Définir le terrorisme

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Définir le terrorisme
DEFINIR LE TERRORISME
Francis SZPINER
Avocat au Barreau de Paris
Professeur à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales
Chacun peut appréhender en termes de peur et de souffrance ce
qu’est le terrorisme.
L’assassinat, ciblé ou aveugle, la destruction de bâtiments habités
ou non, les détournements ou les destructions d’avions sont des
crimes qui existent bien en tant que tels dans le Code pénal.
Mais ce qui donne une autre dimension à ces crimes, c’est leur
mobile. Il s’agit de défier l’Etat, de le soumettre à un chantage, de
lui faire peur, au nom d’une vision politique de la société. Il s’agit
là indiscutablement de critères subjectifs, c’est-à-dire de l’analyse
des mobiles, et c’est précisément parce que ce critère est
subjectif que la communauté des nations a porté plus d’intérêt
aux prétendues causes de ces combats et a refusé de légiférer,
justifiant même parfois le recours à la violence.
Peut-on définir juridiquement un crime sur la base d’un critère non
objectif. Le mobile peut-il définir le crime ?
Le droit français a apporté une réponse en définissant le
terrorisme comme : « une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par
l’intimidation ou la terreur ».
Cette définition s’est révélée un outil efficace dans la lutte contre
le terrorisme interne. Combinée aux dispositions de la loi
française qui permet la répression des crimes commis à l’étranger
par des étrangers contre des ressortissants français, elle a permis
à la France d’enquêter sur des actes terroristes conçus et pensés
hors de nos frontières.
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L’affaire de l’attentat contre le DC 10 de la compagnie U.T.A. en
est la démonstration. Mais il est aussi l’exemple de la limite du
droit national face au terrorisme. La décision, contestable au
demeurant, de la Cour de cassation, d’accorder à un chef d’Etat
étranger une immunité, en est l’illustration.
Le combat contre le terrorisme ne peut, pour être efficace, que
s’inscrire dans une norme internationale. Le terrorisme bénéficie
trop souvent du soutien financier ou logistique d’Etats quand
ceux-ci ne sont pas les donneurs d’ordres ou les exécutants.
Ces actes, lorsqu’ils bénéficient de la complicité active ou
tolérante de l’appareil d’Etat au niveau le plus élevé, ne peuvent
être réprimés par le seul droit national.
Faute de convention internationale prévoyant la fin des immunités
en matière de terrorisme, l’impunité de fait existe.
Les travaux préparatoires de la cour pénale internationale n’ont
pas retenu le terrorisme parmi les infractions que la cour a
compétence à réprimer.
La tentation de faire entrer les attentats du 11 septembre dans
l’incrimination de crime contre l’humanité est un pis aller. Elle est
juridiquement contestable ; elle ne serait, de surcroît, qu’une
réponse isolée qui ne réglerait pas la question. L’ampleur du
crime ne saurait constituer un élément de définition juridique.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la Cour pénale
internationale, à ce jour juridiction virtuelle, n’aura qu’une
compétence complémentaire par rapport aux justices nationales.
L’urgence n’est donc pas de trouver une juridiction, l’urgence est
de définir une incrimination qui d’une part s’impose à tous les
Etats qui devront juger, arrêter ou extrader les auteurs de ces
crimes, et d’autre part mettre fin aux immunités des chefs d’Etats
et de gouvernement.
La Convention devrait reprendre l’article 27 du Statut de la cour
pénale internationale qui abolit toute immunité pour les chefs
d’Etat ou de gouvernement.
Il existe aujourd’hui deux types de situation :
- le terrorisme qui frappe les nations où règne la paix civile,
- le terrorisme qui frappe les nations dans des situations de
conflit armé.
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C’est pourquoi la définition retenue par le droit français du
terrorisme doit être élargie à ce deuxième cas de figure.
Dans le nécessaire débat qui s’engage sur la définition d’une
norme internationale du terrorisme, nous proposons que soit
retenue la définition suivante :
« Tout meurtre, acte de torture ou de barbarie, prise d’otages,
destruction d’édifices habités ou servant à l’habitation,
détournement d’aéronefs commis individuellement ou
collectivement dans le but de troubler gravement la paix
publique par l’intimidation ou la terreur est un acte de
terrorisme. Quand ces actes ont eu lieu dans une situation de
conflit armé, s’ils visent des personnes civiles, ils
constituent un acte de terrorisme. Toute personne qui fournit
aide et assistance à la commission de ces crimes est
complice du crime d’acte de terrorisme ».
Cette définition devra être insérée dans une convention faisant
obligation à tous les Etats de coopérer, d’arrêter, juger et extrader
les auteurs de ces crimes en retenant le principe de l’article 27 de
la Cour pénale internationale excluant toute pertinence de la
qualité officielle.
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