Logement social: quel rôle pour l`Union européenne?

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Logement social: quel rôle pour l`Union européenne?
La 1ère vice-Présidente
UNION EUROPEENNE
Comité des Régions
Intervention de Mercedes BRESSO, 1ère vice-Présidente
du Comité des Régions
Conférence sur "Logement social: quel rôle pour
l'Union européenne?"
24 juin 2013
Comité économique et social européen, Bruxelles
Seul le discours prononcé fait foi
Monsieur le Commissaire, chers collègues du Comité Economique et
Social Européen, Mesdames, Messieurs,
Même si le logement relève de l'immobilier, le sujet est actuellement très
"mobilier" partout en Europe en ce sens que les développements sur le
sujet sont très nombreux.
Aux niveaux nationaux j’en donnerai quelques exemples avec les effets
de la crise notamment en Grèce, où les décisions de la troïka remettent
en cause le finnacement mutualiste du logement social, ou en Espagne,
où, suite à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, une
nouvelle loi sur le crédit hypothécaire vient d'être adoptée pour stopper
l'inflation des expulsions;
- en France où une nouvelle loi (la loi Duflot) sur le logement avec un
encadrement des loyers est en cours de préparation et où le Parti
Socialiste vient sur base d'un amendement introduit par un membre du
Comité des régions (Christophe Rouillon) d'intégrer dans son programme
européen la revendication d'un agenda européen du logement social;
- en Allemagne où la question des loyers est un des sujets de fond les
plus âprement discutés dans la campagne électorale en vue des
législatives du 22 septembre prochain et où les maires des 5 plus
grandes villes (Berlin, Hambourg, Munich, Cologne, Francfort – tous
sociaux-démocrates) ont exigé que les moyens fédéraux pour le
logement social soient augmentés d'1 milliard €;
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- en Italie en lien avec les promesses fiscales virtuelles de M. Berlusconi.
Au niveau européen par contre, le logement n'est toujours pas abordé
"de face", il n'est toujours pas abordé comme un sujet mais comme un
objet. Il reste un objet indirect à la croisée de nombreuses politiques
européennes plutôt qu'une réelle priorité.
Certes, la Commission a confirmé l'année dernière l'exemption du
logement social de la notification des aides d'Etat.
Certes, la Cour de Justice a cassé dans son arrêt de mai 2013 « Wonen
in eigen streek » / « Habiter dans sa propre région » la limitation
envisagée par le gouvernement flamand de l'accès au logement à des
"locaux".
Certes, la prochaine génération de fonds structurels permettra de
continuer à financer des mesures d'efficacité énergétique dans le
logement social sachant que, à titre d’exemple pour la seule France, le
FEDER a permis dans l'actuelle période de programmation de générer
1.1 milliards d'€ d'investissements de rénovation énergétique dans le
logement.
Pour autant, il n'existe pas l'ombre d'une coordination ou d'une
approche holistique des questions de logement au niveau de l'Union
Européenne.
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Alors oui, il y a cette feuille de vigne de l’absence de compétence
explicite de l’Union Européenne en matière de logement social. Cette
absence de compétence explicite qui aux yeux de certains justifie que
l’on invoque immédiatement le principe de subsidiarité.
Vous savez que le Comité des régions se comprend comme le gardien
du principe de subsidiarité. Et bien l’exemple du logement social montre
que le principe de subsidiarité ne peut pas se limiter à une lecture
juridique rigide en termes de compétences.
Pour éviter que le principe de subsidiarité se trouve en opposition avec
les principes de la gouvernance à multi-niveaux, nous devons
probablement avoir une lecture plus flexible et dynamique du principe
de subsidiarité et ne pas s’en tenir à la seule étiquette des compétences
mais bien voir l’exercice réel des compétences.
En l’occurrence, il ne sert à rien de nier que l’Union Européenne produit
des effets normatifs en matière de logement social.
Il vaut donc mieux prendre le taureau par les cornes et au lieu d’avoir
des effets normatifs disparates et désordonnés, autant essayer de
coordonner les mesures de l’Union Européenne et des Etats membres
qui produisent un impact sur le logement social.
C’est cette approche que le Comité des régions défend depuis l’automne
2011 en réclamant un agenda du logement social. C’est en quelque
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sorte la résurgence de la méthode ouverte de coordination que nous
réclamons.
Bien entendu avec l’exacerbation de la crise cette revendication a gagné
en légitimité.
Dans l'Union européenne où quelque 44 millions de citoyens sont
confrontés au risque de pauvreté et où le logement représente souvent
plus de 40 % des dépenses des ménages, l'accès au logement ne
devrait pas seulement constituer un objectif téléologique, mais aussi une
priorité de la politique économique et sociale de l'Union européenne et
des États membres à part entière.
Mais au-delà de la crise, l’accès au logement relève aussi des droits
fondamentaux. Il constitue un droit fondamental et est également
reconnu comme tel par la Charte sociale européenne et certaines
constitutions nationales. Sa reconnaissance est explicite dans l'article 34
de la Charte des droits fondamentaux dispose ce qui suit: "Afin de lutter
contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le
droit (…) à une aide au logement destinée à assurer une existence digne
à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes (…)."
Il y a donc un impératif social, économique et juridique à ce que l’Union
Européenne s’empare positivement du sujet du logement social.
Après l’adoption en octobre 2011 par la session plénière du CdR de l’avis
sur la mise en place d'un agenda européen sur le logement social
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présenté par Alain Hutchinson, ancien Secrétaire d' Etat au logement de
la région de Bruxelles-Capitale, le CdR s’est joint à d'autres acteurs tels
que le CECODHAS pour que les institutions européennes s'emparent du
sujet. L’adoption au Parlement Européen le 11 juin dernier du rapport de
Karima Delli (Verts/FR) sur ce sujet, rapport totalement convergent avec
nos positions, est une première victoire d’étape.
Nous ne souhaitons pas pour autant en rester là.
C'est pourquoi nous avons élaboré en mai 2013 en concertation avec
l'Union Internationale des Locataires (International Tenants' Union),
organisation reconnue par les Nations Unies, une pétition ouverte à la
signature d'élus territoriaux pour continuer la mobilisation et réclamer
que l'Union Européenne adopte une démarche pro-active et constructive
sur le logement social plutôt que de toujours l'aborder par défaut. Cette
pétition a été à présent co-signée par quelques 220 élus de villes et de
régions de toute l'Europe.
Cette mobilisation a bien entendu en ligne de mire les prochaines
élections européennes.
C’est pourquoi j’invite ceux d’entre vous qui sont actifs dans des partis
politiques à porter la revendication d’une approche européenne des
politiques de logement ce qui signifie par exemple aussi que le logement
devienne
un
portefeuille
clairement
identifié
dans
la
prochaine
Commission Européenne. Je reviens pour ma part du Conseil du Parti
Socialiste Européen qui s’est tenu ce week-end à Sofia et je peux vous
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annoncer que, grâce à des amendements portés par les élus du Comité
des régions, cette revendication a fait son entrée dans le programme
fondamental du PSE.
Mais avant l’emballement politique des élections européennes, j’ai en
guise de conclusion trois suggestions concrètes à plus court terme à faire
au Commissaire Andor de façon à lui permettre d’entrer dans l’histoire de
l’intégration européenne comme le premier Commissaire au logement.

Je
lui
suggère
tout
d’abord
de
commanditer
un
sondage
Eurobaromètre pour mesurer l’intérêt citoyen sur ce sujet et mieux cibler
les inquiétudes et les attentes en la matière.
 Comme le lui ont demandé le Comité des régions mais également le
Parlement Européen dans le rapport de Marianne Thyssen (PPE/BE), je
lui suggère ensuite de proposer un pacte d’investissement social qui sur
le modèle de l’Europacte plus fixerait à l’attention des Etats-membres
des objectifs contraignants en matière d’investissements sociaux.
 Et enfin, je lui suggère qu’il initie au niveau de la Commission des
propositions pour une meilleure prise en compte de la qualité des
investissements publics. Concrètement, il s’agit de distinguer clairement
dans le calcul des déficits budgétaires les dépenses courantes des
investissements publics ; et au sein de la catégorie des investissements
publics de donner une attention particulière aux effets de levier à plus
long terme en matière d’emplois et de transformation écologique. Suivez
mon regard : vous savez bien entendu quel est le domaine qui se
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distingue tout particulièrement pour ses retombées en matière d’emploi
et d’environnement.
Je vous remercie de votre attention.
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Annexe: Texte de la Pétition d'élus locaux et régionaux d'Europe
pour un cadre d'action européen pour le logement social
http://www.avaaz.org/en/petition/For_a_European_social_housing_actio
n_framework/?eNXnGeb
1. Nous, élus locaux et régionaux d'Europe, invitons l'Union européenne
à définir un cadre d'action européen pour le logement social afin
d'assurer une cohérence avec les droits consacrés notamment dans la
Charte européenne des droits fondamentaux et entre les différents
instruments de la politique de l'UE ayant des répercussions sur les
politiques du logement (les aides d'Etat, les fonds structurels, la politique
énergétique, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la politique
pour la santé);
2. Nous prions instamment l'Union européenne de respecter les
dispositions pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne (article 14 et protocole n°26), en vertu desquelles les
pouvoirs publics sont libres de déterminer l'organisation et le
financement de leur secteur dédié au logement social ainsi que les types
de ménages qui y sont éligibles.
3. Le logement social abordable est un pilier central de la cohésion
sociale et de la justice et ne devrait pas se limiter uniquement aux
besoins de groupes défavorisés. L'accès à la location de logements
sociaux abordables doit être possible pour une large part de la
population afin d'éviter toute exclusion sociale et spatiale ainsi que toute
ségrégation et favoriser la mixité sociale.
4. Les Etats membres et les autorités locales et régionales doivent
garantir la sécurité des tenures et des loyers équitables en mettant en
œuvre la location sociale et en prévoyant un encadrement légiférant des
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loyers. Les Etats membres et les autorités locales et régionales doivent
soutenir les options de logements abordables comme l'offre de
logements locatifs et coopératifs. Un quota minimum de logements
locatifs sociaux devrait être disponible dans les zones à forte densité de
population et dans les régions à taux de migration élevée.
5. Nous soulignons que le secteur du logement (et le secteur du
logement social en particulier) joue un rôle économique contracyclique
en réduisant la dépendance énergétique et en apportant un soutien aux
secteurs du bâtiment et de la rénovation et, par conséquent, à un emploi
local durable qui ne peut être délocalisé.
6. Nous estimons que les investissements dans le logement social
devraient être considérés non pas comme une dépense mais comme un
investissement productif portant ses fruits sur le long terme grâce à une
amélioration de la santé et du bien-être social, l'accès au marché du
travail, l'autonomisation des personnes et la réalisation d'économies
d'énergie. En termes de dépenses publiques de qualité, l'investissement
dans le logement social devrait donc être soustrait aux calculs relatifs à
l'objectif de déficit budgétaire de 3%.
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