement idiosyncratique. Au
contraire, on note que les échecs ont tendance à s’accumuler sur les périodes 2001-2003 et
2007-2009 correspondant à des phases de retournement majeur pour les marchés. La crise
de liquidité de 2008 consécutive aux faillites de Bear Stearns et de Lehman Brothers a bien
eu une incidence notable sur les opérations de M&A en cours, ce qui illustre, une nouvelle
fois, l’influence que peuvent avoir les conditions de marché sur le risque de liquidité et le
risque spécifique de la stratégie de risk arbitrage.
Ensuite, ce graphique nous permet de visualiser ce que pourrait être un choc majeur pour la
stratégie de risk arbitrage. Pour rappel, le seuil de confiance préconisé par Solvabilité II est
de 99,5%, ce qui nous invite à retenir un scénario très pessimiste pour quantifier ce choc.
Pour les actions, Solvabilité II retient un choc d’une amplitude maximale de 49%, soit
approximativement la baisse enregistrée sur le S&P 500 au cours du dernier krach boursier
entre octobre 2007 et mars 2009. Sur cette période, comme le montre le graphique, la
stratégie de risk arbitrage a connu une phase de stress intense avec un taux d’échec
atteignant un point haut à 30% pour s’établir à 16% en moyenne. Les gérants qui ont connu
cette période savent que la crise de liquidité de 2008 s’est révélée être un cygne noir 1 pour
la plupart des stratégies d’investissement dont le risk arbitrage.
Pour ces raisons, nous avons considéré qu’un taux d’échec de 20%, supérieur à la moyenne
de 16% observée sur la période 2007-2009, sur 4 trimestres consécutifs était un choc
pertinent au sens de Solvabilité II.
En ce qui concerne le couple risque/rendement dans un contexte de marché très dégradé,
nous avons fait les hypothèses suivantes :
• Une position perdante (i.e. une opération qui échoue) occasionne une perte de 39% pour
l’arbitragiste. Nous avons retenu ce niveau car il correspond à la perte moyenne observée
sur les opérations qui ont échoué en 2008. A noter que ce niveau de 39% est
significativement supérieur à la moyenne historique de 25% calculée sur longue période.
• Une position gagnante (i.e. une opération finalisée selon les termes ou avec des termes
améliorés dans le cadre de surenchères) dégage un rendement de 6%. Là encore, il s’agit
de la moyenne constatée au cours de la période de stress de marché de 2008. A noter
que ce rendement est supérieur à la moyenne historique de 4%, ce qui est logique car il
vient en contrepartie d’un risque accru.
Appliquons maintenant ce choc à un portefeuille de risk arbitrage présentant les
caractéristiques suivantes :
• Un poids moyen par position 3.3%. Dans un sondage réalisé par Moore et al. (2006) auprès de
21 risk arbitragistes, il ressort que le portefeuille standard est constitué de 20 à 100 positions
avec une médiane à 30, ce qui donne une pondération moyenne de 3,3% par ligne.
• Une duration de 3 mois correspondant à la durée moyenne observée d’une opération de
M&A.
1
Pour Nicholas Nassim Taleb, un cygne noir est évènement dont la probabilité d’occurrence est faible mais dont
les conséquences ont une portée considérable et exceptionnelle.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 17
Notre portefeuille type sera donc construit de manière équipondérée avec des opérations
d’une durée de 3 mois. Après annualisation de la performance trimestrielle de ce portefeuille,
nous obtiendrons la perte potentielle sur un horizon de risque identique à celui préconisé par
Solvabilité II.
Le tableau 1 détaille le calcul du rendement annualisé d’un portefeuille standard soumis au
choc mentionné ci-dessus, à savoir un taux d’échec de 20% chaque trimestre pendant un
an. Il ressort que la perte occasionnée par ce choc s’établit à environ -11%.
COMPOSITION DU PORTEFEUILLE
30
Nombre de positions
3,33 %
Poids par position
20 %
Taux d'échec
Nombre de positions gagnantes
24
Nombre de positions perdantes
6
RENDEMENT POTENTIEL PAR POSITION
Position gagnante
6,0 %
Position perdante
-39,0 %
P&L DU PORTEFEUILLE
Profit réalisé sur les positions gagnantes
4,8 %
Perte réalisée sur les positions perdantes
-7,8 %
P&L du portefeuille sur 1 trimestre
- 3,0 %
3
Durée de vie du portefeuille en mois
P&L DU PORTEFEUILLE ANNUALISÉ
-11,5 %
TABLEAU 1 : détails du calcul d’un choc appliqué à un portefeuille de risk arbitrage dans
l’esprit de Solvabilité II - Sources : Bloomberg, OFI AM
Au final, notre estimation du SCR Marché du Risk Arbitrage calculé dans l’esprit de
Solvabilité II est de l’ordre de 11%. Nous pensons que cette estimation est assez cohérente
avec l’approche empirique développée plus haut reposant sur l’observation de la perte
maximale de l’indice HFRX Risk Arbitrage depuis sa création en 1998. Au cours de la
période de l’assèchement de la liquidité sur les marchés de capitaux de 2008 à 2009, cet
indice a en effet connu une perte maximale similaire de 9,2%.
Le tableau 2 résume les résultats obtenus avec les différentes méthodes que nous avons
utilisées afin d’estimer le SCR de la stratégie de risk arbitrage.
MÉTHODE
DÉTAILS
Perte maximale observée
sur l’indice HFRX Risk Arbitrage
Historique de 18 années incluant
la période de crise de 2008-2009
Calcul de la VaR 99,5% 3 mois
Modèle RiskMetrics
Choc appliqué à un portefeuille
type de risk arbitrage
Taux d’échec de 20%
sur 4 trimestres consécutifs
ESTIMATION DU SCR
9,2 %
Entre 8,3 et 9,1 %
11,5 %
TABLEAU 2 : synthèse des méthodes utilisées pour l’estimation du SCR de la stratégie de risk
arbitrage - Source : OFI AM
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 18
Pour finir, nous avons voulu confronter ces résultats théoriques à notre propre expérience
de gestion. Depuis mars 2004, nous gérons un fonds d’arbitrage de fusions & acquisitions,
OFI Risk Arb Absolu. Il est important de noter que notre processus de gestion a quelque peu
changé depuis le lancement. En effet, jusqu’en 2009, le fonds pouvait être investi à hauteur
de 20% en event-driven. Pour autant, nous pensons que l’historique de performance de ce
fonds est un bon indicateur du couple risque / rendement de la stratégie de risk arbitrage sur
une période couvrant 2 cycles de M&A. Sur le graphique 8, nous avons représenté la
distribution des rendements sur 12 mois glissants calculés toutes les semaines.
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
-11,5% -9,5%
-7,5%
-5,5%
-3,5%
-1,5%
0,5%
2,5%
4,5%
6,5%
8,5%
GRAPHIQUE 8 : distribution des rendements sur 12 mois glissants calculés toutes les
semaines du fonds OFI Risk Arb Absolu depuis 2004 - Source : OFI AM
Sur la queue de distribution à gauche, nous avons identifié en rouge les 3 rendements, sur
un total de 572, correspondant au seuil de confiance à 99.5%, ce qui fait ressortir une VaR 1
an 99,5% autour de 10,5%. Cette approche surestime probablement la VaR d’un fonds de
risk arbitrage pur dans la mesure où les 3 rendements extrêmes correspondent à la crise de
2008 au cours de laquelle une partie du fonds était investie en event-driven. Néanmoins, on
retrouve l’ordre de grandeur de 11%, ce qui conforte notre approche théorique.
En conclusion, nous estimons que le besoin en capital de la stratégie de risk arbitrage
se situe dans la fourchette 8-11%, à comparer à un niveau de 29-49% obtenu en
application des règles de Solvabilité II.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 19
Conclusion
L’arbitrage de fusions et acquisitions annoncées est une stratégie d’investissement avec une
faible volatilité dont la principale caractéristique est d’être faiblement corrélé au marché
actions.
Dans le cadre de Solvabilité II, cette stratégie se voit pourtant attribuer un SCR Marché
compris entre 29 et 49% car elle est considérée au même titre qu’un portefeuille action long
only. Cette approche ne reflète cependant pas les réels risques inhérents au risk arbitrage
(risque d’échec et risque de liquidité) qui sont bien inférieurs au risque de marché des
actions.
Sans vouloir remettre en question ce mode de calcul qui devra être mis en œuvre par les
assureurs dès 2016, nous avons voulu estimer plus justement le besoin en capital du risk
arbitrage compte tenu des risques spécifiques de cette stratégie, et ce tout en restant dans
l’esprit de Solvabilité II.
Afin d’accompagner les entreprises dans leur exercice ORSA (Own Risk and Solvency
Assessment), nous avons utilisé 3 méthodes : perte maximale observée sur un indice de risk
arbitrage, VaR et choc appliqué au portefeuille. Il ressort que, selon nous, le SCR Marché
de la stratégie se situe dans une fourchette 8-11%.
Dans leur allocation d’actifs, il est probable que les assureurs n’utilisent finalement le SCR
que comme un critère parmi d’autres. Mais, avec un SCR un peu pénalisant, la stratégie de
risk arbitrage pourrait se retrouver à l’écart de cette allocation alors même qu’elle présente
l’avantage majeur d’être largement décorrélée. Avec notre propre estimation du SCR, nous
avons donc voulu montrer que le risk arbitrage avait pleinement sa place dans l’allocation
stratégique des assureurs dans le cadre de Solvabilité II.
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 20
Bibliographie
Mark Mitchell and Todd Pulvino, Characteristics of Risk and Return in Risk Arbitrage,
Journal of Finance, 2000
Charles Cao, Bradley A. Goldie, Bing Liang and Lubomir Petrask,
What Is the Nature of Hedge Fund Manager Skills ?
Evidence from the Risk Arbitrage Strategy, 2014
Michael F. Ferguson, Diana Wei, Doina Chichernea, Deal Risk, Liquidity Risk,
and the Profitability of Risk Arbitrage, 2011
Philippe Jorion, Risk Management for Event-Driven Funds, 2007
John Paulson, The “Risk” in Risk Arbitrage, Managing Hedge Fund Risk, 2005
OFI Asset Management et l’Agefi, Solvabilité II, la dernière ligne droite, 2014
Solvabilité II : quel besoin en capital pour la stratégie de risk arbitrage ? - OFI ASSET MANAGEMENT - 21
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